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jeudi, 15 décembre 2016

Ca sent le sapin

Au cours des derniers six cents millions d'années la terre a connu sept extinctions massives d'espèces. La première date du début du cambrien, il y a 540 millions d'années. nous sommes les contemporains de la dernière de ces extinctions. A la fin du XXIem siècle la moitié des plantes et des animaux qui existe encore sera éteinte.

 

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     Auront disparu

 

   4327 espèces de mammifères,

   9672 espèces d'oiseaux ;

   98 749 espèces de mollusques ;

   401 015 espèces de coléoptères

   6 224 espèces de reptiles

   23 007 espèces de poissons

 

   L'Eden se retire peu à peu du jardin.

 

PASCAL QUIGNARD: "Les Ombres errantes", XXVII, éditions Grasset, 2002.

 

Photo: Fragment de certains jours, la ronde, etc... sur un thème de saison, vu, grande rue de la Croix Rousse, avant la venue de l'hiver, et le retour des oursons sur le banc de l'inquiétude, je vous les montrerai peut-être, si les brumes revenues ne nous condamnent pas à errer au milieu de la patinoire rivée aux pieds du bon Jacquard tiré par un traineau protégé par l'oiseau... Je pourrai vous montrer, un certain jour encore, la taverne des lutins et puis la pépinière (et ses pépiniéristes sympathiques et costauds), le vin chaud, les poneys, le boeuf, l'âne, un lama (allez savoir pourquoi) et autres espèces d'espaces en voie de disparition, sauf les vrais marrons chauds, quasi éradiqués de la vogue aux marrons aujourd'hui retrouvés sur la loco-rétro du genre de la lison, qui fait poêle à charbon pour réchauffer les mains, (et sans doute les marrons), alors que tous mes trains, les vrais transsibériens vont être supprimés pour laisser dériver des cars trashy-fluo, des flixbus, ils s'appellent, et par dessus le marché il n'est pas un flocon de neige aux environs pour vous faire une image de rêve, du côté de la forêt, totalement tronçonnée depuis ce doux cliché, pas encore goudronnée, un autre espace-nature, futur à découvrir. Je précise pour les âmes sensibles que ceci n'est pas un conte de Noël. Le pressing en prélude aux festivités à venir a été photographié avec l'aimable participation de Rex l'authentique chien errant de colline qu'on attache au piquet - chez nous, paradoxal, le piquet, c'est la quille - sinon Rex il se sauve retrouver ses copains dans le premier royaume, nous on reste des humains, on l'attache pour son bien. Rex, il croit que c'est pas loin, le jardin, les royaumes... il croit qu'y a des sentiers comme au temps qu'on vivait dans un gîte en rondins du quatrième royaume. Il y comprendrait rien, les panneaux, l'autoroute... En plus, il sait pas lire. Il pourrait disp...  

 

Histoire à ne pas suivre.

 

Lyon, Frb © Hiver 2016

mardi, 06 décembre 2016

Le Roux à l'intérieur

Dans un parc de Montréal, un écureuil vole une caméra GoPro. L’animal, chargé de son butin, se réfugie dans l’arbre qui lui sert d’abri. Puis il abandonne l’appareil, qui tombe à terre. Son propriétaire le récupère avec, en prime, des images ... 

Journal "LE MONDE" : http://www.lemonde.fr/planete/video/2016/08/10/un-ecureui...


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podcast

 

 

 

Ainsi, tout se délite et se re-combine autrement

(Raymond Roussel)

 

  

Photos: volées par l'écureuil, restituées à certains jours, sponsorisées par Go Pro, Orange, et le ministère des parc et jardins de France, dans le cadre de l'automne des poètes qui a lieu en ce moment, au parc de la tête d'or, dans les squares, les bosquets, dans l'arbre qui sert d'abri, par les rues, les sentiers, les boulevards, dans la jungle et le désert, sur les nids et les genêts pareils à la demeure, où viendra l'écureuil, le roux à l'intérieur, à l'extérieur allé ;

  

 

allez !

partout, partout,

le roux, le roux, le roux !

(Mallarmé)

 

 

Musique: "The Price of Freedom" par The Space Lady aka Suzy Soundz extr. de l'album "Street Level Superstar" (Owed to Boston)

 

 

samedi, 15 octobre 2016

La vie rêvée, par Pierre Etaix

Je lègue à la science qui en a tellement besoin
Ma tête chercheuse avec sa cervelle d’oiseau
Et sa suite dans les idées –
Mon nez creux et mes oreilles attentives

PIERRE ETAIX: (1928-2016), "Avant-dernières volontés" in "Textes et textes Etaix", éditions du cherche-Midi, 2012

 

 

Avec tristesse, et grande admiration.

vendredi, 01 janvier 2016

Notre rêve

 

C'est comme un chant d'Avril au milieu de l'hiver, un parcours d'innocence qui porte en lui le notre, ses erreurs, ses travers, ses obstacles, et la dérive des sentiments inévitable ou évitable (à vous de la voir venir...) jusqu'au retour logique de la simplicité des sources qui tiennent les êtres humains en amitié, en amour, donc en vie. 

C'est là que peuvent s'ouvrir - tout à l'inattendu- des chemins étonnants, et que des êtres humains qui semblaient empêtrés se délivrent. C'est une ligne de fuite comme celle d'une fresque tendre qui se trame hors des mots, histoire de raviver les couleurs (un film en noir et blanc, tu parles de couleurs ! et pourtant, et pourtant...)

c'est une poésie rare que la réalité n'aime pas, ou semble, toute empressée qu'elle est, peu soucieuse d'entretenir, bien que le cinéaste Otar Iosseliani passant outre, dans sa liberté personnelle, nous la restitue toute entière comme un parfum d'Avril perdu, et malicieusement retrouvé, Iosseliani, suscite l'admiration de très grands (de l'immense Tarkovski à cet éternel jeune premier et génial Pierre Etaix qu'il fait apparaître dans son très récent film, "Chant d'hiver", avec Rufus le magnifique), c'est enfin une histoire chaotique qui pourrait faire la nique (si l'on peut se la permettre et pourquoi s'en priver ?) au delà des cortèges, à la terrifiante et sinistre année précédente.

C'est une histoire banale d'humains, des tout petits débutants qui doivent cohabiter entre eux (on sait tous que c'est pas facile !), c'est enfin une bonne tranche, traitée avec délices, dans un état de grâce qui pourrait vous offrir un de ces happy end qu'on ne se refuserait pas, si c'était dans la vie.

Et pourquoi ne pas la vivre encore, s'il est possible, cette vache et chienne de vie, un brin poétiquement ?

Pour ouvrir cette année 2016, ce n'est pas un hasard (si hasardeux) d'en venir au "muet", un petit film comme une carte de voeux animée par une partition sonore inouïe et des images au grain de toute beauté, une folie douce portée par toute l'irrévérence de ceux qui aiment la vie, j'espère qu'elle viendra à vos sens, comme un conte, un instant enchanteur.

Je vous souhaite une très belle année 2016,

en remerciant de tout coeur, les amis les plus proches, ceux de toujours, ceux croisés sur la toile, de loin et de plus près ainsi que les lecteurs encore nombreux, dont quelques uns fidèles, (j'en suis toujours agréablement étonnée, même si je ne le dis plus trop), merci aux bienveillants, à ceux qui ne relient pas les ragots infondés, et peaufinent les correspondances auxquelles je finirai par répondre un certain jour - quand la paix sera revenue, ici, (je n'ose plus l'espérer, mais ce serait peut-être un début et qui sait ?), pour l'instant, je ne suis plus connectée, une option désirable (le bazar par la fenêtre, pour l'image, peut charmer) offrant une parenthèse (celle-ci assez réelle) qui va se prolonger, remisant au placard le petit nécessaire et son bug de courrier ... Enfin, toutes mes excuses aux personnes dont j'ai pu recevoir récemment les courriers, qui arrivent plus ou moins, la plupart, sur un mode différé, tant qu'il existera des boitiers-camarades, et des cyber-cafés, avec un peu de patience, on pourra peut-être s'y retrouver ? ... no promesses...

 

en attendant, cueillez, cueillez, le chant D'Iosseliani...

 

mardi, 15 décembre 2015

Ce qu'il reste

 

 

 

vendredi, 22 mai 2015

Vernissage au manoir

Renversé, lézardé, morcelé, toute appartenance humaine oubliée, c’est seulement comme un sol que celui-ci maintenant se perçoit, sol indéfiniment déchiqueté, aux croulantes mottes anonymes, dressées-déjetées, qui n’est même plus un terrain, mais les vagues d’une mer démontée, d’une mer de terre en désordre, qui jamais plus ne se reposera ...
 
HENRI MICHAUX, extr. "Les Ravagés", Fata Morgana, 1976, (p. 13). 

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Le carré de peinture commence à se craqueler. Quelques hommes et des femmes vont défiler ici. C'est une heure où l'on trie. Il faut briquer les pièces, convoquer l'escalier qui descend vers cette chambre où il n'y a qu'un lit placé juste au milieu, hanté d'une atmosphère d'entassement d'objets. 

Des outils démodés traînent à travers l'alcôve. La vieille bonne est partie, on raconte qu'elle était sale et simple d'esprit. La poussière s'est glissée comme un corps infiltrant légèrement nos habits. Dehors le soleil règne, ici c'est une caverne.

