dimanche, 20 mars 2011
L'étranger
Le ridicule de nos sentiments ne change rien à leur authenticité.
MILAN KUNDERA : "Une rencontre", éditions Gallimard 2009.
Il s'était longtemps figuré vivre ainsi seul sur la terre. Il avait fait de tous les autres les objets d'une cour qui le déplaçaient au gré des circonstances entre les tables d'un banquet, sur des chaises, partout, et cela lui était étrange. Bien qu'il eût l'air d'être toujours ailleurs, nous lui prêtions des qualités si attentives que nous étions persuadés de ne pouvoir vivre sans lui. Dans un espace serré, sans obstacle et indifféremment peuplé, les autres l'ordonnaient à leur guise, il semblait satisfait affichant une figure ni triste ni gaie. Toute chose l'indifférait, les genres humains plus encore. Il prônait cette indifférence avec style si bien que chacun pouvait imaginer devenir son meilleur disciple, lui, rien ne l'effleurait. Il ne se frottait à rien qui pût risquer d'égarer son âme. Sa présence, était devenue un tel objet d'exaltation et de discorde entre nous, que pour ne pas nous déchirer, nous avions cessé d'en parler. Ce silence entre nous excitait notre dévouement. Son indifférence nous happait. Nous en ressentions une grande déception qui parfois nous embarrassait. Nous voulions à tout prix qu'il nous aime, la raison seule ne pouvait l'expliquer, chacun à notre tour, nous voulions devenir à ses yeux, quelqu'un d'autre, le "rare" qui sortirait du lot. Nous étions subjugués. On aurait dit qu'il occupait tout l'espace. Tout ce qu'il regardait pouvait accentuer en nous le désir de l'aimer, nos sens s'en trouvaient désaxés. Lui, il semblait ignorer notre goût pour la servitude qui avait pris l'aspect d'un concours insensé, chacun désirant être le premier à gagner son estime, le coeur froid de cet étranger nous chauffait l'âme et notre adoration peu à peu rongeait les amitiés. Lui, Il passait d'une personne à une autre, avec la même désinvolture, un ton distrait, à peine juste un sourire et cet air d'être à mille lieues de là où notre esprit l'attendait, déraciné, totalement libre, il voyait plus loin que nos yeux, plus loin que le bout de notre champ, et nous aurions voulu savoir ce qu'il cachait de plus que nous. Mais il n'avait pas nos manières, il passait, ne restait jamais. Etait-ce juste par hâte d'en finir avec l'un, passer encore plus vite à l'autre. En finir sans jamais terminer ? Il était souvent forcé de redire à l'un ce qu'il disait l'autre et cela voulait toujours dire que rien ne s'était déroulé comme on l'espérait. Chaque instant qui suivait annulait tous les autres, notre grâce était d'ignorer qu'il ne resterait rien de ce peu qu'il parviendrait sans vraiment le faire exprès, à peut-être nous accorder. Il ne nous donnait rien en réalité. Nous étions tous désespérément traités à égalité. Il portait un vague interêt aux coutumes qui étaient les notres, n'affectant pas d'égard particulier, il ne regardait ni les uns, ni les autres cela éveillait en nous cette velleïté de nous réduire à le charmer jusqu'à ce qu'il montre un jour une préférence, pour quelqu'un en particulier, qui parviendrait à l'émouvoir, peut être alors, se risquerait-il à nous dévoiler quelque chose ? Ce serait pour nous, un grand moment d'espoir... Aucune de ses répétitions ne nous paraissait dire les choses à l'identique, ce vide, cette économie de mots, ponctuée de silences, ces phrases qui s'arrêtaient au moment où tout pouvait nous pousser à croire que son sentiment pour nous grandissait ; jusqu'à sa nonchalance, tout en lui, paraissait d'une telle intensité que nous avions fini par croire que sa pensée transportait des mondes qui ne seraient jamais à notre portée. Sa réserve cachait d'autres mondes, les fantômes de son passé étaient devenus les notres, et ses créatures enchantées comme ces lianes qui poussaient au coeur de nos forêts, ces plantes carnivores aplaties dans l'herbier, cette prudence qu'il préconisait, tout cela en jetait ; tant il est vrai, que pendus en grappes à ses paroles et rampant à ses pieds, nous manquions d'imagination.
