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lundi, 05 janvier 2015

2015 : Ne plus céder aux intimidations

Tu com­prends quelque chose à tout ce qui nous vient, toi ? 

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http://www.amnesty.org/fr/freedom-of-expression

vendredi, 08 juillet 2011

Harlequin pyromane

fleur bleueF1051.JPGUne cascade de roses parfumées et des rosiers grimpants, des lierres, des lianes enchevêtrées des roses et des rosiers grimpants. L'époux ne cesse de faire livrer ces pompons, ces roses parfumées, et parfois ces generosa dont on ne sait plus que faire.

- Je vous préviens Madame, que par les sécheresses de la haie il y aura des pucerons sur la fourche-bêche. 

- C'est le pire, ça devait arriver, si le professeur s'en aperçoit, il pourrait vous chasser...

- Madame, ressentez vous cela ? Ces absences qui vont en douleurs, je connais vos secrets, nous avons le même coeur.

Madame de Genlis porte un châle qui couvre ses épaules. Quand les pucerons se mêleront aux fleurs du professeur, il ne pourra pas l'endurer. Ces roses, non vraiment, ça l'écoeure.

- Vous auriez tort, Madame, de refuser mes agréments, ils égayeront votre existence, j'ai presque peur en vérité...

(Il se tait. Trop parler serait déjà perdre. Et surtout pas de sentiment ! durcir le ton, suivre son plan).

Madame de Genlis n'a plus un denier, elle dépense sans compter. Ca a commencé, au mois de Mai, avec la pyrale du fourrage, le jardinier achetait les pyrales.

- Ce n'est pas raisonnable, Madame, tout cet argent, pour saccager, vous qui devez partout.

Madame de Genlis ôte le châle, le pose sur un valet, elle sait qu'une épaule dénudée a son charme. (Petit calcul invitant l'oeil juste à l'endroit, assez discret).

- Enfin Léon ! Je vous demande d'oeuvrer à mon contentement, pas d'être ma conscience ! accepteriez vous que je vous accorde l'agrément tout de suite ou dans une petite heure ? Vous connaissez l'état de ma trésorerie...

- Votre trésorerie ...

- Allons vite, répondez, je vous prie ! Si je dois supporter votre main dans mes robes vous permettre ce que vous savez, c'est un peu humiliant pour une femme de mon rang, mais puisqu'il faut toujours payer de sa personne...

(Hautaine et insolente. Voilà, qui était parfait).

- Humiliant ? Vos émois sont au dessus des rangs. Pour une pyrale, Madame, il faudra, je le crains, vous humilier beaucoup, vous n'ignorez sans doute pas, quelle force morale il faut à un homme de mon tempérament pour garder un secret, vous payerez à la fois, celui qui soigne vos pyrales et l'homme de main qui veille sur votre trésorerie.

(Il n'osa dire "trésor").

- N'oubliez pas, qu'en plus de cet endettement, vous me devez encore quelques Vespa Crabro, Monsieur le professeur et si peu votre époux, ne serait pas très content d'apprendre de quelle façon vous jetez son argent par les fenêtres, lui qui raconte partout qu'il travaille dur pour vous. Comprendrait-il quels démons vous possèdent à vouloir ainsi saccager ce qu'il aime plus que tout ? Savez vous combien d'heures il s'épuise chaque jour à arranger ses fleurs ?...  (songeur) ...  Si joliment ! ... Et cela pour l'amour de vous !

Le silence est lourd du parfum des fleurs et de ces écoeurants pompons du professeur qui dépassent des fenêtres envahissent les balcons, la véranda, bientôt on ne verra plus les cheneaux. Lourd silence de la vérité qui vient en elle, l'amenuise, (il voit tout), et l'éclaire (il devine). Madame de Genlis est si pâle, il la regarde tourner près du valet, un bout du châle entre ses doigts, une pelote de laine, sur un chat, il s'amusera, (elle est à bout).

- Remettons les Vespa Crabro, à la fin de la semaine, je vous prie d'indulgence. Je vous paierai le triple, s'il le faut.

Il n'en n'est pas question ! il lui tend un papier comme la première fois où Madame de Genlis avait dû dégrafer trois boutons de sa robe, pour payer les pucerons qui amenaient le phylloxera, elle s'en souvient c'était ici et comme les pucerons, encore la première fois, elle tremble. Elle pâlit plus encore découvrant le contrat.

- Je ne peux pas, c'est affreux ! pas ce prix là !  mon Dieu ! c'est monstrueux ! Léon vous êtes un monstre !

Il s'approche, il respire le parfum de cette poudre, et cette nuque... Il défait sans un mot, le lacet, la robe en croisillons, jamais tout, rien de trop, tend une plume, met sa main sur la main de Madame de Genlis, puis doucement, vient guider l'écriture.

