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lundi, 15 décembre 2008

Comme un lundi très lent

« Il y a un lien secret entre la lenteur et la mémoire, entre la vitesse et l'oubli. Évoquons une situation on ne peut plus banale : un homme marche dans la rue. Soudain, il veut se rappeler quelquechose, mais le souvenir lui échappe. À ce moment, machinalement, il ralentit son pas. Par contre, quelqu'un qui essaie d'oublier un incident pénible qu'il vient de vivre accélère à son insu l'allure de sa marche comme s'il voulait vite s'éloigner de ce qui se trouve, dans le temps, encore trop proche de lui. Dans la mathématique existentielle cette expérience prend la forme de deux équations élémentaires : le degré de la lenteur est directement proportionnel à l'intensité de la mémoire ; le degré de la vitesse est directement proportionnel à l'intensité de l'oubli. »

MILAN KUNDERA
La Lenteur, Gallimard, 1995.

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"Fontaine ! je boirais de ton eau !" (mais mentalement seulement! surtout n'essayez pas malheureux !) en regardant la gueule du lion cracher d'un flux toujours égal son cours tranquille de vie qui passe. Tandis que longeant la fontaine de la place Lyautey à Lyon, vont à allure irrégulière, les piétons secoués d'horaires ou les travailleurs buissonniers d'un lundi terne de décembre. Partageant chacun, une seconde à peine, la mémoire de ce lieu où le flegme épouse les tons intermédiaires entre la fin d'automne et ce début d'hiver. Tapis de feuilles ocres fusées par la semelle du marcheur, il semble ici que la mathématique existentielle cesse un instant de découper les êtres, par la présence des statues et des bêtes, ce monde immuable de pierre, redevient un peu le maître du temps. Et l'on éprouve une seconde à peine, un trouble arrêt du temps. Un extrait de lenteur extrême transforme le passant en passeur, un peu immortel, qui fondu du bruit des fontaines oubliera ses obligations pour se glisser dans la mollesse, négliger l'idée cheminant, dans une vacuité parfaite. Comme en état d'apesanteur...

Commentaires

C'est le premier de la série des animaux, qui me plait! C'est que j'ai une passion pour les lions en pierre, et il est beau votre texte. Je vous embrasse Frasby.

Écrit par : Sophie L.L | lundi, 15 décembre 2008

@ Sophie LL : J'aime votre franc parler ... ;-) Il fallait que je sorte les autres animaux,(pauvres bêtes)
celui ci n'en n'est pas un tout à fait , d'animal, (il est hors série)
C'est un caillou, en fait :-) (mais pas vulgaire)
Merci pour votre visite, j'essayerai de vous trouver d'autres lions en pierre, si y'a que ça pour vous faire plaisir, dans une ville comme la notre , ça doit pouvoir se dénicher... Merci de votre visite. ça fait plaisir. Et bon début de semaine à vous ...

Écrit par : frasby | lundi, 15 décembre 2008

Oui, oui, j'ai bien vu que le lion ne faisait pas partie de la série, mais justement c'est drôle de le voir apparaitre comme ça. Hein dans les cortèges d'animaux -pour l'arche de Noë par exemple on voit ça dans tous les livres d' enfants!- il y en a toujours un qui arrive à la traîne, le dernier! On dirait que cette fois c'est l'éléphant. Tiens, lapsus! je voulais dire: le lion! J'aime par exemple beaucoup le lion de Denfert Rochereau à paris. Donc zavez beaucoup de lions...à Lyon? (je suis trop rigolote comme fille n'est-ce-pas?)

Écrit par : Sophie L.L | lundi, 15 décembre 2008

Ouf, la fontaine de la place Lyautey a survécu aux projections de lumières blafardes, aux diffusions de musique cheap-électro et à son parcage dans un enclos de lanières en plastique transparent sous prétexte de 8 décembre !
Échappée belle !

Merci pour cet extrait de Kundera, que je ne savais pas avoir écrit sur la lenteur.

