lundi, 15 novembre 2010
Auteurs sans textes et sans lecteurs
Écrire, c'est ébranler le sens du monde, y disposer une interrogation indirecte, à laquelle l'écrivain, par un dernier suspens, s'abstient de répondre. La réponse, c'est chacun de nous qui la donne, y apportant son histoire, son langage, sa liberté ; mais comme histoire, langage et liberté changent infiniment, la réponse du monde à l'écrivain est infinie : on ne cesse jamais de répondre à ce qui a été écrit hors de toute réponse : affirmés, puis mis en rivalité, puis remplacés, les sens passent, la question demeure.
ROLAND BARTHES, extr. "Sur Racine", éditions Seuil, 1963.
Au lieu de se demander quel genre d'auteur réside dans un texte, allons dans une autre bibliothèque toute différente, afin de dépayser notre petit train train d'intelligence, allons quérir d'autres volumes aussi inaccessibles qu'interminables, allons lire juste au bord de la falaise ou au désert, creusons des galeries sous les plages, jusqu'au trou noir...
Les premiers moines des déserts d'Egypte de Syro-Palestine n'ont laissé que des anecdotes. Ces textes ésotériques immobilisent. On se trouve pris dans un tourbillon intérieur qui creuse l'esprit. C'est peut-être le combat avec l'ange (?) on se mettrait à réapprendre à lire ou à se lire soi-même. La note traditionnelle du texte s'effondrerait, au lieu que les mots suivent d'autres mots afin de donner une signification, au lieu de cela, il y aurait un silence ou un vide. Dans ce vide, ce silence, se trouverait encore la signification. Le premier secret est là. La signification commence dès lors que lecteur estime que la connaissance a été évacuée.
ECOUTER, un extrait du "Marteau sans Maître" : ICI
Variations et liens autour du thème du lu et du non lu :
http://livres.blogs.liberation.fr/livres/2007/05/du_livre...
http://www.kristeva.fr/kristeva_de_l_ecriture.pdf
Note spéciale - A propos de non-textes avec auteurs - certaines personnes ont tenté ces deux derniers jours de venir commenter ici et quelques uns d'entre vous m'ont écrit pour me demander pourquoi je ne publiais pas leurs commentaires. La réponse est aussi claire que le mystère s'épaissit, c'est tout simplement parce que ces commentaires ont dû se volatiliser en cours de route, en résumé je ne les ai jamais reçus. Il ne s'agit donc pas d'une modération volontaire et je présente à celles et ceux qui ont pris du temps pour écrire des commentaires ici et n'ont pu les voir publiés, toutes mes excuses pour ce dysfonctionnement très regrettable et récurrent depuis cet été, mes efforts pour le signaler en hauts (et forts) lieux s'étant heurtés à des murs (plus murs, tu meurs), j'espère que ce désagrément technique ne durera pas trop... En attendant, je vous remercie de votre patience et de votre compréhension.
Photo : Feuilles ou oiseaux (?) en plein vol surpris sous la vitre bleutée, poussiéreuse d'un abri-bus, rue de la République à Lyon, photographiés un jour de pluie en Novembre et reproduits ici altérés, sans vitre bleutée dont la texture s'est volatilisée par la grâce -ou disgrâce- d'un pseudo Photoshop (sans photo et sans shop), © Frb 2010
22:55 Publié dans Art contemporain sauvage, Balades, De la musique avant toute chose, De visu, Impromptus, Mémoire collective | Lien permanent
Commentaires
Bonne journée chez toi.....
Écrit par : patriarch | vendredi, 26 novembre 2010
@Patriarch , merci ! toujours aussi matinal ! ben dites donc c'est dingue ça :) vous êtes arrivé jusqu'ici , sans peine, on dirait, bon adage... Ici on sort les luges (j'exagère , j'ai vu 3 flocons) Excellente journée à vous !
Écrit par : Frasby | vendredi, 26 novembre 2010
La lecture de ce dernier texte m'a bien plu. Il va bien avec l'idée que je me fais de blogs que j'aime
voilà j'arrête la semaine prochaine ( je part à la retraite) et comme j'ai ni ordi, ni portable et pas de IPOD etc, je vais passer à autre chose.