(A suivre, peut être...)
Photo : Ceci n'est pas le joueur de flûte de Hamelin, mais le joueur de pipeau, du jardin du Palais St Pierre dit jardin du musée, photographié à Lyon, presqu'île en Mars de cette année là.
© Frb 2011
18:09 Publié dans Art contemporain sauvage, Arts visuels, Balades, De la musique avant toute chose, De visu, Impromptus, Mémoire collective | Lien permanent
Commentaires
...nous manquions d'imagination, car il n'y avait plus ni pays ni religion, les gens vivaient en paix, l'humanité était composée exclusivement de femmes, on n'en saurait croire une qui ne comptât que des hommes, la nuit, elles imaginaient ce qu'elles désiraient et tout paraissait possible ; au grand jour, leur imagination pâlit ; en perdant la mémoire, elles perdaient leur faculté de créer, c'était seulement dans leurs visions que chacune de leurs vérités trouvait une existence indéniable et, en se souvenant d'un beau vers, leurs yeux les lisant dans l'espace, elles vécurent tout le restant de leur vie en un soir, elles trouvèrent plus de réalité à ce qui se cache qu'à ce qui se montre, elles devinrent prêtes à faire ce qu'elles étaient incapables d'imaginer.
Écrit par : Iron Ikunst | lundi, 28 mars 2011
@Iron Ikunst : Très belle suite ! merci infiniment Iron, de l'accorder (nous l'accorder) aux souvenirs d'un beau vers :
"leurs yeux lisant dans l'espace..."
Pour ma part j'ai toujours cru que les visions étaient l'affaire des Dieux, vous en faites une affaire de femmes.
"[elles vécurent tout le restant de leur vie en un soir, elles trouvèrent plus de réalité à ce qui se cache qu'à ce qui se montre..."
(ce ne sera sans doute pas Dieu qui vous le rendra... :)
http://www.deezer.com/listen-929897
Écrit par : frasby | lundi, 28 mars 2011
toujours ce blocage qui presente ton site comme dangereux! eh bien dit donc le ridicule ne tue plus mais parait que c'est a cause des pubs. Celà dit, la photo et ton commentaire est trés bien
Écrit par : alex | lundi, 28 mars 2011
@alex : merci pour tes appréciations, et surtout de passer outre les recommandations des internettes (on n'est jamais trop prudent) au risque que ce pauvre site devenu "dangereux" (c'est le bouquet !) n'endommage ton ordinateur,sais tu que tu es courageux Alex ? :), en fait, je suis absolument désolée de voir aussi toutes les réclames hideuses qui décollent par ici, et je crains de ne rien pouvoir "arranger", je crois que cela vient de certains liens, faudrait il tous les supprimer ? (à la grande joie de Sophie :) j'y songe , à défaut de savoir quel est celui précisément qui nous ramène ces cochonneries... Normalement dans quelques temps je te l'annonce Alex ,en plus que CJ deviendra sûrement le premier site Rhônalpin de poker en ligne, premier vendeur ( j'ai de l'ambition !:) de la culotte Damart, et j'en passe ! étant donné qu'il y a quelques statues qui se promènent toutes nues sur ces pages et que l'on peut lire des choses épouvantables du genre de celles écrites par ces deux gros cochons de Pierre Loüys, et Mandiargues, bref ! tout porte à croire que le référencement de CJ en site pornographique à ce train là, ne saurait tarder, (Ah ah ! j'adore jouer les victimes ! :) On rigole, certes ! mais en parlant de ridicule, ce genre de chose est arrivé à un blog très bien, c'est ainsi que Botticelli aura retrouvé sa Vénus transformée en godemichet (!:O) dans une boucherie charcuterie interdite aux moins de 18 ans. Le beau site, consacré à l'histoire de l'art heureusement aura depuis retrouvé son accès libre et le ridicule n'aura pas tué les initiateurs de cet aberrant "reclassement", splendeurs et misères du numérique ! Sinon pour recentrer sur notre souci de pub, tu peux essayer de bloquer les pop up via préférence de ton navigateur, sait-on jamais ? En attendant, je te souhaite une bonne journée, dans les crocus sous les platanes...
