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vendredi, 19 juin 2009

Table des matières

La nuit s’avance
Le jour commence à poindre
Une fenêtre s’ouvre
Un homme se penche au dehors en fredonnant
Il est en bras de chemise et regarde de par le monde
Le vent murmure doucement comme une tête bourdonnante.

BLAISE CENDRARS, "Debout" in "Au coeur du monde". Editions Denoël 1947.

palette dezo.JPGJe l'ai croisé au moment de partir, dans le hall de l'immeuble. "Ah bonjour, tu t'en vas ?", il m'a dit. "Ben euh... J'allais partir". Que j'y ai répondu. Il regarde mon vélo, ça fera bien 50 ans (oui, certes, j'affabule un brin), que mon vélo est garé là, dans l'entrée, sous son nez, presque 50 ans qu'il me dit "T'as encore un nouveau vélo ! Il est vraiment beau celui là !". Il est comme ça Lien DEZO, sur chaque chose, un regard neuf. Puis il me propose de passer cinq minutes. Je lui réponds - Bon alors oui,, mais juste 5mn pas plus". C'est convenu depuis toujours, assez tacitement entre nous, que 5mn dans cet espace-temps bien à nous, ça veut dire beaucoup d'heures... La porte s'ouvre sur une vingtaine de toiles. (beaucoup plus en réalité si l'on compte celles qui ne sont pas exposées au mur, (plus les 4 ou 5 en cours sur les chevalets). "Tu te remets au figuratif ?", (Je demande avec cet air bêta de la greluche lambda, qui veut faire l'érudite) - "Oh non, je m'amuse !" réponds DEZO plus absorbé par la couleur de son ragoût de mouton qui mijote entre les patates au fond de sa cocotte. Il dit : "T'as vu, je me suis acheté une cocotte". "Pas mal !" je dis. Au fond de l'atelier (une ancienne quincaillerie) le visage inquiétant d'un doux Christ aux yeux bleus, nous enveloppe de bontés bizarres. DEZO lève le couvercle de sa cocotte, il remue soigneusement avec la grosse cuillère en bois. Il allume une petite lampe. -"C'est presque cuit là! Regarde la couleur ! comme c'est beau ! C'est beau non ? ". Nous nous penchons tous deux au dessus de la cocotte, la viande est juste cuivrée, opulente, baignant, dans son jus. De la cocotte monte un mélange d'épices, de caramel. Les patates sont colori miel. Le fumet nous prend lentement (presque par les sentiments, oserais-je dire) ... Et nous restons penchés longtemps, très longtemps, les yeux fixés sur le ragoût. En état de béatitude. Une image qui vaut bien la mystérieuse et complexe lamproie dans "La fleur du mal" de CHABROL).

J'ai compris il y a peu que DEZO fait sans doute la cuisine beaucoup pour la couleur, (même si ses saveurs amoureusement concoctées sont souvent extraordinaires) mais, les alliages et autres liants, vraiment, c'est son bonheur. Et peut-être fait-il un petit peu la peinture pour l'odeur

(Peinture à l'huile, cuisine au beurre ?) ...

Plus tard, très tard, nous retournons dans l'atelier... "Je peux prendre des photos ?" -"Mais oui, bien sûr !" il me répond. Et je rajoute -" Mais je ne prends pas des photos des tableaux ! hein ! pas question !" Pas besoin d'expliquer. DEZO il sait pourquoi. Prendre des photos de tableaux, ce serait un peu comme lui extorquer quelquechose, arracher tôt de la toile le secret d'un travail en cours. Et peut-être même que ça porterait malheur au tableau. Bref, ce serait un sacrilège, au sens indien. Dezo est un artiste, artiste de la couleur, un "visuel" comme ils disent, mais il me semble qu'il se méfie au moins autant que moi des images, du moins, de ces images qui montrent trop. Des images, ces prédatrices...

