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jeudi, 26 mars 2009

Où est le mal ?

"Où me laissé-je emporter, insensé que je suis ? Pourquoi marcher à l'ennemi la poitrine découverte ? Pourquoi me dénoncer moi- même ? L'oiseau n'enseigne pas à l'oiseleur les moyens de le prendre ; la biche n'apprend pas à courir aux chiens qui se jetteront sur elle. Que m'importe mon interêt ? Je poursuivrai loyalement mon entreprise et donnerai aux femmes de Lemnos * des armes pour me tuer"

OVIDE. Extr: "Laisser croire aux amants qu'ils sont aimés" in " L'Art d'Aimer". Société d'édition "Les belles lettres" 1960.

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"L'Art d'Aimer" d'OVIDE (un petit peu détourné), a fortuitement croisé une image problématique au coeur de la presqu'île près de ces petites rues qui bordent Saint Nizier (et son église de style gothique flambloyant). Ce quartier fût jadis, celui des dames aux moeurs légères qui offraient aux messieurs en l'échange de quelques francs anciens et nouveaux, toutes sortes d'illusions, des plus sophistiquées aux plus élémentaires... Certains d'entre-eux, me raconta Christine, (une pute affranchie, tapinant dans sa rue mais aussi, excellente voisine de palier à cette époque désormais révolue), ne venaient que pour s'asseoir à côté d'elle, ressentir la chaleur humaine et écouter quelques mots doux, qui, pour un tarif un petit peu plus élévé, pouvaient être murmurés jusque dans l'oreille ! Certaines de ses collègues, moins compatissantes, surtout moins affranchies, laissaient les bougres dans l'escalier, et n'acceptaient de recevoir que les gars pour la bagatelle, à l'abattage, vite fait, bien fait. Il était sans doute plus compliqué pour elles d'offrir à leurs clients un mensonge habillé, écouter ou parler, juste cela, plutôt que de coucher sans la moindre empathie au prix d'une prestation choisie. C'était donc, Christine cette doyenne, "affranchie au grand coeur", qui recevait les malheureux ; dont certains exigeaient qu'elle leur fasse des... promesses, tarifées bien sûr et jamais tenues. D'autres encore, les mal mariés, les esseulés, abandonnés, venaient la "consulter" (certains même, une fois par semaine, comme chez la coiffeuse ou le psy) pour être simplement consolés. Cela leur suffisait. Et puis ils repartaient heureux, de quoi "tenir" quelques jours, ou un très court instant, peut-être, s'imaginer, aimés... Enfin , c'est ce que nous racontait Christine, une fois sa journée terminée, tandis qu'elle nous offrait le thé, dans cette chambre à la fois miteuse et coquette, au plafond délavé orné de frises adhésives en forme de roses, dans cette pièces à l'odeur indéfinissable, dont les fenêtres qui fermaient mal avaient été camouflées, par de jolis voilages organza floqués fleurs où mille secrets d'Amour et de misère humaine semblaient peser plus lourd que toute la fornication, les vices, ou simplement le sexe, en ces vagues virées éphémères... Fin de partie croisée, digression pour OVIDE : "Laisser croire aux amants qu'ils sont aimés"...

Quant aux femmes de Lemnos * dit la légende, sous le règne de HYPSIPYLE (petite fille de DYONISOS), elles furent punies par APHRODITE pour avoir négligé son culte, la déesse offensée, les affligea d'une odeur insupportable, ce qui inspira aux maris le dessein de les abandonner. Les Hommes préférèrent suivre les belles captives de Thraces et les femmes de Lemnos (les lemniennes) indignées, se vengèrent à leur tour en faisant égorger une nuit, tous les Hommes de leur île. Sauf un ... Mais ceci est une autre histoire. Celle des femmes de Lemnos, nettement moins "fleur bleue" que la pourtant triste vie de Christine en sa presqu'île à Saint Nizier... Les deux sans correspondances spéciales; sinon vaguement l'Art d'aimer... Et si ce n'est pas de l'Art, qu'est ce que c'est ? ...

Photo : Collage à motifs symboliques, posé sur cette saleté de mal (et de mur) où le mauvais sang glisse, comme la bile noire dans tous les genres de mondes où vivent l'Homme et les Femmes. Géant carapacé d'armure, unique et fort portant sur une lame deux petites créatures nues, innocentes et fragiles (évidemment...)  A noter au passage le fameux coup de crayon ;) de l'artiste. Merci à lui. Vu à Lyon, je ne sais plus si c'est rue de la Fromagerie, de la Poulaillerie ou bien rue Longue, (encore 3 mondes assez distincts, baptisés sans chichis) ; au début du mois de janvier 2009. © Frb.

Commentaires

@ Frasby : J'hésite. J'hésite... Je suis gêné d'être le premier à écrire ici, à la suite de ce billet. Si plein de vie et d'amour et de misère. Cette légende des femmes de Lemnos comme épilogue à l'Art d'Aimer... Me coupe le souffle. Le sourire fendu jusqu'aux oreilles, je suis touché, troublé, ému. Je vais porter encore un bout de temps et plus loin votre billet. Merci.