Écrit par : frasby | mardi, 29 mars 2011
Pardon pour mes sabots, je les laisse à l'entrée.
Mais où figure cet avis de "DANGER" ?
Peut-être les douaniers et autres flics de je ne sais quelle PAF considèrent-ils que je fais partie des meubles, ici, et ne perdent-ils plus leur temps à me prévenir ?
Voilà pour la forme.
Pour le sans fond.
Mais oui, ces certains jours représent un danger sans commune mesure.
Soyons une seconde de bonne foi. Et reprenons-en une tranche.
Le danger d'un blog qui ne ressemble ni à la mort ni à rien.
Danger de passions infinies pour les mots.
D'une faim d'apprentissage sans fin.
D'encres jamais préfabriquées et de plumes singulières.
De libertés même littéraires comme des trapèzes sans les filets des banalités et/ou des mondanités.
D'un refus des dévotions mais d'une clairière des émotions.
De fleurs qui volent et d'arbres qui respirent sans respecter les arrêts.
De nuits se révoltant contre les racismes et de jours n'ayant pas peur des ombres.
De mélancolies indemnes et de temps jouant aux dés.
De poèmes et de pensées et de questions et d'espaces jamais définitifs !!!
Écrit par : JEA | mardi, 29 mars 2011
@JEA : EH bien dites donc ! (je vais essayer de procéder dans l'ordre, après lecture vous comprendrez que je ne peux pas être dans mon état normal. Enfin bon, on va tenter, d'abord sachez que je suis pour le port des sabots en toute saison (moi même etc....) je suis prête à parier un tour du porte-savons à dos de hérisson que les sabots des Ardennes sont si légers qu'ils ont surement des ailes. La pantoufle de Vair outragée n'aura plus qu'à se rhabiller. En parlant d'outrage, Que lis je ? Vous n'avez pas reçu votre avis de danger ? Je suis désolée JEA qu'on ait omis de vous prévenir, quel désordre c'est à se demander dans quel monde on vit ! si ça continue on va tout droit à l'anarchie !:)) je vous promets que le coupable sera puni il manquerait plus que vous fassiez partie des meubles ! c'est une offense ! je cours de ce pas chez le roi des gougoules qui est mon cousin, pour qu'il vous envoie 2 avis de danger (ne me remerciez pas, c'est bien normal, au cas où il y ait un avis de danger qui ne fonctionne pas, ainsi dès demain vous ne pourrez plus venir sur certains jours sans risquer de bousiller votre ordinateur, je vous abonne direct au poker club en ligne ou bien préferez vous un dédommagement en bon d'achat auprès des boutiques agrées par certains jours ? Deux portes en plumes gratos pour l'achat d'un porte-drapeau, c'est une affaire ! et après ... Après ? euh ... pour le sans fond ... je vous lis et soudain je fais moins la maline, c'est comme quand on m'offre des fleurs (en général, c'est melle interflora qui fait ça, certains (très très rares) jours, et dans ce cas je me cache sous le porte-bagages et je dis en bégayant : "y fallait pas" !"mais là c'est un jardin entier que vous me faites livrer par INTERJEA ( et alors comment le dire ? J'en perds tous mes moyens,(Heureusement vous n'avez pas l'image), "La faim d'apprentissage sans fin", evidemment je m'y retrouve (Boileau assis 100 fois sur un coin d'établi déjà vous porte-triomphe. Foin des manières je ne bouderai ma chance, et sans fausse modestie je cacherai ma joie, Cette perception. C'est magnifique. Vous êtes un vrai poète JEA. Votre enthousiasme c'est quelque chose ! ... Et votre dernier billet est merveilleux, on s'y noie ! merci, vraiment.
