mercredi, 26 août 2009
Autrement dit
Je suis gaucher. Vous vous en fichez ? Vous avez tort. Il y a là-dessus de quoi penser des pages et des pages. Je n'ai pas dit écrire, ce n'est pas mon jour de clavier, j'ai plutôt une envie de dessiner. Je n'aime pas ma main droite, celle qui écrit - en vieille contrariée qu'elle est - à la plume et tant moins bien que toujours mal. Je préfère "l'autre main", celle que les professeurs ont laissée intacte, qui de dextre à senestre dessine, peint et grave. Des deux mains en même temps, je peux sans effort d'attention particulier faire diverger une phrase à partir d'un point central. Dans le sens usuel avec la maladroite et dans le sens inverse avec l'instinctive - la gamme ascendante et descendante du pianiste - et je me demande : si mes bras s'allongeaient indéfiniment comme dans un rêve, où cela s'arrêterait-il ? à quels horizons ? Vers quelle jonction...
PIERRE ALECHINSKY in "Des deux mains". Editions Mercure de France, 2004
Pierre ALECHINSKY est né en 1927, l'année où le cinéma devînt parlant. Pierre ALECHINSKY eût envie de rester muet et de peindre. Ses peintures sont à notre guise ou musique ou silence :
"Nous travaillons à écrire des histoires muettes"
Pierre ALECHINSKY aima le jazz tout comme les membres de COBRA (groupe auquel il participa) parce qu'il y a dans le jazz, cette spontanéité que l'on appelle aussi improvisation.
Pierre ALECHINSKY déroule son trait noir "comme un long serpentin cobra", il n'appuie pas sur son pinceau pour ne pas l'abîmer, on dit de Pierre ALECHINSKY qu'il a un geste d'écrivain quand il peint on croirait qu'il écrit avec son pinceau comme les orientaux, d'ailleurs il utilise de vrais pinceaux chinois.
On dit aussi qu'il aime regarder l'écriture dans un miroir, c'est plus beau, plus étonnant quand on ne comprend plus ce qu'elle veut dire.
Pierre ALECHINSKY est un gaucher que l'on a obligé à écrire de la main droite, du coup quand il peint il part de la droite vers la gauche pour se venger...
Pierre ALECHINSKY peint souvent par terre, sur de grands papiers, il en a beaucoup mais préfère les vieux papiers imprimés, ceux qui ont déjà servi, les factures, les cartes routières, les cartes de géographie".
Son art ne saurait faire mentir cette phrase de Paul KLEE :
"Écrire et dessiner sont identiques en leur fond".
Voir lithographies : http://www.galerie-bordas.com/alechinsky2.html
Photos : premières figures d'automne, esquisses, ramifications, vues sur le chemin des acacias, pas très loin de la Chapelle st Avoye à La Clayette. Août 2009.© Frb
01:41 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Arts visuels, Balades, De visu, Mémoire collective | Lien permanent
Commentaires
Et bien il m'arrive de me lever du pied droit et d'avoir deux mains droites. Et malheur à celui qui constate : "tiens, tu es gauchère ?"
Écrit par : Loïs de Murphy | dimanche, 30 août 2009
@Loïs de murphy : Eh bien ! vous n'y allez pas de mains mortes ( j'ose le bon mot ), deux mains droites ça fait énormément de doigts ça ! (vous apprécierez la comptabilité). Vous me faites penser à Boris Cyrulnik , qui s'est aperçu un jour qu'il boîtait des deux pieds.
Tant qu'on ne marche pas sur un doigt ! ou sur les dix doigts de la main gauche...
Je veux dire tant qu'on ne nous marche pas sur les dix doigts de la main gauche pour nous obliger à dire "Je suis droitier !"
Écrit par : Frasby | dimanche, 30 août 2009
Bonjour,
J'ai perdu le fil, pour dire les choses ainsi, avec vous depuis votre article Char/Staël, la typographie que je fais ici de cette association n'est pas d'un goût parfait.
J'ai cherché longuement et en vain des illustrations de cette collaboration sans y parvenir. La toile proposait des catalogues de salles de ventes sans illustration, des bibliothèques la consultation sur place. Rien trouvé, sur le web, de cette collaboration. Ce qui m'a porté au comble de l'irritation.
