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samedi, 31 octobre 2009

Le chant des champs

A travers ce que tu entends, laisse-toi aller à la dérive sur un radeau instable, livré aux glissements d'espace et de temps, au pluriel des présences, à la multiplicité des points d'écoute.

RENE FARABET : "Bref éloge du coup de tonnerre et du bruit d'ailes" (Phonurgia)

VACHES1811G BRUNES.png

Les bergers comme l'imagine LUCRECE, ont pu apprendre à chanter et à siffler en écoutant le vent. A moins que ce fût par les oiseaux. VIRGILE dit que PAN a montré au berger, "comment ajuster des roseaux à la cire pour converser avec la nature". Les bergers se jouaient mutuellement de la flûte et chantaient pour que passent les heures de solitude. La forme en dialogue des "Idylles" de THEOCRITE et des "Bucoliques" de VIRGILE, le montre, la musique délicate de leurs chants constitue peut-être le premier, le plus durable des archétypes sonores crées par l'homme. Des siècles de pipeau ont engendré un son de référence qui aujourd'hui encore, alors que disparaissent tant d'images et de formes littéraires traditionnelles évoquent toujours la sérénité des pâturages. Les bois en solo sont les instruments de la pastorale, par excellence, à tel point qu'un compositeur aussi porté sur l'emphase que BERLIOZ réduit son orchestre à un corps anglais et à un hautbois pour emmener l'auditeur doucement en duo vers la campagne.

A écouter : H. BERLIOZ "Scène aux champs" : ICI

Dans le paysage calme de la campagne, les notes claires et caressantes du pipeau des bergers se paraient de pouvoirs miraculeux. La nature écoutait puis répondait en sympathie :

"Silène les chante, l'écho des vallées les renvoie jusqu'aux astres, jusqu'au moment de rassembler les moutons au bercail et de rendre l'appel au signal de Vesper apparu dans l'Olympe marri" (Extr. VIRGILE  (bucoliques VI), traduction E. de St Denis. editions : Les belles lettres 1970)

THEOCRITE fût le premier à faire converser la nature avec la flûte des bergers et depuis les poètes pastoraux l'imitent :

"Tu essaies un air silvestre sur un mince pipeau [...] Nonchalant, sous l'ombrage tu apprends aux bois à redire le nom de la belle Amaryllis". Extr. VIRGILE  (Bucoliques I)

Pour retrouver ce pouvoir miraculeux de la musique, il faudra attendre les Romantiques et le XIXèm siècle. La rencontre entre la ville et les prés est joliment rendue par ces quelques lignes de Thomas HARDY qui ne manqueront pas de faire rêver les habitants de nos grandes villes dans leur boites fermées à clefs, bardés de digicodes, portes blindées, alarmes...

"Le berger sur la colline située à l'est pouvait lancer par dessus les cheminées de la ville des nouvelles de l'agnelage au berger de la colline ouest et cela sans grande gêne pour sa voix, si proches étaient les pâturages pentus des jardins urbains. Et la nuit, au coeur même de la ville, il était possible d'entendre, dans leur enclos natal au bas des prairies, le doux meuglement des génisses de la ferme et leur souffle profond et chaud". Extr. Thomas HARDY in "Fellow Townsmen", Wessex tales. Londres 1920.

Source : R.MURAY SCHAFFER : "Le paysage sonore", extr. "Les sons de la pâture"; Editions Lattès 1979.

On imagine assez les habitants de la colline (les "cruci-roux" chers à chr Bohren et à Solko) lançant par dessus les toits de la Pouteau des nouvelles de la Biquette qui rumine au Caillou, ce chant léger et beau dévalerait la Colbert puis par St Sébastien rejoindrait la vallée, de l'Opéra à Chenavard et jusqu'à la Grenette, tout le monde attraperait la colline au ragot, puis traversant la Saône, le Rhone, et La Fayette, les nouvelles ayant enfin toutes fait le tour, elles remonteraient, par un vieux caquelon pétillant chez Tante Paulette sa belle odeur de  volaille cuite dans du Pouilly Fuissé (et non dans du fouillis puisé comme j'allais l'écrire bêtement), tout ça mettrait les hommes en joie, ils chanteraient alors avec des dames une paillarde de Vaise, comme de bien entendu, en patois de Couzon le tout flotterait jusqu'aux alpages de St Bruno, en passant sous le pli d'une soutane à carreaux. Doucement s'échapperait le secret des grattons, un cervelas truffé, quelques pieds de mouton et l'odeur d'un groin d'âne sur ses petits lardons enverrait des baisers de Soulary à la Tordette soufflé par les naseaux de la Biquette jusqu'au sommet des Echarmeaux.

Remerciements à Dorothy Fuldheim de nous avoir signalé des liens intéressants à propos de Thomas Hardy, permettant ainsi une appréciable mise à jour.

Photo : Véchas Crésas (rachiollases) posant aux pâturages à l'entrée de Montmelard, presque au pied du majestueux Mont St Cyr (771 m. d'altitude), l'un des plus haut sommet de la Bourgogne du Sud d'où l'on peut contempler par temps clair les cîmes neigeuses du Mont blanc et des Alpes, les Monts du Forez, de l'Autunois, du Beaujolais et du Mâconnais.