NB : Euh là... Je vais me faire un petit canard (ou un petit paon) d'alcool de menthe, si vous permettez...:)
Écrit par : frasby | mardi, 29 mars 2011
Dans l'impossibilité de commenter avec la moindre "petite tenue" après les commentaires précédents, je me vois dans l'obligation de me limiter à vous dire combien j'ai apprécié votre billet et les prolongements qu'il a suscités. C'est tout. Ah ben oui, on n'est pas suicidaire à ce point, tout de même...
:)
Écrit par : Jean | mardi, 29 mars 2011
@Jean : Pardonnez mon toupet (si c'est possible), mais il me semble que votre moindre "petite tenue" est déjà un poème à vous (personnellement j'aime beaucoup:) et puis bon, vous savez bien qu'il n'y a pas d'obligation, je suis pour les formes d'expression les moins obligatoires :) et chacun connaissant votre style, ne pourrait me contrarier (d'ailleurs je ne le supporterai pas ! ;) si je dis sans flagornerie que votre style a sa superbe pour se glisser ici et là ou là bas et partout sans avoir à souffrir les comparaisons, sur ce thème, je n'ai pas l'ombre d'un doute et je sais que j'ai raison... Cela dit sans idée de comparaison je peux comprendre qu'en débarquant, ici, on subisse l'effet d'une torse de rotinus en charme... Par delà le rotinus vos appréciations sont précieuses c'est beaucoup , toutes tenues autorisées...
Custome-vecrata, noude plonipla, chanpo, sombrore, epachaxu, eet sirth, ubrédrade, diotrenge, urgêtes, shtro, burmeda, pisadrelles, onttibes, smikong, liget snas chanmes liget à chanmes, uble anjes, soulbon, prefector, acherpe, loufrad, bennot d'elina, tansigas, mechise à racreaux mechise à ryuare, mechise inue, lulp ovre, loc ourlé, loc en v, rolebo, bref
je vous laisse choisir ... Je ne vais pas déballer toute la malle, si ? :)
Écrit par : frasby | mardi, 29 mars 2011
Je ne m'inscris pas, moi non plus, dans la suite des commentaires. Je réagis à votre texte : moi aussi je le connais.
Écrit par : Marc | mardi, 29 mars 2011
Un truc assez fou :
http://www.omerpesquer.info/untitre/
Vous laissez un nom et un prénom d'auteur,
et choisissez entre deux maisons d'édition (fictives)
et magie
vous recevez la couverture de votre livre
pas bricolée holé
mais très surprenante
(enfin, personnellement, ça collait !)
Écrit par : JEA | mardi, 29 mars 2011
@JEA : Merci de nous faire partager ce lien. C'est bien extra. Où avez vous dégotté ce truc là ? L'effet de surprise est assez troublant, en effet. C'est le genre d'endroit où on peut traîner des heures, et des heures... ça rend dingue, non ?
(j'aime beaucoup :)
Écrit par : frasby | mardi, 29 mars 2011
Votre texte me fait penser à "L'orchestre"de Nicolas de Stael que j'ai revu hier...
Écrit par : laurence | mardi, 29 mars 2011
@Laurence : "L'orchestre" de Staël ! vous me prenez par les sentiments, vous l'avez re-vu dites vous ? ... Je suis sans voix. L'orchestre de Staël, est un tableau que j'aimerais contempler grandeur nature, depuis si longtemps. Quel chef d'oeuvre absolu de composition ! j'imagine qu'on ne doit pas en
sortir indemne... (?)