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"Je soussignée... (Impératif)  -  Vous écrirez la suite  !",

Madame de Genlis souffre d'une grande culpabilité, mais elle se sent aussi heureuse d'éprouver enfin, après tant d'années quelque chose qui ressemble à de l'exaltation, elle se raisonne :

"Ma foi ! mieux vaut souffrir que rien"

Sous le voile de sa robe, l'odonate s'allonge avec ses gros yeux joints à nourrir d'une faim que jamais rien ne comble. Il y a de la liberté sous les huis, une prison qui s'effondre et le bon Dieu au dessus prend des notes pour la suite. Il y a ce vieux hibou. Le vieux qui dépérit peu à peu pour l'amour de celle qui pleure la nuit dans toute la solitude, soupire dans la cretonne, et déteste ces fleurs, les mêmes jusqu'à la mort. Il y a au dessus d'elle ces têtes rondes sculptées, des chérubins qui biberonnent les rosaces (encore roses !) du plafond de la chambre à coucher. Madame de Genlis et Monsieur ne se rejoignent plus que pour montrer au monde à quel point ils forment à tous les deux, un ensemble harmonieux, couple charmant, parmi ceux de leur genre. Là, ce chapeau pendu sur un pied de sanglier, ici, la coupe en cristal Baccarat, à laquelle on tient plus qu'à tout, là bas, la volière, le mainate, et la phrase du matin :

 - Avez vous bien dormi, ma chérie ?

Celle de l'après midi

- Préférez vous prendre le thé dans le petit salon ou sur la balancelle au jardin, mon ami ?

Et puis l'autre qui venait avec ses grosses bottes, ses grandes mains carrées, l'autre qui venait pour le trésor, accélerant les goûts capiteux de Madame de Genlis, sa fantasmagorie. Elle est à présent traversée d'idées folles, une furie passe le mal, une vierge le rechasse, il revient, il embrase l'esprit, trace une pente en dos d'âne. Madame se sait un peu gourmande, quand il arrive avec les bêtes volantes, Léon lit dans les yeux de Madame, l'éclat doré des saintes qui s'exaltent et qui luttent. Il sait encore, pertinemment que souffrir la fait revivre un peu .

- Vous daterez et vous signerez ici ! (suave) prenez bien votre, temps, Madame, je ne voudrais pas trop avoir l'air de vous forcer la main...

C'est pareil, comme la première fois, tout ce qu'elle n'a pas vu arrive. C'est écrit noir sur blanc, c'était peut être écrit avant, sans qu'un contrat n'y glisse cette impression dangereuse, le goût de l'interdit qui va sans retenir. Le jardinier, la main sur la main de Madame, touche la plume à quelques centimètres et l'autre main s'en va rebrasser tous les chants et les feuilles des vignes de Monsieur ravagées du philloxera. Un gros nez respire la peau blanche inspirée des coffrets, l'heureux talc du vieux monde cette ivraie et ces lis d'une langueur à chavirer...

- Oh ! Léon ! ce n'est pas du jeu, vous trichez, que faites vous, grands Dieux, c'est un supplice !

Impunément, il triche. La main sur la main, et l'autre main qui trousse, c'est plaisant de voir Madame de Genlis batailler avec sa conscience, et la voilà craintive. Ses dieux ont si bon dos. Impunément il fait sauter les boutons de la robe, un puis deux, il faudra bien qu'elle signe. Il chuchote:

- Thrips ! Nématodes ! Botrytis ! Fusariose !

Madame de Genlis recommence à souffrir un petit peu, il accélère le jeu, la faiblesse aux penchants et prononçant ces mots, juste à l'endroit, assez discret :

- Hypsopygia costalis ! ...

Fait tomber la poutre maitresse. Madame de Genlis frappée d'amnésie vient défaire seule le quatrième bouton, le papillon aux couleurs des tentures du bureau de monsieur, apparaît, juste dans ce pli exactement, elle suit le pyrale qui respire, vingt trois millimètres, enrobé de formol d'une bête plus laide qu'un pou mais dont le froissement de l'aile à peine, lui permet d'oser tout.

La plume crisse. Elle a signé. C'est venu plus fort qu'elle. Le jardinier range le contrat dans une enveloppe qu'il attache par le caoutchouc de sa bretelle.

Il regarde par la transparence du rideau, le professeur, "Monsieur", l'époux, épris, méticuleux, arranger un bouquet de roses pompons, l'idiot, avec ses pauvres cornes et ses fines binocles, monsieur baissant les yeux sur sa montre à gousset 6H00 si impatient déjà, de rejoindre Madame, elle qui depuis des semaines souffre d'un mal mystérieux.

Léon contemple les allées, les massifs, le petit château d'eau et les blanches cariatides supportant un bassin surelevé où l'eau du Mont Gerbier coule sans s'arrêter, un corridor mouillé : "il y aura de quoi faire".

