jeudi, 30 avril 2009
Après après-demain, dans cent ans et plus...
"Je suis amoureux de la peinture depuis que j'ai pris conscience de son existence, à l'âge de six ans. J'ai fait quelques tableaux que je croyais très bons quand j'ai eu cinquante ans, mais rien de ce que j'ai fait avant l'âge de soixante-dix ans n'avait aucune valeur. A soixante-treize ans j'ai fini par saisir tous les aspects de la nature : oiseaux, poissons, animaux, arbres, herbe, tout. Quand j'aurai quatre-vingts ans j'irai encore plus loin et je posséderai vraiment les secrets de l'art à quatre-vingt dix. Quand j'atteindrai cent ans mon art sera vraiment sublime, et mon but ultime sera atteint aux environs de cent dix ans, lorsque chaque trait et chaque point que je tracerai seront imprégnés de vie."
HOKUSAÏ (1760-1849) "Le vieillard fou de son Art" (Postface aux "Cent vues du Mont Fuji)
En septembre 2008, je vous avais promis une suite au billet célèbrant brièvement HOKUSAÏ : "le Poète fou de peinture" (Voir ICI) ou "Vieillard fou de son art" ou encore "Vieux, fou de dessin". Vous verrez, plus loin, que les traductions de ce texte très connu ne manquent pas... Dans un premier temps, j'avais plutôt le projet de tenir ma promesse autour du printemps 2098 (procrastiniotat oblige) avec, peut être une suite, plus affinée au cours de l'année 3008, mais vues les circonstances inquiétantes (ce soir, de niveau 5), je me dépêche (vite ! vite ! vite!) de vous livrer ce petit brouillon du 30 Avril 2009, tout autant qu'un extrait de promesse, (c'est ce que vous voyez sur la photo l'arbre à promesses en train de naître), sachant que tout cela ne demande qu'à traverser deux ou trois siècles pour toucher ne serait-ce qu'une infime seconde de félicité.
HOKUSAÏ KATSUSHIKA ou HOKUSAÏ, (comme chacun sait), fût probablement le meilleur peintre et dessinateur japonais de sa génération, celui dont la renommée traversa les continents. L'artiste croqua la vie, l'éternité, l'espace, les choses, les relations des hommes à la nature et plus encore... Il fût aussi graveur, auteur de récits populaires japonais et peintre spécialiste de l'Ukiyo-e qui est un terme japonais désignant le monde flottant. Un terme appliqué durant l'époque d'EDO (1605, 1868), qui désignait l'estampe et la peinture populaire narrative. Ce genre, d'abord considéré comme vulgaire par sa représentation de scènes quotidiennes (voir ICI) connût un grand succès en occident après l'ouverture forcée du Japon sur le monde extérieur en 1868. Paradoxalement HOKUSAÏ, qui était pourtant un artiste du peuple, mourût presque ignoré, sinon méprisé de la classe aristocratique. En Europe il fascina de nombreux artistes, dont GAUGUIN, VAN GOGH et CLAUDE MONET. Ce qui engendra un courant artistique appelé "LE JAPONISME". Le peintre HOKUSAÏ signa parfois ses oeuvres (à partir de 1800) par la formule "Gakyôjin" = "le fou de dessin"...
Et pour comparer un peu les manières de traduire cette "postface aux cent vues du Mont Fuji", ou sublime projet de vie artistique bien remplie ; je vous propose une autre mouture du même texte, bouclant la boucle d'une promesse dont je me demande si elle ne trouverait pas matière à se prolonger d'ici quinze à trente ans voire peut être plus tôt... (Quinze à trente jours ??? Je n'ose telle imprudence ...) Enfin vous verrez bien. D'abord bouclons la boucle. La première version ci-dessus est elle même citée par HENRY MILLER au tout début du livre "Big Sur et les oranges de Jérome BOSCH" succédant à deux autres citations l'une de THOREAU, l'autre de PICASSO. Celle qui suit, je ne saurai plus vous dire dans quel livre je l'ai trouvée, mais elle me paraît moins limpide, plus emberlificotée. A vous de voir... Les mêmes propos dans un tout autre style. donc d'un tout autre effet. Est ce qu'une même matière de réflexion autrement dite, produit une autre réflexion ? (that is the big question) :
"Depuis l’âge de six ans, j’avais la manie de dessiner les formes des objets. Vers l’âge de cinquante, j’ai publié une infinité de dessins ; mais je suis mécontent de tout ce que j’ai produit avant l’âge de soixante-dix ans. C’est à l’âge de soixante-treize ans que j’ai compris à peu près la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons, des plantes, etc. Par conséquent, à l’âge de quatre-vingts ans, j’aurai fait beaucoup de progrès, j’arriverai au fond des choses ; à cent, je serai décidément parvenu à un état supérieur, indéfinissable, et à l’âge de cent dix, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant." (Ecrit, à l’âge de soixante-quinze ans, par moi, autrefois Hokusai, aujourd’hui Gakyo Rojin, le vieillard fou de dessin".)
Photo : L'arbre à promesses en ce jardin ... Attendez un peu qu'il fleurisse. Vous allez voir ce que vous allez voir ! Avril 2009. © Frb.