Eux, on ne les connaît pas. Sans doute, ils organisent, ils s'inquiètent ou ils causent de ces drôles de craquelures, l'obsession qui se penche sur un trait de peinture et semble s'allonger entre un nombre insensé d'outils tachés de sang, ça gêne ce sang qui traîne, et puis les cercles gris, des auréoles humides - exposer dans les ruines - "est-ce que les visiteurs sauront saisir le sens ?".

Ils se disent que plus tard on gardera l'image, elle fera son chemin parmi une quantité d'images déjà rangées, présentant un amas de reproductions portatives déclinées en mémoire qui formaient sous des calques les saisies éphémères de refuges incomplets. Ca racontera une vie entre toutes - "mais laquelle ? Exposée, dans quel but ?".

La vie comme oeuvre d'art, une abstraction de drames, l'atelier comme dépit et la chambre comme conquête, à défaut de pouvoir recoller ces fragments, les tableaux coutent leur prix, c'est presque un prix d'ami, pragmatique au partage, chacun serait tenté d'en préserver les traces et puis de les traiter autrement qu'en déchets, ou bien de les gommer. Il y a des trous partout sur le sol, ronds comme des cigarettes, nous marchons sur la cendre, il faudrait avancer, nous filons à rebours. Une dame a ramassé un marteau qui traînait, du sang sur les outils. - "Mais on se fout de qui ? !"

Plus loin dans cette pièce de type "demeure bourgeoise", toute en pierres et en poutres, une dame en robe trapèze ouvre un air de mystère dans une bibliothèque. On y trouve des indices qui prouveront que l'artiste aimait l'histoire de France, les atlas, les "fourchettes" et la leçon de choses, les planches anatomiques, les microbes, les squelettes. On effeuille des traités du siècle de Lavoisier sur les transmutations biologiques, ce sont des drôles d'histoires de levures, et de moisissures qui produisent du potassium ou du phosphore, une série de planches dessinées montrant des bactéries mutables à l'infini. Il y a vingt-cinq volumes sur ce thème, on se demande quel est l'énergumène qui pouvait vivre ici. On ne savait rien de ce type et maintenant on en parle. Quelqu'un a supposé -"c'était peut-être un malade ? ". On n'ose pas questionner ceux qui se taisent, eux, savent.

Puis la dame entre-baille des portes en enfilade, enfin, lorsqu'elle ressort pour accueillir dehors les derniers visiteurs, on devient charognard. On fouille dans les tiroirs et derrière les volets par le clair obscur de la chambre, c'est Babel qui endort ces ballets de corps inclinés autour d'un lit très vaste, les femmes qui sont passées semblent y dormir encore et dessous repose l'homme, sa divine proportion et sa tête de momie ouvre un oeil en cristal.

Dormir ou reposer. On remue des papiers. Il a dû les aimer, ces femmes, toutes ces femmes, pour dessiner leurs corps, en courbes assez lascives ornés d'incisions roses bariolées de sanguines, c'est un patient travail pas encore un trésor. Il faut de beaux outils afin de parvenir à cette tête étoilée qui parait retomber sur un corps assoupi, coiffée d'une couronne mortuaire fabriquée de pétales de lis et roses fanées. Des entités bruissantes semblent incarner ces toiles tristement alignées, on voit quelques séries ratées de natures mortes, des faisans sur une table à côté des casseroles, des coupes de citrons verts, des marrons sur un feu. Quelqu'un dit - "Que c'est laid !". Il faudrait les donner. - "500 balles pour des croûtes qui ne sont même pas signées !".

Les personnes de l'accueil, qui parlent au nom de l'artiste sont debout dans l'entrée, elles forment un comité comme des veuves qui tricotent, mais entre elles, rien qu'entre elles, elles recomptent les entrées. - "Sept personnes aujourd'hui ! ça va nous faire à peine de quoi couvrir les frais". Entre elles, elles lissent les angles, font le tri pour les autres. Et ne laissent plus peser ce malaise vers la chambre où la crainte nous surprend dans le manoir hanté: quelques sorcières se lèvent, corps jeunes à têtes de vieilles, enclenchent un sortilège par derrière le volet : le rebut de l'artiste, ce fardeau que la mort n'a pas voulu porter, le parfum d'une fille qui cacha cette nuit, sa vie dans une lézarde.

Sous le pli d'un drap gris orné des initiales d'une des femmes et de l'homme, il y a un peigne en nacre où se trouvent attachés quelques fils, des cheveux tressés fins, et les vieux qui passaient juste avant de rentrer ont dû pousser un cri devant ce baldaquin. Ils hurlent et ils se cabrent, ils crient, ils s'époumonent - Touche un peu ! c'est de vrais cheveux !". Passé l'effet de choc, ils rient, ils parlent fort, "les vrais cheveux de la vraie morte ! ouh ! punaise ! c'est macabre !", ils font des mots d'esprit avec le rire nerveux, unis pour la déconne. Ils portent des touffes de crin blancs ou gris en couronne, au sommet le crâne luit comme un vrai lustre d'or.

Cette idée de la mort ne leur dit rien de précis. Ils ont vu la fille nue, ils ont senti l'effroi les happer, silencieux, ils se fondent une seconde, dans la même tempérance, ou ils rient, ils ricanent, ils passeront l'été à rire pour rien ensemble, rien qu'à se regarder, ils pouffent, c'est plus fort qu'eux ce rire touchant le nerf dans le soleil de Mai et cette vigueur flambée d'une jeunesse les remet en piste pour un tour. Ils rient, encore ! encore ! grâce au fil qui les mène jusqu'aux caves de Bourgogne où l'on pétrit les chairs dans le moût cramoisi, épuisant cette honte qu'ils ressentent d'être en vie quand les autres sont morts. Parfois, ils ne font que ça : enterrer leur jeunesse, exhumer la mémoire courant après leurs vies de jeunes célibataires, de beaux gaillards tout verts, vieux coucous verts de gris. Ils railleront l'impudeur du cheveu de la morte, "- un poil de c ...  Hi hi ! - t'es con, Dédé, ta gueule !". Ce qu'il faut de vacarme, pour donner l'impression de n'être pas meurtri.

La beauté entrevue peu à peu se dilue. Ils finiront dehors, à astiquer leurs lustres dans le vin de pays, des coups et puis des filles faites pour les suites de cuites, mais rien. Ils n'auront rien. Ils n'auront pas les filles. Ils feront demi-tour, ils reviendront si saouls reboire encore des coups. Des coups jusqu'à plus soif. Ils cuveront au jardin puis jureront qu'ils n'avaient jamais vu cet endroit - jamais vu de leur vie - depuis le temps qu'ils vivent là dans la maison d'en face, n'en sont jamais partis. Ils jureront sur la tête, de leurs femmes, jamais vu le manoir ! Sur la vie de leurs gosses, sur l'amour de leur mère, une main sur la breloque, ça les remue à rebours, ces morts qui hantent la vie.

Ici, quelques bougies dont les mèches s'effilochent, le feu n'y prendrait pas, ce sont les corps qui serrent la chaleur dans nos bras, la diffusent sournoisement, une flamme brève sur une toile suffirait à griller ces bouches qui turlupinent. L'altérité des lieux nous retrouverait obscurs, en terre d'enluminures, d'eaux fortes et de chapelles. Cette lumière se transforme lentement au fil des heures, à présent nous révèle un clocher en plein ciel. On ne peut pas s'arracher des puissances de la pierre, on ne peut pas situer tous les jeux de lumière, un relief dans ces noirs, le dépaysement règne. Ou c'est le dépays, toute une vie enfermé à peindre sous une lézarde à humer les parfums dans les cheveux des femmes et à les reproduire. Peindre les parfums... - "Ah oui ? vraiment, comment fait-il  ?". Tout ça ne leur dit rien.

Quelqu'un a demandé si l'on pouvait feuilleter les carnets de l'artiste, des cartons traînent partout, on marche sur les esquisses. - "Ces brouillons ? Non, vraiment, ils  ne valent pas un clou". Ils l'ont dit. - "Pas un clou !" ce sont des spécialistes, il n'y a pas à redire. Certains hommes meurent ainsi sans avoir achevé leur chef d'oeuvre, - "il y a de tristes vies, ma bonne dame !" ils l'ont dit "tristes vies ! ma foi, oui !"... Dans la bibliothèque on débat de l'époque d'une planche à bactéries XIX ou XXem siècle ? Quelqu'un a dû conclure  - "S'il est mort à ce moment, c'est que l'oeuvre était finie. Dieu l'a voulu ainsi !". Dieu encore. Un autre a répondu - "Personne ne vous a dit que l'artiste était mort". Un ange passe. Chacun sort.

Les dames du comité ont pris la calculette - "cinq nouveaux et deux gosses, ça fait quatorze en tout, c'est moins que l'année dernière !", entre l'apéritif et le goûter des petits, à l'unanimité ils se sont accordés pour répéter en choeur que ça ne valait pas la peine de se déranger pour si peu. La valeur et la peine - "où est votre peine, Madame ?". Les autres, ils ont suivi: - "nous, on n'a rien compris" - "trop compliqué pour moi !". La visite s'achève là.

