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mercredi, 01 septembre 2010

September (Part III)

Des maisons se dressaient alentour puissantes,
mais irréelles, - et aucune
Ne nous connût jamais. Qu'y avait-il de réel dans tout cela ?

R.M. RILKE, extr. "Les sonnets à Orphée", VIII, (trad. Angelloz)

septembre bb.jpg

Quand tu marches sur les cailloux, tu entends un bruit de ferraille, tu cotoies les silhouettes longilignes des petits hommes fluos qui plantent des panneaux de signalisation. Tu roules à St Germain des près avec ta mécanique, tu sais qu'il y a des pistes anticyclables du côté de la Loire. Tu prends les abbayes pour ton propre berceau, tu reviens de Golsone déçue par les hérons, tu vois d'un cimetière arriver les bateaux puis tu sors du tunnel pour nous rejoindre, on sait que tu reviens de loin, peut être de cette plaine qui recouvre deux fois la superficie des prairies.

Ici, c'est presque la même chose, je tombe dans les panneaux des départs, je me colle au sommeil d'une file d'attente interminable en goûtant l'immanence de la situation. Je fréquente les marchands de journaux qu'on appelle des points-presse. Je lis les horoscopes, et puis la météo, les journaux quotidiens rendent hommage à Corneau, je poinçonne à l'envers, m'y reprends à quatre fois en tous sens, j'y arrive, je m'énerve, le temps presse, je m'en vais au quai A, un titre de revue du genre "choc des photos" cite une phrase de Fignon :

"Je n'ai pas peur de la mort, je n'en ai juste pas envie, c'est tout".

Quand tu vas à la banque tu vois les coquillages que tu as oublié de ramasser sur la plage des Issambres un 24 Juillet 2010, d'énormes coquillages vernis et brevetés avec un logo peint sur le côté, qui décorent ta banque, des personnages étranges habitent ton guichet. Tu poses le coquillage à tes oreille et tu entends le bruit d'une cocotte en papier qui te demande de créditer ton compte au plus vite. Tu crédites de très peu. C'est un nouveau départ. Tu prends un rendez vous chez le coiffeur Jacky qui est aussi "visagiste d'art" tu veux être propre et net dès aujourd'hui, pour reprendre ton travail, tu sortiras ravi avec cette impression d'avoir une nouvelle tête, tes bonnes résolutions dureront jusqu'en Octobre, Une septuagénaire s'en ira du salon avec une mise en plis violette. Le parfum d'encens d'une boutique 100% bio te donnera mal à la tête. Tu lis les horoscopes de Voili en cachette, tu t'en défends devant les copains, mais tu y crois dur comme fer, tu achètes le monde 2, le monde 3, et le magazine télé Z. Tu marches sous les yeux inquiétants de mademoiselle Nothomb, notons, notons, que tu as beau marcher mille fois sur son chapeau, tu suis ce que ta ville te montre, puis tu vas à la banque retirer 100 euros pour t'offrir toutes les vagues que ton amour soulève. Tu craqueras aussi pour des cigarillos. Tu en fumeras un devant un bordel de la rue Mercière en pensant que tu as oublié d'envoyer une carte postale des Issambres à Evelyne, que cela fait un mois qu'elle n'a pas eu de tes nouvelles, tout comme Martine et Ghislaine. Tu auras un peu honte de toi. Tu as peur qu'au milieu du mois, ta femme retombe en dépression, tu as rendez-vous à 16H00 chez le vulcanologue pas très loin de la villa des mystères à Pompéï, tu rejoindras demain Evelyne à 17H00 au café des écoles, vous irez à l'hôtel rue du Mail, tu retrouveras ta femme à 20H30, tu lui diras que tu as eu du retard au bureau à cause d'une réunion qui t'auras épuisé, tu maudiras ce crétin de Jouvenot qui pinaille sur les RTT,  tu prendras un effaralgan 1000, tu embrasseras tes quatre enfants, ton chien ton chat et ton chameau et tu prendras une douche avec un truc qui mousse quand tu le pousses. Tu entendras Johnny chanter à la radio. On a tous quelque chose de n'importe quoi ...Tu rêveras d'aller vivre en Pennsylvannie, juste pour voir Bardo Pond en concert, ta femme te montrera le programme du musée de Cluny elle aimerait visiter l'exposition sur l'art gothique en Slovaquie qui aura lieu du 16 septembre 2010 au 11 janvier 2011 à Paris tu diras oui, tu penseras non. Tu regarderas un extrait de "Pick Pocket", tu trouveras ça complètement con. Tu mangeras des rillettes.

Ici c'est presque la même chose. Mes voisines de voyage sont des blondes aux yeux verts, mère et fille si collées l'une à l'autre qu'on les dirait siamoises, la mère parcourt les pages de "L'horizon", elle prend des notes avec un feutre sur un cahier de brouillon parfois elle écrit dans la marge sur "L'horizon", elle souligne des mots à l'aide d'un stabilo. Sa fille porte un mandala vaguement tibétain tatoué sur une seule épaule. Dehors, il y a les vaches comme dans les Lucky Luke, et des petites maisons avec des jardins bordéliques. Des parasols et des tables en plastiques. Parfois on voit des gens au seuil de ces maisons, des gens tout petits qui secouent des tapis par toutes sortes de fenêtres, des jardiniers avec des grands chapeaux qui méticuleusement, ratissent. Dans quelques minutes nous traverserons le Bois d'Oingt et commencera le bout du monde. Je déplie la tablette propre et beige qu'on trouve dans tous les trains, j'y pose un livre et des crayons, des ormes glissent dans mon sac à dos, le ciel se couvre. Je m'intéresse à tout, au cimetière britannique de Bayeux et ses 4648 tombes, au Cardinal de Retz et à Charles Pennequin, je connais maintenant par coeur son poème que j'aime bien qui s'appelle :"Je suis le gruyère" [...]

Et je suis ce que l'autre veut bien de moi
l'autre est dedans ce qu'il veut quand je suis
bien en lui
quand je suis mal à être bien
tout en lui
quand je suis moins en moi
l'autre n'est pas bien
non plus dans son je suis
tout à lui
tout comme moi
je ne suis rien dans le je suis de l'autre

(A SUIVRE...) 

Nota : Pour les précieuses correspondances, je dédie ce billet à Michèle Pambrun et à Marc.

Photo : Le pays de Septembre, vu quelquepart lors d'un voyage, quelques minutes après la pluie, lors d'un léger ralenti entre Le Bois D'Oingt et Poule les Echarmeaux. Et puis d'ailleurs, quelle importance ? Sur la gauche vous pourrez admirer la maison de personne ou du garde-barrière ou de qui vous voulez. Photographiée le 1er Septembre 2010 entre Lyon et Orléans, du train bleu 16846. © Frb.