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mercredi, 18 août 2010

Sur le banc de la quiétude

Qu'est ce qu'on raconte ?

JAMES SACRE extr : "La petite herbe des mots", (1986), "Si peu de terre et tout". Editions "Le dé bleu" 2000.

Pour découvrir quand et où se trouve la quiétude vous pouvez cliquer sur l'image.banc.JPG

Sur le banc de la quiétude, je me suis assise ce matin, j'y suis restée je ne sais combien d'années, jusqu'à l'heure du coucher du soleil, j'ai pensé à tout un tas de trucs, à tout un tas de machins, sur le banc de la quiétude j'ai pensé.

A l'enthousiasme qui n'est pas un état d'âme d'écrivain, j'ai pensé aux longs chats allongés sur des crêtes, j'ai pensé à tout ce qui peut être l'objet d'un désir honnête, j'ai pensé à la gymnastique, rien qu'à la gymnastique, j'ai pensé aux objets miroitants et fragiles, j'ai pensé à l'amoncellement des volumes informes, j'ai pensé à ce roi qui se couche sur des feuilles après un repas de fruits, j'ai pensé au secret de la beauté, à l'étang lustral, aux lotus, j'ai pensé à l'art d'user des plaisirs, j'ai pensé aux messagers, aux bien aimés, j'ai pensé à ces cages d'escalier, à leur pauvre lumière, j'ai pensé à la transmigration des âmes, aux lucioles et aux vers de terre, j'ai pensé au bateau qui prend forme, aux planchers de sapin usés, j'ai pensé au défi qu'on lance à tous les vices, au repli sans trêve et sans fin, au peuple qui s'engage de son plein gré, sur le banc de la quiétude j'ai pensé.

Midi a sonné à la petite église, il ne m'est pas venu à l'esprit l'idée de déjeûner. Assise sur le banc de la quiétude, j'ai pensé que désormais plus personne n'aurait plus jamais besoin de déjeûner. J'ai pensé à l'arbre de la connaissance, au cloître où sont formé les maîtres, au monstre, à la bête abattue, aux veillées de noël rustiques, j'ai pensé aux fées des roches et des collines, j'ai pensé à la solidité de l'oeuvre, j'ai pensé à la règle bénédictine, aux miradors, aux mirabelles, j'ai pensé au figuier sycomore, aux magnolias, aux immortelles j'ai pensé aux mantilles, à l'évènement ébruité, j'ai pensé aux entrelacs qui se peuplent d'animaux, au spectre de soi qui va et vient entre les murs, j'ai pensé aux âmes des morts ensevelies dans l'étroit cimetière autour d'une église en ruine, j'ai pensé aux hommes visant le gibier, j'ai pensé à l'effeuillement gai, j'ai pensé au rayonnement d'un jour total, au vierge sable osant battre la couche, j'ai pensé aux petites heures et aux grandes heures, j'ai pensé aux livres rangés sur le dos qu'une languette permet d'attraper, j'ai pensé aux confiscations révolutionnaires, à la timidité mortelle. Sur le banc de la quiétude, j'ai pensé.

Je sens que la lumière est moins vive, le jour baisse, assise sur le banc de la quiétude j'ai pensé qu'il devait être plus de cinq heures du soir, j'ai pensé que désormais cinq heures du soir ne voudrait plus jamais rien dire. J'ai pensé que quatre ou cinq c'était comme cinq ou six, j'ai pensé aux chiffres romains, aux racines carrées, aux tables rondes, et au khim, j'ai pensé à l'étincelle en lieu de ce néant, à la main de Damayantî s'en allant vers la capitale du Vidarbha, j'ai pensé à Saint Syméon qui vécut quarante ans sur une colonne, j'ai pensé à l'eau froidement présente, aux grenades entr'ouvertes, aux cloisons de rubis, j'ai pensé à la dispersion et à la perte des livres, aux enluminures romanes et gothiques, j'ai pensé aux moucherons agités qui s'engluent dans la confiture, au rocher que l'on roule devant une porte ouverte, j'ai pensé que très bientôt sur les marchés ça sentirait la mandarine, j'ai pensé aux questions indécises et à la force d'inertie, aux pierres disjointes, j'ai pensé aux intempéries, j'ai pensé à la joie paresseuse, aux perfections des mécanismes, aux gens qui se mordillent la lèvre inférieure avant de se rendre à un rendez-vous, j'ai pensé à la théorie du chaos, aux épaves de la guerre, aux chavirements et aux mouvements de cils d'une biche, aux coeurs qui s'y fient, à l'effacement, j'ai pensé au soleil couchant sur le banc de la quiétude, j'ai pensé.