On se retrouve au jardin, sous un grand parasol. La femme en robe trapèze passe avec des plateaux, elle ne forme pas ses phrases: - "Vin ou jus d'ananas ?". Il est toujours question de peinture ou de livres. La femme repart, revient - "quatre-quart ou tarte aux pommes ? Ceux qui décident s'envolent. Les autres, ils rasent le sol. Ceux qui décident pèsent lourd et dans le palais d'or remuent une langue de foules convoitant le trésor. Ils seront responsables de rendre toute chose possible ou impossible, en une fraction de seconde, c'est pesé, mesuré. Ils fusionnent, allez hop ! -"Va pour une tarte aux pommes ! - Tarte aux pommes pour tout le monde !".

Un homme seul sous un arbre, roule un peu de tabac gris. -"C'est peut-être l'artiste ?". On sait pas. -"Demande lui !". On s'affale sur un banc. A chaque instant la voix revient part et virevolte: -"vin ou jus d'ananas ?". Une seconde indécise. -"Allez, vin ! - Allez hop ! Du vin pour nos amis !".

Les espaces se séparent. Il y a des univers, entre le grand jardin et le petit manoir, entre ceux qui picolent et ceux qui picolent pas. Dans les plis, un abîme. L'homme qui restait seul à s'en rouler sous l'arbre répond à une vieille dame, harcelante mais limpide - "le sang sur les outils, c'est de la peinture n'est ce pas ?", l'homme lui répond tout bas - "mais oui, c'est de la peinture, que voulez vous que ce soit ?". On sort de l'artifice. - "Savez-vous si l'artiste est enterré ici ?". Ca retombe sans un bruit.

On rejoint les esprits. On s'est mêlé aux autres qui riaient et roulaient des pétards dans les fleurs. Les tartes étaient mangées et les coupes étaient bues. Là bas à l'intérieur, le carré de peinture avait presque disparu mais dessous ça grouillait, du sang sur l'auréole, né d'une cabriole.

Dans la chambre silencieuse, tout près des natures mortes sous les corps assoupis, lentement une lézarde étouffait ses petits.

 

Photo : Au visiteur perplexe, un fragment de lueur au manoir, le premier jour de l'exposition.

 

Là bas © Frb 2014 revisité en 2015

samedi, 02 mai 2015

"Mais", l'eau...

Etre naïf, parce que quelqu'un pense que vous l'êtes, être sot parce qu'un sot vous prend pour tel, être un béjaune parce qu'un béjaune vous plonge et vous fait macérer dans sa propre immaturité, il y aurait de quoi devenir enragé, s'il n'y avait pas ce petit mot de "mais" qui rend la vie à peu près possible. Se frotter à ce monde supérieur et adulte sans pouvoir y pénétrer, se trouver à deux doigts de la distinction, de l'élégance, de l'intelligence du sérieux, des jugements mûris, de l'estime mutuelle, de la hiérarchie des valeurs, et ne contempler ces douceurs qu'à travers la vitrine, les sentir inaccessibles, être de trop.

WITOLD GOMBROWICZ in "Ferdydurke", éditions Gallimard (coll. Folio), 1998.

 

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Il existe un bon nombre de gens qui paraissent seuls au monde, "mais" ceci n'est qu'une impression (premier volet) 

"Li tufa es frimeré ed ess responsimis", (dixit Esope)

Au fil de l'eau allant, des guetteurs ont jeté les vitrines dans les reflets du Rhône pour retrouver - un temps - la paix au bord du vide. (Deuxième volet).

Accueillir, recueillir, lire dehors, contempler, mais sans les retenir les vagues intempestives ouvrant d'un jour à l'autre une parenthèse offerte aux futurs chants lunaires.

Du pas flottant léger, au vol discret des mouettes ; là, un autre printemps fidèle à recueillir- sur un mode récursif - le doux regain d'enfance,  en brassées immobiles, réfutant son effort le rêveur sur sa tranche (pas seul dans l'univers), parle aux alligators.

 

Dyptique à suivre, peut-être...

 

 podcast 

 

Music : Lowell Fulson: "River blues".

 

 

Fluidités, Lyon © Frb 2015.

jeudi, 02 avril 2015

Antidotum Tarantulae

Rêve, ma fleur et repose toi, 

ferme ta bouche de rose.

Rêve et ferme tes yeux tout ronds 

car lorsque tu rêves, le monde rêve.

Ferme les yeux et ne parle pas, 

Rêve des fonds de la mer. 

 

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Rêve d'un monde fait de musiciens. 

Ferme les yeux et n'aies pas peur 

Rêve du vent rêve de la tempête, 

Rêve de la mer et rêve de la forêt

La musique de cet orgue de barbarie

Remplit ton coeur et creuse ta poitrine.

Et, ma jolie, ne parle pas,

Ce n'est plus le moment de soupirer.

Aujourd'hui, tu as fini de désespérer,

Après-demain nous allons travailler.

Nous allons faire un grand château,

Rempli de belles choses.

Nous le ferons en or et en argent.

Tout le monde doit y habiter.

 

Song, extr."Sogna fiore mio" (Ninna nanna sopra la Tarentella), musique et texte d'Ambrogio Sparagna arrangements de Christine Pluhar in La Tarentella "Antidotum Tarantulae", CD paru aux Chants de la terre, (Alpha 910). En écoute ci dessous.

 

Définition d'Antoine Furetière, in le Dictionnaire universel 1690:

"Tarentole (voir tarentule) : petit insecte venimeux ou araignée qui se trouve au royaume de Naples dont la piqûre rend les hommes fort assoupis et souvent insensez et les fait aussi mourir. La tarentole est ainsi nommée à cause de Tarante, ville de la Pouille où il s'en trouve beaucoup. Plusieurs croyent que le venin de la tarentole change de qualité de jour en jour, ou d'heure en heure, parce qu'elle cause une grande diversité des passions, à ceux qui sont picqués : les uns chantent, les autres rient, les autres crient incessamment ; les uns dorment ; les autres ne peuvent dormir, les uns vomissent ou souent, ou tremblent ; d'autres tombent en de continuelles frayeurs ou frenesies rages § furies. Il dfonne des passions pour diverses couleurs, § fait qu'aux uns le rouge plait, aux autres le verd, aux autres le jaune. Il y en a qui sont incommodez 40 ou 50 ans. On a dit de tout temps, que la musique guerissoit du venin de la tarentole, parce qu'elle reveille les esprits des malades, qui ont besoin d'agitation." 

"Comme Pénélope je tisse une toile nouvelle", chantait notre tarentule homérique au début du printemps. Pour mémoire, la Tarentule était supposée plonger sa victime dans un état profond de léthargie qui conduisait à la mort, ce mal insidieux (ou diablement païen) était nommé tarentisme ou tarentulisme. La victime se trouvait soudain agitée de convulsions ; couchée sur le dos, elle bougeait sur ses mains en se balançant comme sur une toile. Ces symptômes vus de notre époque évoqueraient plus sûrement une forme de catharsis. Alors, "La pizzica tarantata", musique stridente, (tambourin et violon), permettait de guérir par la transe les femmes affectées, dites les "tarentulées", ("tarantate" en italien) et selon l’espèce de tarentule, les musiciens dits "Capi attarantati" recouraient à des rubans de l’une ou l’autre couleur censée agir sur le psychisme du (de la) possédé(e). Cette dernière danse sur la musique pouvait durer plusieurs jours, voire plusieurs semaines, à ce remède participait tout le village de la victime. Une illustration de Gustave Doré pour le chant XII du "Purgatoire" de Dante Alighieri semble figurer ce mal : voir ICI.

En ce qui concerne la danse il en existe plusieurs : une tarentelle apulienne, une napolitaine, une sorrentine, une calabraise, une sicilienne. Ces tarentelles dites "nobles" se sont imposées dès le 18ème siècle et elle font partie, encore aujourd'hui du folklore méditerranéen. Nobles ou pas, toutes les tarentelles sont basées sur deux accords et quatre temps, avec tous les 4 temps retour de la même harmonie, ce qui permet des variations infinies. La tarentelle thérapeutique ne s’arrête d’ailleurs qu’à la guérison. Quant à la source du tarentisme en tant que rite, il semble qu’il remonte ’à l’Antiquité. "Tarentule", "Tarente" et "Tarentelle" pourraient avoir comme étymologie commune "tarantinula" (mot latin) ou "tarantinidion" (mot grec) qui désigne le vêtement léger porté par les danseurs des bacchanales. Dionysos-Bacchus fût le dieu le plus honoré dans la région de Tarente et lors des jours célébrant le retour au printemps, les habitants étaient tous en état d’ébriété. Le tarentisme serait probablement une réminiscence de ce culte orgiaque.

