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dimanche, 18 janvier 2009

L'autre monde ( Part II )

"Le froid habite dans la nuit et le givre habite dans la terre
Le feu habite dans les Hommes et ne change pas de lieu
Le coeur habite dans la nuit parmi les roses."

TARJEI VESAAS. Extr : "Les vivants"

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Tarjei VESAAS est un écrivain norvégien de langue néo norvégienne. Né à Vinjem dans la très vieille province du Telemark, (il est du même district que l'inconnu qui rédigea au XIIIem siècle le célèbre "Draumkvaedi", "the dream poem"), il mourût le 15 mars 1970 à Oslo, l'année même où l'on pensait à lui pour le prix Nobel. Ecrivain de l'indicible, de l'ineffable, il resta toute sa vie un homme silencieux, réservé et timide, de cette timidité scandinave qui jouxte la paralysie et peut aller jusqu'à l'inhibition totale. Fils de paysan, il le resta lui aussi, pris dans la gangue de la terre. Son écriture rend le mouvement des saisons, leur respiration, l'exhalaison des brumes à travers champs, le choc des pierres et de la glace, sa langue est rurale, paysanne. Il a choisi de s'exprimer dans la langue de sa province (Nynorsk). Son écriture évolue au même rythme que cette nature dont il est inséparable, par lente croissance et patiente maturation. "La vie au bord du cours d'eau" ou "vie au bord du courant" (selon les traductions), titre de son ultime recueil de poèmes, symbolise cette écriture pudique, méfiante des envolées lyriques, du trop plein pathétique, elle s'en tient à l'essentiel: de l'Amour à en mourir, de la nature au plus profond de la neige, et du feu toujours présent. Un an avant de mourir, il a confié dans "Oiseaux et maisons" : "Ce que je voulais, c'était raconter le jeu caché et secret qui se passe aux heures de la nuit quand le jour nouveau point à peine et que tout devrait dormir dans la maison, un jeu dont personne ne doit être témoin." Tarjei VESAAS s'adresse à tous, solidaire avec tous, sans rejet pour les faibles; à ceux qui savent, par grâce "entendre l'inaudible", l'autre monde se trouve coïncider alors avec le réel sans la moindre solution de continuité."Nous sommes au delà de ce qui peut se dire".au dela186 2.JPG

T.VESAAS joue avec cette lumière impensable, la nature du Grand Nord, cette clarté de début du monde qui efface les distances, soulève les apparences, magnifie, irradie, dédouble. Son oeuvre est peuplée de goutelettes ruisselant sur des branches, de violence éclatant dans ce décor primordial, animée d'êtres simples d'esprits, d'idiots de tous les villages mais qui savent voir et entendre, au delà de ce que nous supposons. L'écriture de T. VESAAS pourrait ressembler à des dessins furtifs dans la neige, s'il n'y avait pas ces surgissements d'images violentes, immenses. Sa poésie est prophétie. Menaces mais aussi apaisement. Passionné de chevaux qui ont peuplé sa vie, il y a de la magie dans ses silences, comme celle qui nous surprend parfois au contact des silence animaux. Dans le non-dit passe l'essentiel. Parfois un mouvement crée le contraste mais nous sommes déjà en ses mondes "au delà de ce qui est dit" car rien ne dit beaucoup, ce sont des voix qui disent "je", "nous", la voix du chien, de la forêt, la voix des ponts. Un chant de pureté monte de ses livres et l'on doit s'avancer vers lui avec la même lenteur que sur un lac gelé, tendre l'oreille car dans ses pages, il y a des bruits... La paisible chronique paysanne que nous imaginions lire  devient alors "littérature de l'abîme", cette grande pitié du monde s'exprime par des phrases qui chantent mais resteront toujours inconsolées. Hanté par la condition humaine et la mort en marche, il s'approche à pas de loup du sacré de l'Amour (cf. "le palais de glace" 1963, Flammarion). Nous reviendrons sans doute sur cet auteur un jour, (un certain jour ;-) Promesse incertaine, mais promesse tout de même... Je réserve l'avantage à R.M.RILKE de fermer (ou d'ouvrir ?) ce billet sans répondre à la question de Tarjei VESAAS, bien sûr; une belle phrase en forme de dédicace aux "voyages immobiles"de Marc auteur du blog "EPISTOLAIRE" qui a permis de relier en douceur, (de là bas à ici), le passage certain des jours, du plus loin au plus proche:

"Il est des livres qui touchent aux racines les plus sensibles de l'âme et l'on n'a de cesse de tout faire pour en chercher l'auteur et en devenir l'ami"

R.M RILKE à RODIN  (01/08/1902)

Commentaires

Belle dédicace pour Marc pour son très beau blog en effet! Merci Frasby.

