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lundi, 08 juin 2009

Lignes de fuite

"Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. Le désespoir n'a pas d'ailes, il ne se tient pas nécessairement à une table desservie sur une terrasse, le soir, au bord de la mer.
C'est le désespoir et ce n'est pas le retour d'une quantité de petits faits comme des graines qui quittent à la nuit tombante un sillon pour un autre.
Ce n'est pas la mousse sur une pierre ou le verre à boire...

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Je connais le désespoir dans ses grandes lignes.
Le désespoir n'a pas de coeur, la main reste toujours au désespoir hors d'haleine, au désespoir dont les glaces ne nous disent jamais s'il est mort. Je vis de ce désespoir qui m'enchante.
J'aime cette mouche bleue qui vole dans le ciel à l'heure où les étoiles chantonnent.
Je connais dans ses grandes lignes le désespoir aux longs étonnements grêles, le désespoir de la fierté, le désespoir de la colère. Je me lève chaque jour comme tout le monde et je détends les bras sur un papier à fleurs, je ne me souviens de rien, et c'est toujours avec désespoir que je découvre les beaux arbres déracinés de la nuit.

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Je connais le désespoir dans ses grandes lignes.
C'est comme le vent du rideau qui me tend la perche. A-t-on idée d'un désespoir pareil !
Tas de sable, espèce de tas de sable!
Dans ses grandes lignes le désespoir n'a pas d'importance.
C'est une corvée d'arbres qui va encore faire une forêt, c'est une corvée d'étoiles qui va encore faire un jour de moins, c'est une corvée de jours de moins qui va encore faire ma vie."

ANDRE BRETON. Extrait : "Le revolver à cheveux blanc" in "Clair de terre". Poésie/Gallimard 1966.

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VIRULENT VIOLINS "Alentejo train"

podcast

 

Eloge de la fuite : le désespoir dans ses volutes. Voir ci-dessous :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/06/24/pa...

Photos : Le désespoir dans ses grandes lignes. Un fragment de la perte du monde : (Photos 1, 2) . Alentours aux couleurs de rouille, vieilles carcasses à l'abandon, entre deux villages, juste après la haute vallée d'Azergues et puis, soudain entre les lignes (photo 3) : la perle du monde... Trois vues saisies derrière la vitre du train 16846 à destination de LCB. Juin 2009. © Frb.

Commentaires

Lignes de fuite, fuite dans les idées...

Écrit par : JEA | jeudi, 11 juin 2009

Touchée. Merveille. Merci.

Écrit par : ficelle | jeudi, 11 juin 2009

@JEA : Fuite dans les idées, c'est vrai ! (dans tous les sens du terme)
j'aime ce mot entre suite et fugue
(imaginez une musique "fuite pour violons"....)

Écrit par : frasby | jeudi, 11 juin 2009

@Ficelle : Merci ! Touchée aussi .

Écrit par : frasby | jeudi, 11 juin 2009

J'avais oublié ce texte de Breton. Du coup, je vais peut-être le relire. En tout cas, j'aime beaucoup votre façon d'être "lumineuse", malgré les perspectives brisées des deux premières images, et d'ouvrir l'espace avec la dernière image. J'aime bien cette ambivalence, ce balancement... Oh, zut, j' deviens cérémonieux. Bref, c'est très zouli !... :)

Écrit par : mon chien aussi | vendredi, 12 juin 2009

« ... le désespoir n'a pas d'importance. » C'est vrai. L'espoir non plus. C'est toujours une question de point de vue il me semble. Comme l'écrit mon chien aussi, votre perspective ne nous (ne vous) immobilise pas en chemin. Le mouvement du temps, le mouvement « de la corvée des jours » comme le dit Breton, est le remède aux illusions. Beau, bon billet. Merci.

Et puis je me suis demandé, si je ne m'accorde plus le droit de promener mon désespoir, quel bagage alors pèse sur mon cœur lourd ? La réponse m'est venue de Ferré. ( Celui-ci et Breton n'étaient pas des amis ). « C'est une rue barrée / C'est ce qu'on ne peut pas dire / C'est vingt ans de purée dans un souvenir [...] La mélancolie. »

Écrit par : Marc | vendredi, 12 juin 2009

Plutôt Ferré que Breton et plutôt le ballast que "la perle du monde",
Cette grosse église 19ème, semble peser, écraser ce village "riant", genre déploration perpétuelle du Christ; persécution insidieuse à l'ombre des cloches probablement fêlèes...
Merci pour la musique Virulent Violins "alentero train" Quel est ce groupe ?

Écrit par : Lola | vendredi, 12 juin 2009

J'ai commencé de lire une première fois et n'ai pu aller jusqu'au bout du texte.
Ce soir, cette nuit je l'ai lu en entier.
Le désespoir c'est donc le sentiment d'impuissance.
C'est curieux ces images ne me donnent pas trop un sentiment de désespoir. Plutôt l'expression d'une fatigue, celle des choses qui, comme les gens ont bien servi et fait leur devoir.

Écrit par : Rosa | samedi, 13 juin 2009

je dirais plutôt
des petites lignes
qui n'empêchent pas d'aller à la pêche
à l'écart des vilaines bâtisses

les grandes lignes emportent
le désespoir

où est-ce que je vous dépose ?

