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mardi, 11 août 2009

Battre la campagne (3)

"Toute bibliothèque répond à un double besoin, qui est souvent aussi une double manie : celle de conserver certaines choses (des livres) et celle de les ranger selon certaines manières."

GEORGES PEREC : "Penser classer". Editions Seuil 2003

battre la clivres.JPGIl y a des gens qui disposent les pierres comme on range des livres : cela s'appelle peut-être aussi "battre la campagne" .

Je repense à Alain CAVALIER qui disait dans la "lettre d'un cinéaste", (cf. l'émission "Cinémas-cinémas" à propos de la préparation de "Thérèse"), ne vouloir conserver uniquement 3 livres au plus. "Jamais je n'arriverai à cette légéreté là."

Surtout avec les livres gravés sur la pierre de Vareilles, trois livres ça fait déjà un sacré poids.

Et s'il ne fallait qu'un seul livre pour une île déserte, le poids des mots, (et le choc de ma photo) en disent assez long sur ce thème. Moi qui croyais ne voir qu'un tas de pierres, en caressant l'espoir de construire une église. Ou peut-être une chapelle ? (merci Choule !). Me voilà avec un tas de livres sur les bras. Tout en ancien français. Qu'en faire ?

Je ne vais tout de même pas m'asseoir dessus ? Ce serait une infâmie. Une injure aux premiers et derniers troubadours; ce serait comme bafouer l'arrière arrière arrière galant de mon arrière arrière arrière grand-mère, ce charmant GONTIER DE SOIGNIES qui louangeait les dames par le chant et la poésie dans les bosquets de Vareilles (?) et du Comté de Bourgogne. Il y a tant de beauté à lire dans ces pierres là, tant de pages à tourner. Mais je me demande qui acceptera de m'aider à les porter. Car voyez vous, les temps ont bien changé et l'on ne trouve plus tellement (sur le marché) de galants à la GONTIER (De Soignies, s'il vous plaît !), célébrant les vertus absolues de la Dame et l'accompagnant (à la sortie de la bibliothèque jusqu'au seuil de sa chambrette), des pierres savantes plein les bras. Non, on ne trouve plus de ces messieurs si délicats, qui venaient à la nuit tombante, (avec une viele), célébrer sous notre tonnelle embaumée de roses trémières, les paysages de l'amour et des beaux sentiments... J'ouvre la pierre à la page 27. Ma surprise est immense de voir le poème que GONTIER (De Soignies, quel merveilleux garçon) m'a dédié cet après-midi :

Onques mes ne fu soupris
De nule amour, ne destroiz,
Mais or m’ont dou tot conquis
Ses sens et sa bone foi.
Cors a gent et cler le vis,
Blanches mains et longuez doiz,
Douz semblant et simple ris :
Bien est faite en touz endroiz.
Pou la voi…

Nota : Certes, je bats la campagne, un peu, beaucoup, paisiblement. Et j'ai un magnifique projet : la future bibliothèque du petit village de Vareilles formera autour de ma grande église (j'ai trouvé d'autres pierres) un bienveillant rempart... Tandis que dans la grande ville, je ne sais pas trop pourquoi, on range les livres tout autrement. On dirait qu'ils sont bien scellés peut être pour empêcher les gens de les jeter dans la mare ? Mais n'allez pas croire que je suis exagérement en train de battre la campagne, tandis que vous battez, (et peut être sans le savoir) chaque jour ce pavé que l'on ne vous autorise pas à lire...

Parallèlement, à mon rêve minéral, je me désole de constater (ce n'est pas faute d'avoir essayé ;-) qu'on ne pourra sans doute jamais construire des églises en papier. Et là, je crois savoir pourquoi...

Photo : Une bibliothèque rangée et classée à la mode médiévale, elle entoure partiellement l'église et la compose partiellement. Mémoire romane du Nabirosina vue à Vareilles le 11 Aôut 09. © Frb.

lundi, 27 juillet 2009

Ange au mûrier

Le soleil du matin doucement chauffe et dore
Les seigles et les blés tout humides encore,
Et l'azur a gardé sa fraîcheur de la nuit.
L'an sort sans autre but que de sortir : on suit,
Le long de la rivière aux vagues herbes jaunes,
Un chemin de gazon que bordent de vieux aunes.
L'air est vif. Par moment un oiseau vole avec
Quelque fruit de la haie ou quelque paille au bec,
Et son reflet dans l'eau survit à son passage.
C'est tout.

Paul VERLAINE : "La bonne chanson".

P7310017.JPG

VERLAINE vient de se fiancer avec Mathilde MAUTE, une très jeune fille. "La bonne chanson" évoque presque chronologiquement les évènements de sa vie depuis sa rencontre avec Mathilde, jusqu'au mariage. Les plus beaux poèmes du recueil sont sans doute ceux où il décrit les paysages qui ont accueilli cet amour. VERLAINE y chante sa joie pure, son enthousiasme d'amoureux. Il imagine le bonheur paisible du foyer. La vie tranquille.

