mardi, 07 octobre 2008
Tristan 1
Je tremble en voyant ton visage
flotter avecque mes désirs
tant j'ai de peur que mes soupirs
ne lui fassent faire naufrage.
TRISTAN
Les miroirs flottants de Saint Amant sont l'emblème de cette poésie tremblée qui aime les glaces liquides, les eaux aux reflets mouvants, les transparences aqueuses, les coulantes images (...) L'effritement du monde, son morcellement, sa fragmentation, se fait sur le mode de la juxtaposition qui se construit ou se déconstruit tout objet, guettée à tout moment par la décomposition. La discontinuité s'impose, (...) son allure à "sauts" à "gambades" comme celle qu'aime MONTAIGNE, épris du décousu, ses brusques ruptures disent le défaut de cohérence du monde, son inconsistance, sa labilité. La vision myope des poètes libertins, ce découpage de l'univers sensible en "vignettes", cet assemblage de pièces et de morceaux que nulle continuité ne rattache à un tout, cette technique de la "carte postale", détaillant un paysage en plusieurs "vues", sont à mettre au compte d'une radicale indécision, d'un trouble de la contiguïté. Le corps de l'amant ou de l'amante, le corps du paysage, le corps du texte sont pareillement morcelés, chaque membre vivant une vie autonome sans relation à l'ensemble. Une relation d'incertitude s'institue entre le destinateur et le destinataire (...) L'image mentale, alors même qu'elle est en voie de formation, se défait au fur à mesure que se construit par petites touches, la description. l'univers éclate en morceaux, perdant ses liens, sa couture, et la nature s'ouvre à un surréel, irréel. La visée n'étant pas le vrai, mais le possible.
(notes inspirées par l'"Anthologie de la poésie amoureuse de l'âge baroque"(1570-1640)- notes sur le maniérisme et le baroque" d'après G. mathieu-Castellani (1990)
Photo: Ombres liquides et parfum d'acacia aux trottoires bordant l'allée d'un parc entre Charpennes et République à Villeurbanne. Octobre 2008.
16:54 Publié dans A tribute to, Balades, De visu, Mémoire collective | Lien permanent
Commentaires
Des fois c'est trop, tellement c'est beau...
Déjà seule la légende:"ombres liquides et parfum d'acacia..."enchante, mais aussi ces 4 vers de Tristan (?) et puis la beauté de la photo, le texte....
J'espère que quelqu'un saura vous le le dire mieux que moi, Frasby, que vous êtes magique.
Écrit par : Sophie L.L | mercredi, 08 octobre 2008
Le dire mieux ? mais votre commentaire me touche beaucoup vous savez...
Écrit par : frasby | mercredi, 08 octobre 2008
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