samedi, 30 avril 2011
Retenue
La vérité ne peut presque jamais se dire quand il s'agit d'êtres humains, car elle ne peut engendrer que douleur, tristesse et destruction.
ERNESTO SABATO : (24 Juin 1911- 30 Avril 2011) extr."Alejandra" (1961), éditions du Seuil (Point) 1982.
Pour voler plus haut et plus loin. Il suffit de bousculer un peu les oiseaux.
Toutes ces choses qu'on devine, brûlent la langue. Des chapes redessinent nos contours, toutes ces gommes au bout des crayons, un cratère visité de lunes, romancées au brouillon, qui précèdent un livre. On l'écrirait volontiers, si seulement...
Devant les choses de la nature, l'âme honnête, exhibant toujours ce qu'elle n'a pas, louera la beauté des jonquilles, les clochettes d'Avril, fétus de paille sur un fleuve innocent cerné de passerelles fragiles. On pleure aussi de temps en temps devant les kiosques à musique. Tant de choses qui ne sont plus à dire. Le contenu sous la gaze, étoufferait mais visiblement on se dompte. Des écrans diminuent la part humaine en la multipliant, misent par défaut l'aventure aux calculs, j'ai mille amis et des miroirs sans tain dont on sait qu'ils ne réfléchissent qu'une partie de la lumière.
Un rayon incident en deux flux lumineux, l'un réfléchi, l'autre réfracté (la partie diffusée, de plus faible quantité étant négligeable). (1)
J'ajouterai si j'avais le courage, un peu de vérité à tout ça, pour finir, j'unirai les faisceaux. J'écrirai une page. Je verserai l'encre dessus, l'encre coulerait à flots. Si j'avais le courage, au final, je pourrais tout dire. Je pourrais. Mais j'ai peur du courage. Alors, non.
Je m'allongerai dans un désert, peuplé de téléscopes qui détectent les rayons X émis par les étoiles pour essayer de me défaire d'à peu près tout. Une illusion ne crée pas un royaume. Demi-tour donc, jusqu'aux boulevards peuplés de dames, près desquelles je me fonds, elles passeront sans bruit aux salons d'essayage, marcheront par mégarde sur des brides de lingeries fines, elles tenteront d'assortir leurs visages aux guipures piquées d'argyronètes. J'ois le bruissement des étoffes dans la musique d'ameublement. J'ois la chute d'un porte manteau et le son du métal éclaté. Je vois les bris irréparables. Les carrelages blancs imitaient le marbre, je soulève, j'y découvre un coeur noir griffé d'ongles méchants. Un mystère génétique fait monter le mercure. Ce brassement personnel, historique, retenu, et la chape, on aura oublié de la détruire. Tout est net dans mes souvenirs. Ce que j'ai vu est sous la peau. Ce qu'on peut lire entre les lignes modifie le cerveau. Les manuscrits penchés fascinent, les biffures, et les signatures au dos des cartes voraces, des faire-parts à crédit en accordéon dans des poches plaquées impeccables. Pris sous ce joug quelque chose d'inhumain attire. C'est toujours des façons, d'infinies précautions, ces cache-coeurs ne cachent plus rien qu'un penchant somptueux au désir. Et la nuit éclaire nos cachettes. Ogres bavards sous les jupes, la solitude, mâle ou femelle portant l'infâmie à nos lèvres, nous sommes tendres mais nos promesses ne tiennent pas debout. L'idée du cosmos nous délivre. Après quoi on n'irait pas se perdre en confidences, à moins d'être complètement idiot, sûrs d'oublier ce qui doit suivre. L'Amour est un silence. Oui mais, comment en être sûr ? Un silence serait beau. Impossible d'être sûr. Alors, non.
Tant de choses ne se disent, un sourire mis en gage pour la vie domestique. Au dedans une pluie de satellites, la sécurité à ton monde, et des amortisseurs contre l'impatience, la rage plâtrée de Gaviscon, les vies sécables. Un cachet, un verre d'eau, pour l'oubli des images d'hier. Tous les absents nous rongent. Encre et Brandy, soirs d'Absolute, des amuse-gueule sur un plateau, les solutions savantes, pas un phénomène émouvant n'arracherait un verbe à la foule, pas même une réaction ? On voudrait réagir. On voudrait on voudrait. Et puis, non.
J'ois l'aubaine d'une conversation et le printemps chasse l'hiver aux corps à corps mal défendus, l'orgueil jouant avec le temps et malgré l'abandon, aussi fou que la rage contre laquelle nous sommes vaccinés, tous. Les grandes destinations reviennent plus inexplorées qu'autrefois. Je t'encombre de mon air affable, entre nous c'est amène. Ces politesses couvent un malaise dont on ne parle pas. Il y a trop de divertissements pour les rois et les reines, pas assez de royaumes, nous broutons comme autant de bêtes reluquant le ciel insolent. Nous visons le cosmos qui a un oeil partout nous sommes gourds mais sûrs de nos aises. Amoindris, à bout de songes, intenables, avec des joies torpides, nous suçons dans la nuit les bulbes d'un narcisse conçu pour tous. Le jour vient, rien ne change. Nous sommes si aplatis qu'à force on serait craintif de tout. Prudence apaise qui cache nos faces, lisse le pli vagabond, cloue le lierre aux façades. Prudent, on tournera la page. On cracherait bien sur les visages. Mais avant on racontera tout. Tout ce qu'on sait, ce qu'on a vu, ce qu'on sait que tu sais qu'on sait tous, ce qu'on devine, on balancera le paquet. La geôle qui fait poids, l'huis au gond de la grille, nos allégeances. Un pavé à la face du monde, on crachera sur tous les visages s'il nous plaît, on le fera. On fera ce qui nous plaît, ce qui urge on va le faire. Il est temps. On ira dans la rue, la bouche pleine de salive, la première tête venue, la première tête qui ne nous revient pas, la première créature, on lui crachera à la figure. On crachera sur ceux à qui on a à dire, depuis longtemps. On leur dira. On crachera ? Vous êtes sûrs ? Ca serait bon, oui. Mais non.
