Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 28 décembre 2009

Notes givrées 1

"La source de goutelette pour le givre est un nuage ou le brouillard [...] Il est fréquent en hiver sur le sol, la végétation, les objets et les aéronefs. Le givre peut également se déposer sur des flocons de neige dans les nuages et les enrober d'un dépôt glacé qui augmentera leur densité."

Wikipédia : voir "givre". (Si vous ne voulez pas vous en tenir à la poésie du Ouiki vous pouvez caresser l'image en appuyant bien fort, sur la petite feuille de lierre).

givre_2.JPG

Le givre peut se déposer sur les créatures. Un seul hiver à peine les fardent pour longtemps. Cela n'a rien à voir avec les cheveux blancs. Chaque dépôt cache une plainte, quasi imperceptible, chaque blancheur couvre la haine d'une beauté ancienne. Le givre mou des plantes, les écailles rompues, et les cristaux de neige voilant la pépinière sont encore moins chancelants que ces coeurs en jachère, aux yeux exorbités, cherchant l'âme soeur dans les tanières, un sexe entre les dents, des fadaises pour la mère Noël.

Le dégivré empire l'affre du peuplement. Le dégivré est pire. Il se tient proprement. Il a sucé les vents sur des échelles humides, s'est barbouillé d'azur jusqu'à l'écoeurement. Le dégivré s'empiffre de matins agrippés aux grains qui se dépulpent dans l'eau tiède, souvent, le dégivré, y trempe des petits gateaux secs, et des biscottes sans sel lui rentrent dans la tête. La nuit, il dort. D'un sommeil bienheureux. Nul cauchemar ne le hante. Pas le moindre consentement s'immisce à ce qu'il fût, l'amoureux de naguère, l'étoile inaccessible, (Arcane XVII). Il a plié son drap, tué son jeu de flêches puis il s'est retapé... Il est sorti en ville avec son chapeau blanc, son souvenir piteux qui lui râtelait, au grand secret, le sang à petit coups féroces sous un linge admirable.

Son souvenir était piteux, il n'avait pas su l'entretenir. Tout se délitait doucement. Sur la blessure, il pouvait lire quelques mots désolés. Il l'était, platement. Et les sanglots de tant d'hivers s'atténuaient au fil des ans, tandis que le mercure remontait.

Le givré a pensé qu'il y avait bien des cochonneries qui grouillaient sous ce chapeau blanc. Et qu'il faudrait un jour, faire payer les vampires en les refroidissant. Le dégivré reniait son givre. Un givré malhonnête. Un suiveur impatient. Minaudant sur les sports d'hiver, roulant son paradis sur des notes de pêches. Attachant les roses par dix avec des kikis à frisettes. Voilà, ce qu'il reste du givré quand il a trop aimé et que sa fol' jeunesse se change en levure morte. Une suite de jours panoramiques liquidés sous l'enfant. Il fallait aussi balancer les chagrins malséants. Les uns n'allant pas sans les autres : L'alphabet doux, l'amour d'une fille. La cabane de l'Alceste, la grappe bleue des glycines à gratter dans la neige, pour piétiner au cul de l'an, les splendeurs d'un palimpseste.

Le givré berce ses hiéroglyphes. Il retrouve plus loin, le ruban d'une lettre. Et le vent mauvais de Janvier qui le laissa fou et muet, dix ans plus tôt, à l'abandon, dans un massif pas loin des tulipes de Juillet. Il avait essayé les cimes, il était retombé par terre, dans un grand trou, où poussaient les fougères, quand Décembre en fin de carrière gelait toutes arborescences. Puis il s'était laissé mourir, non sans avoir pleuré longtemps sur ce temps replié. Les derniers numéros perdants, deux ou trois journées immobiles qui n'en finissaient plus de redouter cet an mordu déjà de deux mil 10. C'était une nouveauté, que le monde entier, dit-on, s'arracherait. Mais pourquoi s'en moquer ?

"On cherche aussi nous autres le Grand Secret"...

Givre3.JPG

Photo : La voie de son givre + quelques plantes au choeur floqué. (Le dégivré n'ayant pas désiré figurer sur cette photo, il vous présente platement ses excuses). Vu en forêt. Nabirosina. Fin Décembre 2009. Frb. ©.