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mardi, 10 mai 2011

Cependant

Me retournant sur la plage
Même les traces de mes pas
ont disparu

ISSA,  "Et pourtant, et pourtant", (1), éditions Moundarren 1991.

night parc.JPGRien de quoi s'accrocher. Trop de volonté, si peu naturelle, en somme. Il faudra bien laisser couler ce qu'il reste de temps hors du monde. Entre le printemps et l'été, il y aura une cinquième saison, comme le nouvel an au Japon. Une saison des pluies, la mousson, des mélodies pour cordes en terrain gadouilleux, ce sera aussi un no man's land. On entrera en barbarie avec soi, juste avant le règne des fleurs. On cherchera son pays hors des corps familiers, un passage au milieu des autres entre les saules et les broutilles. On s'arrêtera là. On ira trouver les saisons, la sixième, la septième, celle du quatrième monde, retraverser ces temps où les hommes et les animaux parlaient le même langage jusqu'à en éblouir la nuit.

Des étoiles s'allument nous allument nous éteignent. Voici l'écho au chapitre de l'illusion ; un coucher sans soleil sur le lac, poumon liquide gris bleu; où hier, d'anciens marécages servaient d'exutoire au fleuve Rhône. Sous le lac, peut être enfouie, une tête de Christ en or. Plus loin, l'île des cygnes, un monument aux morts de la guerre de 14-18. Et là bas, le long des berges, on voit des bancs, des barques, des amants enlacés sous les arbres. L'importance des petits insectes aux ailes translucides nous feraient oublier les grands hommes qui oeuvrent en secret au contenu des bibliothèques de demain. On deviendra épisodique, épiphénomènal, épis, épi, fil blanc d'un verset de sutra (du lotus du diamant, ou de l'arbre), pour l'oubli, le renouvellement. On rejoindra son ermitage entre les sauges, sur un caillou. On sera dans la soustraction, délesté pour un bref instant de tout ce qui nous appartient, nous retient, nous posséde. Une illusion à tête humaine, la bouche en peau de banane, fera le zouave en équilibre entre l'eau et la barque.

Ce qui peine peut mourir encore. Rien de quoi s'accrocher de manière permanente, brièveté maximale, un au-delà flottant, à peine indifférent mené par sa balade, dans cette espèce de deshérence on regardera les oies sauvages et les canetons, s'écraser sur les flots. On goûtera, comme nous l'ont appris les peintres ou le marchand de cartes postales, on goûtera ce coucher de soleil sans soleil, après quoi de ce jour il ne restera rien.

"Une bulle dans un nuage de thé", un rêve de sons retournant le sol en tous sens, l'absence de temps qui passe de temps qui vient, l'absence des temps du souvenir, un cendrier rond peu profond frôlé par les volutes et les petits papiers qu'on déchire, numéros de téléphone, des notes d'une musique expirée, fêtes galantes, onctuosités, harmonie du soir au lac miniature, une plage immense près d'un gigantesque cendrier rempli à ras bord d'une eau pure... Par temps clair on y voit flotter deux belles grues griffées de lettres et de ratures, elles ont l'air bête, elles nous ressemblent. Déjà pliées, t'en souviens-tu ? Joies de l'origami.

 

Nota (1) : Kobayashi ISSA (1763-1828), nom de plume ISSA (signifiant "Tasse-de-thé") est un poète japonais de la fin de la période Edo, auteur d'environ 20 000 Haïkus, il en a aussi modernisé la forme et le propos, avec subtilité, il est (à mon sens) l'un des plus grands avec BASHÔ, BUSON l'un des plus fins. Vous pouvez visiter les liens ci-dessous, ses poèmes sont absolument à découvrir. 

 

http://www.arfuyen.fr/html/ficheauteur.asp?id_aut=1058

http://nekojita.free.fr/NIHON/ISSA.html

http://haikuguy.com/issa/

 

Photo : Le lac du Parc de la Tête d'Or à Lyon, aux alentours de vingt et une heure, (et son ours vert endormi), photographié, au mois de Mai, juste après la pluie.

 

Frb © 2011

Commentaires

in a flash the lake
is filled...
with fireworks!

Écrit par : Tasse-de-thé | jeudi, 19 mai 2011

@ Tasse de thé : yes, sir ! comme sur les champs Elysées ! et aussi plein de feux follets... Même si les éclats des pépites (de la tête d'or sommeillant sous ce lac) qui le soir, hantent les flots, sont, paraît il, hallucinatoires ...