Mais c'est trois années à venir sur des blogs amis comme le tient m'ont convaincu que le progrès technologique pouvait être une bonne chose quand on s'en servait avec intelligence et originalité.
Bonne continuation
amitié
alex
Écrit par : alex | vendredi, 26 novembre 2010
@Alex : Merci Alex ! ben dis donc ! tu auras été encourageant du début à la fin fin, ce n'est pas rien, le bon grain d'Alex manquera à ce petit blog, c'est vrai ! tu faisais de très belles interventions ici, toujours celles auxquelles on ne s'attendait pas,m'invitant aussi à regarder, fouiller un peu plus loin que le bout de mon champ, ça non plus ce n'est pas rien ! j'espère que ce n'est pas la fin-fin :) et que tu laisseras en ligne tes espaces, qui abordent le cinéma d'une façon rare et très intelligente, et si tu as un ordi entre les mains tu sais qu'ici tu es (seras) toujours le bienvenu, peut être te consacreras tu à l'écriture, (je sais que tu écris très bien :) et je suis assez soufflée de lire le mot "retraite", je ne pensais pas que tu avais l'âge de la retraite : (quelle jeunesse ! :) par contre, je pense qu'avec tout ces "bagages" étonnants qui sont les tiens bien persos autant perceptibles sur ton blog que dans tes interventions ici, tu n'auras pas le temps de t'ennuyer bien au contraire ! je te souhaite donc le meilleur, du temps libre surtout pour faire ce que tu veux, luxe suprême! de belles surprises pour la suite enfin, tout ce que tu te souhaiteras. Trois années de blog amis, c'est bien chouette et c'est bien réciproque, tu as été l'un des premiers commentateurs ici, (hommage solennel :) et tu fais partie de ces gens qui m'ont convaincue qu'ouvrir les commentaires et laisser libre cours aux inspirations de ceux qui désiraient intervenir cela avait un sens qui ouvrait (comme le titrait Nathalie Sarraute dans un très beau livre qu'elle a écrit à 99 ans et qui fût son dernier, "ouvrez" !) Merci encore pour toutes ces portes et ces fenêtres que tu es venu "ouvrir" ici . Je ne sais pas si la technologie est une bonne chose, de mon point de vue, je suis en train de me poser quelques questions très sérieusement , en tout cas, sache que dès que j'ouvre un livre d'Arthur Cravan,
evidemment, je pense à toi !
Bonne continuation à toi, bien amicalement ... :)
Écrit par : Frasby | vendredi, 26 novembre 2010
@ Alex : Au revoir Alex. C'est un peu triste de lire votre salutation ; mais re-traiter c'est sans aucun doute traiter autrement. Alors je souhaite que vos allers contiendront des retours. @ Frasby : « creuser jusqu'au trou noir ». Et si les trous noirs existent tels qu'on les imagine, c'est vers une masse d'un rien si dense qui devra, nécessairement, exploser un jour que nous creusons. Faut-il donc retraiter ?
Écrit par : Marc | vendredi, 26 novembre 2010
@Marc : Oui, c'est triste de regarder partir Alex (ce côté quai de gare où on agite des mouchoirs) ah non non ! ce n'est pas possible :( mais je sais qu'Alex, par ailleurs doit se régaler de se faire la malle, et c'est vrai que re-traiter, quand on le regarde bien ce verbe- et vous le faites très bien, n'a rien de pantouflard et comme vous je souhaite pour Alex des allers des retours tout autant de fois qu'il lui plaira , je pensais à ce sketche de raymond Devos (grand trouvère, si j'ose dire)
qui parlait des trous noirs, il disait "les trous noirs c'est troublant" Vous nous confimez Marc ! merci :)
Faut il retraiter ou ressourcer ? Sogr pensuss ...
Écrit par : Frasby | vendredi, 26 novembre 2010
Écrire, c'est ébranler le sens du monde
La sacristine mourut la première. L'émotion avait été trop forte pour cette simple femme. Elle n'avait pas douté un moment de la Providence; mais tout cela l'avait ébranlée.
Renan, Souvenirs d'enfance et de jeunesse, 1883, p. 53.
