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lundi, 15 juin 2009

Fleuves

La confondante réalité des choses
Est ma découverte de tous les jours.
Chaque chose est ce qu'elle est
Et il est difficile d'expliquer à quiconque à quel point cela me réjouit,
Et à quel point cela me suffit.

ALBERTO CAEIRO. Extr "poèmes désassemblés" in FERNANDO PESSOA "Poèmes païens" (de ALBERO CAEIRO et RICARDO REIS). Editions Christian Bourgois,1989.

realité des c.JPGComme un lundi (cogitant)

Nous pourrions mettre en parallèle cet extrait de poème d'Alberto CAEIRO (un des nombreux hétéronymes de Fernando PESSOA), avec un  texte de Clément ROSSET, (extrait d'un commentaire sur "Les chimères" de Gérard de NERVAL), dont je vous livre un court extrait:

"Le présent est, à chaque instant, l'addition de tous les présents ; cette expression de "présent" devant s'entendre ici dans son double sens de don de l'instant (don de ce présent-ci) et d'offrande absolue (don de tout "présent", c'est-à-dire de toute durée)"

C. ROSSET comme A. CAEIRO, approuvent la réalité des choses, de toute réalité donnée, c'est à dire : à recevoir comme un don. L'approbation n'a pas besoin d'espoir et il ne s'agit en aucun cas de faire l'apologie de la résignation, du renoncement ou de la soumission, pas même non plus, de louer l'indifférence.

L'approbation du réel serait peut-être, dans ce sens précis un préambule à sa transformation : Agir de telle sorte que l'empreinte de l'être dans le réel soit en même temps une reconnaissance de son irréductible réalité. Comme si en approuvant le réel, en n'y renonçant pas, en ne l'écartant pas, le surgissement de quelque chose que l'on souhaite pouvait être possible. Je cite encore Clément ROSSET :

"[Le réel] est insolite par nature : non qu'il puisse lui arriver de trancher sur le cours ordinaire des choses, mais parce que ce cours ordinaire est lui-même toujours extraordinaire en tant que solitaire et seul de son espèce".

Le cours des choses est inéluctable, infini comme le fleuve, jamais deux instants ne se répètent ou rarement, jamais ils ne se chevauchent, ni ne s'échangent, Ce qui est est. Ce qui est fait est fait. Tautologie, (il faut bien ça).

Chez Clément ROSSET, la joie n'est que la savante approbation du réel mais cette joie est une exigeante : on n'approuve qu'inconditonnellement. Du réel rien n'est à jeter pour le sage tragique, il accepte, approuve tout, les malheurs et les joies. Et il y a encore de cette espèce de joie dans les "poèmes païens" de F. PESSOA.

"Quant à la joie elle a deux causes ou deux non-causes: celle d'être sans objet, et d'autre part d'être suscitée par le fait que le réel ne manque de rien" (Cf. N.DELON in "le cours de la réalité" in "l'atelier Clément ROSSET"). Ce monde parce qu'il est unique, se suffit à lui même ; tandis que la mélancolie regrette que le monde ne soit pas autre, et, inlassablement recherchera en vain, son paradis.

La joie est folle, certes, mais la joie est lucide, du moins telle est la disposition à la joie, capable de se représenter le retour éternel, identique de toutes choses et c'est là précisément notera Clément ROSSET la plus grande force de la joie, triomphant des pires peines. (Il ne s'agit pas de joie béate bien entendu, mais de la plus lucide joie). C. ROSSET nous renvoie également au petit secret de NIETSZCHE dans les dernière pages de son "Zarathoustra", où le héros, au détour d'une promenade nocturne lâche enfin :

"Lust ist tiefer noch als Herzeleid" / "La joie pèse plus lourd que le chagrin"...

ou plus "profond" si l'on veut s'en tenir à une traduction plus précise. Peu importe, cette joie est plus lourde d'assimiler plus que la peine. Il est donc paradoxalement beaucoup plus difficile de supporter la joie. Il ne s'agit pas exactement de la "joie de vivre" qui a quelquechose d'encore assez fantômatique. "La Musique pourrait illustrer cette joie paradoxale et sans objet. Quelque soit la tristesse qu'on cherche à dire, on dispose d'un prétexte pour chanter". Paradoxe de la joie. La musique est pour ROSSET d'essence joyeuse.

Tout est prétexte de joie puisque rien n'en n'est le motif. La joie d'exister est offerte par surcroît, c'est la seule consolation à espérer du réel. La légereté somptueuse du créateur, un agrément gracieux.

"Nul besoin d'outre-monde, d'arrière, d'autre monde"... Tout est là .

Sources: Les documents, éléments de réflexion et autres fragments de textes concernant Clément ROSSET, partiellement reproduits ici, sont tirés d'un domaine remarquable : "Atelier Clément ROSSET",  site entièrement consacré à Clément ROSSET, que je vous conseille, voir lien ci-dessous :

http://clementrosset.blogspot.com/

A voir : Une variation (à peine céleste), sur le même thème : http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/03/26/co...