(Source, Isabelle Pierdomenico)

Photo : Le malin tarentulophile allant fureter, hurlerait au blasphème déjà piqué (ou mordu, enragé) devant ma représentation abusive de la vilaine tarentule d'antan, j'avoue n'avoir trouvé au jardin qu'une piétre figurante (à défaut de vilaine tarentule poilute), le lecteur adoré n'est pas dupe, ceci n'est pas une tarentule". J'admets que les petits moyens de certains jours n'ont pu s'offrir un safari à Tarente pour vous ramener Dame tarentule à l'ancienne en chair et os -si j'ose dire pour pavane- puisque la tarentule étant une araignée chacun sait que la tarentule n'a pas de squelette à l'intérieur du corps mais ce qu'on appelle un exosquelette, la bête possède huit pattes et deux supplémentaires qui lui servent de fourchette à tenir sa nourriture, elle a deux yeux sur sa tête qui n'ont fonction que de l'aider à percevoir la clarté et la noirceur, comme elle n'a pas de nez ni d'oreilles, elle détecte des vibrations reliées à son système nerveux, elle a plein de poils sur le corps pas mal de poil aux pattes, qui servent de détecteurs et certaines d'entre-elles beaucoup plus chics (garanties sans truquage) sont nées naturellement turquoises (ou bleu de cobalt). Notre tarentule à nous, d'un genre grossier de Xysticus Audax est bien aussi candide que l'immense nébuleuse de la Tarentule située dans la galaxie du "Grand Nuage de Magellan" (à plus de 160 000 années-lumière, d'ici, seulement) il y aurait donc, selon mes calculs, exactement la même distance qui séparerait notre araignée (Xysticus Audax Approximativus) d'une vraie Tarentule de Tarente à moins que la notre soit une vraie tarentule du XXIem siècle, donc une post-tarentule qui aurait été standardisée, liftée, épilée pour la photo, afin de ne pas effrayer les arachnophobes, ce qui ne veut pas dire que le poison expulsé par cette innocente ne provoque pas des altérations morales et des affections du seul ordre de la contrariété. Il est vrai qu'au printemps, il aurait été plus heureux de vous montrer des fleurs (ce que je ferai courant Avril, après ces pluies de Mars, le jardin est un enchantement). Quant à ce disque peut-être pas évident à la première écoute, il est finalement, merveilleux, et envoûtant à mesure qu'on le redécouvre, arrangé par Christine Pluhar, il mériterait sans doute d'autres précisions, en un autre chapitre. En attendant, l'écoute de cet album, peut s'avérer une excellente alternative à la musak FM qui s'étend sournoisement dans nos villes, contre laquelle il n'existe pas de contre-poison digne d'une tarentelle pour l'éradiquer totalement. A suivre, peut-être s'il est possible, ...

 

Au jardin, © Frb, 2015

jeudi, 26 mars 2015

Le parachute bleuté (interlude)

Il y a peut-être des lieux où l'on se trouve soudain comme dans le ciel.

ANDRE DHÔTEL extr. "Mémoires de Sébastien", les cahiers verts, éditions Grasset 1955.

 

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Sébastien, il faut l’avoir à l’œil, car il s’empresse à faire le canard pour n’importe quels beaux yeux nous avait confié sans vergogne, le ouiketi qui cachait sous son plus beau plumage, une tête d'Or, à ce qu'on dit.

On ne mesure pas le lieu qui sépara le ciel du parachute bleuté, si on n'est pas dans le ciel, si on n'a pas coulé, (sans aucune connexion, pour l'heure ça tiendra d'un pari stupide, évidemment), aveugle et vicieux comme on est, on finirait après des années d'ignorance, et même d'indifférence (c'est écrit, dans un monde, d'amis bien renseignés, donc ça ne peut-être que vrai :), à toucher l'autre rive en arrivant coiffé, au pays où l'on n'arrive jamais. Là, avec un peu de chance, on trouverait peut-être un point d'eau pour se laver...  Enfin, avec des si, et des coïncidences, "vous nous rencontrerez peut-être un jour ou deux, sur cette petite route entre le bois et le petit lac." (*).

(*) extrait des "Mémoires de Sébastien", pour la belle aventure aux grands rivages de Dhôtelland. 

 

Lyon, le lac de la Tête d'Or, au printemps (des poètes) © Frb 2015.

lundi, 16 mars 2015

le rivage oublié (I)

Mais l'individu, c'est aussi la liberté de l'esprit. Or, nous avons vu que cette liberté (dans son sens le plus élevé) devient illusoire par le seul effet de la vie moderne. Nous sommes suggestionnés, harcelés, abêtis, en proie à toutes les contradictions, à toutes les dissonances qui déchirent le milieu de la civilisation actuelle. L'individu est déjà compromis avant même que l'état l'ait entièrement assimilé.

PAUL VALERY in "Le bilan de l’intelligence", extr. d'une conférence prononcée en 1935, publiée aux éditions Allia, 2011.

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Les brouillards descendaient sur une berge antique. On se laissait mener ailleurs, du bon côté, on a dû s'emparer de l'authenticité ; c'est une denrée prisée des centres hyper-actifs, on serait des followers, des winners des addicts, des lanternes affligées d'une comptabilité qui s'emballe comme tout le monde.

On a vu douter l'île, ou bien on s'était dit qu'elle pouvait rétrécir en même temps que nos ombres ne cessaient de grandir. On touchait l'ornement posant pour la vitrine : on devenait clinique, à caresser les cibles en voeu de réflection ; hantées de chapiteaux de nefs et d'ogives, le reste à l'abandon cédait aux sons stridents. On voulait ralentir, c'est une base l'abandon, elle a de quoi offrir. On se balade parfois près du petit étang on recherche les barques en vieux bois bleu d'Egypte. Elles pourrissent à présent.

On laisserait aller au fouillis primitif, les roseaux sur des friches, on viserait l'avenir, une chance aux yeux du monde : aller au plus pressant du prodigieux galop, trouver sa voie, courir, saisir la profusion. Tous ces dons chimériques c'est comme une contagion, qui saisit n'importe où une brèche à éblouir, vise un point culminant, glisse en conversations de sujets qui se grisent, soucieux de rajouter à ces crépitements un grain de mandoline. Il est doux cependant de se ressouvenir qu'on était muet, avant.

Le rivage oublié désarme l'impatience. On se tait pour survivre. La nuit, on imagine qu'on est des organismes perdus dans l'aquarium à écouter des voix trouées de concessions qui perdraient un temps fou à courir après qui court après d'autres rives. 

- Comment veux-tu savoir, à quoi il ressemblait, le rivage oublié, si tu l'as oublié ?

A demandé la fouine qui devait mettre à jour le plus petit secret de tous, dans un grand livre. C'est une compilation de vues méga-lucides qui paraîtraient en ligne enroberaient la mappemonde et plus tard, fort probable que dans la galaxie, les êtres des autres planètes auraient de quoi nous comprendre.

On tentait juste un pas, un parcours affligeant pour les petites personnes qui courent à la remorque, qui courent après l'extime du plus grand nombre de clics. La fouine, rien à redire, elle fait son job de fouine en haut d'une pyramide, avec cette ambition d'aller vers le plus haut, et de plus en plus fort au plus puissant des nombres jusqu'au plus haut sommet.

Ca dévorait notre île.

- Qu'est ce tu veux qu'on dise, et qu'on dira sûrement ? Quelle réponse absolue pourrait enfin convenir à ce chef d'oeuvre limpide intitulé "les autres" ? Quelle expression piquer sur celles qui nous réduisent à nous voir une seconde submergés d'émotion ?

C'était un court instant, accélérant le temps, sous le ciel, un nuage boursouflait les ballots de phrases effilochant des masses qui décortiquent.

La vitrine se divise. On demeure hébété, à écouter le vent chatouiller en sifflant les premières jonquilles, on voit dans le courant un semblable aux abois, on pourrait l'empailler pour nos divertissements et on se régalerait, on zapperait poliment, on irait s'enticher des chemins buissonniers on prendrait en photos les ruraux folkloriques qui soignent leurs trésors avec ces airs de glands revenus concassés par l'homme de l'ère de Scrat. On chercherait la bête nue sous sa carapace, le panache écrasé, le défaut, l'oeil au guet, on gratterait sous la peau pour vous montrer la crasse avec une éloquence qui nous pousse à ramper et jamais les lueurs de l'ancienne volupté n'en reviendraient intactes.

Sous ces tarissements, des messies nous reprennent notre joie, notre peine, ils l'ingèrent, la recrachent avec l'air dégoûté des héros fatigués des couleurs du spectacle, ils s'habillent dans la vague et se coiffent en épis selon l'humeur du temps. Là bas, roulent d'autres vagues. Ils nous apprennent à vendre les fantaisies de l'île, à vendre avec nos gueules qui racontent une histoire peu importe laquelle et n'importe comment, vues par un spécialiste du buzz intelligent, là, du rêve pour les masses, du vierge, du coloriage, du bien-être, du bonheur, l'évasion, la jouissance, imagine le spectacle des grands spa dans l'étang, des machines à filmer tous les ravissements. Imagine quel air pop sur ton mur, quelle flambée intérieure ! quand les chiffres s'élèveront en cent mille rondes flaques.

La vibration secrète du rivage oublié installe entre la loi des chiffres et le prochain décompte, un besoin de partir, tandis que nous traînons avec nos arrangements sachant qu'il vient un temps, où le moindre arrangement devient insurmontable.

Il reste hors de propos, ce silence à la marge accroché au soupir, un peu d'air anonyme comme une fausse confidence tire parfois d'embarras:

- Quel âge a ce regard quand il songe à l'enfance ?

- Où trouver le produit dérivé d'une substance qui tiendrait du secret de l'ancien équilibre ? 