Il n'en est pas de même pour Alechinsky, tant mieux pour lui, merci à vous. Je dis cela comme ça parce que je ne pardonne aux peintres qui ont eu les faveurs des institutions publiques, ils ne trouvent grâce à mes yeux qu'après leur mort, longtemps après, très longtemps. Je voudrais que ce soit aux institutions qu'on le reproche ici plutôt qu'à moi même s'il est trop long de m'en justifier ici*.
Je voulais dire encore que dans les collaborations peintre-écrivain, il y a un troisième acteur qui joue un rôle majeur, c'est l'imprimeur. Un autre enfin, celui qui prend le risque financier.
Encore merci à vous pour tout,
Baltha
(*) Je m'en suis justifié ailleurs et le refait à la demande.
Écrit par : baltha | dimanche, 30 août 2009
j'étais gaucher, devenu droitier à coup de règles sur les doigts, et ambidextre pour le travail !!!
Bonne journée !!
Écrit par : patriarch | dimanche, 30 août 2009
Je trouve ce texte très beau, beaucoup plus beau que les affiches d'Alechinsky, vues l'année dernière en Arles. Et pourtant, il est injuste de juger, c'était un très beau travail, mais peut-être trop travail, trop volontaire... je ne sais pas pourquoi, elles m'ont semblé brutales.
Merci pour tout ce beau blog, si poétique, Frasby
Écrit par : Nénette | dimanche, 30 août 2009
@baltha : Je ne sais pas si ma réponse sera ou non à côté de la plaque (si j'ose dire)... Pardonnez moi, cette réponse un peu longue. Vu que je ne suis pas immergée dans les circuits officiels des beaux arts et des belles lettres.(Et si peu ou ponctuellement dans les réseaux officieux) je suis, souvent étonnée par la cruauté de ce milieu (officiel) dont j'ai pu pourtant mesurer personnellement le fossé -l'âbîme- ou plus simplement ce qui sépare les institutions de "leurs" artistes, l'ayant vécu comme un fait injurieux (pour les artistes, bien sûr) je n'irai pas au delà...Je me trouve donc éloignée des institutions bien consciemment, ignorante parfois par déni volontaire (oh ce n'est pas bien !mesure de protection pour quelque vie parallèle;-) mais mon amitié avec certains peintres, graveur, plasticiens chaque jour me permet encore sinon d'être à jour, de constater quelques béances (fossés, abîmes), bien incompréhensibles à mes sens (fort naïfs ;-)
Je tenais pourtant beaucoup à évoquer cette association CHAR/ De STAEL qui faisait suite à un ancien billet "Lettera Amorosa" toujours dans le cadre des "belles rencontres et des vraies lettres." Parce que j'aime les correspondances. Et surtout que les disciplines ne se trouvent pas toujours séparées. Mais s'il ne se fait pas de se plaindre publiquement, je vous avoue que ce billet CHAR / DE STAEL m'a posé quelques problèmes de documentation (web), j'ai dû être obligée de faire (hélas) avec des bouts de ficelles (ceux du net des toutes petites ficelles), en attendant d'aller consulter à la grande bibliothèque une documentation (qui se trouvera peut être au silo ? ;-( et j'ai réorienté de fait le billet en avançant plutôt le côté épistolaire (à défaut de grives). Donc votre constat est bien réel, et vous n'êtes pour rien dans cette affaire... ;-) bien au contraire, vous avez tout à fait ici l'espace offert pour justifier vos arguments, si le goût vous en prenait, bien qu'une visite chez vous illustrerait mieux la couleur de ce commentaire, dont j'approuve la pertinence. Comme je n'ai pas de bibliothèque ici (en campagne), et que je préfère souvent chercher mes sources sur le papier (mon côté tactile ;-) je vous avoue que la documentation visuelle pléthorique concernant P. ALECHINSKY m'a assez "effrayée" (le mot est exageré certes)si on la compare avec ce que le WEB propose sur CHAR / DE STAEL... CEla est pour moi un mystère qui dépasse sans doute mes compétences. Le rôle majeur de l'imprimeur et de celui qui prend les risques financiers, ça c'est vrai j'aurais pu au moins en dire quelques mots... MERCI à vous Baltha pour cet éclairage avisé, qui n'a peut être pas dit son dernier mot. Je l'espère... A bientôt ici ou là.
