vendredi, 02 octobre 2009
Un hémisphère dans une chevelure
"Laisse moi respirer longtemps, longtemps, l'odeur de tes cheveux, y plonger tout mon visage, comme un homme altéré dans l'eau d'une source, et les agiter avec ma main comme un mouchoir odorant, pour secouer des souvenirs dans l'air.
Si tu pouvais savoir tout ce que je vois ! tout ce que je sens ! tout ce que j'entends dans tes cheveux ! Mon âme voyage sur le parfum comme l'âme des autres hommes sur la musique.
Tes cheveux contiennent tout un rêve, plein de voilures et de mâtures ; ils contiennent de grandes mers dont les moussons me portent vers de charmants climats, où l'espace est plus bleu et plus profond, où l'atmosphère est parfumée par les fruits, par les feuilles et par la peau humaine.
Dans l'océan de ta chevelure, j'entrevois un port fourmillant de chants mélancoliques, d'hommes vigoureux de toutes les nations et de navires de toutes formes découpant leurs architectures fines et compliquées sur un ciel immense où se prélasse l'éternelle chaleur. Dans les caresses de ta chevelure, je retrouve les langueurs de longues heures passées sur un divan, dans la chambre d'un beau navire, bercées par le roulis imperceptible du port, entre les pots de fleurs et les gargoulettes rafraîchissantes.
Dans l'ardent foyer de ta chevelure, je respire l'odeur du tabac mêlé à l'opium et au sucre ; dans la nuit de ta chevelure, je vois resplendir l'infini de l'azur tropical ; sur les rivages duvetés de ta chevelure, je m'enivre des odeurs combinées du goudron, du musc et de l'huile de coco.
Laisse moi mordre longtemps tes tresses lourdes et noires. Quand je mordille tes cheveux élastiques et rebelles, il me semble que je mange des souvenirs."
Charles BAUDELAIRE (1821-1867)"Un hémisphère dans une chevelure", (posthume, 1869).. Extr. "Petits poèmes en prose- le spleen de Paris" Editions, poésie Gallimard, 1973.
A.S. Dragon : "Un hémisphère dans une chevelure", (lyrics, C. Baudelaire)
Depuis quelques jours déjà, ce poème de Charles BAUDELAIRE, me hante et s'impose comme une ritournelle. Puisant (sans épuiser), sa musique indolente dans les parfums extrêmes d'une forêt apprivoisée, dite Parc de la Tête d'or.
Ici, l'automne, à peine existe, muselé par la persistance d'un été indien désolant. En cette ville où chaque soirée braille, où chaque fête ressemble à la mise à mort de la moindre rêverie possible. L'automne pourtant, consent à entrer par cette faille, une brise entre les nuages conviant des feuilles à demi-mortes, à descendre parmi les humains.
Un pur condensé d'aromates, au souvenir, nous vient. Près des bancs qui bordent le lac, sous les ombres d'arbres centenaires, devant les facéties d'un cygne, ou la dernière barque. Des images d'étreintes révélées. Un espoir de débauche peut-être ? Au sentier du lac ou ailleurs, sur une place à flonflons où tourne un impuissant manège, l'amante d'autrefois contemple le visage d'un vieil amant devenu chauve, riant du rire heureux de l'homme dévidant sa mémoire.
Plus loin, le quidam de la vogue, finit à la taverne, l'oeil plongé dans les mousses molles, quand la ville s'emporte. Plus près, dans l'herbe on s'embaumerait au sacre de ces heures, à convoler sous l'incendie. Doucement on plongerait les mains dans ce décor, puissant d'une fragilité. Des fragrances boisées épouseraient l'humidité, une effusion de tubéreuses, allumeraient cette mèche...
Photo 1 : Premières rousseurs automnales prises en hauteurs à deux pas de la place Liautey qui longe un peu les quais mènant aux universités ou au Parc de la Tête d'Or, selon...
Photo 2 : Le Parc de la Tête d'Or, (cheveux bruns à reflets auburns sur un crépuscule bleu rosé), qui déploie chaque jour au coucher du soleil, en plus des ombres folles, d'éprouvantes odeurs de lianes et de terre remuée. Vu au dessus de l'enclos des biches. Lyon. Octobre 2009. © Frb.
23:21 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Balades, Ciels, De visu, Impromptus, Mémoire collective | Lien permanent
Commentaires
Bonjour,
tant pis pour les chauves en cette période automnale c'est vrai que ça donne le spleen ..
J'aime cette façon de nous accueillir en début de journée quand on a pas encore la tête au travail qui risque de tout gâcher
et pour ce qui est des nuages on se rappelle " l'étranger"...
Écrit par : alex | lundi, 12 octobre 2009
Ce n'est pas avec ma chevelure qu'on atteindra le paradis !!
Écrit par : patriarch | lundi, 12 octobre 2009
Et dire qu'il y en a pour ne pas aimer l'automne, alors que vous, vous parlez si bien de ma saison préférée.
Écrit par : Anna de Sandre | lundi, 12 octobre 2009
@patriarch : Je ne me fais aucun souci pour vous ni pour vos proches ;-) et je suis sûre que vous avez bien d'autres qualités qui touchent assez au paradis ! en plus, avec votre arche d'animaux incroyables, et autres oiseaux z' exotiques, surtout, ne doutez pas, (elles sont déjà toutes à vos pieds ! ;-))
Etre ou ne pas être chauve n'était pas mon propos exactement.
Enfin, croyez vous que ce soit un facteur si déterminant pour l'aroum ? Question... ;-)
Bonne fin de journée à vous, Patriarch !
Écrit par : Frasby | lundi, 12 octobre 2009
@Alex ... Bien sûr ! que ça rappelle "l'étranger" ...
Décidement cette histoire de chauves remue le commentateur. Faut pas ! faut pas ! ;-)
Allez, comme je disais à Patriarch, ceci n'est pas une critique du chauve, loin s'en faut ! c'est juste l'expression d'une nostalgie ... Nous l'appelerons "la nostalgie du chevelu" ;-) .
C'est vrai que (à moi) ça (me) fous le spleen.
Sinon personnellement, je n'ai rien contre les chauves, cela peut être très beau parfois, même élégant, (quoique assez peu automnal, j'en conviens) mais j'en veux beaucoup aux garçons qui ont des beaux cheveux et qui se font coiffer la boule à zéro ou façon "para". Quel dommage !
Merci d'apprécier l'accueil, et de le dire, c'est encourageant. Bonne semaine à toi, merci aussi pour "les nuages qui passent... Là bas... Là bas... Les merveilleux nuages !"
Écrit par : Frasby | lundi, 12 octobre 2009
@Anna de sandre : C'est vrai ? c'est votre saison préférée.
quelle excellente nouvelle !
Écrit par : Frasby | lundi, 12 octobre 2009
Oui, je trouve parfois que l'été étale ses avoirs comme un parvenu.
Écrit par : Anna de Sandre | lundi, 12 octobre 2009
@Anna de Sandres : Mais oui ! Ah la la ! c'est tout à fait ça ! Je n'ai jamais pu le dire aussi bien.
Je vous suis complètement sur ce terrain là.
"étale ses avoirs comme un parvenu" ;-)
Nous y sommes. Là exactement .
(Et de ces pires avoirs.
L'été bermudaïse tout, avec le sourire, c'est insultant.)
Écrit par : Frasby | lundi, 12 octobre 2009
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