Photo : Deux êtres en joie regardant plus loin sur les berges (hors champ ou presque...) quelques agglutinés sur les berges d'un fleuve. Lyon. Autre rive. Juin 2009. ©Frb.

Commentaires

J'ai lu votre article avec intérêt.
Juste une petite remarque, le nom du poète portugais s'orthographie ainsi : CAEIRO.
Bonne journée.

Écrit par : gballand | samedi, 20 juin 2009

Sur votre photo, ce qui impressionne le plus, ce sont ces brins d'herbe, de conversation avec des mains vertes qui s'en donnent à choeur joie (du haendel par exemple) entre macadam tacheté et pierres détaillées.

Écrit par : JEA | samedi, 20 juin 2009

pardon pour cet ajout :
mais vers quels océans les romans-fleuves descendent-ils ?

Écrit par : JEA | samedi, 20 juin 2009

@gballand : Oui vous avez raison pour CAIERO (NON ! CAEIRO !)
c'est vraiment de l'inattention de fin de nuit blanche (je le savais pourtant), parfois les fautes (euffrax !) qu'on fait lorsqu'on est tout petits reviennent machinalement on ne sait pourquoi (comme Apollinaire (un P 2 LL ) que je lis souvent (2 P 1 L) .ou Marylin Monroe (Marilyn Monroe)...
Mais ce n'est pas une excuse
Je corrige.(Echappant ainsi à une lapidation certaine), et je vais me mettre au coin avec mon bonnet d'âne.
Que serai-je sans vous ?
Merci ! bonne journée

Écrit par : frasby | samedi, 20 juin 2009

@JEA : Vous avez l'oeil !!! j'apprécie. Je tenais énormément à ce que ces brins d'herbes ne restent pas dans l'anecdote (si j'ose dire). Vous les avez saisis à point.
du Haendel ! Diable ! vous ne lésinez pas sur les moyens.
Il est fort possible qu'entre vos mains (vertes et habiles) les brins d'herbes finissent par grimper si haut qu'ils enjamberont la balustrade et à partir de là, plus rien n'est prévisible...
(gla gla)
Merci à vous (pour tant de sagacité ;-)

Écrit par : frasby | samedi, 20 juin 2009

@JEA (suite) : Il faudrait poser cette question à monsieur RAMUZ ...

Écrit par : frasby | samedi, 20 juin 2009

à Caiero je préfère Alvaro de Campos comme heteronyme de l'immense Pessoa
mais les deux font la paire : l'un sage et contemplatif (un peu cucul quand même parfois genre ravi de la crêche : Caiero) l'autre véhément , gueulard , bluesy, en tout cas très swing souvent et parfois carrément rock&roll : Alvaro de Campos)
le "final" de "l'ode triomphale" est particulièrement gouteux et singulièrement stimulant je trouve :
"hue tout le passé au dedans du présent
hue tout le futur déjà au dedans de nous! hue
hue! hue! hue! (...)
hue! hue! hue! et hip hip hip!
(...)
bondir avec tout par dessus tout youp là!youp là youp là youp là youuup là!hélà! hola! Ha-a-a-a-a !
Z z z z z z z z z z z z z z z

ah ne pas être à moi tout seul tous les gens et le monde entier"

Écrit par : hozan kebo | samedi, 20 juin 2009

@Hozan kebo :Sans même lire votre pseudo, j'aurai mis mes deux mains à couper que ce message était de vous !!! (ah! ah!).
Vous préférez Alvaro de Campos , oui c'est pas le même humour.
de "l'immmmense (allez 4m !) PESSOA nous somme absolument d'accord. Moi j'aime beaucoup CAIERO (Hozan, je suis ravie de voir que vous faites la même faute que moi , G balland nous l'a dit pourtant : On écrit "CAEIRO" pas
"CAIERO" !!! ;-)) et de 2 bonnets d'âne ! je promis, g balland, nous le copierons 100 fois, CaEiro ! le E avant i, nom de nom !)

Donc j'aime beaucoup ce côté "ravi de la crêche", c'est comme l'autre côté de la médaille de l'Alvaro, plus bluesy, oui, c'est tout à fait ça. Même très grungy en freestyle et puis beaucoup plus sexy peut être ? L'Alvaro ! jamais l'hyperémotivité ne fût mieux traduite que par les lignes que vous venez de nous joindre là. Alors merci Hozan K.! youpi ! youpi ! hippy hippy shake ! Rock around Alvaro !

Écrit par : frasby | samedi, 20 juin 2009

Vous êtes étonnante. C'est bien !

Écrit par : ficelle | samedi, 20 juin 2009

@Ficelle : Vous blaguez ? C'est n'est pas moi qui suis étonnante c'est CAIERO euh non CAEIRO , ou ROSSET teupêtre ?
Qu'est ce qui vous étonne Ficelle ? On parle du réel c'est la routine non ? Ne me dites pas que c'est la joie qui vous étonne ?
le réel et la joie (ah !ah! c'est vrai qu'on est dans de beaux draps)
A suivre...

Écrit par : frasby | samedi, 20 juin 2009

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