Écrit par : Marc | mardi, 31 mars 2009

@Marc: Et puisque nous sommes seuls ici ;-) Je peux vous le dire : je suis touchée que vous soyez le premier à venir ici commenter. Et je reconnais que ce n'est pas évident du tout donc =plus qu'à votre honneur ...
Ne vous effrayez pas à l'idée que vous serez peut-être le seul commentateur ici.je savais bien en liant d'une manière assez digressive les femmes de Lemnos à l'Art d'Aimer d'Ovide, en passant par "christine" qui a vraiment existé et que j'ai réellement connue, que tout cela , assez tiré par les cheveux serait d'un thème pas très "vendeur" (très difficile à accueillir à commenter surtout) , Que ce billet vous touche, c'est superbe pour moi , tout autant que votre perception des variations de ce tableau...
Je suis ravie de vous lire Marc , en premier ici, en premier dans cette journée qui commence bien. vous avez donc très bien fait de venir .... Belle Journée à vous .Reveniez quand vous voulez , n'hasitez pas. Merci Vraiment...

Écrit par : frasby | mercredi, 01 avril 2009

Où est le mal ? Entre Terreaux et Bellecour, sans doute dans certaines homélies dominicales de Saint Nizier (j'en garde quelques souvenirs épiques datant d'une époque antique).

Sinon, Frasby, merci de me permettre indirectement d'évoquer l'inventive et lascive A. (chut !), rencontrée au Café des Négociants (presque en face de l'église sus-mentionnée). Elle était - elle est encore - escort girl (comme on dit). Mais, en l'espèce, nous n'avions rien négocié du tout. Elle était en repos. Moi aussi.
Et, "par-dessus le marché" (si j'ose dire) quelle bibliothèque elle possède !
La dernière fois que je l'ai vue, c'était peu avant Noël dernier : dîner exquis, p'tit bout de chou sympa comme tout, mari attentionné et adorable.
Son activité ayant pris de l'essor, du volume, toute heureuse, A., d'avoir pu considérablement "pléiadiser" sa bibliothèque. Y'en a, c'est comme ça, leur petite entreprise ne connaît pas la crise...

Ovide, "L'Art d'Aimer", oui, bien sûr...

Écrit par : Chr. Borhen | mercredi, 01 avril 2009

@chr. Börhen : Merci. quel message ! Où est le mal ?
(diable !) Vous êtes allé aux homélies de Saint Nizier ? (Il y en a eu des sacrées-"vraies sacrées" et des "sacrées-sacrées" avec Ulla, je crois une des porte paroles, meneuse des prostituées lyonnaises vers 1975(époque antique) (moi à l'époque antique je m'interessais plutôt aux amours de Babar mais bon, Ulla, ça remontait par la télé...remember :Roger Gicquel (??) "La France a peur" ;-)
Le café des négociants dites donc ! ma Christine elle n'allait pas là bas, pas les moyens ! (Ne le dites à personne, mais je n'aime pas ce café on y fait des rencontres pas très catholiques ou trop catholiques mais chuut !) . Ce qui est drôle aussi (je ne voudrais jouer les Mireille Dumas mais...) pourriez vous me dire pourquoi tous les garçons qui m'ont avoué avoir rencontré des prostituées escort luxe ou simples poulettes, ont toujours clamé qu'elles étaient en repos et eux aussi ?
C'est tout de même bizarre ce même choeur des hommes qui rencontrent des prostituées en tout bien tout honneur. Non ? D'ailleurs vous n'êtes pas obligé de répondre c'est une parenthèse (ou apparté)et sans connotation moralisatrice . Côté petit business vous n'avez pas tort, elle est marrante votre amie A. . j'ai croisé quelqu'un comme ça dans ma petite vie (un garçon escort boy justement, mais j'étais en repos hein ? lui aussi !) qui ne voyant pas d'avenir se dessiner au terme de ses études a décidé de monter "sa petite entreprise", des amis l'ont croisé il y a peu, il vit au coeur de Rome, il vient de s'acheter un grand duplex du côté de la piazza di Spagna, et il en a un autre d'appart à lui, à Paris dans le marais, qu'il loue ;-) et piapiapiapia (convoitise ! quand tu nous tiens) ben voilà quoi ...Y'en a c'est les livres, d'autres c'est la pierre, le bâtiment ...
Ovide..."L'Art d'Aimer"... et comment !
Revenez quand vous voulez vos petites histoires croustillent.

Écrit par : frasby | mercredi, 01 avril 2009

Il faut une fille un peu par ici…pour dire aussi que ce billet est terriblement inventif et osé ;-) Vous croisez bien, ma chère, vous entrecroisez même à merveille ! Cet Art d'aimer vous inspire, nous on respire, tout est différent ici…

Écrit par : ficelle | mercredi, 01 avril 2009

@ficelle : De votre part je ne peux qu'être heureuse d'un tel commentaire (on va pas se mentir ;-))
Oui, c'est bien, une fille ici et c'est très bien que ce soit vous. je ne sais pas si le billet est osé (heureusement que je ne me suis pas posée la question;-) mais les petites digression c'est un peu la croise et l'entrecroise comme vous dites, je pense qu'Ovide serait un peu gêné d'être mêlé à tout ça... Mais bon. Paix à son âme !
Merci à vous. Bonne soirée

Écrit par : frasby | mercredi, 01 avril 2009

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