lundi, 22 août 2011
Topo d'ici ...
La toponymie n'a pas seulement pour but de retrouver l'étymologie des noms de lieux, les toponymes sont en effet des témoins précieux du passé et permettent à ce titre de reconstituer et l'histoire du peuplement et celle du paysage, qui lui est associée. Les noms de lieux-dits, par exemple, sont liés à la végétation d'une époque particulière et sont de ce fait les témoins d'une double histoire.
ALBERT DAUZAT, cité par MARIO ROSSI in "Les noms de lieux du Brionnais-Charolais", éditions Publibook-Université ou (EPU), 2004.
Le ciel du soir est comme une aube d'été. Les récits des anciens ici, s'écoutent sans y penser, autour de grandes tables sous les arbres, l'apéro peut se prolonger longtemps et tard dans la soirée, ce sont eux, les anciens, qui illuminent par une mémoire parfois un peu romancée, les légendes minuscules, les faits divers les existences probables et improbables de ces gens dont on dit qu'ils étaient des "figures" le tout enrobé d'anecdotes dont il est difficile de vérifier l'authenticité. Les histoires sont allées de maison en maison, les vieux, ils les connaissent sur le bout de la langue, déclinées en patois plus ou moins fidèle à l'original, en français plus ou moins "arrangé". Par leur voix, on retiendra vaguement une liste, les noms des personnes qui ont existé, existent encore et la vie des familles ayant donné leur noms à des hameaux : "les Brancion", "les Desmurs", "les (nombreux) Corneloup" du village bienheureux de Saint Racho, (prononcer St Raco, que les gens d'ici abrègent oralement en "Saracco", et dont les habitants que ceux des villes environnantes appellaient pour "charrier" "les Saracottis" sont simplement des St Rachois, St Rachoises), digression un instant pour préciser que si vous passez dans cette région, il faudrait visiter une ravissante chapelle érigée sur la montagne de Dun à St Racho (un endroit aux légendes merveilleuses). Cette chapelle est dédiée à l'evêque St Racho d'Autun (ou Rachonis ou Rognabertus) qui fût le premier Franc à occuper ce siège épiscopal, (ça vous donnera une petite idée de l'ancienneté des lieux).
Pour revenir à notre sujet (on s'égare vite dans cette contrée tant il y a de sentiers), l'histoire du Brionnais happant de plus en plus la curiosité des historiens, des linguistes, et autres chercheurs, on s'est retrouvé au fil des siècles sur des pistes de moins en moins approximatives. Les lieux ont légué également leur nom à de nombreuses familles, pour exemples, "Le Montillet", "La Verchère", "La Thuilière", la région abondant de familles "Labrosse" (de "La Brosse" qui veut dire "Le bois"), on trouvera quelques "Montaigu" des familles "Places" et des "Rocher" etc... Tous ces noms de familles sont répertoriés dans les registres paroissiaux que tenaient les curés avant la révolution. Si on remonte encore le cours du temps, on ira gaiement jusqu'avant l'an Mille, et si l'on s'intéresse aux généalogies des familles nobles anciennes, on s'apercevra qu'elles sont toutes construites avec (ou sur) un nom associant le nom de la terre possédée qui deviendra le nom de famille transmis de génération en génération : de France, de Bourgogne, de Valois, de Bourbon par exemple, pour les plus puissantes. A cette époque, parmi la population de basse extraction, il n'existe encore aucun nom de famille, juste des noms réduits aux prénoms de baptême. Après l’an Mille, les évolutions démographiques imposeront peu à peu la nécéssité de pouvoir différencier plusieurs individus portant le même prénom au sein d’une même petite communauté. Ainsi apparaissent les surnoms "...Les noms et surnoms et qualités des personnes tenant feu du lieu de la paroisse de..." (XIV em XV em siècle). Mais on peut dire qu'à partir du XIem et XIIem siècles, les qualificatifs ou "surnoms" les plus utilisés en grande majorité pour différencier les individus, seront les lieux de vie, c'est-à-dire les noms des hameaux où les gens résident. A une moindre échelle, d’autres surnoms sont issus des métiers que les gens pratiquaient (Charbonnier, Clerc, Tissier…), de l’apparence physique ("Petit", "Grand", "Gros"...) du tempérament, (exemples moins fréquents ici), ("Galland", "Bataillard", "Lherisson"...), de l'état de sujets ("Alesveque", "Auduc",...) de la filiation (aLajeanette, alamartine, alarenaude, ...) ou encore de la provenance pour les gens venus d'une autre région, ("Delauvergne ou Dauvergne", "Bourgogne ou Bourguignon", "Delamontagne ou Dumont... Etc). Après l’an Mille, les évolutions démographiques ont progressivement imposé la nécessité de pouvoir différencier plusieurs individus portant le même prénom au sein d’une même petite communauté. Ainsi apparaitront les surnoms, termes régulièrement utilisés dans les anciennes cherches de feux du XIV et XVem siècles : "...Les noms et surnoms et qualités des personnes tenant feu du lieu de la paroisse de..."
