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mercredi, 29 juillet 2009

La pieume du Nabirosina (V.O.)

En Afrique on dit que quand un vieillard disparaît, c'est une bibliothèque qui brûle, peut-être en est-il ainsi de certains dialectes ? Le parler provincial, je veux dire, le patois, qui était jadis un dialecte, a cessé d'être cultivé, jusqu'à se déliter et parfois subir un dénigrement tel, qu'on ne vit plus en lui qu'un parler pauvre, parfois grossier. En fouillant dans de vieilles malles, j'ai retrouvé des fragments de journaux nabirosinais, des articles découpés, dont une petite histoire issue d'une rubrique cultissime publiée dans le journal local "La renaissance", datant des années 1990, 1991, (peut-être avant ? Les dates n'étant pas spécifiées, j'émets quelques réserves, en attendant de vérifier). Cette rubrique était signée "Le père Mathurin", et je crois que partout, dans les chaumières, (surtout celles de "Tçarolles" et ses environs),  on aimait bien le lire, ce "billet du Père Mathurin" comme pour retrouver ce temps où les nouvelles n'allaient pas si vite, et où il était bien agréable "d'causer l'long d'la route"...

Voici un petit extrait du travail d'Mile (retrouvé par "le Père Mathurin" qui n'était point curé), et si vous ne savez pas qui est l' Mile, on vous le dira demain, tout en éclairant votre lanterne sur cette histouère de "tsateugnes et de pouèle"...

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"Y'éto vé les anhnées vingt cinq, le fils - l'ancien tcheulé d'la Vavre - s'en v'ni veilli avec sa feune, la Génie, apeu leu feuille, la Guite. Y'éto la rendue. Nos avins été vé z'eu la fin d'l'anhnée passée. L'temps m'deuro qui z'arrivint pas...To p'un coup les v'là. Nous les entend chapter p'la co, posant leu chabots à la pôrte vé l'potadzi. Chtez vo l'tour du pouèle, mettez voté pi su la tablette ou dans l'fornio si vous ai fré. Et n'y v'là parti su la guerre, de Ham à la forêt de Paroy - des histouères à faire des livres, évacuation des blessés, entendues cent coups. Avec men père, au l'éto d'la classe 93, l'aute d'la 94 et trop vieux, y z'avint été veursés dans les territoriaux. Un moment après, ma mère a mis les tsateugnes su l'fu, apeu le mieux, y'est l'saucisson qu'cueillot à ptché fu, qu'envio un goût à faire baver un tsin tellement qu'y chintot bon.  Mais v'là ti pas qu'd'un coup, le gros tsin na se manque avec le gros matou gris, qu'étint coutsi d'so l'pouèle , et à coup de dents a peu d'griffes. L'coyer du tsin s'prend dans n'un boulon qu'bridot l'pouèle et le v'là parti avec l'garlot su l'dos p'la maijon, les teuyaux san d'sus d'sos, un gros feurdzin, les deux casseroles renveursées qu'fan eune femère autant qu'eune chaudgère. Men père a arrêté l'tsin à grands coups d'chabot su l'crâne, à la pôrte d'la maijon. Après la peu passée, y'a fallu to mettre en piesse, y fallo prendre des m'tinhnes pe pas s'breuler les das, apeu balier la cheurre sus les carreaux. C'ment y'éto à peu près queu, nous s'sen mis à tabye c'ment si y'avo ren ézu. Y'avo minhme pas enl'vé l'appétit. Après l'fromadze, l'café, la goutte a peu ma fois, à l'arvoyeure et à l'anhnée qu'vint !"

Photo : Sur la grande route de la maison du fils d'l'ancien tcheulé de la Vaivre quelquepart entre Montrouan et le hameau des "Combes"... Juillet 2009. © Frb

mardi, 28 juillet 2009

La pieume du Nabirosina (V.F.)

"Dze sais pas si vos connaissi l'Mile : aul a passé pas loin de quarante ans à la coopérative de Tçarolles, aul a entendu causi du patois de totes les acabies et vu qu'aul avot pas ses oreilles dans sa potce apeu qu'yetau pas un beurdin, aul a pensi que si eu peurnot le temps d'y écrire, y servot comme qui dirot d'pense-bête à tous tcé là qu'aimant not' chti pays, apeu qu'sant contents d'se rappeler la façon de causer vé nos (...) Apeu surtout y seur'vra a rév'lli vot' patois, et ça y vo fr'a point d'mau".

"LE PERE MATHURIN" extr. du Billet publié dans le journal local "la Renaissance" du 26/01/1991.

