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dimanche, 04 décembre 2011

Porté par la chose faite

Comment saturer ce qui est déjà saturé ?

danger.pngComment répondre ? Il y aurait soit trop à dire, (on aurait l'air embarrassé), ou rien, pas grand chose mais il se peut que ce "pas grand chose" prenne les dimensions de la montagne la plus inaccessible.

Il se peut, à l'exemple de Bram Van Velde, qu'il y ait une discipline assez serrée qui oeuvre par nécessité dans l'obsession de dépasser les limites de chaque ouvrage afin d'accéder à une forme de discernement, (un poète dirait illumination) qui s'atteint peut être, ou jamais, par des chemins simples ou sophistiqués, ces lieux communs, je vous les livre assez banals, ce sera encore exprès, tels que souvent on les entend un peu partout, on les surprend, pour signifier qu'il faut sans doute se noyer, se cogner longtemps (au delà, ça deviendrait informulable) et ne rien céder aux injonctions plus raisonnables qui rendraient à la vie sa tranquillité et glisserait la pensée dans un confort, mais cela c'est sur le papier qui n'est pas qu'en papier évidemment...

A la volée, dans un bazar urbain, (en vrai, au figuré) au milieu d'une file d'attente assez endurante, je tombe sur un journal qui reproduit un tableau de Bram Van Velde. Ce tableau me relie à un autre ouvrage remarquable, que l'on vient de me prêter, un texte publié chez Fata Morgana en 1978 réédité chez POL : une rencontre de Charles Juliet avec Bram Van Velde où l'écrivain demandait au peintre

- Pourquoi  peignez vous ?

La réponse dût tomber aussi claire pour le peintre qu'elle fût troublante pour l'écrivain

- Je peins pour tuer le mot.

C'était la même raison qui nous avait poussés à choisir la musique, d'un support à l'autre, me revient une autre phrase, un passage fulgurant où Bram Van Velde réfutant un pilier d'une philosophie enracinée se faisait affreusement lumineux, c'est par l'oxymore volontaire que je bouclerai la boucle tout en laissant la boucle ouverte, sans rien résoudre, ni espérer, ni enfermer après quoi toute messe ne pourra se dire, exactement comme on avait prévu de s'en persuader. Je cite :

 

Je pense donc je suis de Descartes est de la foutaise. Il faut dire  : Je pense donc je m'écroule.

 

Bram Van Velde entretien avec Charles Juliet 1979 by editions POL. Ecouter : un instant fulgurant, rarissime, une voix en état de grâce...


 

Text : by frasby, thème, livres et documents sonores proposés par Paul.

Remerciements : à "Raidi pour", présent, disponible, qui discrètement participe, déploie nos pistes de lectures et autres tentatives, insufflant aux thèmes choisis ici, (ou là bas), un mouvement, qui ne pourrait se contenter de débats et de livres.

Photo : Haute tension, début de décollage. Le danger inévitable ? Le danger en voie d'anéantissement ? A chacun sa lecture. 

© P./ frb/ Rp  2011.

mercredi, 30 septembre 2009

Impossible - possible

Jamais
Quand bien même lancé dans des circonstances
éternelles
du fond d'un naufrage ...

STEPHANE MALLARME : extr. "Un coup de dés"...

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Connaissez vous DIODORE CRONOS (ou Kronos) ? philosophe à peu près contemporain d'ARISTOTE, de l'école mégarique, celui là même qui nia l'existence d'un possible qui ne se réaliserait pas, et fit observer "qu'un possible qui ne deviendrait jamais réel serait contradictoirement impossible." DIODORE CRONOS se situe dans la tradition éléate et cherche comme ZENON (d'Elée) à nier dialectiquement l'existence du mouvement. En effet, si on admet l'existence d'atomes (indivisibles), ces atomes se trouveront en des lieux mêmes indivisibles et ne pourront se mouvoir ni dans le lieu où ils se trouvent (puisqu'ils le remplissent), ni dans un lieu différent (puisqu'ils n'y seront pas encore. Il n'y a donc pas de mouvement mais une mutation. Ou succession d'instantanés. Le même refus de la notion de virtualité ou de possibilité se retrouve dans un autre argument tout aussi fameux élaboré par DIODORE CRONOS qu'on appelle "argument du dominateur" : cette aporie veut prouver qu'il n'y a que du nécessaire ou de l'impossible, et elle fût en son temps approuvée par les anciens. A leurs yeux elle démontrait l'incompatibilité de plusieurs principes dont on s'accorde à trouver la présence dans les conditions d'un acte libre et que le "bon sens "est spontanément porté à tenir pour "vrais". Grosso modo en voici les 3 + 1 principes :

1) Le passé étant irrévocable, seul un événement futur peut être possible.
2) Un impossible ne peut pas être la conséquence logique d’un possible.
3) Il y a un possible dont la réalisation n’a jamais lieu, ni dans le présent, ni dans le futur.
4) Ce qui est, est nécessairement pendant qu’il est.

