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mercredi, 21 avril 2010

Ici ou là

"Nous sommes nos propres démons, nous nous expulsons de notre paradis"

GOETHE. Extr. "Les souffrances du jeune Werther". Editions Gallimard Folio classique 2003.

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Déréel (définition) :" Pensée déréelle, pensée détournée du réel et des nécessités logiques'.

Je me retire de la réalité. Je marche seule dans la foule, toute personne me paraît immobile, séparée du monde où je vis. Je traverse mon propre quartier comme si je ne l'avais jamais connu. Je vois filer mon ombre sur une vitrine telle l'ombre de quelqu'un d'autre. Je vois mes chaussures avancer sur les passages cloutés mais je ne traverse pas cette rue. Je vis sur une terre inconnue sans savoir si je vis ni où est située cette terre.

"Je chois continûment hors de moi-même, sans vertige, sans brouillard dans la précision comme si j'étais drogué. Cette magnifique nature étalée là devant moi, m'apparaît aussi glacée qu'une miniature passée au vernis" (1)

Je croise une vieille connaissance qui me parle de ses soucis. Je vis hors de ma propre écoute. Je dévisage la vieille connaissance, elle m'est complètement dérisoire. Qu'ai- je à faire avec cette personne ? Je vois ses bras qui se balancent, mais je ne sais pas si ce sont ses bras. Je crois entendre la fin de ses phrases, mais je ne sais plus où vont ces phrases, où est la fin, ni où est le début. La vieille connaissance me tutoie, je lui dis des phrases convenues, Je les dis mais ne m'entends plus. Parler à cette personne me tue.

" Je suis de trop mais double deuil, ce dont je suis exclu ne me fait pas envie"(2)

Je subis la réalité, (suprême offense), le monde m'est présenté comme un monde avec lequel je dois entretenir des rapports polis, il me faudrait trouver sympathique, celui ou celle qui me demande très gentiment de mes nouvelles. Des nouvelles de qui ? Et pourquoi ? Je ne me le demande même pas. Il me faudrait trouver drôles quelques plaisanteries de ces mêmes qui me croyant triste chercheraient à me sortir d'une tristesse qu'ils prétendent négative, à me rendre plus gaie, disent ils. De quelle humeur celui ci ou celle là voudraient ils me sortir au point que puisse me distraire ? Ni eux ni moi bien que je reste liée au monde par un fil qui ne m'est d'aucune importance, n'ont à mes yeux le sens qu'ils accordent à tout cela. Un instant peut être pourrais-je m'en exacerber mais je n'ai plus aucun langage.

"Je feuillette l'album d'un peintre que j'aime, je ne puis le faire qu'avec détachement. J'approuve cette peinture mais les images sont glacées et cela m'ennuie" (3)

Nota : Les phrases (numérotées) sont extraites de l'ouvrage de Roland BARTHES "Fragments d'un discours amoureux" dont le chapitre "Déréalité" a largerment inspiré ce billet.

Photo : Ici ou là. Juste où je ne suis pas. Nabirosina. Avril 2010. © Frb.

Commentaires

Il faudrait te booster un peu le moral. Prends ce que la vie te donne comme un cadeau, même si pour toi, une journée est parfois très dure à passer. Bises !

Écrit par : patriarch | jeudi, 06 mai 2010

La vie n'est n i bonne ni mauvaise, elle est comme ça, tissue de milliers de fils contradictoires qui s'emmêlent et qui finissent par faire croire que c'est un imbroglio dont on n'arrive pas à se dépêtrer. Mais non, le chaos et l'incertitude et la mise à distance sont utiles, sont imbriqués, sont intriqués et quand on regarde son propre frère comme un étranger, c'est qu'on est plus au monde que ne l'est celui qui ne s'étonne pas que son frère soit autre chose que l'apparence qu'il a l'habitude de voir.

Écrit par : mon chien aussi | jeudi, 06 mai 2010

je suis toute triste c'est rare!!!

Écrit par : catherine L | jeudi, 06 mai 2010

Frasby, je m'accroche moi-même comme à une bouée à ce qu'écrit mon chien aussi.
Je ne me rappelais pas qu'il y avait des choses aussi fortes dans le livre de Barthes que je suis allée rechercher sur mes étagères.
Venir chez vous pour éprouver qu'on est au monde.
Je vous embrasse.

Écrit par : Michèle | vendredi, 07 mai 2010

@ mon chien aussi : ne serait-ce pas plutôt

"on est plus au monde que ne l'est celui qui s'étonne que son frère soit autre chose que l'apparence qu'il a l'habitude de voir."

ou
" on est plus au monde que ne l'est celui qui ne s'étonne pas que son frère soit l'apparence qu'il a l'habitude de voir."

