dimanche, 24 mai 2009
Entre l'abîme et les cieux...
Comme un dimanche.
"Des Dieux ? ... - Par hasard j'ai pu naître,
Peut-être en est-il par hasard...
Ceux-là, s'ils veulent me connaître,
Me trouveront bien quelquepart ..."
TRISTAN CORBIERE. Extr. "Raccrocs. In "Les Amours jaunes". Editions Gallimard 1973.
"L'abîme et les cieux plein de noirceur" de HUGO ont croisé ce dimanche, les "raccrocs" de Tristan CORBIERE, sous les pas foulant presque en silence le gravier pastel du cimetière d'un village Moyen-Ageux.
Parmi les cinq poètes auxquels Paul VERLAINE a consacré quelques études (1884) sous le titre "Poètes Maudits", Tristan CORBIERE figure en tête. Peut-être s'agissait il de mettre les noms seulement par ordre alphabétique, mais cet ordre tombait juste. CORBIERE resta longtemps en France, le "Maudit" par excellence au sens où l'entendait VERLAINE c'est à dire le plus méconnu, (ou mal connu) et le plus secret. On avait prêté à VERLAINE, quelques jours seulement, ce livre rarissime : "Les Amours jaunes" (avec l'édition de LE GOFFIC, grand celtisant et lettré scrupuleux). Cette édition (introuvable aujourd'hui) montrait aussi une photo de CORBIERE en dandy. La vie si brève de CORBIERE apparaît comme une obstinée dérobade, non pas involontaire, mais désirée, maintenue avec une curieuse énergie. L'état maladif du poète lui interdisait toute activité utilitaire. CORBIERE mena toute sa vie le conflit avec le fait de n'être que ce qu'il était, un duel glissant presque dans la passion. Sa pensée se désarme et soumet à une sorte de vertige l'orgueil et l'humilité, les menant à l'extrême (cf. le dernier groupe de poèmes personnels "Paria") :
"Ma pensée est un souffle aride :
C'est l'air. L'air est à moi partout
Et ma parole est l'echo vide
Qui ne dit rien- et c'est tout."
Il semble que ces vers aient été écrits après que la surdité eût coupé CORBIERE de toute communication normale avec ses semblables. Il entre désormais dans le domaine où La paradoxale "Rapsodie du sourd" nous le montre comme précipité par une trahison de la vie.
Tout cela serait assez glorieux, si CORBIERE n'était pas touché par une grâce ironique qui désarme à son tour les "grands mots". Une pirouette bouffonne accompagne l'évocation des gouffres et la tourmente cosmique où toute existence humaine particulière finit toujours par se perdre.
"Je voudrais être point épousseté des masses,
un point mort balayé dans la nuit des espaces,
... et je ne le suis point !"
Le point résiste à la l'évaporation des sens. Sur ce, la plume de Victor HUGO passe, "Seul débris qui resta des deux ailes de l'Archange englouti"...
et caressant à peine le point endolori. Referme le couvercle sans s'en apercevoir.
Source: Extr de la préface par Henri THOMAS , à l'édition 1973 des "Amours jaunes" de TRISTAN CORBIERE.
Photo : De l'autre côté du mur, l'étrange sensation d'être suivie... Une Croix (avec vue) semble narguer le bord des routes, tandis que nous longeons le cimetière hébergeant les anciens boscomariens du village médiéval de Bois Ste Marie. (Les boscomariens est l'appelation générique des habitants de la commune de Bois Ste marie). Un lieu dont je vous reparlerai sans doute un (certain) jour, si je parviens à capturer, sous les voûtes de l'église romane, l'image cruelle, troublante, d'un de ses chapiteaux nommé "Le châtiment du bavard", hummmmm... A suivre. Un signe donc, en zone intermédiaire, vu dans le Brionnais fin Avril 2009 © Frb
18:26 Publié dans A tribute to, Balades, Certains jours ..., Ciels, De visu, Le vieux Monde, Mémoire collective | Lien permanent
Commentaires
Et le noiroit, en voix off, de confirmer que Corbière a jeté l'ancre le long d'un quai de Roscoff.
Écrit par : JEA | mardi, 26 mai 2009
@JEA : Humm mais tout à fait ! je vois JEA que
vous suivez studieusement notre affaire ! (répondit la speakerine de "certains jours" devant un fond d'écran représentant l'oignon rosé de Roscoff)
La tavernière (cette étourdie) aura oublié de mentionner que Tristan CORBIERE était un Breton .
(J'espère que habitants de Roscoff nous pardonneront cette omission)
Ps : Me plaît ce terme : "Le noiroit"...
Écrit par : frasby | mardi, 26 mai 2009
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