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jeudi, 17 septembre 2009

Le duplex de Malévitch

"J'ai débouché dans le blanc, camarades aviateurs, voguez à ma suite dans l'espace sans fin."

KASIMIR MALEVITCH (1878-1935)

le duplex de malevitch.JPG"Débouché dans le blanc," On a retrouvé MALEVITCH (Kazimir Sévérinovitch exactement). Des signes qui ne trompent pas."Carré noir sur fond blanc", (peint en 1913, montré en 1915), explose l'art ancien. En 1923, MALEVITCH réalise une esquisse de vêtements, conformément à une peinture murale... MALEVITCH écrit :

"L'harmonisation des formes architecturales, quelque style d'architecture industrielle que ce soit [...] exigera le remplacement du mobilier, de la vaisselle, des vêtements, des affiches et des peintures existants. Je prévois que le mouvement de l'architecture va avoir d'une façon significative, une harmonie suprématiste de formes fonctionnelles".

Cet extrait de texte alerta sérieusement les agents d'expertise de la "manufacture art et cycles de certains jours" qui ne mirent pas longtemps à découvrir le "pot aux roses". MALEVITCH était bien vivant. L'artiste, non content d'avoir explosé l'art ancien en 1923, récidivait en 2009, et très insolemment, doublait la mise sous les yeux d'un Emile Zola médusé, quelque part en banlieue entre Gratte-ciel et la Tordette. Tout le monde se souvient (n'est-ce pas ?) qu'en 1925, MALEVITCH s'était mis à construire des "architectons", compositions suprématistes spatiales... Ainsi tout concordait : Le duplex de MALEVITCH constituait bien le chaînon manquant entre "le carré noir sur fond blanc" et les "architectons". Du moins ce fût la conclusion de nos agents d'expertise de la M.A.C.C.J. qui pour en avoir le coeur net, envoyèrent une convocation à Monsieur K. MALEVITCH. On attendit. Monsieur K. MALEVITCH ne se présenta pas. Une enquête de voisinage menée tambour battant par les agents de la cellule de vérification des arts et cycles de certains jours (C.V.A.C.C.J.) ne pût tout à fait obtenir les résultats souhaités. Certains voisins affirmèrent de source sûre, qu'effectivement Monsieur K. MALEVITCH habitait bien ce duplex, d'ailleurs il avait dérangé les gens sous prétexte de petites rénovations sur la façade côté cours. D'autres furent certains qu'ils n'avaient jamais entendu ce nom là. Seul, un psychiatre réputé, l'éminent Docteur S. Drufe vivant dans la maison d'en face, jura sur la tête de sa femme, de sa mère et de ses patients que ce duplex n'existait pas, sinon dans l'esprit dérangé d'un bon nombre de gens. Il fallût donc revérifier. Les contre-experts de la C.V.A.C.C.J. s'invitèrent dans l'appartement du Docteur S. Drufe, et se mirent à la fenêtre avec des téléobjectifs pour tenter d'arracher la preuve que MALEVITCH était vivant et résidait à Villeurbanne. Auquel cas, il faudrait signaler au gouvernement (à monsieur Ribec, particulièrement) l'existence de ce terroriste (afin de vérifier si ses papiers ... enfin bref !). Seulement voilà... Ce que virent les contre-experts s'avèra tout à fait incompréhensible et confirma irréfutablement les arguments du Docteur Drufe : "Le duplex de MALEVITCH" n'existait pas, pas plus que MALEVITCH ne pouvait être vivant. On touchait au néant : "Carré blanc sur fond blanc"...

le duplex de malevitchXX2.JPGLes experts de la C.V.A.C.C.J. ne voulurent pas admettre la vérité qui pourtant résidait dans cette sorte d'énigme dépourvue de paramètres. Cette figure sans trame, ce duplex sans fenêtres qui obsédait, taraudait, désintégrait les hypothèses, posait au milieu des mondes habités un aberrant seïsme d'une puissance de type immobile. Nos contre-experts  pas plus que nos experts, ne pourraient désormais s'arracher de cette surface sans éprouver cette sensation de nudité, ou pire encore la suspicion que ce K. MALEVITCH (bien qu'introuvable), avait pris possession de leurs cerveaux et bientôt attaquerait leurs corps...