- Comment veux-tu garder ta vie en sa réserve, à présent que ton corps, ton âme, ta peau, ton sang et ta bouche et ta laine ils deviennent collectifs ? Crois tu vraiment du haut de ton observatoire, être le bon vivant qui pourrait nous aider à échapper à ça ?

Elle farfouillait la fouine, qui tutoyait tout le monde, c'est une force étonnante d'avoir l'air tous complices sans souffrir la présence, où tous dans le même bateau, on tient grâce au même vice : frénésie du nouveau. On va désespérant, le cul entre deux siècles, on crache dans la soupière, puis on bricole le nerf avec le doux penchant.

Faut dire, vu du rivage, qu'on aurait toujours l'air de mendier quelque chose, c'est pas pour en rester à ces lamentations qu'on délaissait notre île. On avait une "étoffe", on tâtait des plaisirs à glaner des idées, et même des idéaux, des charges industrielles d'idées et d'idéaux, qui nous passent par la fenêtre. A ce rythme incroyable, on parle de légèreté sans plus connaître le mot, on se fait remarquer par l'opiniâtreté et cette drôle de façon d'attirer l'attention, une charge industrielle de regards et d'égards et des phrases immortelles, dont la suavité se donne, prend, et déjecte, on stockerait cet amas dans nos mains, dans nos bouches, et nos siphons de poulpes.

- Comment veux-tu le dire qu'un secret reste à taire si t'en parles à tout l'monde ? C'est plus rien d'un secret, à nous le savonner pour mousser ton baquet puis nous livrer liquides, histoire de brocanter, et si tu la fermais on te le reprocherait, on serait persuadé, que tu nous caches quelque chose".

Nous, on était assis, devant tous ces reflets, pris de vertige alors, à regarder des bouches qui nous fabriquent en kit toujours les mêmes symptômes, dès qu'on tente quelque chose, il y a toujours un psychiatre du café du commerce, qui ajoute ses sophismes aux défaites ordinaires. On n'ouvre plus un seul champ, sans en craindre à rebours les sensibilités des hordes délicates; quand semblant familier, on avait vu plus loin l’homme assis sur un banc, il restait silencieux, il protège sa mémoire sur un autre rivage, se garde en équilibre, il se tient au retrait et voit le vent, tourné.

- Comment tu peux savoir qu'il voit le vent, tourné ? Est-ce que ça nous regarde ce qui se tient caché ? Et crois-tu qu'un spectacle a quelque chose à dire sur le genre singulier ?...

- Allons, tais toi la fouine! ne presse plus de questions, va courir et laisse vivre !

L'homme approuvait encore les silhouettes sur les ponts et scrutant le rivage, est-il prêt à s'enfuir pour retourner marcher pieds-nus sous les nuages ? Coucher son corps verso sur des galets humides, redoutant un instant n'être qu'un figurant ? N'avait-il pas rêvé se vêtir de clarté, dans la mélancolie qui ouvrait au désir de partager sa rive ? L'homme parait assoupi, il ne traîne plus sa peine à chercher quelque part la chose exceptionnelle, il n'a plus d'orthographe. Il défait son ouvrage. 

Aucune de ses paroles n’innocenterait celui pressé de nous rappeler qu'à ces fabriques d'oubli nous fûmes un jour portés, plus rien ne justifie notre temps de parole, et le silence idem, s'expose en négligé, des vies qui se claironnent sans les avoir croisées. Et nous autres à la botte rendus méconnaissables, on pose à l'aveuglette nos regains nos réclames, on les offre à la chèvre, puis enfin le saccage tourne à la ritournelle. On rencontre, on remplace, on s'habitue, à "ça", on vient à la capture, tout secoué de spasmes, et de génuflexions face à cette merveille : la "fameuse" subversion de l'image et du son.

On n'échappe plus nulle part, ici tout se confond, là bas des cartes postales, plus loin, l'entrepreneur récupère des carcasses. Les hommes sans illusion regardaient revenir les oiseaux migrateurs, sur la ligne de fuite, rien qu'une démarcation, faite pour l'atterrissage d'improbables choucas et de l'autre côté, l'épatante ascension de ces pilotes d'avions qui repartent aussitôt, et peu à peu s'effacent.

On craint la défection, l'oeil collé à la vitre, on achète à bas prix un tas d'objets bizarres où nos joies infantiles parcourent à mots couverts ces années, ces hasards. On replie l'ornement. On est déjà ailleurs, on ne sait plus bien comment décrire la défection, on l'accepte (comme un lot). On se dore d'illusion, on se tend des miroirs, on virevolte, on s'entasse, on aimerait qu'il existe pas loin dans les parages, un endroit où un homme pourrait survivre un an sans aucune connexion, on admet (autre lot) qu'au lieu de le montrer, il vaudrait mieux l'enfouir au fond d'un trou de taupe. Ainsi, ces formes abstraites, qui nous venaient en rêves ne pouvant s'éprouver au jeu de la durée entraient en collision. Pas le moindre centimètre du moindre cervelet qui ne fut pas versé dans le grand balancier où les phrases désormais forment des vaguelettes dont les motifs miroitent bercés par toutes les vagues qui re-battent la campagne louée par des chamans, on les chope à l'arrache, on se kiffe, on se like, puis on va voir en face chez les nouveaux marchands, on surfe sur la tendance, on s'embarque, on débarque, on cause, on crypte, on casse, puis on déplie son corps, on se change les idées, on court par les ruelles acheter des cartes postales qui recyclent du pavé sur un air de printemps...

L'homme est près du rivage, il a aimé les joncs, dormi dans les fougères, il a choyé les barques. Son esprit ne tient plus qu'à l'air de monstre idiot qui vit de ses paris, (stupides, évidemment), puis dépassant la ligne, du rythme il se détache, des mots qu'on lui refile et il brade son image. S'il avait disparu, il n'y aurait plus personne pour adorer la rive mais dès qu'on l'aperçoit remonter souriant du plus grand précipice, on n'est plus seul, enfin, tu ne seras plus seul à peupler le rivage de ces grands poèmes-fleuves, qui remontent lentement et ralentissent encore, se tiennent loin des torrents sur les simples cours d'eau aux replis, dans les coins, loin des murs abrasifs, il y aura des passeurs.

    

Photo : portrait du veilleur immobile et discret silencieux amoureux de ses rives, dédié au lointain, et au proche. Et à tous ceux qui ne pourront se résoudre tout à fait à l'oubli, même si parfois dans la vie compliquée, on ne peut faire autrement qu'accepter une latence (qui n'est pas forcément choisie...)

 

Lac de Tranquillité, © Frb 2014 remixed 2015.  

lundi, 09 mars 2015

Le rivage oublié (II)

Il faut savoir répondre dans le vide. Ce sont les livres. Il faut savoir se perdre dans le vide. C’est la lumière dans laquelle on les lit ; il ne faut répondre aux autres qu’en créant.

PASCAL QUIGNARD : extr. "Les désarçonnés", Septième volume du "Dernier royaume", éditions Grasset, 2012. 

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Pascal Quignard cite Montaigne tombé de cheval lors d'une promenade. Désarçonné, le grand homme affaibli et gisant à terre : 

"mort, étendu à la renverse, le visage tout meurtri et tout écorché [...] n'ayant ni mouvement ni sentiment non plus qu'une souche", et qui, après avoir vomi "un plein seau de bouillons de sang pur", entreprit d'écrire "Les Essais".

 P. Quignard écrit encore :

"Tout à coup quelque chose désarçonne l'âme dans le corps. Tout à coup un amour renverse le cours de notre vie. Tout à coup une mort imprévue fait basculer l'ordre du monde [...] Tomber à la renverse [...] C'est comme une ­seconde naissance qui s'ouvre dans le cours de la vie."

Plus loin l'auteur évoque, en 1548, Etienne de La Boétie, l'homme, ami de Montaigne qui parla en beaux termes, la théorisant même, de la désobéissance civile:

"Je ne vous demande même pas d’ébranler le pouvoir mais seulement de ne plus le soutenir."

Commencez par arrêter de voter pour vos ennemis.

Arrêtez de vous donner des maîtres.

Arrêtez de payer des surveillants pour vous épier.

Arrêtez d’offrir par votre travail, au prince, l’or et les armes dont vous serez ensuite les victimes.

Arrêtez de donner la liste de vos biens à ceux qui exigent de vous piller.

Pourquoi constituez-vous ces files qui montent au bûcher et qui alimentent le sacrifice pour quelques-uns ou pour un seul ?

Pourquoi tenez-vous tant à être le complice préféré du meurtre et l’ami fidèle du désespoir ?

Les bêtes ne souffriraient pas ce que vous consentez.

Ne servez plus.

