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samedi, 04 octobre 2008

Tout en haut de l'affiche...

emma3.jpg"L'air du bal était lourd ; les lampes pâlissaient. On refluait dans la salle de billard. Un domestique monta sur une chaise et cassa deux vitres ; au bruit des éclats de verre, Mme Bovary tourna la tête et aperçut dans le jardin, contre les carreaux, des faces de paysans qui regardaient. Alors le souvenir des Bertaux lui arriva. Elle revit la ferme, la mare bourbeuse, son père en blouse sous les pommiers, et elle se revit elle-même, comme autrefois, écrémant avec son doigt les terrines de lait dans la laiterie. Mais, aux fulgurations de l'heure présente, sa vie passée, si nette jusqu'alors, s'évanouissait tout entière, et elle doutait presque de l'avoir vécue. Elle était là ; puis autour du bal, il n'y avait plus que de l'ombre, étalée sur tout le reste. Elle mangeait alors une glace au marasquin, qu'elle tenait de la main gauche dans une coquille de vermeil, et fermait à demi les yeux, la cuiller entre les dents.

Une dame, près d'elle, laissa tomber son éventail. Un danseur passait.

- Que vous seriez bon, monsieur, dit la dame, de vouloir bien ramasser mon éventail, qui est derrière ce canapé !

Le monsieur s'inclina, et, pendant qu'il faisait le mouvement d'étendre son bras, Emma vit la main de la jeune dame qui jetait dans son chapeau quelque chose de blanc, plié en triangle. Le monsieur, ramenant l'éventail, l'offrit à la dame, respectueusement ; elle le remercia d'un signe de tête et se mit à respirer son bouquet."

Gustave FLAUBERT : "Madame Bovary".(1857)/  Extr: "Le bal à Vaubyessard".

Notre photo : Madame Bovary s'habille Cours Vitton dans le 6em arrondissement de Lyon, réputé pour ses boutiques chics et ses beaux messieurs en vestons.

Commentaires

@ Gustave:monsieur, si vous aviez, vous, ramassé mon éventail, la face du monde n'en aurait peut-être pas été changée, mais j'en aurais été fort aise, vous savez...Signé: la jeune (en 1857) dame à l'éventail.

Écrit par : Sophie L.L | mardi, 07 octobre 2008

@Madame,
Si vous m'aviez reconnu ce jour là , quand je ramassais votre éventail , la face du monde, assurément, serait d'un bien plus élégant effet, tout autant que vous seriez par mes soins, comblée d'aises ... Point besoin de me rappeler ni la date, ni les points de cet évènement, quand je pense qu'il a fallu que je prenne, pour vous remplacer cette Emma complètement fade, plutôt que vous, mon Dieu! j'en suis encore malade... Mais quel gâchis Madame ! ah ! quel gâchis !

Écrit par : Gustave F. | mardi, 07 octobre 2008

A l'auteur de ce billet :) Emma est-elle une si chic femme? Les échanges étaient beaucoup plus sains à l'époque et pourtant l'air semble insoutenable, que ce soit chez Flaubert comme chez Zola.

Écrit par : Léopold | mardi, 07 octobre 2008

@Leopold : Il faut bien entendre le mot "chic "avec toutes ces connotations, y compris les "irrespirables... le contraire du "chic type", le chic mensonger de cette "classe" qui a du mal à respirer
un peu comme les beaux messieurs en vestons qu'on croise quelquefois Cours Vitton... On sent qu'il y a trop de mousse dans les épaulettes et la veste qui tombe assez droite parait toujours un peu étroite aux emmanchures...Tout comme ces dames à robes fleuries qui ont du mal à marcher avec des talons.
Est ce que je comprends bien votre commentaire? ou ma réponse est à côté?

Écrit par : frasby | mardi, 07 octobre 2008

@ Léopold: je suis intriguée par "les échanges étaient plus sains"?

Écrit par : Sophie L.L | mardi, 07 octobre 2008

@Sophie LL@ Leopold
: Ce serait bien oui, que Léopold nous dise ce qu'il entend par le mot "sain" :
un mot que le dictionnaire lie toujours un peu à une idée de santé...(un esprit sain dans un corps sain") organisme en bon état, indemne, par extension: juste raisonnable ou moralement irréprochable, salutaire, qui n'a pas subi de dommages, "saine doctrine" (chez Pascal), qui ne "présente pas de danger" chez Chrétien de Troyes ....Comment l'entendez vous ? (comme demanderaient nos amis de France musique...

Écrit par : frasby | mardi, 07 octobre 2008

@ Gustave F.: oui, quel gâchis en effet! mon coeur gaufré dans du papier d'alu en est depuis 151 ans,tout retourné! c'est long! it'a long time!

Écrit par : Sophie L.L | mercredi, 08 octobre 2008

@Sophie LL : J'ai couché Gustave F , il y a bien au moins 3 H00 !
vous savez, son coeur, nous fait bien du souci... ça a pas mal gaufré à une époque aussi pour lui ,et on en a tous bien subi les conséquences .... Ca a été long ! mais long! ... pis maintenant on dirait qu'il se requinque !

Écrit par : frasby | mercredi, 08 octobre 2008

J'arrive avec 48h de retard, mes excuses.

Je crois que le mot sain dans ma bouche a pu énoncer un jugement moral. L'amour et notamment l'acte sexuel ont été franchement désacralisés, démantelés par une succession de marchandisations. Les billets, les précautions prises pour les rapports sexuels décrits dans les romans réalistes voire naturalistes du 19è semblent plus respectueux (terme hautement discutable compte tenu d'un immonde machisme qui traverse les siècles). Je ne vais pas m'étendre là...

Pour résumer, je trouve plus sain un billet déposé dans un chapeau un soir de ballet, plutôt qu'un plan Q (mes excuses) décrochés sur le web dans une langue franchement rédéfinissables.

Vous citez l'idéal courtois, un homme devait se montrer capable de dormir au côté d'une femme aussi "belle et gent" soit elle sans la toucher. Il y a aussi dans le concept de "sain" toute une culture de l'implicite qui s'effondre face au 'tu couches?'. Même l'univers de la prostitution chez Maupassant (Bel-Ami par exemple ou chez Dostoïevski Crime et Châtiment voire même chez Zola Nana) sont des univers qui cultivent de l'implicite. Une culture de l'approche sentimentale, L'Education Sentimentale de Flaubert nous apprend à aimer... après on module évidemment...

Écrit par : Léopold | vendredi, 10 octobre 2008

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