Bien calé dans son siège "Colombo", le docteur S. Drufe attendait patiemment que ces messieurs quittent la pièce. Tripotant une statuette ramenée de Laponie par son amie Anna de Sandre, le docteur écoutait. Depuis l'irréfutable surgissement de la preuve, les agents de la cellule de vérification, ne tournaient plus très rond. L'un disait : "Je suis sûr que MALEVITCH habite dans ma tête", un autre complètement fou faisait de grands gestes d'exorcisme en hurlant "Kasimir, je t'en supplie, sors de ce corps". Le docteur Drufe, très intrigué fit parler le troisième: "Mais que ressentez vous, au juste, mon ami, si je puis vous aider ?", l'expert cherchait ses mots, il ne les trouvait plus. Il était sûr que c'était ce MALEVITCH qui les lui avait pris. Il demanda au docteur une dernière petite faveur : "Pourriez vous fermer les rideaux s'il vous plaît ? Ce duplex, vous savez, je ne peux plus le voir en peinture !". (Rire du Dr Drufe) "Ah ! Ah ! en peinture ! non ! ça, mon ami, en peinture, ça ne risque pas !". La nuit tombait, le docteur Drufe savait. Le duplex de MALEVITCH ayant existé dans la tête des messieurs, on ne pourrait plus désormais les persuader du contraire. Ces hommes devraient vivre à jamais avec une idée fixe. Le duplex était un rectangle MALEVITCH l'avait vu carré, déjà à l'origine, tout partait sur de mauvaises bases. Le Docteur caressa sa barbe, une idée formidable se formait dans sa tête. Si le carré était un rectangle, c'est qu'il y avait eu glissement ? A en observer le comportement de ces experts, mis à l'épreuve non d'une réalité, mais de la vérité, le duplex était devenu complexe. Le docteur Drufe eût cette vision furtive, son idée traverserait l'avenir. Il murmura : "Des couilles en or". Il venait de découvrir ce qui bouleverserait irrémédiablement la perception de l'homme du XXIIem siècle et rendrait définitivement muette toute tentative de pouvoir l'expliquer voire même l'analyser. Il sortit un carnet tout neuf, et à la première page nota : "Le complexe de MALEVITCH, chapitre 1". Une nouvelle ère commençait...

En attendant vous pouvez être (do it yourself !) vous mêmes ! un MALEVITCH. (Profitons c'est pas tous les jours !) en cliquant sur ce lien, (architectons, avant qu'il ne soit trop tard, camarades !) : http://www.beamalevich.com/

Photo 1 : Le duplex de MALEVITCH  vu cours Emile Zola, à Villeurbanne en Septembre 2009.

Photo 2 : Le complexe de MALEVITCH  vu le même jour, à la même heure, au même endroit, en Septembre 2009. © Frb.

Commentaires

On le sentait, les vrais poetes ne disparaissent jamais.
Comme l’a indiqué Nicolas TARABOUKINE dans son essai « du chevalet à la machine » (1923) :
« Si dans le passé, les arts de la vision se décomposaient nettement en 3 formes typiques :Peinture, sculpture et architecture ; une sorte de tentative de synthèse de ces formes. En elles, l’artiste regroupe l’architectonique de construction des masses, de matériaux (Architecture), la constructivité volumique de ces masses (sculpture).et leur expressivité de couleur, de texture et de composition ( peinture). Il semblerait que dans ces constructions l’artiste puisse se considérer entièrement affranchi de l’illusionnisme de la représentativité, car il reproduit pas les effets de la réalité mais constate l’objet comme valeur pleinement autonome… Par conséquent, le problème de l’espace reçoit par l’intermédiaire de leur construction en trois dimensions une solution réelle et non arbitraire comme sur le plan de la toile à deux dimensions. En un mot, tant par les formes que par la construction et les matériaux qu’il utilise, l’artiste constitue un objet authentiquement réel » ;

NB : En peinture les premiers « contre reliefs » utilisaient les matériaux purs ( Verre- bois- métaux) au lieu de la classique toile blanche. C'est sans doute pour ça aussi que l'on espère tous que MALEWITCH n'est pas mort ...et enterré !

Écrit par : alex | lundi, 28 septembre 2009

@Alex; nul besoin de voir la signature de ce commentaire, pour deviner déjà la pure griffe d'Alex !
TARABOUKINE est une référence superbe : un historien de l'art soviétique- vivant entre 2 époques incroyables, né en 1849, mort en 1956, je ne connais pas (titre admirable) "du chevalet à la machine", mais j'ai parcouru "la philosophie de l'icône, dans une période où j'étais versée dans les "correspondances" : 14 lettres adressées à un ami cher"... Cela te dit quelque chose ?
Merci pour cet extrait à méditer ou à laisser décanter pour que le sens court encore jusqu'à nous. Nous menant justement à ce "carré blanc sur fond blanc" Ta conclusion va dans le sens de ma petite fantaisie (nullement historique , ni historienne, sorry) autour de ces quelques ruptures loin pas si tranquilles, et de Malevitch, après quoi on aura le droit de se replonger dans toute l'histoire des avant-gardes russes et la"victoire sur le soleil", aurait dit Malévitch nous sera (quasi) offerte.
Bonne journée à toi, Alex !

Écrit par : frasby | lundi, 28 septembre 2009

Que donnerait le complexe de Malevitch vu à la même heure, au même endroit, à la manière d'un Perec devant la place St Sulpice?