Le jour décline, je dors couchée sur le banc de la quiétude, j'y dors toutes les nuits depuis près de deux ans et je rêve que je m'assois chaque matin sur le banc de la quiétude, pour penser à des trucs et à des machins.

Nota : Remerciements à Stéphane Mallarmé, Paul Valéry, Etiemble, Julio Cortazar, Boris Vian, Hermann Hesse, Spinoza, et Corneille qui m'ont quand même un tout petit peu aidée (mais pas trop, hein !) pour la rédaction de ce billet. Je dédie le banc de "La quiétude" et même "La quiétude" entière à Christophe Borhen parce que je sais que c'est un endroit qu'il apprécie et enfin, (belle âme !) je dédie "La quiétude" à tous ceux qui en ont besoin (vous pouvez me remercier :)

Photo : Le banc de "La quiétude" n'est pas un tombeau. "La quiétude" est le nom d'une petite maison plus que charmante, (mais je crois que le lecteur aura compris), découverte et photographiée au coeur du bourg de Vareilles, au mois d'Août de l'année dernière, en contrée nabirosinaise © Frb.

Commentaires

J'y suis pour ainsi dire chaque jour !!!! ;-)

Écrit par : patriarch | mercredi, 25 août 2010

@Patriarch : Ah ben ! ça ne m'étonne pas ! et je comprends mieux maintenant d'où vous vient votre sagesse ancestrale et à toute épreuve imperturbable (sourires).
Très bonne journée à vous !

Écrit par : Frasby | mercredi, 25 août 2010

Merci. Et en plus, j'ai pensé au chat qui dormait là avant votre arrivée. Chère Frasby, dans mon coin reculé de campagne, je dispose (enfin !) d'une connexion internet haute vitesse. Je vais donc pouvoir suivre votre carnet à nouveau. Et je trouve ironique (et pourtant tout à fait logique) que la quiétude soit le thème à m'accueillir ici au retour. Merci.

Écrit par : Marc | mercredi, 25 août 2010

@Marc : C'est vous ??? (excellente surprise !)
Le jour est beau ! je ne vous cacherai pas que je suis allée vérifier si c'était vraiment vous, car il y a beaucoup de MARC sur terre mais un seul et pas deux qui habite l'île de la tortue. A vrai dire je n'y croyais plus. Je pensais que vous aviez abandonné, las, les mondes virtuels, pour la vraie vie aux vergers, c'est pourquoi, (sommes nous si irréels ?), je n'osais plus vous déranger. Je trouve plus étonnant, qu'ironique que ce petit banc de la quiétude vous ramène jusqu'ici (enfin!) c'est à croire qu'il vous attendait. Il vous attendait ! n'en doutez pas. Merci à vous ! et à bientôt j'espère...

Écrit par : Frasby | mercredi, 25 août 2010

Merci de cet accueil. Je suis tranquille. (J'hésite avant de l'écrire, je ne l'utilise pas souvent sans - in-)... Je suis quiet. À bientôt.

Écrit par : Marc | mercredi, 25 août 2010

Je sens que la lumière est moins vive, le jour baisse, assise sur le banc de la quiétude j'ai pensé qu'il devait être plus de cinq heures du soir, j'ai pensé que désormais cinq heures du soir ne voudrait plus jamais rien dire. J'ai pensé que quatre ou cinq c'était comme cinq ou six

ah que ça non ! nuances nuances et je dirais même nuances !
great différence entre 4 et 5 et 6 "du soir" !!!! hénaurme !
à partir de 6 est permis le plaisir du vin ! (et mon caviste de Cluny a "titré" sa boutique : "plaisir dit vin" ce qui ne manque jamais de me plonger dans des abymes de délectation mystique (faute de plonger en une vaste futaille et y nager telle une grenouille - (l'ancêtre de l'homme selon JP Brisset) dans le Lac de Saint Point , à quelques mètres de la tombe de ce vieux Phonse (qui fut aussi vigneron , du moins "propriétaire " de terrains viticoles)

note visuelle : j'ai quasi le même "banc de quietude" auprés duquel j'ai posé une statue romane "au cou coupé" (les mains itout) : lui & elle nous quietons assez convenablement ensemble (même quand je lis Brautigan sur le dit banc , mais quand c'est Erri de Luca alors la lourde pierre du banc et la statue "cou coupé" , frétillent d'une autre aise) (allez savoir pourquoi)

