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mercredi, 19 août 2009

Vermillon

Je décolle souvent et voyage toujours
pour voir si le lieu du leurre
ne se confond pas
avec celui de ma main

NICOLAS DE STAËL à René CHAR, lettre du 12 novembre 1953.

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NICOLAS de STAËL dédia cette phrase à René CHAR en 1953. Deux ans avant sa mort, deux ans après que René CHAR ne le solllicite pour illustrer un livre luxueux avec les textes du "poème pulvérisé". Les deux hommes se rencontrent en 1951 grâce à Georges DUTHUIT qui publie dans les "Cahiers d'art", un article sur N. de STAËL, et sait que celui ci souhaiterait illustrer le poète. Dès le départ, la relation est évidente. Les deux hommes sont entiers, à la fois larges d'idées et chatouilleux, cultivés et sauvages. L'art est pour eux, le combat d'une vie. Tous deux sont aussi chacun engagés dans leur oeuvre, à corps perdu, peut-on dire. Pour R. CHAR, N. de STAËL, (né à St Petersbourg en 1914) vient d'un autre monde, il est : "L'enfant de l'étoile polaire dont Orion s'est épris sur son parcours". Dans l'exergue du poème "Libera II", il compare même leur amitié à celle d'Achille et de Patrocle. Achille le poète s'extasie sur les sons qu'il tire de sa lyre, tandis Patrocle, le peintre l'écoute, silencieux. Le livre qu'ils envisagent de réaliser ensemble se composera de 12 pièces issues du "poème pulvérisé", de 14 bois en noir et d'une lithographie en couleurs. N. de STAËL s'attache à ce travail, avec fougue, il lui consacre les mois d'été 1951, conseillé discrètement par R. CHAR. Dans son atelier parisien, Nicolas DE STAËL choisit la technique du bois gravé et tente d'instaurer un dialogue dans ce rapport des gouges et du bois, avec les écrits de René CHAR. Ce travail commun intitulé "Poèmes" sera exposé le 12 décembre 1951 à la galerie Jacques Dubourg à Paris où seront présents tous les écrivains à la mode : A. CAMUS, M. LEIRIS, G. BATAILLE... N. de STAËL est fier de ce premier livre et s'enthousiasme à l'idée d'en publier d'autres. "Bois de Staël" est la première étude que R. CHAR consacre à la peinture de STAËL. Sa vision des gravures sur bois est celle "d'empreintes de l'homme des neiges"... Ecrira- t-il.

Ce travail commun fût nourri d'une très belle correspondance entre les deux hommes, leur l'amitié fût infrangible. On sait que René CHAR accordait à l'amitié une place immense, il fût fidèle à d'autres très connus, sans démenti, tels BRAQUE, ELUARD, GIACOMETTI, A. CAMUS, mais cette amitié  envers N. de STAËL était exceptionnelle, un sommet, un grand signal qui toucha l'essentiel, non seulement humainement, mais aussi pour la compréhension de leurs oeuvres. Tout cela demeure encore dans ces nombreuses lettres échangées : besoin de rassurer, d'être rassurés, d'exprimer des saturations personnelles et des fragilités. L'échange est absolu, d'une sincérité absolue. N. de STAËL a réduit la peinture aux formes élémentaires comme René CHAR l'a fait pour la poésie, et ces traces font rêver car en proposant une lecture figurative des peinture de N. DE STAËL, René CHAR anticipera le virage que prendra son ami pour amplifier son oeuvre. Il est à noter que cette rencontre réunissait deux géants, tant par l'engagement artistique, que par la taille. Deux solitaires "En exil à la fois dans le ciel et sur la terre". R. CHAR parlait d'un "couple d'êtres", de "Deux passants des cimes". Ce texte sur N. de STAËL sera le point de départ d'une nouvelle entreprise, dans laquelle le peintre et le poète prennent encore engagement : la création d'un ballet dont R. CHAR écrit l'argument tandis que N. de STAËL ébauche des idées de costumes et de décors. Ce sera "L'abominable homme des neiges", un rêve irréalisé, faute de compositeurs. DALLAPICCOLA, STRAVINSKY et MESSIAEN se récusent. Le projet restera sans suite. En 1953, une revue de Montevideo ("Entregas de la licorne" où N. de STAËL a exposé en 1948), publie un texte de R. CHAR intitulé "Nicolas De Staël", il a été inséré dans "recherche de la base et du sommet", entre "bois de STAËL" et "Il nous a dotés...". Tandis que N. de STAËL s'éloigne de la réalité palpable, CHAR nous y ramène. Les pavés des tableaux redeviennent rochers, et les toiles, "des chemises qui claquent au vent". Mais ni le peintre ni le poète ne peindront ce qu'ils voient.

