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jeudi, 06 mai 2010

Les injonctions paradoxales

Ignorez ce panneau !

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"Selon une histoire très ancienne qui a autant dépité les philosophes que les théologiens, le diable mit un jour en cause la toute-puissance de Dieu en lui demandant de créer un rocher si énorme que Dieu lui-même ne saurait le soulever. Quel choix restait-il à Dieu? S'il ne pouvait soulever le rocher, il cessait d'être tout-puissant ; s'il pouvait le soulever, il était donc incapable de le faire assez gros."

La forme la plus fréquente peut-être sous laquelle le paradoxe s'introduit dans la pragmatique de la communication humaine est celle d'une injonction exigeant un comportement déterminé qui de par sa nature même ne peut être que spontanée. Le prototype d'un tel message serait alors "Soyez spontané !". toute personne ainsi mise en demeure d'avoir ce comportement se trouverait alors dans une position intenable. Pour exemple, les clients du bordel de luxe du "balcon" de Jean GENÊT sont tous pris dans ce système. Les filles sont payées pour jouer le rôle complémentaire qu'attendent d'elles tous les clients afin de vivre leurs rêves d'eux mêmes mais tout reste dans l'ordre du trompe l'oeil car tous savent (par exemple) que le pêcheur n'est pas le pêcheur, que le voleur n'est pas un vrai voleur etc... Or pour que que cela fonctionne il faudrait être spontané par obéissance donc sans spontanéité.

Voici quelques variantes d'injonction paradoxale ("paradoxe", pour mémoire, de "Para" = contre et "doxa"= opinion)

- Tu devrais m'aimer !

- Je veux que tu me domines !

- Ne sois donc pas si docile !

- Tu es libre de partir, tu fais comme tu veux et surtout ne t'inquiète pas si j'en tombe malade.

Dans chacun de ces exemples, tout échappatoire est impossible. Au pire l'autre refuse d'obéir, au mieux chacun fait ce qu'on lui demande mais pour de mauvaises raisons et l'on retombe dans l'obéissance elle-même. Là est le paradoxe, la spontanéité ne peut s'épanouir sans la liberté, sous la contrainte, la spontaneité n'est plus possible, et plus rien n'aura de sens. La liberté elle même est analogue à un paradoxe. Ainsi le code civil suisse stipule à l'article 27 : "Personne ne peut renoncer à sa liberté [...] ou la limiter dans une mesure qui viole la loi ou la moralité". Une phrase à méditer, bien sûr. Et Nicolas BERDÏAEFF ( cf. Bibl. in "Dostoïevski" Méridian books N.Y 1957) résumant la pensée de Dostoïevski écrit : "On ne peut identifier la liberté à la bonté, ou à la vérité, ou à la perfection, elle est la liberté et non la bonté."

Toute identification entre liberté et bonté ou perfection implique une négation de la liberté et renforce les méthodes de coercition. La bonté obligatoire cesse d'être la bonté du seul fait qu'on y est contraint.

Sur ces réflexions très intéressantes autour de la liberté, je souhaite de votre part un bon anniversaire à ce petit blog pour ses 2 ans d'existence. Je tiens par dessus tout, à remercier chaleureusement les lecteurs chéris z'et les commentateurs adorés de "Certains jours" sans qui  ce petit blog ne serait pas. Etc...Etc...

Nota: D'ailleurs je ne demande à personne de me souhaiter cet anniversaire, bien au contraire ! même si j'estime que c'est quand même la moindre des politesses quand il y a un anniversaire quelquepart, d'y penser et le plus joyeusement du monde. Mais si vous l'oubliez, je n'en mourrai pas. Enfin si. Mais c'est pas grave, chacun est libre :-)

Source : "Une logique de la communication" de P. Watzlawick, J. Helmick Beavin, Don D. Jackson. Edition Seuil 1967.

Liens utiles :http://polaristo.com/jfpelletier/doctorat/012.htm

http://www.vadeker.net/corpus/gregory_bateson.html

Photo: Impasse vu d'un vélo dans le ciel de Lyon la nuit, pas loin de la rue Denfer. En Mai 2010. © Frb.

lundi, 13 octobre 2008

Comme un lundi

" C'est l'homme tout entier qui est conditionné au comportement productif par l'organisation du travail, et hors de l'usine il garde la même peau et la même tête. Dépersonnalisé au travail, il demeurera dépersonnalisé chez lui."