Il songe à la trésorerie de Madame, au domaine de Genlis, à ces larves, ces pyrales qui pondent déjà dans les placards, de la cave au grenier, à la confiance aveugle de Monsieur qu'il vénère qui est si généreux avec le personnel, puis soulevant la mantille aperçoit un verger, fruité de gueule, paré d'une Cigaline, juste à l'endroit, assez discret.

Dans un instant, il aura tout.

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Nota : En cliquant dans les fleurs, ouvrez les chapitres de cette histoire et découvrez vos romans de l'été.

Musique : "Blue Gardenia" par Nat King Cole

Photos : Iris nommé "Prince Indigo". Fleur bleue sophistiquée, alanguie dans les herbes folles photographiée au début de l'été, près d'une allée bordant la grande roseraie, au Parc de la Tête d'Or à Lyon.

 

© Frb 2011.

samedi, 28 février 2009

L'enfer c'est "mon autre"...

"Il y a quelque chose en moi
Au fond de moi, au centre de moi
Quelque chose d'infiniment aride
Comme le sommet des plus hautes montagnes
Quelquechose de comparable au point mort de la
rétine
Et sans echo
Et qui pourtant voit et entend;
Un être ayant une vie propre, et qui, cependant
Vit toute ma vie et écoute, impassible,
Tous les bavardages de ma conscience"

VALERY LARBAUD . Extr " Le don de soi-même" in  "Les poésies de A.O BARNABOOTH". Editions Gallimard 1966.

 

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Mystificateur et démystifiant à la fois, Valery LARBAUD fût-il conscient de tout ce qu'il mettait du plus vrai de lui même en s'appliquant à créer un personnage qui lui fût dissemblable ? A.O. BARNABOOTH est le mystérieux narrateur de ses frasques, le milliardaire, enfant gâté mais c'est aussi Valery LARBAUD lui-même, héritier d'une famille aisée, le mystificateur, narrateur passionné de la vérité. Valery LARBAUD renonce à sa signature et feindra d'être aux ordres d'un capricieux nabab dont il écrira le portrait proche de la caricature. Ainsi pourra-t-il se laisser aller sans vergogne à ses désirs littéraires, dans le pastiche comme dans l'anarchie. "Rarement l'audace a su aussi bien user de la timidité" écrira Robert MALLET en 1966, dans sa préface aux "Poésies de A.O. BARNABOOTH"

L'idée du personnage A.O. BARNABOOTH semble avoir pris naissance dès son enfance à la lecture d'un livre de Louis- Henri BOUSSENARD "Les secrets de Monsieur synthèse". Ce "Monsieur Synthèse" est un homme si riche qu'il peut du jour au lerndemain acquérir "la propriété foncière du globe". V. LARBAUD, enfant, rêve (comme beaucoup d'enfants) de cette omnipotence., il en rêve aussi à la lecture de "L'histoire Romaine de Victor DURUY lorsqu'il découvre les empereurs de la décadence dont l'extrême jeunesse dispose du pouvoir absolu.

En 1902 BARNABOOTH prend vie réelle dans l'esprit de V. LARBAUD, lors d'un voyage à Londres avec un camarade très fortuné qui s'offre tous ses caprices. V. LARBAUD crée son personnage à l'aide d'une localité proche de Londres "Barnes" et du mot "Booth" enseigne des pharmacies anglaises à succursales multiples.

Le "BARNABOOTH" "réel" ne paraîtra qu'en 1908, après une première ébauche dès 1902 à la faveur d'un tour d'Europe et autres séjours à l'étranger. Les matériaux qui serviront à V. LARBAUD à composer les écrits de son personnage sont amorçés; le 4 juillet 1908, paraissent à ses frais 100 exemplaires d'un volume où sont réunies ce qu'il nomme "Les oeuvres françaises de M. BARNABOOTH". A savoir, un conte "Le pauvre chemisier" + les poèmes". Il fait précéder cette oeuvre d'une "Vie de BARNABOOTH" attribuée à X.M TOURNIER DE ZAMBLE. En 1913, après la spontanéité qui défoule, vient la réflexion qui épure, la suppression de la biographie est plus que compensée par "Le journal". 15 pièces sont éliminées et d'autres raccourcies".

BARNABOOTH est l'image même de la puissance que donne la fortune et des limites assignées à cette puissance par des réalités morales ou physiques sur lesquelles l'argent n'a pas de prise.

A.O. BARNABOOTH est lucide. Il ne changera pas le monde tout seul. Il sait qu'il faudrait que le monde fût transformé par les masses, mais il n'a  ni le courage ni les moyens de se faire l'apôtre de l'insurrrection alors il se laisse emporter par sa fantaisie.

Ainsi dira t-il de lui même :

" Vous voyez en moi  un homme que le sentiment de l'injustice sociale et de la misère du monde a rendu complètement fou".

Sources : " Les poésie de A.O BARNABOOTH - Préface  de Robert MALLET.

Photo: Une ouverture entre les murs; pas très loin de la "Chapelle des apparitions" vue à Paray le Monial. Février 2009. © Frb.