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dimanche, 30 août 2009

D'une rive à l'autre

"Malheureux humains ! coureurs aveugles ! dans quelles ténèbres, au milieu de quels périls vous passez ce peu d'instants à votre vie ! n'entendez vous pas le cri de la nature ? Elle ne demande qu'un corps exempt de douleur, une âme libre de terreurs et d'inquiétudes"

LUCRECE, cité dans "Epicure et les épicuriens", Presses universitaires de France, 1964 (Textes choisis par jean Brun)

ô lac .JPGUne terre aimée vaut bien la musique de LUCRECE, chantre latin de l'épicurisme, une forme de vieille poésie romaine, un contenu qui vient en droite ligne de la Grèce. Et sa plume tant avisée n'écrit rien qui ne soit infondé, LUCRECE a connu la "guerre sociale" (90, 88), révolte violente des alliés italiens contre Rome, les luttes de Marius et de Scylla, avec les sinistres proscriptions et la terreur qu'elles entrainèrent, la révolte de Spartacus et de ses esclaves (73, 71) dont 6000 furent crucifiés sur la route de Capoue à Rome, la conjuration de Catalina (63), le premier triumvirat (60) où César, Crassus et Pompée, se partagent le pouvoir. Pour résumer, il a grandi et vécu dans une période d'instabilité, de troubles, et de massacres, d'écroulement du système politique républicain, de corruption, et il a vu, si l'on peut dire, s'écrouler le monde autour de lui.

"Rien n'est plus délicieux que d'abaisser ses regards du temple serein élévé par la philosophie, de voir les mortels épars s'égarer à la poursuite du bonheur, se disputer la palme du génie ou les honneurs que donne la naissance et se soumettre nuit et jour aux plus pénibles travaux pour s'élever à la fortune ou à la grandeur"

Voilà ce qui précède l'extrait du texte joint, ici, plus haut. Je vous laisse raccorder vous même les fragments de LUCRECE. Tandis que je traverserai en rêve, l'infime passerelle qui me relie, du Nabirosina, au dernier métro menant à une quelconque gare... Un transistor de poche nasille sur les genoux d'un pauvre monsieur, assis par terre et somnolant dans une rue surpeuplée. J'attends debout, le prochain bacarouler. Près de moi, sur les genoux du monsieur : RTL. le son qui vient nous rassembler. Des voix qui disent nous ressembler. Au téléphone on a Gérard, un auditeur, "Bonjour Gérard ! Gérard, décrivez vous un peu !" -"J'm'appelle Gérard, j'habite Evry, je suis divorcé, j'ai 42 ans, épicurien, j'aime m'éclater, faire la fête, je suis toujours prêt à bouger, chui à fond dans tout, j'adore aller en boîte, même me laisser troubler par les jolies filles oh ! oh ! j'aime la bonne bouffe, les grands restaus et les bars, pour résumer plus y'a du monde et plus je suis dans mon élément..." Intervention de l'animatrice : - "Eh bien Gérard ! dites moi, vous croquez la vie à pleines dents ! vous êtes un vrai épicurien, c'est chouette !". Gérard - "ah oui, un vrai ! c'est ce que me disent les copains"...

Retraversons si vous voulez, l'infime passerelle, nous voilà, non pas chez LUCRECE mais chez EPICURE lui-même. Le bonheur est pour lui, le bien suprême (jusque là, on est tous avec toi, Gérard !), qu'il faut acquérir et conserver, il se confond avec la uoluptas = le plaisir. Mais pas n'importe quel plaisir ! Le plaisir épicurien est pour le corps l'absence de douleur (aponie) et pour l'esprit, absence de troubles, de crainte, le calme, la tranquillité, la sérénité en un mot : l'ataraxie. Il y a donc (toutes mes excuses, Gérard !) tri sévère entre les plaisirs. Je vous passe l'énoncé des catégories de plaisirs, mais on est loin du sensualisme grossier dont se réclament certains de nos "épicuriens d'aujourd'hui", et même s'il est connu que tous les disciples de l'épicurisme à sa grande époque, n'ont pas suivi de si près cet ascétisme, EPICURE (lui même!) avait quelques principes : Pour vivre heureux, il faut vivre de peu, se contenter de l'indispensable et mépriser le reste. Le véritable épicurien en bon maître de ses passions, pratiquera la tempérance, modérera voire calculera ses désirs, ne se laissera pas aller aux excès de la chair. Sur ce thème, EPICURE goûte assez peu la compagnie des femmes, quant aux désirs, qui ne sont ni naturels, ni nécessaires, ils coûtent de trop grands efforts et bien des déceptions attendent celui qui s'y applique. Juste pour le plaisir, claire comme une eau de source nabirosinaise, je vous laisse écouter la musique de LUCRECE. Puissiez vous trouver une légère ivresse (ni naturelle, ni nécessaire) aux plis de cet ascétisme modéré :