Certains hameaux portent aussi le nom des rivières locales : "La Genette" ou "La faux", (d'un mot "gaulois" signifiant "hêtre"), les noms des villages sont parfois ceux des arbres "Châtenay" par exemple (extension ancienne du mot "Châtaignier"), d'autres noms de lieux relatent les formes du relief vallonné, par exemple : "La pouge" (rampe, montée), de même le mot de "Brionnais" pourrait provenir du mot "Brie" signifiant "terre grasse et spongieuse". On pourrait parler des étangs, tous naturels qui occupent des creux ou vallons, la présence de l'eau est rappelée par quantité de toponymes : "La Saigne" (mot provenant du bas latin et signifiant "marais bourbeux"), "Le palluet" (du latin "Palus" signifiant "le marais"), "Les mouillières" ou plus explicite "Les étangs". Certains noms de lieux, ici, par leur origine celtique ou latine prouvent aussi l'ancienneté de la présence humaine. En ce qui concerne le Charolais et le Brionnais, (impossible d'aborder ce thème en détail car il faudrait je crois y consacrer un blog entier mais je ne peux m'empecher de citer et recommander vivement à ceux qui sont intéressés par ce sujet, l'ouvrage remarquable de Mr Mario Rossi éminent professeur, qui a pour titre "Les Nom de lieux du Brionnais-Charolais - Témoins de l'histoire du peuplement et du paysage" (voir références plus haut sous notre photo). Pour terminer sur le thème un peu élargi, on notera aussi que Mr Mario Rossi a désiré que les droits d'auteurs de ce livre soient affectés à la sauvegarde du patrimoine de Montceaux l'Etoile, dont l'église datant du XIIem siècle est absolument à visiter, surtout pour son portail sculpté datant de 1120-1125 (environ), qui représente l'Ascension du Christ dans une mandorle, qui tient dans sa main droite, le bois de sa croix, au milieu des Apôtres, entouré par deux anges. De source sûre, l'ayant vu de mes yeux, ce portail est considéré, à juste titre comme un chef-d'œuvre de sculpture d'art roman, je suis un peu étonnée en fouillant dans les archives de CJ de ne pas retrouver un billet qui aurait pu vous le montrer je ne manquerai donc pas, (un certain jour) d'en reparler ; en attendant vous pourrez encore mieux l'admirer en grand format ICI.
Je signale et recommande encore vivement un autre ouvrage tout à fait passionnant de Mr Mario Rossi, pour les gens qui sont intéressés par les dialectes, et l'étymologie ou plus généralement la langue, l'excellent "Dictionnaire étymologique et ethnologique des parlers brionnais"
Autre lien plus vaste, toponymique aussi, d'ouvrages très bien référencés :
http://jeantosti.com/noms/biblio.htm
A propos des noms de familles (et des évolutions juridiques de la généalogie)
http://www.guide-genealogie.com/guide/noms-famille-nouvel...
Nota : La balade peut encore se poursuivre (en mode lecture ultralight) il suffit de cliquer sur les images (pour ceux qui ont la flemme de lire le long topo, on aura tout prévu, c'est ti pas formidable ?)