Je prends quand même plein de photos : sa cafetière, son chapeau, les pots en vrac, et soudain je m'inquiète:

- Qu'as tu fait de ta table ?, t'as pas jeté ta table j'espère ?" DEZO semble sourire dedans, et levant un pan de rideau me dit "Bien sûr que non ! regarde ! ma table, elle est là !".

Nous nous approchons de l'objet. Table sculptée en monceaux de couleurs. Palette divine, inachevée, toujours changeante, sublime à force de d'accumulation toutes périodes confondues. Une merveille. Et d'un tout autre jus.

"Elle est là".

mais déjà, le peintre a la truffe ailleurs. Son ragoût. A quelques mètres de "la table", dans l'autre pièce. DEZO procède au salage, poivrage. il  me dit "Tu restes manger, c'est prêt." Puis il retrousse ses manches en fredonnant...

"Elle est là et c'est prêt" : Oyez, bonnes gens, la beauté des deux phrases miraculeusement accolées. Plus puissantes, il me semble que le standard du père Descartes. Le "Je pense donc je suis" balayé par le "Elle est là et c'est prêt" de LIEN DEZO.

Une pensée balayée par une table... On aura tout vu !

Je remercie Lien DEZO d'avoir eu la gentillesse de m'accueillir en son atelier, me laissant photographier sa table, son chapeau, ses palettes + quelques tubes et pinceaux. Puisse-til me pardonner les petits arrangements romanesques (ce blog ne dit pas tout à fait, exactement la vérité, il n'a jamais trop caché qu'il s'autorisait les mensonges (esthétiques bien sûr !) et c'est bien là, le paradoxe, car s'il avoue qu'il ment c'est bien qu'il dit la vérité bref). Les dialogues avec Lien DEZO n'ont pas été exactement les mêmes, le ragoût pas vraiment celui là, mais peu importe puisque la table est la même, elle, et la cuisine du peintre, presque la même, toujours exquise comme sa peinture. J'espère que l'artiste et nos lecteurs s'y retrouveront quand même... )

Nota: Comme notre ami TANYGU, je rédige ce blog parfois dans les tavernes, (ce billet, justement est un billet de la taverne). Si notre lecteur (exigeant) trouvait au passage quelques fautes, coquilles ou autres syntaxes aberrantes, j'en serai bien désolée, mais c'est parce que la taverne ferme et que je n'ai point eu le temps de relire, j'assure cependant qu'une correction et ajoûts de liens viendront ultérieurement assurer le confort de tous et de toutes. Merci par avanlce pur voitr induljansse...

Photo : Table des Matières. Ou, table (in progress). Photographiée chez le peintre Lien DEZO, dans son atelier aux très proches environs de Lyon. A la toute fin de l'hiver 2009. © Frb.

Commentaires

superbe.
Je découvre la poésie, un peu plus à chaque fois. La table des matières… c'est tellement élégant et joyeux, et parfait au fil des lignes.
Mon amoureux peintre-coloré a aussi ce bonheur de la cuisine (que je n'ai pas vraiment), il a sans doute un vrai lien qui est souligné, avec odeurs et couleurs.
(vrai ou faux, ça ne compte pas)

Écrit par : ficelle | vendredi, 26 juin 2009

peinture à l'huile, cuisine au beurre... voilà une formule qui dit le personnage.

Écrit par : la bacchante | vendredi, 26 juin 2009

Dire que d'aucuns se vautrent dans les tables de multiplications...

Écrit par : JEA | vendredi, 26 juin 2009

j'ai un copain artiste scupteur qui lui fait des soupes créatives juste pour le plaisir d'inventer, au fur et à mesure il rajoute des choses étranges et ça sent bon...
B.

Écrit par : passantepensante | vendredi, 26 juin 2009

@ficelle : Merci . Merci ! quelles douceurs !
Je connais beaucoup de peintres et surtout de musiciens qui ont un faible pour la cuisine
C'est pareille que la peinture (ou la composition musicale), la petite cuisine , on change juste de support

J'espère que votre amoureux vous a fait mangé ses couleurs ?