 

******************

 

Pour entrer dans l'image ou peut-être un reflet: en contrepoint encore mais sur un fil ténu précédent, le "royaume", fût il premier, dernier, vite vu, pas encore emballé pour soi seul, ni vendu, un instant retranché, rien qu'une légère errance en dessous de la surface éblouissante d'une ville occupée à nouveau ou toujours occupée. Un espace reprend l'homme qui marchait au hasard et s'y retrouve, par là même trouve une place que peut-être la société violente a cessé de lui accorder, un silence espéré loin des flux médiateurs, loin des violences d'après, loin de l'hyper-active injonction de devoir s'y sentir engagé à s'exprimer encore ou prendre partie prenante d'un nombre d'avis auxquels de toute façon on ne peut pas entièrement se rallier, loin des heures d'affluence, loin des ponts survoltés de traversées d'autos, d'hommes pressés et de vies hérissées, de courants électriques, des réseaux, des complots et loin très loin, de la vélocité, possessive. Ici, au jour le jour comme avant, comme après, c'est à peine, ou peiné qu'on retrouve un rivage tel un monde oublié, épargné, c'est un leurre, on le sait, mais peut-être, libre encore que l'imaginaire s'y repose, s'y prélasse. Peu importe, le prétexte vrai ou pas, l'endroit s'ouvre comme un livre, qui résiste aux assauts des foules, et de la peur, à nos replis craintifs, à la chute qui partout à la fois décrypte et tétanise l'homme au tempo rapide, qui se rêve au repos. Le lieu, ici invite, préservant des crissements, des fers, de la puissance, des serpents à sonnettes, des sirènes, des échos, à peine deux ou trois mouettes. A bonne distance sur terre comme au ciel, ces espaces semblent ouverts, pour nous aider à vivre, un peu d'eau, l'air, une berge vaguement à l'abandon, sans un phare, sans aucun feux de joie qu'attise la volonté de sacrifier, quoi donc ? Ici la berge étire un instant l'horizon, par la force de ce temps disponible, luxe doux n'ayant pas tant besoin de remparts ni de cuirasser l'être pour le trouver en phase, une heure avec lui même. Ce lieu où je n'avais pas forcément prévu d'aller à cet instant alors que la balade très naturellement m'y menait, happait d'un bleu-vert magnétique une mémoire d'océan qui n'existe pas sur le fleuve Rhône, pas en réalité, jamais à l'ordinaire, plutôt gris coutumier de sa grisaille urbaine. Bleu glacé de l'hiver, comme un gel, loin des pêches des navigateurs intrépides, de leurs chasses aux trésors, loin des vagues lourdes des hommes qui tombent et se relèvent comptent les points et les morts. Ici quelques reflets et les miroitements passagers de l'eau mêlée à une éclaircie toujours brève, le ciel bas ajoutant au désarroi des jours d'après, ce n'est pas rien qu'un rêve de glisser à travers cette luminosité, puis approcher d'un pas, concret, ou toucher la texture de cette berge, esquissant une trouée dans l'univers familier, bercé du flottement comme observer la vie avec les éléments devient un jour utile pour savoir qui on est. Il ne manquait, peut-être que "La barque silencieuse", hantant la simple image qui fragmente un passage d'une plus longue promenade, ce passage hante aussi quelques êtres, les plus lents, ou les autres, solitaires, ou les peu éloquents qui n'osent dire leurs idées au grand jour, peut-être pris à cette heure, de panique par l'instance collective, qui demande à chacun de penser à l'avenir, laïc ou religieux, alors qu'on ne peut plus suivre, en ses nombreux méandres, une si lourde entreprise. Alors qu'on se replie le jour où prononcer un seul mot, dont le sens qui déjà connoté, autopsié par tant d'autres, ruine la moindre tentative, et décourage, parfois du simple fait de vivre. Tous ces flux nous informent autant qu'ils peuvent aussi annuler la présence singulière, qui craindrait de se perdre en rejoignant trop vite les mouvements ou en se dévouant corps et âme aux causes les plus pressantes, en éprouve par avance les limites dérisoires aussi paradoxales que l'obstacle qu'il faut pourtant combattre. L'errance en contrepoint, du malaise éprouvé face aux ogres et géants, ici en forme floue, émerge par simple attrait, îlot d'indépendance, doucement retiré des sonos de la cité, une absence qui s'approche tout prés d'une autre page, déroule au pas suivant encore un fil d'Ariane, ou de Pascal (Quignard) magnifique écrivain, fouinant dans les comptines vieilles de nos origines éclairant notre époque, qui ravivent l'être humain fort de sa liberté inouïe, mais aussi entravée, à toutes les époques. Le livre offre de quoi sustenter les mortels embarqués, l'écrivain a rêvé de barques grecques allant à la dérive, il s'est concentré, à décrire :

"cette réserve animale, farouche, qui ne doit jamais se soumettre au langage, ni aux arts, ni à la communauté, ni à la famille, ni à la confidence amoureuse."

Il cherche le vivant avant que l’histoire l’ait réduit au standard, une piste, une phrase encore échouée, sur la barque invisible qu'il est possible ou non, d'ajouter à l'image (à la guise du lecteur de la voir apparaître ou de la dessiner). Extrait puisé toujours à la source limpide des beaux livres de l'auteur.

"Nous emportons avec nous lorsque nous crions pour la première fois dans le jour la perte d'un monde obscur, aphone, solitaire et liquide. Toujours ce lieu et ce silence nous seront dérobés"...

pourtant: "le large existe."

 

Photo : "L'eau qui revient sans cesse"...

Eau d'ici, eau de là, le bleu rare du fleuve Rhône © Frb, Lyon 2015.

lundi, 02 mars 2015

L'étang

 Il y en a qui vont 

Vers l'entrée pour voir

Si c'est possible. 

 

GUILLEVIC : "Du Domaine", éditions Gallimard 1977. 

 

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Lyon, un après midi dans les brumes au dessus de l'étang.

 

Photo: © Frb 2015

mardi, 24 février 2015

Les spectateurs

Pas de sens sous la main

la plupart du temps

on chasse ce qui risque la casse

on se maintient et va sans voir

comme tout le monde.

 

ANTOINE EMAZ : extr. de "Peur 1".

 