Écrit par : j'y vois | samedi, 13 juin 2009

@mon chien aussi : Cérémonieux ? avec un pseudo si étonnant (c'est un pseudo, ce n'est pas votre prénom au moins ? ), vous le pouvez cérémonier, ça restera d'une cérémonie bien à vous.
Je suis très touchée par votre commentaire...
Il faut croire qu'on en bave de sacrés ronds de chapeaux pour aller vers ... le lumineux.
Mais par contre lumineux c'est un adjectif que j'aime beaucoup donc si vous me trouvez lumineuse , vous me mettez sur un nuage pour le restant de mes jours.
(on va la faire simple pour l'instant ;-),just sur un nuage .
Balancement aussi , c'est une perception qui me plaît beaucoup (oui, la votre ;-)
Parlons d'André Breton, c'est étrange, je n'aime pas tellement le monsieur (je n'aime pas les gens qui n'aiment pas la musique, Breton la détestait) et pourtant chaque fois que je tombe sur ses textes, on peut parler d'une sorte de musicalité, de luminosité aussi, ça m'étonnera toujours en tout cas "clair de terre" est un recueil sublime (ça m'embête un peu de le dire vu que je n'aime pas Breton, mais il faut dire ce qui est) un recueil assez inépuisable, surprenant chaque fois qu'on s'y replonge... Cette chose m'échappe délicieusement.
Merci à vous vraiment pour ce beau commentaire.

Écrit par : frasby | samedi, 13 juin 2009

@Marc : Oui je partage "le désespoir n'a pas d'importance", l'espoir non plus. Aucune importance.
L'espoir est une vue de l'esprit , j'ai presque envie de dire qu'il n'existe pas enfin qu'il n'existe que si l'on s'accorde peut être d'abord tout le soin d'en désespérer (est ce clair ;-) ????
Espérer être heureux ou quelquechose dans ce genre là, cela prouve-til pas qu'on ne l'est pas (heureux!)
Allons chez Spinoza tiens !qui écrit :
“il n’y a pas d’espoir sans crainte ni de crainte sans espoir”.
Une phrase qui a l'air toute bête comme ça, qui pose là; droite dans ses bottes et nous toise en riant . Et quand on est heureux on n'a plus rien à espérer n'est ce pas? n'est ce pas + affreux ?;-)
Comte Sponvile parlait de la notion de "Gai désespoir" dans son "traité du désespoir et de la béatitude", j'aime bien; ça ne va pas sans le gai savoir . ça ne brise pas le mouvement.
"Vingt ans de purée dans un souvenir" beau texte de Ferré."La mélancolie"
http://www.dailymotion.com/video/xekpw_leo-ferre-la-melancolie
Merci de le suggérer. très belle proposition. Merci aussi, Marc, pour ce beau commentaire, riche, aussi.

Écrit par : frasby | dimanche, 14 juin 2009

@Lola : Plutôt Ferré que Breton (quoique les deux avaient leur contradiction)
mais je voyagerai plus volontiers avec Ferré que Breton , s'il me fallait choisir un fragment de vie antérieure>.
En disant "la perle du monde" c'était un abrégé, c'est le début de cette perle du monde, qui restera cachée, puisque je ne dévoilerai pas publiquement la perle du monde qui doit rester secrète si elle veut rester perle
disons que c'est le premier arrêt augurant l'entrée dans un paysage, accueillant adoré. Vous avez raison , ce village n'est pas la perle du monde, just une petite ville provinciale, même pas riante, tranquille presque balzacienne. Son église y est d'une laideur mastoque, son château est épais aussi, ses magasins sont sans attrait, sa rue centrale est d'une petite banalité. il y a peu on y votait front national. On reçût Jean-marie en fanfare. Cette petite ville a pourtant des alentours merveilleux..., et y a vécu une personne qui m'est très chère alors l'église !!! bof ! un accessoire (si j'ose dire)... En résumé
Vous avez eu quelque regard assez juste sur quelque fragment de l'endroit, c'est vrai !

Écrit par : frasby | dimanche, 14 juin 2009

@Rosa : C'est vrai ce texte ne se laisse pas apprivoiser si facilement, ni "Clair de terre" , il demande une certaine participation (quoique je n'aime pas ce mot) disons qu'il ne met pas le lecteur en passivité...(captivité?)
le désespoir serait donc le sentiment d'impuissance, peut être bien, et je trouve bizarrement que l'espoir aussi ...
Vous savez, les images ne sont pas forcément paraphrasées par le texte même, il peut s'y trouver un certain décalage, il s'y trouve sûrement, c'est disons une chose à laquelle je m'attache, de déplacer un peu les mouvements (les lignes) et que s'y trouve malgré tout un point de convergence...
Je n'ai pas spécialement réfléchi à cette notion de "devoir" ou de fatigue" en saisissant ces paysages, plus exactement à une notion de mouvement et de fragilité

Écrit par : frasby | dimanche, 14 juin 2009

@j'y vois : Vous y voyez ... très clair ;-))

Ne me déposez pas encore, pas déjà ...
Voyageons encore s'il vous agrée ;-))

Écrit par : frasby | dimanche, 14 juin 2009

a-t-on idée
d'un truc pareil ?
il grêle aujourd'hui
en 9
et vous avez encore l'audace de vous exprimer

Écrit par : aux A grêles | vendredi, 17 décembre 2010

@ aux A grêles : Parce qu'il grêle maintenant ? c'est nouveau !
Vite ! vite ! tous sous les paragrêles !

Écrit par : Frasby | vendredi, 17 décembre 2010

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