Vrai ou faux non ça ne compte pas. Sauf que quand c'est vrai c'est tellement meilleur (au palais ;-) je veux dire :
pour nous autres rois et reines ;-)

Écrit par : frasby | samedi, 27 juin 2009

@la bacchante : Oui, oui, et vous savez quand on habite au dessus d'un artiste comme ça, les odeurs montent , je n'invente pas
tantôt solvants, tantôt gambas grillées mais attention !
Cuisine à l'huile ça marche bien
mais pas peinture au beurre !

Écrit par : frasby | samedi, 27 juin 2009

@JEA : alors là vraiment ces gens là ne sont pas de ce monde ;-)
et la table de trigonométrie >?
cosinus , sinus et tangente
Que du malheur !
;-)

Écrit par : frasby | samedi, 27 juin 2009

@pasantepensante : Soupes créatives !
Vous avez de chouettes amis vous !
Est ce que ça sent juste bon ? ou est ce que ça sent bon et ça se mange bien ?
Dans un genre plus "bonne franquette", j'ai fait quelques soirées "salades couillues" ainsi les avait baptisées mes amis (une application culinaire du traité des objets musicaux de Pierre Schaeffer en quelque sorte. ;-) Je pense que c'était un peu dans l'esprit de votre copain sculpteur. Apparemment les gens apprécient ce genre d'aventure (mais ce n'est pas sans risques ;-)

Écrit par : frasby | samedi, 27 juin 2009

J'avais beaucoup aimé le premier billet sur Dezo. Ce qui est donné à voir sur votre photo est vraiment sublime. J'espère un jour quelques autres photos ("un certain jour", direz-vous)

Écrit par : Sophie L.L | samedi, 27 juin 2009

@Sophie L.L : Je me souviens très bien de votre commentaire au premier billet. Je crois même l'avoir montré à Dezo (qui n'en revenait pas).
La table de DEZO (sa grande palette, en fait, oui, je la trouve admirable, celle ci précisément) Et à chaque fois, la même table n'est evidemment jamais la même palette donc hormis quelques stocks moins colorés que je garde au chaud, (pour l'hiver, c'est bientôt Noël), j'espère qu'en croisant DEZO un de ces quatres, il m'autorisera à ... (un incertain jour, pour changer de chanson)
Merci de votre visite. Mes hommages à Demoiselle Absinthe.

Écrit par : frasby | samedi, 27 juin 2009

Ah ah... A vous lire on croirait que je suis le seul guignol à écrire des sombres tavernes des bas-fonds.... Je pensais que vos soucis de connexion étaient réglés...

Bon je passais en coup de vent, dire coucou - coucou! - et là mes manuscrits sont prêts donc avec ma canne je vais aller me trainer jusqu'à la Poste... A enitotb Ysarfb!

Écrit par : tanguy | mercredi, 01 juillet 2009

@Tanguy : Mais euh ... C'était un lien, un clin d'oeil pas une injure !!!
(Enfin fallait le lire ainsi)
une façon d'emmener le lecteur chez vous (avec mes basots teupêtreet j'en suiis beni vranée)
mais si ça vous dérange je peux l'enlever. Ce lien .
et puis "guignol" je ne me permettrai de parler de vous en ces termes.ni d'y penser.
Sinon , j'avoue, oui, vous êtes la seule serponne que je connais qui bolgue dans une vaterne (hormis ma très droule serponne qui ne pomcte pas ;-).
Et puis je n'ai jamais eu le moindre petit souci de connexion. vous savez bien que je suis comme Cadet Roussel. Et que là où j'habite, il n'y a point la déesse ailes. (s'il faut tout dire)
Tenez moi au au roucnat, si vous voulez que j'enlève ce lien dont vous ne faisiez toinp tnat de creset. c'est quourpoi bref...etc...
Moi aussi il faut que j'aille à la poste ;-))... (oui, à a poste !!!
vous pomcrendrez !). Portez vous beni .
A bientôt Ganuty !

Écrit par : frasby | mercredi, 01 juillet 2009

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