Écrit par : la bacchante | mardi, 29 septembre 2009

Ben, j'espère que Malevitch et consorts sont morts et enterrés car au-delà de toute cette marmelade du concept, ils ont réussi l'exploit de dégoûter du réel en essayant de le porter au niveau du symbole, alors que, bien entendu, c'est l'inverse qui constitue la création artistique. Malevitch et consorts ont échoué en partie— ils sont restés platement réalistes, Malevitch le premier, et il a essayé de surmonter cet échec en tartinant ses œuvres d'une pseudo théorie qui ne tient pas debout dès qu'on regarde ce qu'il a peint. Tout le travail de l'artiste est d'essayer de saisir le réel, pas de le dévitaliser. On aura compris que je n'aime pas Malevitch. Les mystiques m'ennuient.

Écrit par : mon chien aussi | mardi, 29 septembre 2009

@La bacchante : La question est interessante...
Seul Perec pourrait nous le dire.
Je prends mon joker, vous permettez ?
Juste le temps d'imaginer...

Écrit par : frasby | mardi, 29 septembre 2009

@Mon chien aussi : Votre perception se conçoit ...Et se débat.
Comme vous l'avez compris , je n'ai pas écrit un billet qui rendrait spécialement hommage à Malevitch. (Ah ! ah! si j'avais été obligée j'aurais été bien empêtrée) , bref il ne faut surtout pas lire ce billet dans ce sens là. Malevitch me pose questions, je suis sceptique... J'avais envie de pratiquer disons un micro exorcisme, en voyant cet immeuble, je me disais que l'architecte avait peut être fantasmé sur Malevitch, alors pourquoi pas moi ?
je respecte, par ailleurs certaines périodes de son oeuvre. Mais les "architectons" par exemple ce n'est pas à mes yeux le truc qui me passionne le plus dans l'histoire de l'art. Loin s'en faut ! D'autrepart je suis assez d'accord avec vous sur le travail de l'artiste-et subjectivement je vous rejoins, disons une vraie perplexité face à cette théorie un peu trop radicale à mon goût, créant aussi des "adeptes" et je n'aime pas trop ce type "d'école" en général , et d'un radicalisme assez peu polyphonique si j'ose dire, et toujours à mon goût...
Mon esthétique perso , ne serait pas très à l'aise, je crois dans ces théories là, aujourd'hui. Ca me fait un peu penser aux rigidités du dodécaphonisme à une certaine époque.
Ensuite si on replace l'oeuvre de Malevitch dans son époque justement , le côté expérimental n'est pas du tout à jeter.
Le travail de l'artiste c'est un autre débat. Autant d'artistes qu'il y a de démarches (de travaux, d'esthétiques) qui peuvent se ramifier certes ! ... C'est difficile de donner une seule définition du travail de l'artiste (c'est là où je serais objectivement moins d'accord avec vous, tout en l'étant subjectivement (do you undersand ouate i mean ?).
Vous aurez compris que je préfère Nicolas de Staël à Malevitch (pas le même humour !) sans toutefois rejeter tout Malevitch... (S'il faut vraiment se prononcer, sans s'attirer les foudres des purs et durs suprématismes, quoique des foudres, je m'en fous un peu ), mais au delà des théories suprématistes j'aime beaucoup ça par exemple côté peinture, c'est effrayant c'est magnifique :
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/1b/Kazimir_Malevich_-_Self-Portrait.jpg
un compromis donc, toujours en question, pas une compromission ;-)
Merci pour votre commentaire (courageux ! ;-))

Écrit par : frasby | mardi, 29 septembre 2009

@frasby. Comme d'habitude, je me suis montré inutilement brutal. Désolé. J'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur.
Comme vous, j'aime beaucoup De Staël.

Écrit par : mon chien aussi | mardi, 29 septembre 2009

@Mon chien aussi : Inutilement brutal ? mais pas du tout !!! mais qu'est qu'il nous fait ? ;-) mon chien aussi, voyons !
Pas du tout brutal ! ah ben! non! je peux pas lire ça, c'est irrecevable ;-)
Après vous, mon chien, à mon tour d'être désolée, je me suis peut être mal fait comprendre, c'est peut être moi qui vous ai un peu bousculé, sans le vouloir, bien sûr, mais au contraire ! je trouve vos commentaires très courageux, (c'est pas péjoratif "courageux" ici) ,vous savez bien toucher à Malevitch ça ne se fait pas, et vous le faites très bien, au fond ça me plait, parce que Malevitch par certains côtés il me met mal à l'aise ;-) et surtout ces adeptes, là, je suis carrément fatiguée de cette idolâtrie. Donc vous nous remuez un peu ces beaux arts convenus, c'est pas plus mal.Et puis aucune rigueur.
Tenir rigueur/ rigueur ? ici ? Manquerait plus que ça. Je ne peux pas tenir rigueur à quelqu'un qui aime De Staël. C'est Inconcevable. Revenez quand vous voulez. Vos prises de position(s) seront toujours bienvenues.

Écrit par : Frasby | mardi, 29 septembre 2009

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