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L'Mile oeuvra si bien à son petit bouquin, (son petit dictionnaire), que le Père Mathurin proposa à la "Renaissance", (journal local, l'équivalent du "Monde" au Nabirosina,) de publier l' boulot du Mile, sous forme de petits récits, qu'il découpa, pour que les gens puissent les déguster bien "comme y faut". Durant plusieurs années le pays tout entier se demanda qui était ce fameux "Père Mathurin" qu'on lisait à voix haute et dont chacun se faisait passer les petits billets de maison en maison... Quant à l'identité du patoisant, je la laisse au secret. Et comme promis précédemment, voici la traduction de cette histoire bien sympathique "de chataîgnes et de poêle"...

Nota : une promesse pour un lendemain qui se retrouve avant hier ? Il faut noter qu'en nos hameaux, le temps se ralentit tellement, que même "certains jours" nous échappent. Puissiez vous lecteurs (des villes et des campagnes) être un brin éclairés.

Traduction :

"Cà se passait vers les années 1925, celui qu'on appelait "le fils", l'ancien tuilier de la Vaivre, était venu veiller avec sa femme Eugénie et leur fille Marguerite. C'était la rendue (1). Nous étions allés chez eux l'année précédente. J'étais impatient de les voir arriver. Soudain, les voilà ! On les entend marcher bruyamment dans la cour, puis ils vont poser leurs sabots à la porte près du réchaud à bois. Asseyez vous près du poêle, mettez vos pieds sur la tablette ou dans le four si vous avez froid ! Et voilà la conversation partie sur la guerre, de Ham à la forêt de Paroy, des histoires à écrire des livres, évacuation des blessés, entendues cent fois. Avec mon père, il était de la classe 93, l'autre était de la classe 94 et, trop vieux, ils avaient été versés dans les territoriaux . Un moment après, ma mère a mis les châtaignes sur le feu, mais le meilleur, c'était le saucisson qui cuisait à petit feu et qui envoyait une odeur à faire baver un chien tellement çà sentait bon. Mais d'un seul coup, voilà-t-il pas que le gros chien noir se querelle avec le gros matou gris - tous deux couchés sous le poêle - à grands coups de dents et de griffes. Le collier du chien s'accroche dans un boulon qui tenait le poêle, et le voilà parti avec sa chaudière sur le dos à travers la maison, les tuyaux sens dessus dessous, à grands bruits, les deux casseroles renversées qui font de la fumée comme une chaudière. La peur passée, il a fallu tout mettre en place, il fallait prendre des gants pour ne pas se brûler les doigts, et balayer la cendre sur les carreaux. Comme c'était à peu près cuit, nous nous sommes mis à table comme s'il n'y avait rien eu. Tout çà n'avait même pas enlevé l'appétit. Ensuite vint le fromage, le café et l'eau de vie, et puis ma foi, au revoir et à l'année prochaine ! "

(1) Invitation en retour d'une précédente.

Photo : Toujours sur la grande route de la maison du fils de l'ancien tullier de la Vaivre, quelquepart entre le hameau des"Combes" et le Pays de Montmelard. Juillet 2009. © Frb

dimanche, 01 mars 2009

Est-ce toi, Marguerite ?

"Il me semble que le grand désir que Notre Seigneur a que son Sacré Coeur soit honoré par quelque hommage particulier, est afin de renouveler dans les âmes les effets de la Rédemption. Car son Sacré Coeur est une source inépuisable qui ne cherche qu'à se répandre dans les coeurs humbles, vides, et qui ne tiennent à rien, pour être toujours prêts à se sacrifier à son bon plaisir. Ce divin Coeur est une source intarissable, où il y a trois canaux qui coulent sans cesse: premièrement, de miséricorde pour les pécheurs, sur lesquels découle l'esprit de contrition et de pénitence. Le second est de charité, qui s'étend pour le secours de tous les misérables qui sont en quelque nécessité, et particulièrement pour ceux qui tendent à la perfection; ils y trouveront de quoi vaincre les obstacles. Du troisième découlent l'amour et la lumière pour les parfaits amis qu'il veut unir à lui, pour leur communiquer sa science et ses maximes, afin qu'ils se consacrent entièrement à lui procurer de la gloire, chacun en sa manière. Ce divin Coeur est un abîme de bien, où les pauvres doivent abîmer leurs nécessités; un abîme de joie, où il faut abîmer toutes nos tristesses; un abîme d'humiliation pour notre orgueil, un abîme de miséricorde pour les misérables, et un abîme d'amour, où il nous faut abîmer toutes nos misères."

