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jeudi, 21 mai 2009

Voix et volutes

"J’appelle à moi les tornades et les ouragans
les tempêtes les typhons les cyclones
les raz de marée
les tremblements de terre
j’appelle à moi la fumée des volcans et celle des cigarettes
les ronds de fumée des cigares de luxe
j’appelle à moi les amours et les amoureux
j’appelle à moi les vivants et les morts ... "

ROBERT DESNOS. Extr. "La voix de Robert DESNOS" (14 dec 1926), in "Corps et biens". Editions Gallimard 1953.

vivants et les morts.JPG

Ros(s)er la vie en grises volutes. Les cigarettes de Robert D. ne connaîtront jamais, (on l'espère !), le sort de "la pipatati"... Desfois qu'il "leur" vienne à l'idée d'effacer carrément du poème, ces "ronds de fumée", et autres volutes Desnosiennes, pour livrer l'oeuvre enfin, nettoyée des scories, à nos chers têtes blondes. On enlèvera aussi peut-être des manuels, que Robert DESNOS était un mauvais élève, enfin, il n'aimait pas les cours, (ce n'est pas pareil), ni le patriotisme qui s'apprend dans les écoles, préférant lire des bandes dessinées, les revues "l'épatant", "l'intrépide" les feuilletons populaires, (dont Fantomas). Tout ce que les surréalistes nommeront plus tard : le merveilleux dans la naïveté populaire ou plus précisément encore je cite : "la poésie involontaire".

Les poèmes de R. DESNOS, de la fin des années 20's et des années 30's se sont inspirés de cet imaginaire très enfantin. Héros grandiloquents, Far West, et autres invincibles fous d'aventures. Les surréalistes reprocheront à DESNOS certaines oeuvres, oubliant que DESNOS fût d'abord un autodidacte à la vaste culture mais jamais un lettré, ni un savant. Il est vrai que quand DESNOS se lance dans l'alexandrin, celui ci a parfois treize pieds. Quelle importance ? Le treizième n'est peut-être (qui sait ?) qu'un petit vers offert par la maison et jeté par dessus les fagots comme il l'écrira avec belle conscience :

"Je ne suis pas philosophe, je ne suis pas métaphysicien ... Et j'aime le vin pur".

Ah ! l'imprudent ! après la cigarette, les cigares de luxe, le vin pur !  Il faudrait coller un avertissement sur ses livres : "Lire DESNOS nuit gravement à votre santé et à celle de votre entourage". Juste par acquis de conscience. Pas interdire. Prévenir nos jeunes ;-)

DESNOS, L'enfant terrible, le fou de liberté, appelant par sa voix, à minuit triomphant, les breffrois et les peupliers pour les plier à son désir. DESNOS se laissant adorer par des femmes qu'il n'adore pas, qui viennent à lui et obéissent. DESNOS faisant rougir sur ses lèvres les ouragans, gronder à ses pieds les tempêtes...

(Voilà ce qui arrive quand on boit trop de vin pur, quand on fume trop. Plus de bon sens !)

DESNOS appelant les fossoyeurs, les assassins, les bourreaux, les pilotes, les maçons, les architectes. DESNOS invoquant même la chair. (de sa chère) :

J’appelle la chair
j’appelle celle que j’aime
j’appelle celle que j’aime
j’appelle celle que j’aime...

DESNOS invoquant les vieux cadavres, les jeunes chênes coupés, les lambeaux d'étoffes pourrissant, le linge sèchant aux alentours des fermes, DESNOS par sa voix ressucitant les vieux cadavres, DESNOS rendant la verdure aux jeunes chênes coupés, DESNOS recevant les baisers d'ivresse des cyclones, DESNOS revêtant les vapeurs des fumées des volcans...

"Et Les ronds de fumée des cigares me couronnent".

Toujours par le pouvoir presque invincible d'une voix.

Ainsi monte l'appel. Et dans la nuit, la ritournelle, triture son fil*. DESNOS sait pourtant où il va. ( "Yvonne"* !). Il en appelle à tout ce qui existe, existera, gronde ou subsiste. Jusqu'au chaos. La solitude la plus extrême. Ce qui est effrayant dans le chaos, ce n'est pas la menace même, mais l'absence de tout repère fixe. Il y en a un pourtant. Yvonne. La seule que sa voix n'atteint pas. Unique chère (de sa chaire). Cette unique qui n'entend pas :

"Les maçons ont le vertige en m’écoutant
les architectes partent pour le désert
les assassins me bénissent
la chair palpite à mon appel

celle que j’aime ne m’écoute pas
celle que j’aime ne m’entend pas
celle que j’aime ne me répond pas."

http://kl-loth-dailylife.hautetfort.com/archive/2009/05/2...