Écrit par : kl loth | mardi, 16 décembre 2008

dans un livre moins interessant que ceux de KUNDERA
John D BARROW (mathematicien?) dis que si tous nos sens pouvaient recevoir une quantité illimitée d'informations de l'environnement, notre cerveau serait en permanence surchargé; l'élaboration de la pensée serait d'autant plus lente et les délais de réflexion plus longs; et on aurait en fin de compte pas assez de circuits pour tout transmettre et répartir aux différents stades d'intensité et de profondeur. Voilà pourquoi notre petit cerveau qui effectue de lui même des opérations fragmentaires en fonction de notre niveau de résolution et de sensibilité est génial !......
J'aime ton image de lion pour illustrer la lenteur bénéfique de nos cerveaux d'être humain sensible et fort.

Écrit par : alex | mardi, 16 décembre 2008

Cette adéquation entre la marche plus ou moins lente ou rapide, et les mouvements de l'esprit (oubli / mémoire), Rousseau l'avait déjà notée et maintes fois dite, avec un phrasé cherchant à reproduire, par l'harmonie imitative, cet effet-là. C'est un extrait de l'Emile, petit couper/coller, et toc! ah la technique, ça nous rend aussi efficace que paresseux, et aussi cultivé qu'ignorant : Jean Jacques ,donc :
" Je ne conçois qu'une manière de voyager plus agréable que d'aller à cheval ; c'est d'aller à pied. On part à son moment, on s'arrête à sa volonté, on fait tant et si peu d'exercice qu'on veut. On observe tout le pays ; on se détourne à droite, à gauche, on examine tout ce qui nous flatte ; on s'arrête à tous les points de vue. Aperçois-je une rivière, je la côtoie ; un bois touffu, je vais sous son ombre ; une grotte, je la visite ; une carrière, j'examine les minéraux. Partout où je me plais, j'y reste. À l'instant où je m'ennuie, je m'en vais. Je ne dépends ni des chevaux ni du postillon. Je n'ai pas besoin de choisir des chemins tout faits, des routes commodes ; je passe partout où un homme peut passer ; je vois tout ce qu'un homme peut voir ; et, ne dépendant que de moi-même, je jouis de toute la liberté dont un homme peut jouir. Si le mauvais temps m'arrête et que l'ennui me gagne, alors, je prends des chevaux. Si je suis las... Mais Émile ne se lasse guère ; il est robuste ; et pourquoi se lasserait-il ? Il n'est point pressé. S'il s'arrête, comment peut-il s'ennuyer ? Il porte partout de quoi s'amuser. Il entre chez un maître, il travaille ; il exerce ses bras pour reposer ses pieds.
Voyager à pied, c'est voyager comme Thalès, Platon et Pythagore. J'ai peine à comprendre comment un philosophe peut se résoudre à voyager autrement et s'arracher à l'examen des richesses qu'il foule aux pieds et que la terre prodigue à sa vue. Qui est-ce qui, aimant un peu l'agriculture, ne veut pas connaître les productions particulières au climat des lieux qu'il traverse, et la manière de les cultiver ? Qui est-ce qui, ayant un peu de goût pour l'histoire naturelle, peut se résoudre à passer un terrain sans l'examiner, un rocher sans l'écorner, des montagnes sans herboriser, des cailloux sans chercher des fossiles ? Vos philosophes de ruelles étudient l'histoire naturelle dans des cabinets ; ils ont des colifichets ; ils savent des noms, et n'ont aucune idée de la nature. Mais le cabinet d'Émile est plus riche que ceux des rois ; ce cabinet est la terre entière. Chaque chose y est à sa place : le naturaliste qui en prend soin a rangé le tout dans un fort bel ordre : Daubenton(4) ne ferait pas mieux.
Combien de plaisirs différents on rassemble par cette agréable manière de voyager ! sans compter la santé qui s'affermit, l'humeur qui s'égaye. J'ai toujours vu ceux qui voyageaient dans de bonnes voitures bien douées, rêveurs, tristes, grondants ou souffrants : et les piétons toujours gais, légers et contents de tout. Combien le cœur rit quand on approche du gîte ! Combien un repas grossier paraît savoureux ! Avec quel plaisir on se repose à table ! Quel bon sommeil on fait dans un mauvais lit ! Quand on ne veut qu'arriver, on peut courir en chaise de poste ; mais quand on veut voyager, il faut aller à pied."

