Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 16 octobre 2009

Marcher sous la lune

"Et les refuges lointains succèdent aux gîtes proches."

LI PO : "Sur l'air des barbares bodhisattva" in "Les yeux du dragon", (Anthologie de la poésie chinoise trad. Daniel Giraud). Editions Le bois d'Orion 1993.

gîte 3.jpg

LI PO (connu aussi sous les noms de LI-BAI, LI TAI PO, LI TAI PE etc..) , fût l'un des poètes chinois les populaires de la grande époque des T'ang. Riche et pérégrin, il fût tout autant viveur proclamé, que promeneur méditatif, amateur de femmes et de beuveries. L'un des poèmes les plus connus étant celui où le poète boit du vin avec son ombre :

Au milieu des fleurs un pichet de vin
je bois seul, sans compagnon
levant ma coupe je convie la lune claire
avec mon ombre nous voilà trois

Surnommé "un immortel en exil", il se désignait lui même comme "l'ambassadeur des trente six cieux".

Une parenthèse très approximative quant à ce nombre impressionnant de cieux. Cette connaissance par les chiffres du Tao (ineffable et incommensurable) est en alchimie taoïste, le ressort caché du cosmos : "Sur une grande échelle, le Ciel et la Terre, et sur une petite, le corps en son entier ont tous des nombres du régime du feu naissant et se parachevant". 36 serait le nombre des provinces des maîtres célestes, qui entretient un rapport avec les 360 jours de l'année. Pour d'autres encore, le cosmos s'abolit tous les 36 billions ou trillions d'années. Mais cet aspect étant un peu trop vertigineux pour l'heure et ma nature ayant horreur du chiffre, je referme la parenthèse, et retrouve LI PO le poète magnifique, qui dit-on se serait adonné à l'alchimie, comme un millénaire auparavant son camarade et illustre poète QU YUAN.

LI PO passa la plus grande partie de sa vie à voyager à travers la Chine, sans souci, sur un mode incompatible avec le système confucéen. Sa personnalité fascina. On lui offrit un poste à l'académie Hanlin comme poète au service de l'empereur, puis il fût remercié pour indiscrétion, ensuite il erra, le reste de sa vie. Il rencontra DU FU (THOU FOU) à l'automne 744 et puis l'année suivante, deux seules rencontres qui ont pourtant associé les deux poètes pour très longtemps dans les mémoires. Cette amitié intense, se lit encore dans certains poèmes, particulièrement ceux de DU FU. LI PO fût exilé pour s'être révolté contre l'empereur, mais il fût pardonné avant d'avoir atteint son lieu d'exil. La légende raconte qu'il se serait noyé en essayant d'embrasser l'image, réfléchie de la lune dans une rivière. Nous esquiverons volontairement l'hypothèse d'une fin plus réaliste, tant mourir en embrassant le reflet de la lune semble une mort, sinon rêvée, la plus douce des morts possibles.

Je chante, je chante la chanson du vent qui souffle à travers les pins,
Et ma verve ne s’épuise qu’à l’heure où s’efface la voie lactée.
J’ai perdu ma raison et cela excite encore votre gaieté, mon prince ;
Nous oublions tous deux, avec délices, les préoccupations de la vie réelle.

Autre lien de Chine et de lune : http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/08/11/pleine-lune.html

Et, par contraste, à contempler, une lune urbaine sur le tard : http://kl-loth-dailylife.hautetfort.com/archive/2009/10/3...

Photo : La lune ou presque, au dessus du chemin qui longe les prairies et les pépinières à la tombée de la nuit (ou presque). Nabirosina. Octobre 2009.© Frb.

vendredi, 27 février 2009

Forcément subliminal ...

IMG_0056.JPG

Dans les beaux ralentis d'un TER entre deux villes, quand le voyage dure trop longtemps et que le léger cahotement du train plonge le passager dans un demi-sommeil ou d'apesanteur attentive, il vient toujours un temps où la trop longue immobilité ordonne de refermer le livre, pour contempler contre la vitre, le défilement des reflets voir un exemple ici Alors un monde de signes imprime sur la rétine, (trop rapidement peut-être), des images dont le sens malgré l'effort de volonté, ne pourra persister; dont la rapidité ruine toute possibilité de réflexion. Le voyageur pris dans le rythme, devient alors étranger à lui même.Son imagination, happée par le dehors, se fragmente, mais ne peut suivre, attentivement ses propres pérégrinations, incrustée dans le paysage, elle flotte jusqu'à dissolution. Parfois, entre ces maisons et ces lignes, ces toits fumants, entre deux nuances de ciment, le sens se réveille en sursauts. "Et quoi ?" se dit le passager " il me semble que je connais ce mot ?". Clivage ultime: Le train est lent, tout va trop vite. Le sens va plus fort que le signe et tout se range dans l'étau quelque soit l'image qui suit, l'aperçu rapide du mot précédent se précise. Un graff sur la rétine endigue toute rêverie, appose le "bon sens" tout près de la maison.

Simple formalité : "bring back reality" : http://www.youtube.com/watch?v=i4k5bvYtozI

Photo : Arrivée à Lyon. Entre deux gares. Persistance rétinienne ? Image subliminale ? Vue du train express régional en provenance D'orléans, le jeudi 26 février 2009. © Frb.