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Ils se sont arrêtés pour contempler le Rhône. Ils sont restés longtemps à émettre deux ou trois réflexions sur la beauté du fleuve et sa couleur verdâtre avec cette note de noir, qui rend une impression de saleté par temps gris, mais l'ensemble demeure agréable à cause des reflets des nuages gris rosés, ou des brumes qui offraient ce jour là, une vaporisation légèrement colorée propice à l'oisiveté. Eux, je les entendais échanger quelques phrases ponctuées de silences. Certains avaient dû dire qu'ils préféraient la Saône parce qu'elle était plus gaie. Pour les autres, mitigés, ça dépendait toujours d'une affaire de nuances, ils préféraient le Rhône, finalement, parce que (je cite) "c'était un fleuve plus franc". Ils acceptaient, de bon gré, que les autres aient envie de modifier leur trajet afin de contempler de l'autre rive sur un pont de la Saône par St Georges et St Jean, le coucher du soleil sur presqu'île. Le fleuve Rhône est un fleuve assez tumultueux, et chacun en perçoit les tourbillons obscurs, et même en le croisant certains jours ordinaires, on devine qu'il pourrait raconter des histoires difficiles à comprendre. Le fleuve Rhône capte aussi puissamment les lumières. Alors c'est peut-être mieux de ne pas divulguer ces histoires à des gens qui ne souhaitent pas les entendre. Il faut laisser le temps aux histoires d'apparaître, et ne pas modifier ce que les spectateurs ont cru voir un instant qui semblait trop léger, égratignait un peu la conscience pointilleuse de celui qui savait et finit par se dire que ce n'est pas si grave si la vérité s'égratigne au passage. Il faut laisser courir tout ce qui se dépense, même si ça ne se lie plus à aucune vérité, "pas de sens sous la main", il ne faut pas forcer cette main trop violente, qui se cache, on le dit, sous les plus beaux attraits. Il ne faut peut-être pas rejeter sans raison, les jours de convergences qui s'écoulent comme de l'eau, disparaissent sous les ponts disparaîtront un jour aussi souples que l'air mais gardent en eux l'étreinte de tous les paysages, et la mémoire de nous ; il ne faut peut-être pas briser une illusion collective, rassurante. A peine évoquerait-on les atmosphères d'un lieu qu'on s'emparerait aussi du style des personnages, on se tromperait d'objets en caressant des cibles, une façon de parler de soi pour l'agrément, quand dans la cruauté des mots et des images on nous démontrerait qu'être vu est utile, on affiche ce qu'on pense, et puis on va grimper, retomber aussi vite. Le silence s'opposerait avant de revenir trancher sur le sujet. On en reste à l'esquive, parce qu'on ne saura jamais traduire si fidèlement ce qu'on croyait savoir ou bien la cruauté (et ce qu'on en ressent) se change en marchandise, ou bien d'où l'on se trouve pour s'exprimer, on tremble on se piège à distance dans la fragmentation du temps et d'autres corps, en présence, en attente, parmi les phénomènes qui se heurtent et s'agrègent comme des vagues et reviennent s'annexer de mémoire, ou vivent en transparence. On ne pouvait pas savoir sous quelle forme ça glisserait, on ignore quel chemin, ni quelle berge remonter pour rechercher la source de cette obscurité, peut-être ce n'est pas ici, en ces eaux tourmentées où par un clair instant retrouvé d'évidence on pourrait s'y pencher une fois que les spectateurs se seraient retirés un à un. Dire que ça ne mentait pas, il y a bien, quelque part un petit quelque chose qui avait l'air de clocher, et juste ici, - c'est là ! (le doigt ne montre pas) pourtant les promeneurs et même les spectateurs ont dû baisser les yeux, remarquer encore vite, ou ils l'ont ressenti, ils étaient tous gênés, sans voir, ni trop savoir pourquoi il existait quelque chose comme un poids ; subitement ça cassait l'harmonie de l'ensemble, alors que cet ensemble paraissait présenter les mêmes vues qu'autrefois, à quelques détails près. Ca pouvait perturber tous les petits plaisirs. Une image de la vie : des rives aménagées en aires de jeux festives où l'on peut boire le soir entre amis, rencontrer du nouveau, danser sur des bateaux, éclairés jour et nuit. Paradoxe émouvant de boire autant d'alcool, au bord des eaux hantées de mouettes et d'immondices. Tout un monde de reflets, où l'on se sent hagard dans la vie parodique, bercé par l'air et l'eau en y jetant des mots. Chacun sait que l'on tient grâce à ces illusions, des retouches esthétiques qui deviennent véridiques. Ainsi on dit parfois (à tort ou à raison, peu importe ! on dit surtout pour dire) de certaines jolies filles qu'elles seraient sans doute laides et même indésirables sans ces heures fastidieuses à se faire un maquillage si discret qu'il parait au final, beaucoup "plus vrai que nature" et nous, on ferait semblant d'être d'accord avec ça. Disons quand ils s'accordent avec nous et entre eux pour ne voir que cela, nous on s'arrange aussi avec eux, entre nous, pour laisser les choses en état. On peut se contenter, un peu de ceci-cela, apprendre à aimer vivre, quand il ne resterait qu'à se laisser porter en suivant les reflets. Le reste tient du pouvoir de s'éblouir ensemble, et oublier ensemble le coin des barques tristes, échouées sur l'île Barbe. On pourrait retarder l'immersion dans la casse (liquidation forcée) et même s'en détacher. On laisserait flotter, on changerait de rivage ça découlerait toujours d'une mutation ratée, une saisie impossible, une partie du rivage s'était désagrégée, pendant qu'on écrivait des poèmes sur des nappes, et qu'on cherchait en soi une réponse qui n'existe qu'au-dehors, ou c'est la ligne de fuite qui vient nous rétrécir. On regardait d'en bas, on ne peut plus en montrer ce point où la confiance guidait l'esprit plus loin, il n'y a plus de confiance ailleurs que dans ce cadre où déjà on comptait archiver, un par un, le nombre des terriens en tous les paysages traversés d'autres chiffres ouvraient aux sports de glisse, on remarquait déjà que pour chaque spectateur, à sa suite, accourait un autre spectateur, un second qui viendrait ravager l'expression du premier, de quoi bien saturer la peur de s'ennuyer. On traverse la vie comme on regarde un film, on montre des images, et nous voilà conquis. On vous affiche des gens qui n'ont pas de regard et maintenant il faudrait vous raconter leur vie sous prétexte qu'on a dû les croiser quelque part, un court fragment du temps, que cela fournirait un motif suffisant pour en faire un ouvrage dont on finirait presque par se persuader qu'il dit la vérité, celle qu'on ne vous montre jamais et que tout le monde attend. On revient simplement raconter les histoires sans même s'intéresser à ce qu'ils en penseraient, eux, les passeurs perdus, précédant nos balades. On rêvait d'escalade, la tête dans les étoiles, et on jetait nos sacs pour que la cruauté entrevue s'amortisse au passage d'un défaut de mémoire. Il importe dans ces détournements, que ces éclats de vies ne deviennent pas sans cesse des produits dérivés d'un système qui promet, et peu à peu dérive en suite d'effets de l'art, parfois on se demande si ces vagues d'escalades ne finissent pas déjà par toutes se ressembler, tandis qu'on se transforme, nous aussi en reflets. On les avait vu vivre, quelques minutes avant, ces gens, ces étrangers, ils parlaient avec nous, ils ont dû contempler quelque chose de spécial qui n'entre pas dans le cadre, mais qui pourrait montrer une tout autre vérité. On les a entendu s'en aller gentiment, on les a salué. On les a entendu rire encore très longtemps ils étaient redevenus des silhouettes minuscules, et nous on les cherchait, spectateurs silencieux, parmi d'autres curieux entrés dans le spectacle de la ville qui dévore les visages et sans cesse nous déplace, puis les a effacés. On les a écouté juste avant qu'ils nous parlent, ils émettaient des bribes d'un langage familier qui n'appartient qu'à eux, ils ont émis des phrases, elles déformaient un peu les histoires que leur guide leur avait raconté, ils avaient quartier libre, ce n'était pas à nous de corriger leurs phrases. C'était une chose à eux. Personne n'est assez clair avec ses propres histoires pour tenter de rétablir l'équilibre général, et que tout devienne vrai, à rectifier les fautes qu'on saisit chez un autre, rectifier par souci de l'authenticité quand ce n'est pas l'éthique qui s'en mêle, et au pire, on s'emparerait enfin du nom de dignité, et ensuite, on constate, qu'il n'est plus un espace dans cet étroit passage qui ne soit pas replié. Une réserve minimale nous tient sur l'autre rive. Et le vent, nous ramène les merveilleux nuages sous le cloud computing et son divin stockage. Des poids de mots des corps des têtes sur des photos des murs et des rambardes des mesures des outils, des recommandations pour que plus rien ne cloche et ne sorte du cadre. Quelles autres vérités pourrait-on mettre en boîte ? Certes on n'avait pas vu ce qu'il y avait de figures accueillantes et déjà affectées par la férocité compactée en réclames, on était des réclames, on était devenu d'une banalité à pleurer, malgré les mots greffant un peu de l'air du temps qui toujours se trainait un ballot que Tchekhov titrait en d'autres temps. Rien n'avait dû changer, après toutes ces années, ces ennuis qu'on bariole et jusqu'à la pénombre qui se danse émoussée, nous recueille en eaux troubles, avec nos styles nomades dont l'espèce d'air flotté dans la simple existence rendrait l'effacement des passerelles moins cruel que l'étrange cruauté du petit quelque chose qui paraissait clocher et n'avait semble-il pas encore submergé la présence attentive des autres spectateurs.

 

Photo: Sur le pont, à la recherche de la ligne de fuite :-)

 

Lyon, Frb © 2015

vendredi, 20 février 2015

Les errances du modèle (III)

Il est des êtres qui cultivent une apparente difficulté de vivre à seule fin de se croire supérieurs à ceux que ces tourments épargnent. Mais pourquoi celui qui souffre et cherche, devrait-il s’estimer supérieur à celui qui ni ne souffre, ni ne cherche ? Face à la vie, nous sommes tous des infirmes, et nul n’est fondé à se croire supérieur ou inférieur à quiconque.

CHARLES JULIET, extrait "Ténèbres en terre froide"Journal tome I, (1957-1964), éditions POL 2000.

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J'ai voyagé partout et j’ai les yeux fermés, pris dans les planisphères, fou des géographies et des rives anciennes mais je vis bien caché, blotti dans les fourrés gris de la taupinière, remblais des rêveries retombées sous un trait commun, définitif.

Le mensonge et l'oubli est tout ce qui nous reste, un fond de gouaches pressées, une histoire d'outremer sur velin démodé, et on s'étonne encore qu'au fond de cette nuit, le gris nous ré-invente un refuge accessible comme la dernière couleur quand la mélancolie fût changée en mépris, la dernière couleur même, qui n'avait rien trahi, c'était le gris venu en simples causeries avec le mal du soir. Le gris inavouable des mondes à Reverzy, sans film et sans nuance, un matin, nous surprit en mal de poésie.

Tu me dis que le gris de la matière immense est de toutes les couleurs  ;  je m'use toujours à croire que rester sur ce quai gris comme les grands trottoirs la nuit dans la cité, protègera des obstacles. Je rêvais de partir tout en ne partant pas, parce que plus je m'en vais plus le pas me ramène au regret de mes rives, plus je pense aux voyages, plus je voudrais rester, ici, et chaque jour repartir en balade pour flâner chez les miens, flâner où j'aime flâner.

Tu ne connais pas le temps dont l'être singulier a besoin pour aimer chaque rue de sa ville, tu ne connais pas les gens mais tu en parles bien, le nez contre ta vitre, écrasé à juger des minables qui n'ont pas eu la chance de s'élever grâce aux maîtres à penser, que tu nourris le jour en leur offrant ta vie, tu me parles de la chance, comme une belle récompense qu'un esprit affligé d'un tuteur disposé à régner sur son temps plus fin que les horloges, doit gagner au final. Perdre ou gagner, en somme, des blâmes et des trophées, au pied du métronome, c'était là, l'uniforme qui frappait les attraits. Et moi, je ne suis pas sûr de bien connaître le rythme et le temps qu’il faudra à un Homme pour aimer se refaire une vie au même endroit, afin de mieux comprendre ceux qu'il doit rencontrer, ou qu'il souhaite retrouver et qui l'ont oublié comme au temps quand chacun s'était cru destiné à construire. Construire quoi ? Un Royaume ? Devenu cet empire de mots désaffectés, chacun à sa marotte, secouant un hochet.