Photo : Les rôle s'inversent sur cette affiche qui fait un peu penser à certains graphismes fin 60's début 70's, (à certaines images situationnistes entre autres). Supposons que ce soit Yvonne...

"Attendre que quelqu'un veuille bien m'écouter, que quelqu'un veuille bien me comprendre... Ils ne peuvent accepter une idée qui ..."

Une idée qui... Quoi ?

Attendre. Ne pas entendre... A quelques lettres près. Mondes en instance. Irréciprocités. Loi de l'offre et de la demande. Quête incessante... Ici l'affiche épouse le grain du mur. Un visage toise le promeneur d'un sourire mitigé. Des questions sont posées. Essentielles. Vu rue de Crimée (la belle graffée) sur le plateau de la Croix-Rousse à Lyon. Mai 2009. © Frb.

Commentaires

Epiderme de sa voix qui s'éteignit à Theresienstadt. Mais le sang s'écoule toujours, et ce n'est pas miraculeux. Mais sincèrement poétique et sans pélerinage.
A propos du Far West ? Un rapprochement avec Jacques Brel dont le fim connut un plat pays d'insuccès public.

Écrit par : JEA | jeudi, 21 mai 2009

Merci à JEA d'avoir rappelé les conditions de l'engloutissement de Desnos. Toujours rappeler "ça". Toujours.

Écrit par : Chr. Borhen | jeudi, 21 mai 2009

Je suis assez étonné de voir que Desnos soit aussi connu . Je l'ai connu par une chanson de Ferrat !!!( Je pense à toi Desnos, qui partis de Compiègne....)

Bonne journée.

Écrit par : patriarch | jeudi, 21 mai 2009

JEA : Oui c'est miraculeux.
Sincèrement poétique et surtout SANS pélerinage... C'est mieux ainsi.
Quant à la voix du poète elle est évoquée dans un billet précédent avec un rêve assez troublant issu des travaux radiophoniques de DESNOS datant de 1938,
qui fait curieusement penser à ces évènements inacceptables qui quelques années plus tard menèrent le poète dans un camp jusqu'à l'anéantissement.
Patriarch nous rappelait que DESNOS était mort très jeune à l'âge de 45 ans ...
Le rapprochement avec Jacques Brel, oui, je n'y avait pas pensé...
Une perception des grands espaces entre les lignes du poème, les chevaux migrateurs, les cavalcades... Far west indirectement évoqué, à peine nommé (bien sûr)

Écrit par : frasby | jeudi, 21 mai 2009

Chr. Bohren : Oui merci à JEA. Les conditions de fin de vie de R. DESNOS (comme je l'écris précedemment ici à JEA) ont été évoquées lors d'un autre précédent billet (dans les commentaires). Je crois qu'il n'était pas le sujet dans ce billet d'en reparler . Rappeler "ça" toujours . Oui, il le faudrait, autant que nos regrets .
Je me suis questionnée s'il fallait ou non aborder la biographie dans son ensemble. Ici non, assurément cela ne se prêtait pas.. Mais peut être qu'un jour, (j'y pense) il serait utile de réevoquer cette période à partir du "vin est tiré" 1943 jusqu'à 1944-1945. l'engagement dans la résistance.; l'exode misérable, et l' infamie en Tchécoslovaquie. Destruction du poète par les nazis.
J'ai vu dans un autre site une photo, la dernière de DESNOS, Je ne suis pas sûre que l'homme Desnos aurait approuvé...

Écrit par : frasby | jeudi, 21 mai 2009

@Patriarch : Connu c'est relatif ...Moins qu'André Breton en tout cas (c'est mon regret très perso). Je crois qu'on apprend aussi lespoèmes de DESNOS dans à la petite école il me semble. Tant mieux !
Je ne connais pas ce qu'en a fait Jean Ferrat (je me méfie... c'est perso aussi, je n'aime pas trop Ferrat) , en fait je connais très mal donc je préfère ne pas en parler.
Un compositeur remarquable de musique acousmatique MICHEL CHION (du GRM) a adapté des textes de DESNOS d'une façon toute aussi remarquable dans un disque qu'on trouve difficilement aujourd'hui "La ronde / "on n'arrête pas le regret" oeuvre datant de 1975 "Au mocassin le verbe" parue sous le titre "Tu". Pour mémoire le poème commence ainsi:

"Tu me suicides si docilement
Je te mourrai pourtant un jour"....
Sublime poème.

et Michel Chion a adapté aussi le tout aussi sublime "C'était un bon copain"
http://www.deezer.com/track/273582
On est très loin des adaptations de Jean Ferrat évidemment mais c'est très interessant. A écouter , A découvrir absolument.

Écrit par : frasby | jeudi, 21 mai 2009

Les commentaires sont fermés.