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jeudi, 10 décembre 2009

Se consumer... (Interlude)

Oui, ce monde est bien plat ; quant à l'autre, sornettes.
Moi, je vais résigné, sans espoir, à mon sort,
Et pour tuer le temps, en attendant la mort,
Je fume au nez des dieux de fines cigarettes [...]

IMG_0021.JPG

Allez, vivants, luttez, pauvres futurs squelettes.
Moi, le méandre bleu qui vers le ciel se tord
Me plonge en une extase infinie et m'endort
Comme aux parfums mourants de mille cassolettes.

Et j'entre au paradis, fleuri de rêves clairs
Où l'on voit se mêler en valses fantastiques
Des éléphants en rut à des chœurs de moustiques.

Et puis, quand je m'éveille en songeant à mes vers,
Je contemple, le cœur plein d'une douce joie,
Mon cher pouce rôti comme une cuisse d'oie.

JULES LAFORGUE : "La cigarette". Extr. "Le Sanglot de la terre" (1901), in "Oeuvres complètes". Editions Mercure de France.

Juste le temps de s'en griller une, (pour de vrai), entre deux billets (sur le pouce, si j'ose dire), de l'ami Jules, dont les carnets sont enfumés de manière si insoutenable que je propose à qui voudra s'y coller de remplacer, tout ce qui pourrait s'approcher de près ou de loin à une pipe, cigarette ou cigare (tourniquette ?), par le mot ou l'expression qui lui sembleront les moins nocifs pour la santé (évitez s'il vous plaît, les sucreries, le nougat, le surimi, les matières grasses, le glutamate, le boissons gazeuses etc... (Les fruits et légumes sont évidemment bienvenus).

Extrait d'un agenda de JULES LAFORGUE couvert par endroits de notes et manuscrits (imprimés par Charpentier, avec textes et dessins datant de 1883), elles datent du séjour de J. LAFORGUE en Allemagne où il occupait les fonctions de lecteur auprès de l'impératrice Augusta. L'auteur est alors âgé de 23 ans, il mourra quatre ans après les avoir écrites.

Ici seules quelques allusions à  la cigarette-ont été sélectionnées, j'espére que les Laforguiens inconditionnels me pardonneront ces coupes scandaleuses qui en diront peut être aussi (un peu) sur ce qu'il advient d'une oeuvre quand des malins, pour la bonne cause, s'amusent à l'amputer. Là n'est certes pas mon intention, (j'ai cisaillé à l'envers, pour ma bonne cause évidemment), souligner une substance qui se glisse dans les notes comme une nécessité (et allons donc !) mais c'est sérieux. La "fumerie" étant l'interlude idéal pour J. LAFORGUE entre l'ennui, les sorties mondaines, les promenades, elle s'impose très naturellement comme la plus précieuse des ponctuations voire des aérations. (Les lecteurs fumeurs comprendront...)

Le texte intégral est disponible ICI et les extraits de "tabagies" only, ci dessous :

Samedi 31 Janvier : "Dîners sommaires pipes nombreuses [...]"

Mardi 17 Avril : Départ sous des cigarettes Butterbrod [...] Vaste chambre au premier fumé au balcon couché causé panthéisme [...] Renoncement jusqu'à minuit en fumant."

Mercredi 18 Avril : Levé 8H00 en fr, fumé sur le balcon devant la caserne [...] mangé à l'Hotel de France, terrasse café, fumé rôdé plein le dos musée ethnographique anthropologique spleen fumé rôdé gare. Embêtements éreintés rôdé en voiture départs folie fumée sentimentalité

Lundi 30 Avril : (notes) [...] Reçu la revue pris le thé cigares. A Bade les journées passent [...] On mange trop bien on fume trop [...]

Mardi 1er Mai : Avec R. tendresse cigares le salon là bas [...]

Mercredi 2 mai : [...] Promenades éternelles bons repas cigares [...]

Jeudi 3 Mai : [...] Fêtes spleen cigares prairies hannetons [...]

Mercredi 16 Mai : Cigares promenades accoutumées [...]

Samedi 19 Mai : Rien, l'arrivée de la vie moderne je me roule des cigarettes tabac conservé au frais dans mon huître bronze chinois."

Photo : De fines cigarettes avec une grosse fumée (presque dans le nez des dieux). Vue un beau Décembre 2009. © Frb.