Christophe DEJOURS : EXTR : "Travail usure mentale"/ Editions Bayard, 1ere ed. 1980, 2000.

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Christophe DEJOURS est professeur de psychologie au CNAM, psychanalyste et psychiatre et l'un des principaux spécialistes de la psychopathologie et de la psychodynamique du travail. Dans "Travail usure mentale", il se demande comment la souffrance au travail peut modifier le sujet de l'intérieur et quelles défenses psychiques stratégiques l'être humain est obligé de mettre en place parfois à son détriment face à la souffrance au travail. On constatera que le sujet est de plus en plus d'actualité, puisque sont apparues ces dernières années, de nouvelles pathologies liées à la souffrance psychique engendrées par le travail. Cette souffrance de nature mentale commence quand le rapport Homme-Travail est bloqué c'est-à-dire quand la certitude que le niveau atteint d’insatisfaction ne peut plus diminuer. De plus, contre la peur au travail, comme contre l’insatisfaction, des stratégies défensives sont élaborées par les Hommes de sorte que la souffrance n’est pas immédiatement repérable. La souffrance change avec les différents types d’organisation du travail mais ne disparaît jamais pour autant (...)

Si le sujet est coupé du réel et de la reconnaissance par autrui, il est renvoyé à la solitude de la folie classique connue sous le nom "d’aliénation mentale". Si le sujet entretient par son travail un rapport avec le réel, mais que son travail n’est pas reconnu par autrui, même si ce travail est dans un rapport de vérité avec le réel, il est là aussi condamné à la solitude aliénante. F. Sigaut désigne cette situation "d’aliénation sociale". Le sujet risque de basculer dans une folie qu’on confondra peut-être avec l’aliénation mentale, pour peu qu’il proteste et essaie de réclamer son dû (paranoïa), ou finisse par perdre confiance en lui (dépression) (...)
La peur n’est pas qu’imaginaire, elle correspond effectivement à l’exercice d’une menace parfois délibérée de la part de l’encadrement, selon des méthodes de management plus ou moins sophistiquées. Le problème posé est celui du consentement à participer à des actes d’injustice contre autrui ou de manipulation occasionnant de la souffrance à autrui, actes que pourtant on réprouve. Mais comment parvient-on à obtenir des gens qu’ils apportent le concours à des actes que cependant ils réprouvent ?
Comment un être humain peut élaborer une stratégie de défense qui vise, pour moins souffrir, à neutraliser, voire à paralyser la pensée de ceux qui travaillent et qui souffrent ? Le processus désigné par Christophe DEJOURS semble fonctionner tel un cercle sans fin où chacun harcèle l’autre et harcèle à son tour dans l’entreprise. Or, il arrive un moment où la chaîne se casse...

Sources des notes de lecture : CNAM  / LIENS UTILES ICI + ICI

Photo: Villeurbanne, avenue Roger Salengro: usure d'un bâtiment encore debout mais peinant dans le paysage...

jeudi, 18 septembre 2008

Procrastination

Du verbe Procrastiner venant du latin" procrastinare " = Remettre au lendemain : de pro = en avant et crastinus = de demain, lui même dérivé de l'adverbe cras = demain. Cras mane = demain matin, crastinum (nom) = le lendemain, en ancien français le crastin  = demain (lendemain). Une phrase célèbre ( attribuée à Jésus de Nazareth ) dit : " Ne vous inquiétez donc pas du lendemain, demain s'inquiétera de lui même. A chaque jour suffit sa peine". (" Nolite ergo esse solliciti in crastinum, crastinus enim dies sollicitus erit sibi ipse sufficit diei malitia sua." - Matthieu, 6, 34 - ).
La procrastination est un terme relatif à la psychologie qui désigne la tendance à remettre systématiquement ses actions au lendemain, qu'elles soient limitées à un domaine précis de la vie quotidienne ou non. Le retardataire chronique appelé  "procrastinateur " n'arrive pas à se mettre au travail, surtout lorsque la gratification n'est pas immédiate.Cependant être un retardataire ne signifie pas ne rien faire, bien au contraire ...

Comme disent les anglais : " Procrastinating is good for you. DO IT NOW ! " 99690857ZZZ.jpg

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Images extraites de l'album " Tendance débile " de Poussin  (pas Nicolas, l'autre ! )  Paru au printemps 1979.

Je dédie ce billet à la page 123...