Écrit par : solko | mardi, 16 décembre 2008

"et les piétons toujours gais, légers et contents de tout"... C'est vrai, vivement une interminable grève de la RATP ...

Écrit par : delest | mercredi, 17 décembre 2008

@SophieL.L: Je confirme,Vous êtes très rigolote (On n'est jamais TROP rigolotte (Sauf celles qui font des imitations à la fin de chaque repas mais je ne crois pas que ce soit votre style )
Donc , oui le lion de Denfert Rochereau ,il est très beau, je le connais, c'était un ami à moi, quand je faisais ma Parisienne (au temps du hula hoop) ... Bon le lion qui arrive à la traîne, c'est fait exprès un peu quoique dans le genre animal à la traîne c'est le vilain petit canard que je préfère ...(je mettrai bien une mitaine au feu que vous l'aimez bien aussi sauf que les canards que j'ai trouvés n'étaient pas assez vilain alors j'ai dit bon ! va pour un lion en pierre, un lion en pierre ça fait toujours plaisir... ET puis dès demain je partirai avec mon épuisette et mon chapeau chercher pour vous les autres lions en pierre
Mais comme je ne tiens mes promesses que d'une façon très vaporeuse ... vous avez remarqué ? Trop vaporeuse comme fille ;-)
Merci pour vos commentaires rigolos ...A suivre comme promis

Écrit par : frasby | mercredi, 17 décembre 2008

@kl-loth : Tu as raison , le 8 décembre n'a pas tout écrasé définitivement de ses blafarderies
Echappée belle, c'est l'expression juste
(Pas juste une expression !)
Je crois que M Kundera a écrit d'autres choses sur la lenteur, je suis en train d'essayer de chercher ces passages en mettant ma bibliothèque à sac (mais il faut ce qu'il faut)
a suivre aussi ...

Écrit par : frasby | mercredi, 17 décembre 2008

@Alex : Merci Alex de nous rapporter ces pensées (de mathématicien!) en plus -(J'adore les mathématiciens ) , tout comme "ton grain à moudre" , peut être que mon lion de pierre ne "crache" que ce trop plein que le cerveau ne parvient pas à assimiler en temps d'accélération, nous rendant un droit légitime nous permettant de penser lentement
(suggestion peu romantique mais bon... Pas très scientifique non plus ;-)
(même s'il est génial, notre cerveau, il ne faut quand même trop lui en demander n'est ce pas ?)
Merci d'apprécier et d'élargir une fois encore notre (nos) thème(s) ...

Écrit par : frasby | mercredi, 17 décembre 2008

@ solko: Tout a été déjà écrit avant quelqu'un ... C'est ça le problème ... Mais comme je raffole des couper-coller
(c'est mon bonheur) je ne peux que vous remercier pour ce bel extrait qui élèvera notre esprit tout en entretenant notre corps en saines occupations(quoique les deux ne soient pas si séparés)j'veux dire: le corps et l'esprit (soyons harmonieux que diable !)
@Jean jacques Rousseau :Bon, Jean jacques "Les piétons toujours légers et contents de tout" euh ...
je voudrais pas te contrarier mon biquet, mais t'es pas allé rue de la ré en face la fnac un samedi après midi , ni rue de Rivoli un lundi matin on dirait que tous les piétons ont des ulcères à l'estomac... c'est vrai que dans ces cas là ,le coeur rit en s'approchant du gîte
Sinon , si tu te réincarnes en toi même, je te conseille d'acheter un vélo c'est pas mal non plus
@re-/solko: J'espère que vous ne m'en voudrez pas d'avoir un peu rudement "ratichonné" le Rousseau , mais il y va un peu fort en éloges sur la marche à pieds , mais vous je ne vous ratichonne pas , loin s'en faut!
j'ai bien conscience de la faille spatio temporelle, mais si Jean Jacques passe par chez vous, amenez le moi je lui ferai faire un tour de tête d'or sur mon porte bagage et si vous voulez me faire un beau cadeau à noël , offrez moi encore plein de coupers-collers, j'adore ça, d'autant que celui là est vraiment bienvenu... La prochaine fois je vous parlerai d'un bouquin de Pol Bury sur la bicyclette mais comme j'ai oublié le titre... Côté couper-coller ça ne le fera pas ... De toute façon le roi du couper-coller c'est vous (ô flatterie quand tu nous tiens! ) mais pas que flatterie! donc je pose mes petits souliers aux pieds (???) de mon ordinateur et j'espère encore plein plein de choses délicieuses comme ça ( si ça vous chante, c'est quand vous voulez mon ami!), vous ferez au moins une gaie, légère contente de tout.