Photos : parcours flêchés, et saisis à la volée, quelques noms de hameaux nabirosinais, photographiés au hasard d'une balade à vélo en chemins buissonniers.
Photos © Frb 2011.
00:08 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Arts visuels, Balades, Chiffres/ Lettres/ Mots, De visu, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
Commentaires
Au moins, tous les lieux -dits sont indiqués... Beau dimanche.
Écrit par : patriarch | dimanche, 28 août 2011
@Patriarch: oui, c'est nouveau par là bas et ici notre lecteur- -merci à vous- (sourires) n'y sera je l'espère plus trop désorienté.. Quoique rien ne nous indique que ces lieux-dits au terme de longues balades ne mènent pas au final à un profond cul de sac comme j'ai pu in situ, le constater, autant qu'à des lieux-dits du genre abandonnés. On pourra se poser la question
" A quoi bon indiquer des chemins qui ne mènent nulle part ?"
Excellent dimanche à vous.
Écrit par : Frasby | dimanche, 28 août 2011
Nom de noms, comme aurait dit Proust, quel beau billet sur les noms de pays ! C'est l'histoire locale, qu'elle soit celle des noms, des rues, des bâtiments qui, bien plus que l'histoire nationale enseignée à l'école et pétrie d'idéologie, nous renseigne vraiment sur le passé. Vivent donc les sentiers détournés du Brionnais !
Écrit par : solko | lundi, 29 août 2011
Eh ben non, on n'est pas flemmard, on a tout lu de ce long topo, et c'est un régal ! :)
J'ai recherché sans trouver, dans les "Notules dominicales de culture domestique" de Philippe Didion, le nom de cette figure qui fait coïncider patronyme et métier. Je sais que Ph. Didion, en bon perecquien, fait collection de ces curiosités quand il les rencontre.
Vos balades (je fais toujours attention de ne pas mettre 2 ailes) à bicyclette sont fructueuses, ce n'est pas JEA qui les désavouerait !
En Haute-Ariège, il y a un lieu-dit, "La Couillade des Bourriques"... :), des noms qu'on retient comme ça, sort-on jamais de l'enfance :)
Écrit par : Michèle | lundi, 29 août 2011
@Michèle : Non, vous n'êtes pas des flemmards, loin s'en faut ! (qu'ai je pensé, noirte tafalesti que je suis !), il est vrai qu'un long billet faisant du Nabirosina le nombril de la terre n'est peut être pas aussi rafreudétaré que les aventures de la bouzinette à KDS axu ASU du point de vue général, mais comme ici on s'adresse aux particuliers, (particulières !:) y'a pas de soucis et je vous remercie pour vos lectures si attentives, (grand bien nous fasse de rester des enfants) puisque c'est ça hé hé ! et que vous êtes une sacrée tentatrice, je vais vous faire une proposition aussi malhonnête qu'enfantine : si vous nous mijotez un topo à la sauce pambrunique sur la "Couillade des bourriques", je vous publierai sans hésiter, dans la rubrique VIP "tapis rouge", sachez que les fenêtres vous sont grandes ouvertes, quand et si vous le souhaitez (votre signature étant déjà gravée au fronton de CJ). Philippe Didion, voilà une très belle référence j'avoue être assez inconditionnelle de son impressionnant travail. Un honneur de le voir cité ici. Pour JEA, , idem, c'est un honneur, je lui ai très secrètement dédié ce billet, puisque je n'ai cessé de penser à ses poétiques toponymies en rédigeant celui-ci, autant qu'à nos douces ballades (2 L) du temps jadis, (foni de osn potelisses, vesoulant neu consede ectet pecha issau curelle uqe triste prou ec uqe j'ne vedine) : je crois, hélas, qu'il les désavouerait. Pour ce qui est de la différence entre ballade et balade, (je ne la vois pas :) je persiste à croire qu'il n'y a pas tant de différence que ça, je cite : "Avec deux L, votre balade monterait plus haut"
extr. de "la correspondance secrète St Exupery à François Villon au café des artistes". (A lire absolument). sur ce je vous souhaite une belle roisée balladeuse, encore merci.