Nota (1) : La définition du "Miroir sans tain" est extraite du Wiki
Photo : Toujours plus haut ? On pourrait monter haut. Bien plus haut, ça c'est sûr, mais si on tombait... Si on tombait ? Alors c'est non. Le dire avec les mouettes. Elles volent bas, côté Saône, photographiées Quai Saint Antoine sur la Presqu'île à Lyon. © Frb 2011.
01:37 Publié dans A tribute to, Art contemporain sauvage, Arts visuels, Balades, De visu, Impromptus, Le nouveau Monde, Mémoire collective | Lien permanent
Commentaires
toujours admiratif de ta facilité a écrire de trés long commentaires accompagnés de trés belle photo et de reférences d'auteurs
Écrit par : alex | mercredi, 04 mai 2011
@Alex : Ca me fait plaisir que tu apprécies, (je suis également ravie que tu aies "raccroché" la blogo :) et ça m'épate que tu suives la ritournelle d'ici, depuis plus de deux ans, (c'est pas rien) et tu fais pas que suivre, puisque tu as apporté ici nombre de notes des références et des auteurs, (Cravan, conservé précieusement, entre autres...). Les sources ne sont pas que les miennes, pour Sabato j'ai ouvert un de ses livres grâce à un blog regretté, éblouissant qui s'appelait "Nuages" il s'est explosé en plein vol, par choix (mais Sabato, on le dit, a brûlé quelques unes de ses oeuvres), l'auteur de Nuages, admirait Sabato, et a su nous le présenter ainsi que Cortazar et quelques autres d'Amérique latine. Sabato vient de mourir, c'est un géant, c'était, et c'est, puisqu' il laisse une oeuvre considérable, je te conseille si tu n'as pas lu de t'y plonger, je crois que "Le tunnel" pourrait beaucoup te plaire, mais peut être tu as déjà tout lu plus que moi ? (Auquel cas, admettons, que je n'ai rien dit :), je te souhaite une belle journée, à bientôt ! sûrement chez toi. Merci, Alex, pour ta visite.
Écrit par : frasby | mercredi, 04 mai 2011
Un miroir sans timbale : on ne se bouscule pas pour le décrocher.
Un miroir sans timbre : il n'arrive jamais à destination.
Un miroir sans tincal : il n'est donc pas reconnaissable à sa forme impure du borax.
Un miroir sans tintamarre : n'attire pas les canards.
Un miroir sans tintement : il respire la vérité.
Un miroir sans tintin : brisé, il ne portera pas de 7 à 77 ans de malheurs...
Un miroir sans tintouin : silence, il tourne !
Écrit par : JEA | jeudi, 05 mai 2011
@JEA :
- Miroir sans tempo n'arrête pas le pélerin
- Miroir sans Tintoret ne vaut pas un fromage
- Miroir sans thym ni romarin ne fera pas le printemps
- Miroir sans tintinnabulations, Noël aux tisons
- Miroir sans tînt (à ce qui fût) et s'en vînt dans l'autre...
PS : J'ai appris 2 mots nouveaux aujourd'hui borax (5 granules toutes heures) et tintouin (incurable :), comme dirait le philosophe français André-Robert Raimbourg (1917-1970) je cite : "tout ça ne vaut pas un clair de lune aux Ardennes"
Tout ça ne vaut pas un globe universel (et panaché) qui inspire la musique , selon la vieille méthode à Galilée (indémodable :), la terre tourne autour du soleil, et pas le contraire ! et les miroirs n'y pourront rien changer (La palisse).
Espérons que le miroir sans tintouin ne tourne pas sur lui même...[et que ...] le silence, (ne soit pas) "Le silence qui fait qu’on voudrait se sauver [...]"
Merci -infiniment JEA- ("baumes et reflets du miroir sans tintouin" :), comme à la fin un film de Godard, (mon préféré) : une statue tournée vers la mer, ("Camera ! moteur! partito ! [...] avanti ! actione !). Travelling ! sortie des personnages. Plus que le ciel et l'eau, puis la voix de Fritz Lang juste un mot solennel, étrange, comme un appel : "Silenzio !"
Écrit par : frasby | jeudi, 05 mai 2011
bonjour madame monsieur j aimerai bien connaitre le prix du formage pour le exportions en Afrique la vache qui rit merci pour votre collaboration et votre Adresse merci
Écrit par : mamadou alpha sow | jeudi, 31 octobre 2013
@mamadou alpha sow : autrefois j'aurais pu vous répondre, en cherchant bien, sans doute :) mais comme la maison mère a été incendiée cet été, les documents les plus importants concernant les cours du fromage à l'exportation, la vache kiri surtout, et les autres trop nombreux courent bien plus vite que nous, je crois et nous on est en retard même les fluctuations du prix du Brie en France à présent nous échappent, je suis vraiment désolée, de ne pouvoir vous instruire disons mieux...
Écrit par : frasby | jeudi, 31 octobre 2013
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