écrire c'est branler le monde pour lui exciter les sens ?
écrire c'est se mettre en branle mais très bas de combat mais perdu d'avance contre "le Monde" ?
écrire c'est un truc de vieux branlants (branleurs?) au lieu de s'esbaudir de ça de là "par le monde" ?
Dès la seconde année, il est urgent de mettre de bons tuteurs aux asperges, et de les attacher solidement après, afin d'empêcher le vent de les ébranler, ce qui nuit beaucoup à la production.
A. Gressent, Le Potager moderne, 1863, p. 642.
Écrit par : hozan kebo | vendredi, 26 novembre 2010
@Hozan Kebo : Elle est bien fameuse la citation de Renan! Vous n'allez pas nous dire qu'on ne peut pas à la fois branler le monde et s'esbaudir de par le monde deci de là cahin caha ? L'écrivain serait il si limité que ça à ne pouvoir être à la fois au four et au moulin (si j'ose dire) ? Vous n'allez pas nous faire croire que celui qui va s'esbaudir de ci de là ne se touche pas un petit peu ? (!:O!) et ne va pas secouer les arbres fruitiers de temps en temps, clopin clopant ? Les arbres fruitiers qui en redemandent, mine de rien... (Serait il si chaste, l'écrivain ébaubi qui s'en dédit ?) de ci de là de là de par le monde ? L'écriture est un truc branlants branleurs branligotants, peut être que ça commence comme ça ? Vous ne croyez pas que l'écrivain va un peu cul nu, de par le monde ? Avec toutes les conséquences que cela suppose ? :) Souvenez vous de ce vieux Diogène de Sinope (dit le Cynique) -je cite- :
"Il aperçut un jour une femme prosternée devant les dieux d'une façon inconvenante ; voulant l'arracher à sa superstition, il s'en approcha et lui dit : “ Ne crains-tu pas, ma fille, qu'un dieu ne se tienne par hasard derrière toi - tout est plein de sa présence en effet - et alors ne manquerais-tu pas de tenue ? ” (DL, Vl)
ou encore Un jour où il se masturbait sur la place publique : (je recite):
"Plût au ciel qu'il suffit aussi de se frotter le ventre pour ne plus avoir faim !"
(extr : Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres Tome II (1965), Diogène Laërce, éd. GF Flammarion, 1965)
Je pose la question du candide, (moi, je suis comme jean Gabin : "je sais qu'on ne sait jamais" :) mais les écrivains sont des gens que je fréquente, à la saison, pour raison qu'ils ne manquent ni de vigueur, ni d'imagination par pour l'amour universel (faut pas croire tout ce qu'ils disent) avant tout pour eux mêmes et pour le monde ensuite, il n'y a pas de mal à ébranler gratis un peu de ci un peu çi et ça (malgré ce qu'en dit Benoit 16) et cela n'empêchera pas l'esbaubitude :)) pourquoi faudrait il choisir toujours entre une chose et une autre ? Pourquoi pas toute les choses en même temps ? Certes, ça comporte le risque de s'y anéantir et fait un peu désordre, mais pourquoi pas ? Et puis il se passe des choses inavouables quand monsieur Gressent dort (quand monsieur Gressent dort, des îles flottantes poussent au jardin; et monsieur Gressent qui ne se doute de rien , vous ne pensez pas qu'il faudrait que quelqu'un lui dise un jour ? http://www.linternaute.com/femmes/cuisine/recette/323039/1293774597/iles-flottantes-salees-a-la-creme-d-asperges.shtml
Écrit par : Frasby | vendredi, 26 novembre 2010
Magnifiques traces du passage de vos feuilles quand elles marchent sur la neige!
Écrit par : Olivier Verley | mercredi, 01 décembre 2010
@Olivier Verley :. Merci. Je suis touchée par votre visite, votre domaine étant (à mon sens) magnifique. La neige oui, ici, j'avoue, elle est un peu artificielle mais j'en ai ramené de la vraie ensevelis que nous sommes et pareils à ces feuilles, nous flottons... A bientôt ici ou là bas :)
Écrit par : Frasby | jeudi, 02 décembre 2010
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