Écrit par : Frasby | dimanche, 30 août 2009
@Patriarch : J'ai une grande admiration pour les personnes ambidextres. C'est très impressionnant à voir.
je connais un ébéniste capable de manier des machines très dangereuses avec la même précision tant de la main droite que de la main gauche. Mais c'est un gaucher qui s'est contrarié lui même (par un de ces paris stupides fait avec des copains)/ Par contre j'espère que ce n'est pas à coup de règles en fer qu'on devient ambidextre. Dans ce cas je vous féliciterai vous mais sûrement pas vos insti-tueurs (tueuses)
Bon dimanche à vous, Patriarch !
Écrit par : Frasby | dimanche, 30 août 2009
@Nénette : Ravie de vous retrouver. Difficile de juger un artiste dont la production est foisonnante, il s'y trouve toujours l'embarras des goûts et des couleurs (Sorry pour la banalité)
J'ai effectivement vu des oeuvres d'Alechinsky qui m'ont laissée perplexe, un peu comme parfois, DUBUFFET (que j'adore pourtant), mais il y a dans la démarche de ces artistes une homogénéité, un parti pris, qui m'emballent assez.
pour que je pardonne ;-)
Cobra ne s'est jamais revendiqué de donner dans la dentelle.
Pas plus qu'Alechinsky, mais vous avez raison ,quant à l'adjectif "volontaire"... Alechinsky a aussi "commis" quelques textes d'une grande "sensibilité" bien que je n'aime pas trop ce terme très galvaudé. De beaux textes, disons. Au delà d'une certaine "brutalité" (?) (je dirais "sauvagerie" quoique ... c'est encore trop flou ... ;-)
Merci Nénette, d'apprécier. A T. bientôt chez vous.
Écrit par : Frasby | dimanche, 30 août 2009
A propos pour Beck, si vous ne passez pas bientôt dans une bibliothèque :
http://biffureschroniques.typepad.fr/biffures_chroniques/2008/12/les-mots-bons-beck.html
Écrit par : Loïs de Murphy | lundi, 31 août 2009
Peindre de droite à gauche pour se venger, je trouve cela exquis, terriblement poétique.
Comme un Woodstock à soi, personnel.
La révolution, la vraie, est souvent dans ces petits actes de rébellion gratuite et sans dommage pour autrui. Tel est mon avis, qui en vaut un autre, peut-être. :p
Écrit par : liam | mardi, 01 septembre 2009
@Loïs de Murphy : Ah oui !!! Je suis allée lire... Je vous fais part de mon enthousiasme ici et là...
(Je sens que je vais en mettre partout)
C'est très nouveau pour moi, je ne pensais pas que Beck soit à ce point... euh... (quel adjectif ? soufflez moi ! ;-)
Enfin j'adore votre choix.
Ma lanterne illuminée vous remercie !
Écrit par : Frasby | mardi, 01 septembre 2009
@liam : oui, c'est poétique, même si on dit qu'il y a toujours une petite vengeance ici ou là, à l'origine de la création artistique... (ce n'est pas moi qui le dit, hein !) disons que peindre de droite à gauche, c'est une petite vengeance transcendée ... Ou un woodstock à soi, la révolution personnelle, la vraie, je vous suis tout à fait sur ce terrain là, sans dommage (et sans grégarité donc sans abus de pouvoir)
Votre avis me convient tout à fait, il est parfait à mon goût, (admettons que nos avis soit la panacée... ;-) enfin moi, sans réserve, j'adhère, j'adhère !
Merci à vous, bonne soirée !
Écrit par : Frasby | mardi, 01 septembre 2009
M'étonne pas que ça vous plaise. La "passion Béatrix", ça ne s'explique pas :o)
Écrit par : Loïs de Murphy | mardi, 01 septembre 2009
@Loïs de Murphy : Oui ! La "passion béatrix" me vient si tardivement...
pourquoi si tard... Je ne comprends pas !
Heureusement que je vous ai ; – ))
Écrit par : Frasby | mardi, 01 septembre 2009
Appelle-moi "Maman" :o)
Écrit par : Loïs de Murphy | mardi, 01 septembre 2009
@Maman : oui Manman !!!
Écrit par : Frasbaby | mercredi, 02 septembre 2009
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