Extr. Lettre de Ste MARGUERITE MARIE ALACOQUE.

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Comme un dimanche, un vrai, en forme d'abîme... Je n'ai pas publié ce texte pour vous en faire partager les vertus (loin s'en faut !, lisez plus loin), ni dans l'intention de le moquer, mais juste parce qu'en le lisant, il me paraissait intéressant de soumettre toute l'étrangeté de ce langage, de cette dévotion, à la lecture de chacun, juste pour savoir, comment un texte simple, écrit fin XVIIem siècle, par une jeune fille dévouée à Dieu (et plus particulièrement au Sacré-Coeur) peut être perçu, voire décrypté en 2009. Mais peut être pour mieux comprendre l'étrangeté de ce texte, faut il aborder un peu l'histoire tout aussi étrange, presque effarante de cette jeune fille : Cinquième enfant d'une famille nombreuse, de parents notables, elle perdit son père à l'âge de huit ans. Elle fût envoyée au couvent des Clarisses à Charolles (cf. nos photos) où elle fît sa première communion, après, il est relaté dans plusieurs ouvrages qu'elle pratiquait en secret des mortifications sévères de son corps. plus tard, de santé fragile elle passa sa vie clouée au lit par des rhumatismes articulaires durant quatre ans. C'est à la fin de cette période, ayant fait voeu à la vierge de se consacrer à la vie religieuse, qu'elle se serait trouvée guérie sur le champ. Recueillie avec sa mère chez des parents qui les tourmentaient, leur ôtant tout contrôle de leurs biens et de leurs actes, Marguerite-Marie trouva son réconfort dans la prière, et c'est là, qu'elle aurait eu ses premières visions de Jésus Christ. Il lui apparaissait d'habitude sur la croix et elle ne s’en étonnait pas, pensant que d'autres recevaient aussi ces visions. Quand elle eut dix-sept ans, sa famille récupéra son bien et sa mère lui confia son désir de l’établir dans le monde. Alors, bien que régulièrement meurtrie par les pénitences qu’elle s’imposait, elle commença à participer aux activités mondaines. Une nuit, alors qu’elle était revenue d’un bal, elle aurait eu une vision du Christ pendant une flagellation : il lui reprochait son infidélité après qu’il lui avait donné tant de preuves d'amour. Pendant le reste de sa vie Marguerite-Marie pleura deux "fautes" qu’elle avait commises en ce temps-là : avoir porté quelques ornements et mis un masque au carnaval pour faire plaisir à ses frères...clarissers.JPG

Elle visita plusieurs couvents, et en entrant dans celui de la Visitation de Paray-le-Monial, une voix intérieure lui aurait dit : "C’est ici que je te veux". Le 25 mai 1671, à l'âge de 24 ans, elle entra au monastère et, en novembre 1672, elle prononça ses vœux perpétuels. De santé fragile, elle n'en continuait pas moins ses flagellations, ainsi que les macérations les plus extrêmes ( je vous épargne les détails), tandis que le Christ continuait de lui apparaître. Ces manifestations lui valurent d'être mal considérée par le reste des membres de la communauté, qui la traitaient de "visionnaire", au point que sa supérieure lui intima l'ordre de se plier à la vie commune. Elle se plia. Son obéissance, son humilité et sa charité envers ceux qui la persécutaient finirent enfin par l’emporter et sa mission vint à être reconnue par ceux-là même qui lui avaient montré la plus forte opposition. Avec l’aide du Père Claude La Colombière, que Jésus lui aurait présenté comme son "vrai et parfait ami", Marguerite-Marie fera connaître le message que Jésus lui aurait adressé. C’est le début du culte du Sacré-Cœur: Inspirée par le Christ, Marguerite-Marie établit la pratique de l'Heure Sainte, qui pour elle consistait à prier, étendue par terre, le visage contre le sol depuis onze heures du soir jusqu'à minuit le premier jeudi de chaque mois, afin de partager la tristesse mortelle qu'avait supportée le Christ, quand il fut abandonné à son agonie par ses Apôtres. Au cours de sa dernière maladie, elle refusa tout soulagement, ne cessant de répéter : "Ce que j'ai dans le ciel et ce que je désire sur la terre, c'est toi seul ô mon Dieu" et elle mourut en prononçant le nom de Jésus.

Photo: Façade de l'ancien couvent des Clarisses à Charolles où notre triste héroïne fît sa première communion en 1665. Décembre 2008.© Frb.