Écrit par : Sophie L.L | dimanche, 18 janvier 2009

@Sophie L.L : Veesas plus, la citation de Rilke, les paysages enneigés, la terre, l'univers poétique de Marc très lié aux voyages mais au sol aussi,les vergers,(Vesaas quand il n'était pas à la ferme, dans sa terre, voyageait beaucoup) le fait que Marc nous ait fait découvrir ici Gaston Miron en publiant de longues pages de ces fulgurants poèmes... ancrés aussi dans le paysage. Plus la récente prière inventée... Tant de choses me rappelait "l'autre Monde" celui de Marc, justement.Tout cela n'est qu'une intuition, parce que peut être il n'aime pas Vesaas, mais tant pis, ce qui est dédié, est dédié... Merci à votre tour de lui rendre hommage (à Marc ! ;-) bien sûr !. Excellent dimanche .

Écrit par : frasby | dimanche, 18 janvier 2009

« Nous sommes partout dans la forêt. Si, à l'instant, il n'y a personne, l'air même est saturé de souvenirs. Ici, l'herbe a été foulée bien des fois. Nous sommes les endroits où des paroles sont tombées, vivifiantes ou fatales, paralysantes ou encourageantes. Nous sommes aussi ces endroits agréables et abrités, où les gens se sont réunis. Nous sommes les endroits que l'on n'oublie jamais, ceux qui, malgré leur air insignifiant, se gravent dans l'esprit des gens jusqu'à leur mort : une pierre ou deux pour s'asseoir, un tendre feuillage de printemps, et le ruisseau presque asséché d'un début d'été.
Nous sommes les temps éternels et tous les lieux à la fois. Chaque pas est un souvenir. Si cela était visible, nous apparaîtrions un tissu d'ombres vivantes. » T. Vesaas

Ce billet me gêne et me réconforte.

La poésie de Vesaas coule en moi comme si je l'avais rêvée moi-même... Merci. C'est vrai que nos liens, même en cet autre monde, sont tout de même de vrais liens.

Écrit par : Marc | dimanche, 18 janvier 2009

@Marc : C'est très beau cet envoi via T. Vesaas. Merci. Vraiment quelle trajectoire entre les mondes ...
Le billet vous gêne, dites vous ? Est ce parce qu'il vous est dédié ? ou bien parce qu'il est difficile de bien évoquer T. Veesas poète de l'indicible ( ce qui donne un billet paradoxalement bavard?) J'avoue que je me suis demandée c'est pourquoi il y a un autre billet + silencieux qui laisse Veesas tout seul avec sa question et le lecteur...)
Si la dédicace vous gêne vraiment , vous savez que tout peut être changé (on a les baguettes magiques, ici à certains jours,
on peut réecrire l'histoire presque à la carte, carte blanche pour vous à toute modification souhaitée ;-)
bref, si quelque chose, quoique ce soit dans ce billet vous dérange vous pouvez m'envoyer un mail , avec vos petites notes personnelles, et je m'en arrangerai à votre convenance...S'il vous réconforte, plus qu'il ne vous gêne, je préférerai, mais n'hésitez pas (Dans la gêne il n'y a pas de plaisir ....). Epargnons nous les uns les autres ! Donc s'il y a moyen pour vous de n'obtenir que le plaisir c'est à votre guise... Je suis ravie de lire que la poésie Vesaas coule en vous "comme si vous l'aviez rêvée". C'est joliment écrit. Quand j'ai découvert Vesaas ; il m'a semblé que se traçaient des parallèles, une évidence . Mais je pouvais me tromper... Nos liens même en cet autre monde sont vrais , oui, ou ils basculent du flou au vrai .là encore, on ne peut pas en dire plus... Merci pour la belle intervention ;-)

Écrit par : frasby | dimanche, 18 janvier 2009

@ Frasby : Le réconfort bien plus que la gêne.

Écrit par : Marc | dimanche, 18 janvier 2009

@Marc :Ouf ! alors on ne touche à rien ?

Écrit par : frasby | dimanche, 18 janvier 2009

Les commentaires sont fermés.