En réponse à cette question qui est celle de la nécessité ou de la contingence, les philosophes antiques ont donc élaboré plusieurs solutions mutuellement exclusives en procédant comme on fait en mathématique lorsqu'il s'agit d'accommoder un système d'axiomes démontrés incohérents. ils ont sacrifié l'un d'eux pour montrer ce qui leur paraissait imperturbable.

Il faut bien admettre que ce domaine est aride parce qu'il est celui de l'abstraction pure. Or si ces quatre principes lus séparément ne poseront pas le moindre problème à son lecteur, DIODORE, en parfait coupeur de cheveux en quatre des 3 + 1 principes, démontrera encore que ceux ci ne sont en réalité pas compatibles entre eux, leurs conséquences se détruisant les unes les autres. Donc pour sauver la cohérence de l'énoncé, il faudra renoncer à un de ces principes, au choix. Et là, où la démo de philo deviendra amusante c'est qu'une fois qu'on aura rejeté l'un des principes, on aboutira à des systèmes compétement différents. Certains de ces systèmes, il en est, dont ceux des Stoïciens, qui reviennent à affirmer une sorte de nécessitarisme universel dans lequel la contingence n'aurait plus aucune place ; entendez par contingence, la liberté humaine au sens usuel du terme. Dans d'autres solutions (celle d'ARISTOTE, d'EPICURE ou celle des sceptiques grecs), cette notion de contingence, de liberté humaine est réintroduite mais au prix du sacrifice d'évidentes règles logiques. Résultat des cogitations, d'un côté comme de l'autre, la pensée humaine est invitée à découvrir sa finitude.

Pour ceux qui seraient très curieux de n'en pas rester à la version édulcorée de "certains jours", il y a un livre d'où sont tirées ces minces notes, que je conseille à ceux qui ont assez de temps pour s'y pencher (l'écriture en est limpide mais la lecture un peu difficile) ; il s'agit de "Nécessité et contingence" de Jules VUILLEMIN paru aux éditions de Minuit en 1984. Et pour corser un peu l'affaire, nous finirons par des questions (un peu à la manière du koan zen, mais sans la position zazen, plutôt dans une posture pseudo-néogrecque (???), c'est à dire la tête haute mais dans les mains (???), après quoi il sera écrit que la colline ouvrira sa vogue aux marrons, où nous irons oublier tout cela, en sucrant goulûment les fraises dans la barbe à papa).

Mais avant la récréation, révisitons une dernière fois "l'argument du dominateur", le passé est irrévocable affirme-t-il, or, parmi les évènements passés, on peut se demander quelle considération particulière porter sur l'inattendu lorqu'il est advenu ? s'agissait-t-il d'un possible mal déterminé avant qu'il n'arrive (manque de jugement, de connaissance ?)  ou bien d'un évènement impossible à prévoir qui n'avait aucun statut modal lié à la possibilité ? réponse au cas par cas sans doute, je vous laisse méditer tout ça, au frais. Certes, nous avons généralement tendance à estimer les évènements passés comme nécessaires, s'ils sont advenus n'est il pas qu'ils devaient nécessairement advenir ? Question. Seul peut-être notre manque de lucidité pourrait expliquer que nous n'aurions pas saisi, à ce moment là, la nécessité de telle ou telle occurrence évènementielle lorsqu'elle est survenue... Bref et puisque il ne s'agit que de jouer, lançons encore un dé. Si celui-ci marque le six, le coup ne cesse pas d'avoir été aléatoire. La proposition qui affirmerait que notre six sorti au dé est nécessaire ne serait pas tout à fait juste, mais l'évènement semblerait bien irrévocable. Et pourtant rien n'indique que ce même évènement ait été contingent. Imaginez mainenant, que ce dé se mette à rouler sous la table : Comment prouver qu'un tel imprévu aurait pu ne pas arriver ?

Sur ce je tire ma révérence, le dernier Jean-louis MURAT est sorti depuis quelques jours, c'est évidemment une pure merveille, qui a pour titre "Le cours ordinaire des choses", (Ah ! ah ! quelle ironie !). Adieu Diodore ! Bonjour Jean Louis. "Falling in love again".

Tout le reste étant littérature...

Photo : Autre question sous les pas, doublée d'un pochoir lumineux, arrachée dans la marche, en remontant la colline du côté de la rue de Flesselles. Pas très loin de l'immeuble aux 365 fenêtres, dont pas une, a dit DIODORE n'a été posée par hasard. Vue à Lyon par une nuit ordinaire de Septembre 2009. © Frb.