Autre collaboration de René CHAR avec les peintres → ICI

A suivre / ... Des extraits de la correspondance de Nicolas de STAEL et René CHAR. Dans un billet que vous trouverez exactement en dessous de celui-ci.

Photo : Un monde, précédant la palette, les cimes et les cimaises. Nous avons pressé tous les tubes, nous sommes sortis de l'atelier, une couleur approximative a pris le ciel par une fantaisie (fantasy ?) légèrement trafiquée. Après le vermillon, la rouille, et juste avant le bleu cassé, nous n'avons pas trouvé cette couleur idoine. Ce vermillon parfait. Un ciel trop rouge étant un leurre, nous l'avons donc désaturé . Nabirosina. Juillet 2009. © Frb.

Commentaires

Billet très intéressant.
Aurai-je le temps, un jour, d'approfondir ?

Écrit par : kl loth | lundi, 24 août 2009

J'attends la correspondance avec impatience.

Écrit par : la bacchante | lundi, 24 août 2009

@Kl-loth : Merci ... A ta question je ne peux répondre... N'étant pas (encore ;-) maître du temps le mien (loin s'en faut ! comme tu sais;-), je ne peux donner de réponse sérieuse à la gestion du temps des autres.
Mais caresser une toile de N. de Staël une seconde du bout des yeux, doit valoir toutes les heures perdues à je ne sais quoi. (en attente de bus, métro etc... )
Je dis cela, mais j'ai loupé toutes les expos le concernant... Faute de temps disais je... Et je le regrette beaucoup.

Écrit par : Frasby | lundi, 24 août 2009

@La bacchante : Merci!

De courts extraits ... seulement.
Et bien voilà. La bacchante est servie (enfin, je crois... ).

Désolée de n'avoir pu parfaitement synchroniser ma diffusion, nous avons par ici des orages qui nous obligent à débrancher nos binious electriques. Sinon ! c'est le retour du bon vieil internet de nos grands mères (suite de l'histoire et lectures des correspondances, dans une chaumière, à la bougie)

Écrit par : Frasby | lundi, 24 août 2009

clash de laphoto et du texte
et cependant
curieuse harmonie

Écrit par : neige | lundi, 24 août 2009

@Neige : Oui , c'est vrai , c'est un Clash véritable; mais avec un peu de recul je le trouve un peu trop clashy et je ne suis plus du tout sûre pour l'harmonie "curieuse" que se soit tout à fait réussi, bien que touchée que vous puissiez apercevoir cette bribe d'intention que j'essayais de glisser "harmonie curieuse" est un terme qui me plaît et convient tout à fait. Cependant le hiatus me paraît, tellement incommunicable, que je serai assez tentée de remanier tout à fait l'image et remplacer cette illustration, qui va peut être trop hermétiquement aux belles correspondances de deux êtres pourtant mêlés. Je ne vous cache pas que ça me démange... Merci de votre visite et de votre attention très pertinente.

Écrit par : Frasby | mardi, 25 août 2009

Me revoici avec mon poil dans la main.
L'image est splendide.
Je voulais en témoigner, et reviendrais, plus tard, assurément.

Écrit par : liam | mercredi, 26 août 2009

@Liam : Ce domaine faisant l'apologie permanente du poil dans la main, personne ne vous jettera la première pierre ( surtout pas moi !)
Merci d'aimer le vermillon ;-)
Ou ce qu'il en reste...
J'ai remanié l'image pendant que vous dormiez... Et à vous lire, je ne regrette pas.
Revenez quand vous voulez !

Écrit par : Frasby | mercredi, 26 août 2009

Les commentaires sont fermés.