23:53 Publié dans A tribute to, Arts visuels, Balades, Ciels, De visu, Mémoire collective | Lien permanent
Commentaires
C'est un texte qui donne envie d'avancer en âge...
Connais-tu ce magnifique album de François Place Le vieux fou de dessin?
http://www.amazon.fr/gp/product/images/2070548422/ref=dp_image_0?ie=UTF8&n=301061&s=books
C'est un petit chef d'oeuvre...
Écrit par : la bacchante | vendredi, 01 mai 2009
mon but ultime sera atteint aux environs de cent dix ans, lorsque chaque trait et chaque point que je tracerai seront imprégnés de vie.
en echo , ces propos sur la peinture de Shitao "le moine citrouille-amère" :
"c'est la receptivité qui précède la connaissance (...) le plus important est de savoir vénérer"
Écrit par : hozan kebo | vendredi, 01 mai 2009
Merci Frasby pour ce billet magnifique.
Et je suis d'accord avec Béatrice Added dite La Bacchante, l'album de François Place "Le vieux fou de dessin" est comme tout ce qu'il fait,(Atlas des Géographes d'Orbae etc.), remarquable.
Écrit par : michèle pambrun | vendredi, 01 mai 2009
@La bacchante: Mais oui ! tout à fait , c'est assez rare pour être souligné : ce sens que donne HOKUSAÏ au travail du temps sur l'homme ou plutôt au fait, que les 2 puissent travailler de concert, est vraiment admirable-le contraire de cette citation (désespérante ;-( de GEORGES PERROS : "J'avance en âge et vraiment je recule en toute autre chose"...
J'ai entendu beaucoup parler de FRANCOIS PLACE en des termes toujours élogieux et si je connais quelques planches, que je trouve déjà très belles, je n'ai pas encore eu le plaisir de découvrir ses ouvrages pour de vrai, mais vous me donnez très envie d'explorer son univers, ce lien est déjà une invitation. Une suggestion validée par Michèle Pambrun qui me paraît incontournable. Merci à vous ... A suivre donc !
@ Michèle Pambrun: Merci à vous d'apprécier ce billet (donc HOKUSAÏ) et de relayer le commentaire de "La Bacchante" par cet autre chemin qui nous emmène chez FRANCOIS PLACE, on m'a beaucoup parlé de l'Atlas des Géographes d'Orbae, et le choeur des admiratreurs (trices) de François Place, devrait bien se reverser dans quelque réalité. Demain je vais à la bibliothèque, je vais essayer de le trouver... De HOKUSAI A FRANCOIS PLACE... J'aime beaucoup ces glissements, filiations, correspondances... Comment dit-on ?
Écrit par : Frasby | vendredi, 01 mai 2009
@hozan kebo : Bel écho que celui de SHITAO ! (Ils me sont chers, "les propos sur la peinture du moine citrouille-amère") et je suis ravie d'en lire ici un sublime fragment:
"C'est la réceptivité qui précéde la connaissance ..."
Et comme il est limpide ce verbe "vénérer"
Merci infiniment...
Écrit par : Frasby | vendredi, 01 mai 2009
j'ai pris un coup de vieux et un vent de jeunesse
j'ai remonté la rive à pied
j'ai glissé dans la barque
mais pour le reste, à la renverse
fait des trous pour voir à travers
tissé pour attraper
or pas ailleurs
juste ici
jeune jambes à mon cou,
vieux débris avant l'heure
Écrit par : pair mute et mer moule | samedi, 02 mai 2009
un grain plus tôt
oh! cou saillant
et les cochons dans la merde
un brin guitare
et les clichés recouvrent les plages
c'est le bouquet
c'est la fin du début
je serais né
je suis dans les allées et venues
au pré
je goûte les distances
Écrit par : un brin guitare | samedi, 02 mai 2009
et pendant ce temps
les vieux de l'immeuble ont froid
ils jettent leur argent au ciel
et ne comprennent pas pourquoi
je peux aimer le pétrole, jus de cadavre
eux qui ne bougent pas
nous n'avons pas le même rendement terrestre
l'amour, question de langage
Écrit par : chaudières d'antan | samedi, 02 mai 2009
@pair mute et mer moule : Tisser pour attraper, diable ! cette leçon de couture vaut bien un rivage à saborder à la renverse. Il y a des coups de vieux très précoces et des adolescences tardives. Je suis mère poule
celle qui sait tout.
N'oubliez jamais ça mon poussin... ;-)
Écrit par : mère poule | samedi, 02 mai 2009
@chaudières d'antan : L'amour oui question de langage.
La langue pend ou s'élève ;-) en astre ou vermisseau
La cancaillotte ou l'ortolan...
Les deux ayant besoin d'un arrosage, plutôt Rasteau voire cet étrange Alcool de Ginseng (avec racine de 7 ans d'âge,) que votre euffrax jus de cadavre ignorera jusqu'à la fin des temps...
Écrit par : frasby | samedi, 02 mai 2009
@un brin guitare: un peu de scie et les clichées seront balayés des plages, Nous verserons dans le sable quelques larmes puis iront jouer au ballon (loin des fosses à cochons)
à moins que vous ne préfériez comme moi, à bonne distance
les ondes...
Marteaux, petites et grandes
de ce bon vieux Martenot ?
Écrit par : Scie musicale | samedi, 02 mai 2009
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