Écrit par : hozan kebo | mercredi, 25 août 2010

@ marc : Vous pouvez être tranquille ! ici le domaine sera toujours inoffensif avec vous et toujours accueillant (enfin, on va tâcher moyen que vous n'ayez pas à déplorer les prestations de service d'accueil (sourires), cela dit il n'y a pas d'école qui forme à ça j'ose le dire c'est vraiment au feeling, portes et fenêtres ouvertes pour vous, rien n'a changé, tout comme avant... "In quiet" = dans la quiétude ou dedans la quiétude ? Vous corrigerez mon anglais mais bon je suis comme vous en français j'écris rarement que je suis quiète sauf sur mon banc, Pessoa m'aura déformée l'esprit, et je ne peut hélas pas renier ce bon Fernando ! il m'en a tant appris (cf "le livre de l'intranquillité"). Enfin tout ça pour dire, be quiet ! que vous êtes le bienvenu, quand bon vous semblera.
Comment vont les framboises ? ;-)

Écrit par : Frasby | mercredi, 25 août 2010

Cet été 2010, ce mois de juillet plus précisément, est à marquer d'une étoile. Ce fut l'été des framboises ! Une récolte abondante, généreuse, délicieuse, agréable. Tout cela s'est déroulé dans une quiétude, tenez, presque parfaite. Presque ? Eh oui ! Il y a bien sur « la part de l'ombre ».

« Toutes choses que je connais, au nom de cette raison qui nous éclaire encore pour un peu de temps, je les ai nommées. Cependant, la nuit de ce qui n'a pas de nom les déborde de toutes parts. » Jean Tardieu.

Écrit par : Marc | mercredi, 25 août 2010

@Hozan kebo : 4 ou 5 ou 6, je pensais aux signes qui signifient ces instants, je voulais dire que sur mon banc peu importe le timing, c'est le mouvement du soleil en adéquation avec les créatures, qui décide de l'heure de l'apéro et non plus la montre donc je dirai grosso modo que nous sommes d'accord et tout ça ne va pas contredire votre fabu(e)leuse théorie du plaisir du vin, on n'a pas besoin de savoir qu'il est six heures pour ouvrir la taverne n'est ce pas ? on peut truffer le bon moment en grattant un peu la terre et si on est un peu sagace, on finit tujours par être assez synchro. Enfin, c'est ma non moins fa (fût ?) meuse théorie du vin. Qu'en dites vous ? "Plaisir dit vin" c'est pas mal non plus comme enseigne ! Votre caviste est un poète, c'est un autre que celui de l'abbaye ? Enfin, personnellement, j'attends le jour où je pourrais vous photographier en train faire la grenouille dans le lac de Saint Point (Saint point aussi, c'est le genre d'appelation pour un lac, qui plonge dans des délices de mysticisme)mais que je ne le connais point, d'ailleurs j'ignorais que le Fonsse avait sa tombe là bas, je croyais qu'il était enterré au cimetière du MARC de la rue de la barre (zut alors !) . Après vous avoir lu je me dis que j'ai des ces lagunes, d'une part la théorie de JP Brisset sur les hommes grenouilles, c'est la première fois que j'en entends parler, c'est quoi ? D'autrepart j'adore Brautigan (en interview ou extraits de livres etc. Le bonhomme il me plait trop mais... (vous allez hurler tel un putois et vous aurez raison) je n'ai encore jamais lu un seul livre de Brautigan (!;-O!) et j'ose vous demander, quel livre de Brautigan il faudrait conseiller en premier à une oie blanche selon vous ? Et Erri de Luca, je l'ai adoré et l'ai oublié (c'est affreux hein ?) enfin j'ai oublié son nom (je ne suis vraiment pas fière de moi) "oeuvres sur l'eau" c'est bien de lui ? Enfin et pour finir, dernière question, votre statue au cou coupé jusqu'aux mains elle est vraiment romane, ou c'est une vraie fausse statue romane achetée à l'hyper-rion de Cluny ? J'espère juste que c'est pas Keith Richards
qui lui a coupé les mains à coups de guitare (après abus de bouillie de pavot de californie)... Et euh ... Comment vont vos mûrons ?

Écrit par : frasby | mercredi, 25 août 2010

@Marc : Une étoile en forme de framboise... Pourrait-elle effacer la part d'ombre ?
Cet été n'aura pas été au bout de sa perfection semble-t il ici et là, que de parts d'ombre ! cette part d'ombre n'aura donc épargné personne ?

Écrit par : frasby | mercredi, 25 août 2010

Je m'asseois sur votre banc avec reconnaissance. Voilà bien ce dont nous manquons trop souvent, la quiétude . Les sirènes nous mugissent sans cesse aux oreilles, troublant nos silences contemplatifs, nous poussant aux fesses vers de petites choses importantes. Merci Frasby, j'avais un peu fait la blogosphère buissonnière ces jours d'été. Venir chez vous est de bon augure pour mon retour à plus d'assiduité. Mais je vais me rasseoir un peu.