Écrit par : frasby | mardi, 29 mars 2011
@Marc : Suite ou non, peu importe, pourquoi s'inscrire forcément dans une suite ?
que vous vous inscriviez, ça oui...
vous connaissiez ce texte ? Allons bon. C'est un autre mystère. Pardonnez-moi Je ne suis pas sûre de comprendre, le sens de votre dernière phrase...
Écrit par : frasby | mardi, 29 mars 2011
Frasby, comme vous le savez, telle la grenouille d'Albert Simon les jours de pluie qui sort de son bocal, je surgis en bas des billets sans liens ( j'aime bien aus i ce coureur du tour de france avec sa pompe à vélo). Je vous embrasse.
Écrit par : Sophie | mercredi, 30 mars 2011
@Sophie : Comment se fait il que ce coureur du tour de France avec sa pompe à vélo soit passé complètement inaperçu alors qu'il y a comme une sorte d'évidence ? Et qu'en vous lisant je m'en veux un peu de ne pas avoir eu l'esprit éclairé par ce qui tombe ainsi sous le sens. Du moins on dit toujours ça après. Mais il fallait bien qu'une voix s'élève sous la pluie, je suis ravie que la votre non seulement rende hommage à nos coureurs cyclistes anonymes, courageux, (vous savez combien ils me sont chers) mais aussi à feu Albert Simon qu'on n'aura jamais remplacé, (pardon à Joël Collado et à Evelyne Delhia, bien sympathiques aussi) votre pensée pour la grenouille est aussi une bonne et belle chose ... (Euh "la maison de toutou" n'est pas loin" il me semble :) Merci Sophie, non seulement vous pensez à tout le monde mais vous avez l'oeil fin :) je vous embrasse.
Écrit par : frasby | mercredi, 30 mars 2011
@ Sophie
Si par le plus inattendu des hasards, vous éprouviez un méchant coup de pompe du côté de vos commentaires... quelques-tord boyaux ne sont pas totalement inefficaces...
Écrit par : JEA | mercredi, 30 mars 2011
@Sophie : Suite à la suggestion de JEA, pardonnez moi, je sais que vous avez horreur des liens mais j'en colle un ici à dix heures, l'absinthe m'y encourage (vous n'êtes pas "contre" je crois) et celui là il est bien agréable, versé dans une chanson ça peut le faire (l'absinthe) ... en cas de coup de pompe, bon... bon, sait-on jamais ... C'est tout voilà :
http://www.deezer.com/listen-1108013
@JEA : "L'absinthe n'est pas un tord boyau", a dit St Paul, vous en conviendrez j'espère... Sans vouloir déranger les hasards et ses inattendus ; (un petit verre ? Au hasard du bar à Balthasar... :)
Écrit par : frasby | mercredi, 30 mars 2011
Je le connais... Cet étranger.
Écrit par : Marc | mercredi, 30 mars 2011
@Marc : Pardonnez moi, où ai-je lu que vous connaissiez
ce texte ? Il faudra que j'apprenne à mieux lire
vous le connaissez ? (sourires)
Écrit par : frasby | mercredi, 30 mars 2011
Ce L'Etranger a fait resurgir, en moins fouillé, le faux écho d'un mien Le Visiteur. Ces personnages insaisissables sont intéressants non pour ce qu'ils sont que nous ignorons, mais pour ce qu'ils agitent en nous que nous ignorions :
Bon ! dit-il,je reviendrai demain, cela ne fait rien, non, ne vous dérangez pas, quinze kilomètres ce n’est pas la mer à boire, et puis, à mon âge, ça fait du bien de boire, si, si, non, non, vraiment, aucune importance, allez tranquillisez-vous, que voulez-vous qu’il m’arrive, franchement ?