"La piété, ce n'est point se montrer à tout instant, couvert d'un voile et tourné vers une pierre, et s'approcher de tous les autels; ce n'est point se pencher jusqu'à terre en se prosternant, et tenir la paume de ses mains ouvertes en face des sanctuaires divins; ce n'est point inonder les autels du sang des animaux, ou lier sans cesse des voeux à d'autres voeux; mais c'est plutôt pouvoir tout regarder d'un esprit que rien ne trouble" (Lucr., V, 1198-1203)

Photo : L'étang des Clefs (de la maison du bonheur d'EPICURE ou de LUCRECE ?). Vu un beau jour d'été, sous un ciel voluptueusement lent. Nabirosina. Fin Août 2009. © Frb

Commentaires

Merci pour ces passages choisis. Gérard Sarkozy, ne devrait-il pas les lire de façon urgente ? Excusez-moi, par avance, d'avoir écrit ce "nom" en commentaire.

Écrit par : gballand | vendredi, 04 septembre 2009

Trop compliqué pour moi, je vis ma vie comme j'ai envie de la vivre , sans me poser de questions !!

Écrit par : patriarch | vendredi, 04 septembre 2009

d'une rive à l'autre
l'une se prive, l'autre aussi
l'une dérive et l'autre ?
l'une arrive et l'autre pas

Écrit par : JEA | vendredi, 04 septembre 2009

@g balland : Je vous lis bien ! et passe un sms d'urgence à Gérard Sarkozy ;-)) (+ un fond de boîte d'Atarax , si ça ne le repose pas lui, que ça nous repose nous !)
S'excuse -t-il de nous envoyer chaque jour au moins une carte postale ? Non, alors, laissons votre commentaire sans excuses
Personnellement , l'invention de Gérard Sarkozy marquera dans notre petite histoire un sacré beau tournant. Comme quoi, tout devient possible !
Merci à vous, vraiment ;-)

Écrit par : Frasby | vendredi, 04 septembre 2009

@Patriarch : Vous êtes donc un vrai Epicurien ! (à la sauce Patriarch :-), apparemment ça vous réussit bien !
Bonne journée à vous !

Écrit par : Frasby | vendredi, 04 septembre 2009

@JEA : D'une rive à l'autre,
Rien n'arrête votre scepticisme...
Encore qu'il y ait quelques zones d'ombres
Sur le verbe "arriver"...
Je pensais bizarrement à ce film d'Agnès Varda
"L'une chante, l'autre pas"

L'idéal serait -il de faire la planche entre 2 rives ?
La planche-papillon ça vous irait ?

Écrit par : Frasby | vendredi, 04 septembre 2009

ah que parfois du mal à "ataraxer" !
"exempt de douleur... libre de terreurs et d'inquiétudes" : programme magnifique ! je vote pour ! mais illico ce sentiment de me faire gruger façon "demain on rasera gratis" (ce qui ne m'importe guère) ou "c'est la lutte finale" ou "gagner plus" ou "yes we can"
septique ? stoïque? cynique ?
allez ! je vais me stimuler les glandes ataraxiques avec quelques godets de jus de vigne

Écrit par : hozan kebo | vendredi, 04 septembre 2009

@Hozan Kebo : Jus de vigne Nabirosinais ?
Si vous le dites deux fois je prends un train tout de suite !
Je suis prête à amener mon godet, ma gamelle en laiton
Un saucisson de Lyon. (The souçailles are of Lyon)

C'est pas donné au premier venu d'ataraxer, il faut faire Zazen très longtemps sur la feuille de vigne (si j'ose dire ;-)
Et puis ataraxer d'accord, mais les raisins de la colère
tout de même, c'est quelquechose.
Quant au cynisme, pourquoi pas ? à la Diogène (dans sa jarre, c'était pas un tonneau !)
Moi je suis pas contre "ôte toi de mon soleil !" c'est quand même autrechose que "Yes, we can", je veux dire à meilleure échelle.
Stimulez vous glandes et papilles ataraxiques, tandis que je tâcherai par la force du mental de vous piquer en douce une petite goutte de jus de vigne (ça doit bien pouvoir se téléporter
c'est pas trop lourd ... ) Je sens que je peux le faire. yes, I can.
Santé Hozan !

Écrit par : Frasby | vendredi, 04 septembre 2009

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