Écrit par : Zoë Lucider | jeudi, 26 août 2010

@Zoë Lucider : Reconnaissance itou, Zoë !!! je viens de quitter un peu mon banc pour faire un beau voyage, paisible comme "la maison quiétude", j'y ai vu un jardin timide, rougissant un petit peu, des quais et de superbes plages, j'y ai vu la rue Robert Doisneau, je ne savais pas qu'elle existait et j'ai appris des choses, comme quoi il n'est pas vain de temps en temps de se lever son banc, et vous nous prouvez bien qu'il est bon de se mettre tranquillement en mouvement, qu'ailleurs il n'y a pas que des choses affreuses. Reconnaissance itou de cet enseignement sous un bon arbre quiet ;-), pour les sirène je vous rejoins.
Les petites choses importantes reprennent. Ca s'agite de partout et ça bruite. Déjà, ils nous fatiguent !!!
Bientôt il va falloir payer de nos personnes. On se demande pourquoi l'état n'a pas encore repris en main tous les contemplatifs, en accord avec les labos pharmaceutiques pour les soigner une bonne fois pour toutes, bien comme il faut. C'est pas avec de la contemplation qu'on va mettre les gens au boulot. Petites choses importantes. Revoici bientôt le temps de l'efficacité et des mesures. La "blogosphère buissonnière" ! C'est superbe ! mais c'est de l'incitation à la paresse !!! ;-O !
il y a des correspondance de bon augure. Rasseyons nous un peu, je vous suis ... ;-)

Écrit par : Frasby | jeudi, 26 août 2010

J'adore cette quiétude atmosphérique et je salue ta patience
je ne pense pas que j'arriverai pour ma part à passer un jour et une nuit sur ce lit de plein air. Par contre je rêve d'en voir un aussi beau, un jour, dans mon jardin
Plus je le regarde et plus je me dis que peut être à l'origine ce devait être cet arbre rouge que l'on trouve dans la forêt (africaine) dont une branche a été coupée et qui posée sur l'eau est devenu un pont (conte africain) puis s'est transformé en ce banc de quiéttude lorsque l'éau s'est retiré?

Écrit par : alex | jeudi, 26 août 2010

@Alex : Il m'a l'air magnifique ce petit conte qui passerait du continent africain jusqu'en Suisse (?) cf. "La pensée remonte les fleuve" ? Pour arriver au banc qui n'est pas celui de la société. Quiétude atmosphérique, voilà le terme qui convient et sonne comme un prélude aux bons recommencements. Je crois que pas mal de gens rêvent d'avoir un petit banc et même sans un petit banc juste d'avoir un jardin...
Mais l'eau s'est elle vraiment retirée ? On se le demande. Ne la devines-tu pas hors champ ?
(On nous cache tout, on nous dit rien ! ;)

Écrit par : Frasby | jeudi, 26 août 2010

@ Frasby : Je ne me souviens plus de quelle part d'ombre je parlais. Et de la haute vitesse. il s'est avérée, euh, qu'elle ne tire pas tellement plus vite que mon ombre tenez. Mais ce matin quand je pense aux quatre années qui ont passé sur ce banc de la quiétude, je suis surpris qu'il soit aussi familier et que son usure soit si acceptable. Merci Frasby, pour votre accueil en ces beaux matins.

Écrit par : Marc | mercredi, 10 décembre 2014

le silence, de mes amis, nos silences... ce peut être autre chose que de la négligence, ou du mépris...
Le silence il peut-être juste un instant, recueilli,
mes excuses, assez plates, pour ces pannes en travers

"un souvenir bien tendre. Ces plages de silence m'ont donné le temps de rêver d'eux",

Moi aussi, Marc...
s'il est possible, n'en doutez pas

pour l'an nouveau
ce n'est pas le bon timing, là haut-dessus,
mais c'est peut-être le bon banc ?

Comme je n'ai pu parvenir à poster hier mes voeux chez vous, et que finalement, le beau visage de Charlotte, harmonieux...
mais, je ne pouvais connaître la suite de votre billet,
je vais commencer par vous souhaiter une bonne année ici, cette fois, sans trop de retard, une douce année
et surtout une belle vie.

Merci Marc, pour votre présence, vos correspondances réconfortantes, vos aventures là bas, j'y suis encore très attachée, et aussi fidèlement qu'au début, (2008 :)
même si vous en doutez, il y a la vérité et il y a l'évidence il se peut que cela forme encore un ensemble... Si un jour vous avez vraiment besoin de vérité, la vérité, pas celle qui court ici ou là, mais celle qui tôt ou tard, finit par apparaître, souvent trop tard, c'est long on sait depuis la nuit des temps que la vérité, ne nous aime pas, enfin, le vrai, le faux si vous doutez faites un signe, n'hésitez pas ...

Écrit par : frasby | jeudi, 01 janvier 2015

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