La lune qui nimbait de mélancolie le décor des "Fêtes galantes" verse maintenant dans son coeur : "un vaste et tendre apaisement"...

Quelques années plus tard, l'arrière petite cousine de Melle Mathilde, se promène à cheval dans les chemins du Nabirosina, L'air est frais. C'est l'heure exquise, celle où chaque jour, le petit fils du marquis de Montrouan lui donne rendez vous, sous l'hêtre pourpre dans la forêt, juste derrière une haie, où bientôt poussera la mûre...

Photo : Un signe... Vu dans la lumière matinale du Nabirosina. Juillet 2009. © Frb

mercredi, 01 juillet 2009

Juillet

Elle a, ta chair, le charme sombre
Des maturités estivales,
Elle en l’ambre, elle en a l’ombre ...

PAUL VERLAINE, extr. "Eté" in "Parallèlement", "Chansons pour elle" et "Autres poèmes érotiques". Editions Gallimard 2002.

juillet palvif.jpg

Le soleil trottait devant moi sur des talons légers, une femme mûre, d'un autre siècle, se rendait au musée. Elle tenait sous son bras un minuscule châle confectionné tout au crochet et son sac de jeune fille, faisait un bruit de petite quincaillerie, de verroterie ancienne. L'été harmonisait sa dame, d'une lumière éblouissante. Ca sentait bon la Guerlinade, le rendez-vous discret. La dame s'arrêta à deux pas de l'entrée du musée. Elle sortit sa poudre précieuse, une houpette, et doucement se para, tout en surveillant qu'il n'y ait pas de personnes trop curieuses pour surprendre ce moment d'intimité qui relèguait la rue à quelquechose d'infiniment superficiel. Des notes d'iris, de tubéreuse glissaient dans mes volutes et pendant que la dame sortait de son trousseau, un petit vaporisateur, moi je jouais, la bouche en coeur avec ma cigarette à faire des ronds parfaits qui flotteraient dans le ciel pour retomber dans la poussière. La dame rangea son attirail, ne gardant que l'ombre à paupières qu'elle appliqua presque à tâtons, en touches irrégulières. Puis elle se parfuma, je connaissais par coeur ces notes de fond : Vanille, Iris et Cuir. La plénitude et le plaisir des premières vies amoureuses, la peau douce que l'on respire quand l'amant, le premier, s'immisce, passionnement, captive l'imprudence, et que l'univers entier fond comme une friandise sous sept ciels, au tout premier été du monde. Après cette première fois, il faudrait tout de suite en mourir, pour ne plus craindre la récidive... Cet Amour, cet inachevé, je le respire encore, l'éclatante émeraude, votre pâleur, ce sourire qui s'illuminait sur les mélodies de Fauré. Mille de vos poèmes qu'on lisait à voix haute et qu'on envoyait valdinguer dans la chambre embrasée de senteurs. "Vanille, Iris et Cuir", le parfum s'appelle "L'attrape-Coeur" ...

A ce moment du récit, j'ai vu arriver un monsieur brun, aux tempes grisonnantes, d'âge mur et très bien mis. Il souriait tout seul, en marchant et tenait des roses rouges à la main, dans mon esprit (aujourd'hui corrompu ;-) je me suis dit que c'était peut-être un de ces rendez-vous charmants du genre "rendez-vous minitel", du romanesque post-moderne de premiers rendez-vous, par la grâce de toutes ces sortes de machineries actuelles, un point précis dans une ville, deux signes particuliers, assez particuliers, (parfois cocasses), pour bien se reconnaître. Elle aurait dit qu'elle porterait une longue jupe couleur soleil, qu'il ne pourrait la louper,(ah ça !). Il lui aurait répondu, sans doute, qu'il viendrait là, avec des fleurs... Ensuite ils iraient s'asseoir sur un banc au jardin du Palais St pierre et cela s'appellerait toujours "L'attrape-Coeur".

 

Gabriel FAURE: "Chanson d'Amour" opus 27 n°1
podcast

 

Photo: Filature étoffée pas très loin du Palais St Pierre dit "Musée des Beaux Arts". Une dame en jupe-soleil. Vue à Lyon. Juillet 2009.© Frb.

vendredi, 13 février 2009

Amours perdus

arcades.jpgRetourner sur les lieux. Et retrouver la dame. Marcher sous les arcades, où jadis il l'avait laissée. Juste un baiser, à peine... Rien de très grave. Mais la dame avait refusé. Il avait insisté, frôlant les plis discrets. Essayer de lever un voile... Il s'était laissé emporter, de l'empressement. Une fringale. Peut-être une brutalité ? Et toujours plus cruel, le refus de la dame. Alors il lui avait demandé pardon, le visage enfoui dans ses cheveux, elle avait un joli chignon et quelque boucles, dont il respira très longtemps le doux parfum d'ylang ylang. Puis, il était parti, la laissant là, comme de marbre, se jurant pour toujours qu'il ne reviendrait plus...

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