Écrit par : Frasby | lundi, 29 août 2011
@Solko : Merci . Belle entrée en matière, avec Proust, mazette! celui là aurait sans doute aimé relater les sauceries de ses héros et promener sa muse par les chemins qui mènent (en buissonnant) jusqu'au jardin à la française du château de Drée Merci d'apprécier ce billet que l'actualité très chargée via médias (un upe décrianés comme l'ocèle !) écrasera sans doute, mais achattée autant aux crianes qu'aux ucases derpues je me suis dit que si la potynomie titillait la curiosité d'une ou deux personnes, le pari serait déjà gagné. De votre part, ça me fait plaisir. Le format blog m'a obligée à faire des coupes hélas! je n'ai pas trouvé le sentier du Puissant Royaume des Envethet)... Si vous n'avez pas encore lu Mario Rossi je crois que ses livres pourraient vous intéresser...
Dreme à l'ocèle trépie d'ogilédoies! (hauts gilets d'oies, drapon)
Écrit par : Frasby | lundi, 29 août 2011
J'aime bien cette photo avec LA CHARNEE, on a envie de s'accouder à la barrière, d'entrer dans ce pré à l'herbe si verte (l'herbe toujours plus verte ailleurs :).
Le dictionnaire étymologique et ethnologique des parlers brionnais aussi doit être passionnant. On retient ce nom de Mario Rossi.
Et bien sûr on attend le billet sur le portail roman de l'église du XIIe de Montceaux L’Étoile ! Vous croyiez qu'on allait vous laisser tranquillement en vacances baguenauder à bicyclette dans les "sentiers détournés du Brionnais" ? :)
Écrit par : Michèle | lundi, 29 août 2011
@Michèle, Je vous inviterai à "La CHARNEE" (ça sonne bien n'est ce pas ?) c'est là que j'y ai ma petite maison, vous qui êtes la mémoire de nos blogs, (j'ai lu ça chez Solko et je confirme) si ce n'est pas la maison de Ludwig, vous devinerez aisément laquelle c'est. La "Charnée" se situe grosso sur un sentier-pré boscomarien pour résumer. L'herbe est ici plus verte qu'ailleurs, je confirme déjà plus verte qu'à Lyon, y a pas photo (enfin si, y'a). Au sujet de Mario Rossi, je me permets de vous conseiller, "Le dictionnaire étymologique et ethnologique des parlers brionnais", un ouvrage qui se dé-vore, pour les ogres que nous sommes. Et pour Montceaux l'Etoile, le portail est une splendeur à se rouler par terre pour qui apprécie l'art roman, l'église intérieurement est, si je me souviens d'un roccoco plus que charmillonné avec dorures, faux marbre, après le portail qui date du XIIem sous les voûtes en berceau c'est une hénaurme curiosité, mais je ne peux pas y retourner à bicyclette (je sais pas me servir des vitesses), donc je me baguenaude, c'est honteux, je sais bien (mais je suis retournée à Cluny quand même, on vous cache tout, on vous dit rien), en fait, je crains avoir égaré ces photos de Montceaux dans un disque externe capricieux, si c'est le cas, il faudra attendre 2012... (Ahlala 2012 ! "tout redevient possible" (:O!)
Pourrez-vous tenir ? :)
Écrit par : Frasby | mardi, 30 août 2011
Merci pour cet article
Écrit par : pronostic quinte | lundi, 20 février 2012
@Pronostic quinte : merci, à vous de l'apprécier.
Écrit par : frasby | lundi, 20 février 2012
On publie tout et n'importe quoi de nos jours
Écrit par : pronostic quinte | lundi, 20 février 2012
@pronostic quinte : il vaut mieux cela que rien, dans certains pays on ne peut ni publier ni s'exprimer
ici chacun est libre de faire son choix, parmi tout et n'importe quoi, c'est gratuit, nul n'est forcé de tout lire, si ? :)
Écrit par : frasby | lundi, 20 février 2012
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