Écrit par : frasby | jeudi, 19 mai 2011

Il y a quelque chose de L'Ile des Morts de Böcklin dans votre photographie. Sentiment développé aussi par votre texte à la mélancolie de fleur cherchant son soleil, un peu d'air, un souffle de vie.
Une main qui la frôlerait, oh juste du bout d'un doigt, à peine. Un nez qui se pencherait en lui parlant doucement comme en ces temps où les hommes parlaient aux animaux, aux arbres, au ciel, aux fleurs bien sûr. Et aux autres hommes.

Bonjour, Frasby :)

Écrit par : Jean | jeudi, 19 mai 2011

@Jean : "L'île des morts" de Böcklin (belle référence !) je n'aurais pas pensé (toute seule :) à ce tableau puissant, si énigmatique mais puisque vous le citez, j'ai aussi pensé à Rachmaninov qui s'en est inspiré pour composer un poème symphonique, des plus beaux, je crois que la découverte du tableau l'avait bouleversé, il s'est mis à "l'entendre" alors tout se touche un peu si j'ose dire, (de bonne grâce nous saurons être tactiles :) j'aime beaucoup cette musique (cette correspondance peinture-musique serait un très beau sujet n'est ce pas ?), rien n'est si séparé même si on vit dans un monde de séparation qui semble admis par presque tous, cette photo vous fait penser au tableau parce qu'il n'y a aucun dénouement imaginable sans doute cette masse est trop lourde pour l'espace et ce vide c'est un peu du néant, pour lequel je n'ai pas de fascination particulière, un poids mort, et l'absence de mouvement, comme déjà quelque chose qui n'existe plus. Ensuite pour le texte vous êtes intuitif, nous habitons parfois des "moments" plus forts que nous mêmes, des moments qui peuvent balayer ce qui existe (et reste beau par ailleurs), je suppose que ce texte a été écrit dans un de ces moments, le printemps est à mes sens toujours un peu désolant, ce n'est pas anecdotique, disons que c'est dans l'air (une saison de barbares et de joie insolente), en ville cette joie peut être assez brutale, agressive (excepté pour-et dans- les roses) la saison idéale pour se laisser frôler (et même plus :) c'est l'automne ! alors la fleur cherche peut être son soleil d'automne un éclat vif, l'automne perdu, pour le printemps ( ne le répétez pas :) j'y mets beaucoup de mauvaise volonté. J'anticipe la brutalité d'une saison abhorrée:) et la brutalité tout court des mondes sans douceur auxquels beaucoup d'êtres semblent s'accoutumer disons qu'une certaine indifférence collective ou particulière sont des signes prégnants de cette accoutumance, elle est très inquiètante. Vous avez raison de parler de ce temps où les Hommes parlaient aux Hommes, j'ai écrit ce billet après m'être promenée en ville, j'y ai vu des choses insupportables, contre lesquelles on se cogne mais le pire c'étaient les morts vivants qui regardaient cela comme un spectacle... Après quoi c'est comme si l'on nous injectait une bonne dose de néant contre notre volonté, soit on se réduira, soit il faudra absolument trouver moyen de s'en libérer, un effleurement suffirait peut être ... Votre note aura appréhendé l'essentiel, merci. Ah j'oubliais ; (elle cause elle cause mais elle sait même pas dire bonjour !)
- bonjour Jean ! :)

Écrit par : frasby | jeudi, 19 mai 2011

Il faudra bien laisser couler ce qu'il reste de temps hors du monde. Entre le printemps et l'été, il y aura une cinquième saison

en echo , extrait de "poèmes retrouvés même s'ils n'ont jamais été perdus"


poème de saison (mais laquelle ? )

l’automne est la saison
préférée … pour ceux qui préfèrent l’automne
comme saison préférée … moi je préfère
l’automne comme saison … il y en a quatre …
je les ai appris par cœur … automne numero un
automne numero deux
automne numero trois
automne numero quatre

c’est un peu comme les trois mousquetaires

Écrit par : hozan kebo | jeudi, 19 mai 2011

@hozan kebo : L'automne !
N°1, N°2, N°3, N°4 vous êtes le poète qu'il me faut (rires)
l'automne est comme les mousquetaires,
Septembros
Octognan,
Novembris
(et l'autre ? Où se cache t-il ? ah zut ! j'ai oublié son nom)
L'automne est comme le facteur, disait Lana Turner à Crocky
l' écureuil qui n'est pas mousquetaire mais ça viendra, ce qui nous fera 5 mousquetaires et je vous mets un sixième automne pour la route ? Ne dites pas non, ça me fait plaisir !

Ps : Merci pour le sutra de l'arbre, vraiment,
on ne s'en lasse pas...

Écrit par : frasby | jeudi, 19 mai 2011

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