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jeudi, 14 octobre 2010

La grande route

Le mensonge est aliéné au secret,
Légitimé, prudent et raffiné ;
Aveugle à tout sauf à son intérêt,
Il forge des fers pour l'esprit [...]

WILLIAM BLAKE extr. "Nouveaux vers gnomiques" traduits de l'anglais par Alain Suied

Pour connaitre le début de cette histoire, vous pouvez cliquer sur l'imageroad.JPG 

Nous regrettions les trottoirs de nos villes, l'absence de vitrines nous flouait peu à peu, exilés à mille lieues de la terre natale nous voulions retrouver l'ouverture mais allions doucement à la sauvagerie sans nous en rendre compte. Nous étions à bout de force, de peines et de chagrins, nul n'avait le droit de se confier à quiconque, afin que nul ne s'affaiblisse, nous portions sur notre dos à tour de rôle des outres remplies à ras bord d'eau de source cela pour continuer d'avancer, continuer sur la grande route. Nous étions sans cesse assoifés. Puis nous ne vîmes plus rien du tout. Un grand pays venait, que l'on ne pouvait connaître. Le ciel fût plus léger nous en savourâmes la fraicheur sous forme de flocons tièdes qui tombaient de petits nuages. Nous avions vaincu les piqûres des becs d'oiseaux, chanté des chansons ridicules et maintenant ceux qui savaient apprenaient aux autres la prière et la dévotion, nous n'avions plus ni père ni mère. Notre mouvement suivait celui d'une mauvaise étoile qui de loin nous paraissait très belle, peut-être plus tard rayonnerait-elle ? Des statuettes d'idoles féroces furent sculptées dans la glaise ou le bois, tout ce que nous trouvions à terre servait à ça. Les plus dévoués d'entre nous les posèrent le long de la route. Ainsi le monde se souviendrait longtemps de notre chemin exemplaire.

 

Photo : La grande route commence ou finit sur les marches d'une petite Chapelle, quelque part (nous gardons le secret), dans une ville, là bas, dont le nom ressemblerait un peu à L'Espagne, (j'ai dit un peu...). October en Nabirosina. © Frb 2009.

dimanche, 19 septembre 2010

From here to eternity

Et juste au moment où quelqu'un prés de moi
dit : "il est parti !"
il en est d'autres qui le voyant poindre à l'horizon
et venir vers eux s'exclament avec joie :
"Le voilà !"

 WILLIAM BLAKE  extr. "Comme un voilier"

grde rte030_2.JPGNous marchions sous la pluie avec nos vêtements sombres, le temps nous avait oubliés. la fumée qui sortait des cheminées balayait nos esprits, nous avions tous à cet instant, la certitude d'aller vers une nouvelle vie. Cela nous rendait presque fous. Nous pataugions dans des champs, écrasant de nos bottes les asters, les pétales mous des fleurs s'accrochaient sous nos pieds, les feuilles mortes, éparpillées partout, accentuaient encore l'importance que nous nous donnions. Ceux des notres qui tenaient encore debout s'imaginaient élus, mais il n'en restait plus beaucoup. Nous marchions, épuisés sous cette pluie qui n'était pas la pluie, quelque chose déversait sur nous sa poussière et quand nous regardions le ciel cela nous rappelait que le temps s'était endormi. Nous cherchions loin de chez nous une grande aventure. Nous pataugions ainsi, depuis des jours, le long des champs, il y avait aussi des glaïeuls poussés là on ne sait comment. Nous étions anxieux, en manque de tabac, de café et de livres. Et pour nous occuper nous chantions des chansons ordinaires plutôt stupides lesquelles à force d'être hurlées à tue tête nous déchiraient le coeur. Ensuite vint une plaine et des multitudes de pierres colorées, puis nous vîmes plus loin des chevaux traverser les forêts, des guerriers à tête longues légèrement balafrés ouvraient la grande route, on aurait dit une cavalerie sans cavaliers. Quand nos visions cessèrent la pluie frappait plus fort encore. Enfin nous plongeâmes dans la nuit. Mais cette nuit, ce n'était pas vraiment la nuit. Rude comme l'éclat du givre, froide comme le marbre de ces tombes que nous avions laissées au loin. Le sommeil nous effrayait nous redoutions d'être emmenés par quelque chose de pire ou encore de finir à genoux comme ceux que nous avions laissés derrière nous. Nous étions tous attachés les uns aux autres par une longue chaîne grossièrement maillée, à l'oeil nu invisible ; nous tournions affamés autour d'un cercle qui se creusait à mesure de notre ronde. Nous étions fervents et furieux, le corps couvert des piqûres de becs d'oiseaux, nous avions les mains déchirées par les barbelés des clôtures. Dans la poche chacun conservait son couteau. Nous allions purs et vifs, nos rêves étaient précis. Du haut d'une colline, des nuées d'étourneaux nous regardaient venir.

 

Photo : Quelques empreintes floconneuses aux frontières des mondes goudronnés. Photographiées de la route d'Aigueperse. Début Septembre 2010.© Frb.