Au fil du temps j’ai vu que je ne connaissais rien, ni mon père, ni ma mère, ni ceux qui me nourrissent, je me croyais porté par eux, floué parfois, plus malin que les autres, mais c’est une illusion due à la négligence, de prétendre que les autres ont perdu la mémoire, que la mienne est intacte. J’avais le feu au cul, et toujours en partance, je voulais m’éveiller, faire le tour de la terre comme s’il s’agissait de se multiplier, avec des noms de guerre cachant la même figure qui prend ses habitudes dans les espaces broyant des ferrailles aux rouages de nos locomotives couvrant les sons feutrés de ces belles courtisanes capturées dans des livres : on voyage comme on ment, on s'en va pour se fuir. Oui, sûrement. Et ensuite ?

J'ai gardé les billets dans les petites affaires, c’est une peau de chagrin poinçonnée en vitesse, mais en réalité je ne suis jamais allé plus loin qu'au seul chapitre d'un livre d'histoire-géo de la classe de 3ème, illustré, condensé de l'Europe au vieux temps : Bruges, Sienne, ClunyCoutances ; à travers la routine, quelques allers-retours, vrais de vrai, cependant, je brodais autrement des vues nettes pour l'ailleurs, m'entichais des merveilles de désastres naturels, rêvant du temple blanc dans le tremblement de terre, des vallées de la mort aux vallées de geysers, recouvrant les fragments de mon simple décor, je me fis chercheurs d'art, et je croisais des âmes tombées du vieux théâtre, j'envoyais de chez moi des vues de villes lointaines qui prouveraient un jour que mes faux-grands voyages, étaient clairs et limpides au moins comme l'eau de roche coulait dans les cuisines tapissées de photos de famille, de copains et copines en sweet-shirt au camping, et de notes et de frises baillant du papier gris entraînant ces ressorts où parti pour là bas, sans sortir du carré d'un quartier villageois, je promenais des absents, les tirant par la main hors des murs de l'enclos, jusqu'au dernier portique.

Quand je reviens chez nous, tout me semble se réduire à ces vagues raisons qui m’avaient fait partir, je les retrouve entières, elles me happent au retour, je pourrais fuir encore, j’ai allumé des feux que je ne peux plus éteindre dont les braises mourantes m’asphyxient peu à peu. Je croise virtuellement des gens qui m’interrogent, je ne sais plus quoi leur dire, je pinaille, j'improvise. Je salue d'autres humains qui disaient n'être rien, peu à peu, je m'y vois, asservi à porter leurs habits au pressing, je me fonds dans l'étoffe, elle me va comme un gant. Je témoigne en deçà, des langues qui décomposent et fracturent nos souvenirs. Les ratures s'émancipent. Un vitrail nous sépare désormais du vrai monde. Vu de loin, quelquefois, on croyait voir brûler du foin sur les reliques. Vu de près, on sait pas, mais quand même, on s'informe.

J'entends encore le rire tonitruant d'un fou reluquant sous le cuir des valises un trésor fantastique, il voulait revêtir les précieux ornements inspirés de ces vies qui ne m’appartiennent pas. J’avais accumulé, il faut dire, une belle petite fortune en bradant des portes et des fenêtres pour me rendre au final à l’idée de revendre le vent qui venait de Saturne, c’est drôle de voir des gens acheter n’importe quoi, pour peu que l’emballage soit bien mis, que le slogan séduise. J’enveloppais des bouts de vent dans du papier journal puis je me consacrais à des collections rares de coquillages géants en forme d’escaliers j'en faisais des bracelets et des boucles dorées qui collaient aux oreilles, après quoi, la breloque semblait un don cosmique.

J’offrais tout. Je soldais le dernier cri du monde, c'était moi, l'extatique survivant des razzias qui liquidait gratis, en veux-tu, en voilà : les vagues de l’océan, l’air iodé, la tiédeur et la grève, et la crème du bonheur qui vous rend invisible, ça faisait un malheur. J'éditais des plaquettes de poésie flottante, comme des mots enrobés à la graisse de baleine et tant que ça flottait, le monde était content.

Toutes mes vies insouciantes finissaient en dérives, j’abordais les pagodes où des femelles cupides songeaient pour s'embellir à me prendre pour idole, emballées du projet de mon fantômatisme, commençaient à poser sur mon seuil, les cadavres que j’avais oublié d’engloutir.

J’avais beau les jeter à mon chien, un bâtard émouvant aux allures d’ours brun, il me refusait tout et ne daignait goûter cette nourriture puante qui portait au dedans mes empreintes digitales.

Avais-je tué des gens pendant un long sommeil ? Oui, sans doute, mal tué, car je faisais tout mal. Même en vrai, même en rêve, ainsi revenaient-ils pour que je les achève. Ce sont des âmes qui errent dans ma tête, dit mon chien et mon chien ne voit rien. Et mon chien ne veut pas finir le sale travail.

Certains jours, il me parle, il me demande à boire - ne boit que dans ces mares que l’on frappe au champagne - il devient exigeant et je frappe tout liquide et il boit mes paroles et je suis fier de ça.

C’est dans les reflets vifs de ses beaux yeux dociles que je puise mon entrain, l’espèce d’humanité animale qu'il me faut pour survivre jusqu'à demain, au moins, et puis rester humain le plus longtemps possible. Avec lui, je suis moi, pas comme avec ces gens qui me posent des questions sur mon poids sur ma taille, et les autres qui recherchent le bureau du service après-vente des magasins du vent, ils menacent de procès ; ils me feraient crever à force de se plaindre. Les gens se plaignent tout le temps. A présent ils voudraient que je rembourse le vent, moi, qui ai marchandé sous prétexte... je ne sais plus quels prétextes ils inventent. Les gens sont décevants.

J’aimerais devenir moine, vivre dans un capuchon loger mon crâne ovale au chaud à tout jamais et prier sous des voûtes, finir vouté comme toi qui laçais tes souliers pour grimper la montagne et te coinças le dos, quand t’accrochant à moi, tu arrachas le masque, on t'a vu effrayé de ne pas y découvrir la personnalité dont tu avais crée précisément l'image.

Pourtant j’ai de la tenue, mon sourire est plaisant, j’ai les yeux qui s’éclairent dès que revient la nuit, et toi tu voudrais voir dans mes yeux le soleil briller avec les autres, tu voudrais m'emmener dans tous les cinémas regarder les chefs-d’oeuvres que la vie n’offre pas, tu voudrais que j’abandonne mon chien pour être à toi, il resterait tout seul comme les vieux chiens qui errent, là-bas dans les ruelles, je ne peux supporter ça, plutôt te plaquer là. Je suis vieux, j’ai cent ans de projets et des rêves...

Que fera-t-on de moi, quand je n’aurai plus le temps de voyager là-bas, vers ces pays mousseux ? quand je ramènerai sous mes bottes de sept lieues tout le vent, le vent que je remue, qui me fait exister et que je fourgue aux gens comme une panacée.

Quand ma cupidité ne me pousse pas à tout vendre, alors que moi, entier, je me donne gratuitement, je donnerai ma chemise pour un jour de brouillard, je donnerai mon enfant pour effacer ton ombre, et gouter sans broncher sur un gros caillou blanc, les mots d’un autre temps, je braderai la fille qui dépeupla son âme pour me couvrir de gloire, un jour, on m’emmènera au marché des esclaves, et je fouetterai le vent, je montrerai à ceux qui voulaient marchander qui est le maître, à présent.

Hormis ça, je ne fais rien. Rien de rien. Les jours passent. Les poèmes se délitent, et je tue quelques heures à écrire des histoires pour oublier l'effroi ; ces histoires de massacres, de partouzes et de fric. Je raconte des histoires fourbues de l'air du temps, des trucs de chiens qui parlent, de trains qui vont partout s'aiguiller sur des plages d'une cité noctambule jusqu'au blanc intouchable, avec vue sur un temple, des histoires, que d'histoires ! Elles n’iront pas plus haut que le son retenu dans cette gorge humaine qui remue son refrain et le chante comme une ronde qui se danse également, guettant la voix de l’aube, la voix désemparée contre le vent du soir, qui ne cesse de souffler : 

“un beau jour, tu verras, un beau jour, j’irai loin”.

     

Photo : Voyageur immobile, modèle III, une rencontre, lunatique, erratique, rêvassant dans la nuit devant la vitrine du printemps en hiver (gris tirant sur le brun, j'admets).

 

  

Lyon Presqu'île : © Frb 2014 remixed 2015.

lundi, 16 février 2015

Les regardeurs

Nous cédons trop aisément à une réaction de défense. Rechercher une protection, c’est inviter l’ennemi chez soi sous prétexte de l’amadouer. À invoquer la peur, on pénètre sur son terrain de chasse. Seul le patient exercice de la volonté de vivre dissipe la crainte que parsème une nécessité qui n’est pas la nôtre. 

RAOUL VANEIGEM : "Nous qui désirons sans fin", Folio, 1999.

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Photo de rue, en passant devant le petit kiosque à journaux de la place de la Croix-Rousse. Le monde tel qu'on le vit (tel qu'on le revoit venir. Et pire, et pire, et pire... )

 

Lyon, Frb © 2014-2015.

dimanche, 01 février 2015

La modification

Saisie dans un espace de temps probablement trop court pour la moindre pensée

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Marcheurs au fil du temps, aperçus du dimanche 11 Janvier au dimanche 1er Février 2015, à Lyon.