Écrit par : frasby | mercredi, 17 décembre 2008

@delest : Très juste ... Je me souviens, j'étais à Paris lors d'énormes grèves des transports en commun et les gens semblaient se débrouiller très bien et les piétons plus nombreux encore dans Paris semblaient effectivement gais, légers et contents de tout
Alors ...Vive la grève des transports en commun ! RATP, TCL et autres ...
Qu'attendez vous ?

Écrit par : frasby | mercredi, 17 décembre 2008

Hélas ! Mille fois Hélas ! Il y a déjà Thibaudet qui hante l'éventail, Alceste qui pointe de bout de son nez de chez vous ou chez moi et qui passe pour l'instant le plus clair de son temps dans les égouts, comment Jean-Jacques, le persécuté au coeur tendre, pourrait-il revenir parmi nous ? Laissons-le bien là où il est ; remarquez bien qu'une promenade dans les allées du Parc à bicyclette aurait sans doute de quoi le surprendre et l'étonner, il serait sans doute ravi de nourrir en votre compagnie quelques biches de rudimentaires croutons au crépuscule. Je ne vous laisserai pas ici toute la Rrofession de foi du Vicaire savoyard, ce serait un peu abuser du couper coller, mais tout de même, conscience ! conscience ! instinct divin ... Il a de la gueule encore à present, le bon Jean Jacques...

Écrit par : solko | mercredi, 17 décembre 2008

@Solko : Ben oui , il a de la gueule ! ET comment ? c'est bien pour ça que j'en redemande ... insatiable que je suis. Mais j'ai bien conscience d'abuser ...
ON l'aura pas la profession de foi du vicaire ??? sûr sûr ?C'est votre dernier mot ?

Dites moi pourquoi dans les égouts Alceste ????
Je croyais qu'il était dans les arbres; il n'est pas remonté ?

@ Jean Jacques: RV sous les ormes jeudi soir, je vous emmène voir les biches, ça roule

Écrit par : frasby | mercredi, 17 décembre 2008

Alceste ne peut vivre dans les arbres durant l'hiver, car il n'y a plus le doux feuillage pour l'écarter de la vue de ses contemporains ni écarter ses contemporains de la sienne. Il n'y a donc que les égouts qui peuvent encore l'héberger..

Écrit par : solko | jeudi, 18 décembre 2008

@Solko : Mais suis je bête ! Je n'avais pas pensé à ça , je n'avais pas pensé que le bonheur d'Alceste était surtout de vivre caché...
Peut être parce qu'il restait encore une ou deux feuilles en haut de nos arbres (bien dégarnis tout de même)...
Mais n'y a t-il pas des haies qui ne se dégarnissent pas, des plantes genre le houx, le genêt où Alceste pourrait faire son nid ? plutôt que les égouts ?
Vous allez me dire le houx et le genêt à Lyon c'est comme le mouton à cinq pattes ... Non , les égouts pour Alceste c'est trop triste, il faut qu'on trouve absolument une solution moins noire une solution plus végétale !

Écrit par : frasby | jeudi, 18 décembre 2008

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