Nabirosina 2009 © Frb.

Commentaires

Bon, je note également Thomas Hardy.

Écrit par : Anna de Sandre | dimanche, 08 novembre 2009

décidemment
vous écrivez épique (et pic et...)
unique (sans thé ni paix)
ludique
mélancolique (ce n'est pas une maladie)
fantastique
pathétique (avec le sable du temps)

Écrit par : JEA | dimanche, 08 novembre 2009

décemment
décidément
ne prendrait qu'un M
mais décidé-ment
n'a pas sa place
dans un commentaire
sur votre blog

Écrit par : JEA | dimanche, 08 novembre 2009

@Anna de Sandre : Oui, étrange auteur, que ce Thomas Hardy, "Jude l'Obscur" est le premier roman que j'ai lu, il m'avait complètement "embarquée". Récemment, j'ai découvert un recueil de poèmes ("Wessex poems and other verses"= beau !) dont un poème particulièrement envoûtant : "My Cicely"... dont le thème hante bien longtemps après la lecture...
A des années lumière des cigales de Giono ! (toujours traité, j'ai lu, en marchand de lavande et de bouseux, Thomas Hardy étant plus en odeur de sainteté il me semble)... Les deux aux antipodes, ayant pourtant en commun un ancrage au pays(age).

Écrit par : Frasby | dimanche, 08 novembre 2009

Oui, je viens de voir qu'il a écrit des nouvelles et des poèmes, je vais pourrir ma libraire pour qu'elle les commande.

Écrit par : Anna de Sandre | dimanche, 08 novembre 2009

JEA : De-ci-dément vous ne manquez pas de piquant(s) ;-)
Une petite phrase comme ça (à l'occasion) et j'en profiterai pour vous demander des nouvelles du gentil hérisson des Ardennes, je m'attache, je m'attache, que voulez vous ? On ne se refait pas ! fermons la parenthèse ;-)
"Mélancolique n'est pas une maladie", saviez vous (le saviez vous ?;-), qu'il y a justement ici un ancien billet sur ce thème ?
Curieux z"hazards ! et en bonus offert par la maison une page de publicité : http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/09/23/mais-l-ancolie2.html
Décidémment ne prend qu'un M ? (Première nouvelle !, c'est vrai ça ? il me semble l'avoir toujours écris avec 2, sans rire !)
Un adverbe "invariable" (quelle horreur !), avec un M de plus ça pourrait TOUT changer, non ? Une petite révolution adverbiale à lire avec indécision reprendrait dignement sa place ici mais impérativement avec 2 M , pourquoi pas 3 ? C'est nous qu'on est les maîtres des mots, n'est ce pas ?

Écrit par : Frasby | dimanche, 08 novembre 2009

@Anna de Sandre : ça me fait plaisir de lire ça ! En ce qui concerne les poèmes, (les nouvelles, je ne sais pas) mais si je peux me permettre, pourrissez votre libraire pour une commande des poèmes du Wessex en édition bilingue s'il est possible, disponible dans la collection "Orphée" éditeur "La différence", je ne connais que celui là, un petit livre gris , il me semble ... Avec ce risque , toutefois, qu'il vous prenne complètement en otage. Chez Th. Hardy il y a du poison. (Je vous préviens au cas où vous auriez décidé de faire votre ménage, de passer l'aspirateur, de repeindre votre appartement ... ;-))

Écrit par : Frasby | dimanche, 08 novembre 2009

@JEA bis: (post scribe-d'homme) : Je voulais dire, "c'est nous qu'on est les maîtres de nos mondes" n'est ce pas ?

Écrit par : Frasby | dimanche, 08 novembre 2009

Ah... Jude l'obscur .. prévoir quelques jours de lecture compulsive ... :)

Écrit par : Nuage | dimanche, 08 novembre 2009

@Nuage : Ah bonjour !" Lecture compulsive", pour "Jude L'obscur" l'expression est tout à fait juste !

'Ah lala, shame on me ! je n'ai toujours pas lu de Sabato ! ;-((

Écrit par : Frasby | dimanche, 08 novembre 2009

Pour Sabato, son oeuvre ne va pas s'envoler ( juste Ernesto est très vieux ). A un moment, cela sera pour vous une nécéssité de le lire, je pense. En tout cas, moi c'est toujours comme ça. Je peux tourner autour d'un livre, des mois et des mois et soudain rien ne m'est plus nécéssaire que de le lire .
Mais Sabato, il me semble que vous devriez l'aimer beaucoup ...

Écrit par : Nuage | lundi, 09 novembre 2009

@Nuage : Oui, oui, Sabato, je le sens venir ;-))
mais là j'en avais deux qui me tiraillaient : Dhôtel et de Sabato
Et pis voilà ti pas que vous m'apportez Cortazar sur un plateau.

Je suis merveilleusement indécise, Nuage ! ;-)

Écrit par : Frasby | mardi, 10 novembre 2009

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