Et il était parti, le sac de marin bringuebalant par-dessus l’épaule habituée à cette présence. Le vide après son départ, personne ne l’aurait pu prévoir. Il avait occupé tout l’espace et on ne l’avait pas su. On s’était même volontiers gaussé du personnage atypique. Et on se retrouvait bêtement assis près de la fenêtre à guetter sans en avoir l’air s’il n’était pas encore temps de le faire revenir. On aurait donné beaucoup, on aurait mendié son temps, lavé son petit linge, on, on se serait promis une demi-saison en enfer pour avoir l’homme à soi dans son salon marbré.
Oui mais il était parti. Il ne reviendrait pas. Il se ferait tuer en chemin par une balle égarée. Il aurait tout juste le temps de dire « putain, c’est pas mon heure », et ce ne serait plus jamais son heure. Quand on l’apprendrait, on sentirait passer un jus acide dans la moelle. Personne ne comprendrait. On dirait « curieux destin, juste ciel ! » On ne serait pas sûr de quel destin il s’agirait.
Écrit par : Pygargue | dimanche, 10 avril 2011
@Pygargue : Quel bel opus ou impromptu, une belle suite aussi (bien que sa fin semble irrémédiable) Pardonnez moi, il y a tant, j'extrais, prolongeant à mon tour les éventualités (j'improvise en questions) et j'espère sans tronquer votre texte...
"[...]Le Visiteur.
Ces personnages insaisissables sont intéressants non pour ce qu'ils sont que nous ignorons, mais pour ce qu'ils agitent en nous que nous ignorions [...]
- C'est vrai... ce qu'ils agitent n'est il pas parfois l'objet même du déni ?
"[...] Il avait occupé tout l’espace et on ne l’avait pas su."
Peut-être qu'on l'avait su et qu'on n'avait pas osé le dire ?
Peut être qu'on l'avait su et qu'il n'a pas osé croire qu'on le savait ?
"[...] On aurait donné beaucoup, on aurait mendié son temps, lavé son petit linge, on se serait promis une demi-saison en enfer pour avoir l’homme à soi dans son salon marbré."
Beau passage et virage à 90° ! sans doute qu'on s'abaisse à mendier quand on sait qu'il n'y a plus rien à en dire de part et d'autre (?) Ce déploiement, un signe de pluie (au milieu d'un salon mouillé ?) un plafond qui prend l'eau ? l'absurdité d'encombrer les tapis avec des seaux, des bassines, l'absurdité des éponges ?
[...] Oui mais il était parti. Il ne reviendrait pas. Il se ferait tuer en chemin par une balle égarée. Il aurait tout juste le temps de dire « putain, c’est pas mon heure », et ce ne serait plus jamais son heure. Quand on l’apprendrait, on sentirait passer un jus acide dans la moelle. Personne ne comprendrait[...]
Chronique d'une mort annoncée ? tout est rendu à l' étranger. il n'y aurait peut-être plus ni acide, ni moelle, ni rien... Une balle seulement égarée, pourrait-elle dériver plus loin ? Hors des trajectoires visibles par exemple, sur un autre chemin ? Avec une balle égarée il est encore possible que tout ne soit pas perdu. Et l'étranger celui qu'on n'attend plus, rendu à son monde étranger, entrerait sans bruit dans une de ses multiples vies, celle-ci différente et indifférente à celle qui précéda... (???)
Merci à vous Pygargue :)
Écrit par : frasby | dimanche, 10 avril 2011
J'ai compté 4 oui, 3 non, 5 ne sais pas - dans le désordre naturellement - mais pourquoi naturellement si naturel ment ? queue de question. :))
Écrit par : Pygargue | lundi, 11 avril 2011
@Pygargue : Vous avez compté ? Par cette chaleur c'est pure folie ! j'admire ! :)) J'ai nature- elle-ment- posé des questions parce que je ne sais pas compter, ainsi les réponses (même dans le désordre), m'apparaîtront toujours éclairantes...
Pourquoi ? - Oui ? non ? Qui sait ?
Écrit par : frasby | lundi, 11 avril 2011
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