Mais sans doute vous lis-je mal. :)

Écrit par : Michèle | vendredi, 07 mai 2010

@Mon chien aussi : Votre commentaire est assez surprenant, mise à distance utile oui, peut être même pour se réajuster au plmus près de la réalité ensuite, d'ailleurs j'ai toujours aimé ce mot "intriqué"mais je tiens quand même à préciser que ceci n'est pas un billet sur l'imbroglio (dont on n'arriverait pas à se dépêtrer, enfin bon...) certes ce n'est pas un sujet sur l'indépêtrable, bref ;-). Et sans plus m'empêtrer, j'ose dire qu'il ne s'agit que de déréalité. C'est à dire, très peu. Juste un instant, ici. Comme une parenthèse un petit peu incompréhensible, ou tout est étranger donc étrange, hors de, mais je n'ai pas l'impression que ce soit si grave au fond, si tragique, ou même que cela porte à conséquence, à un moment (j'insiste sur moment) si l'on est extrait de ce monde, ce n'est pas si grave, ce qui serait grave c'est que ce moment devienne un long moment, ou un état d'être, que la façond'être au monde ne soit que cela, mais si l'on est à ce point déréalisé, si cela devient sa façon d'être, et si cette sensation de déréalité persiste ce serait un symptôme, quelque chose d'infiniment plus compliqué, plus inquiétant aussi, pathologique, aussi sûrement. Ce n'est pas à cet état si compliqué et si pathologique auquel je pense. J'aime assez ce qui se joue dans ce genre d'état (peut on dire "ponctuel" ?mais pas trop non plus) déréalisé, par rapport justement à ce que vous notez- ce qui est perçu des apparences, et de nos perceptions habituelles, (enfin je ne ferai pas de psychologie de comptoir)... Mais ces courts instants, qui sont ennui absence ou les deux ou ni l'un ni l'autre évitent peut être le chaos tout en l'incorporant (euh... oui à lire comme ça on dirait que c'est compliqué mais pas du tout j'ai juste peu d'aisance à l'exprimer et encore plus à l'expliquer, il doit bien y avoir certains textes (en + de celui de Barthes) qui disent très bien cela. un peu de présence au monde permettrait que l'on cherche, si j'ai le temps je m'y collerait peut être... Merci à vous pour le grain à moudre.

Écrit par : frasby | vendredi, 07 mai 2010

Catherine L : Oh mais non , Faut pas Catherine ! un coup de barre, Mai et ça repart ! (enfin Avril et ça repart). Enfin bon... ;-)

Écrit par : frasby | vendredi, 07 mai 2010

Frasby. J'ai embringué sur un mauvais cheval, sans doute à cause d'un mauvais jour. Et pour la mise à distance comme assise, j' suis pas le bon exemple... :))

Écrit par : mon chien aussi | vendredi, 07 mai 2010

@Chimèle : Merci pour ce beau commentaire (être la bouée de soi-même, c'est très cosy et un bon truc pour mener sa petite façon à soi d'être au monde sans enquiquiner le monde (sourires), chacun avec sa toute petite vie,
merci pour le texte de Barthes qui justement était tombé de mon étagère j'ai retrouvé ces très beaux passages du chapitre "Déréalité" et j'avais envie de les partager, donc si vous avez eu envie de fouiner dans vos étagères à votre tour, je trouve ça extra. D'ailleurs en vous lisant vient à jour qu' il est bien paradoxal d'écrire un billet sur la déréalité, et en plus de prétendre le faire partager ça doit être quelque part une façon d'être au monde et de s'étonner que son frère ou sa soeur (Soeur Chimèle , frère mon chien,) euh ... apparences, pas apparences, enfin de s'étonner quoi !
trove fropond omclimpent em choute beni
oui , éprouver qu'on est au monde, quand même hein ! (et comme dirai SophieLL "quand je dis ça, je dis rien""
Je remarque par ailleurs que vous n' êtes que nuances, et que c'est très beau à lire. Je vous embrasse à mon tour .

Écrit par : frasby | vendredi, 07 mai 2010

@Mon chien : Sur un mauvais cheval ah non, j'trouve pas
De toute façon, ma réponse c'est pas une contestation de votre billet du tout, je me relis pis oui, c'est pas exactement comme ça que j'aurais voulu vous répondre (mauvais cheval itou) et je me dis que ce n'est pas non plus mon jour de limpidité, mais bon ... On va y arriver ;-))

Écrit par : frasby | vendredi, 07 mai 2010

Entre votre titre et le mien d'hier, je crois que notre chemin va être long pour y aller (où)

Écrit par : ficelle | samedi, 08 mai 2010

@Ficelle : Mais oui dites, c'est vrai ça !!! ouh ben dites ! je n'avais même pas fait le rapprochement tellement je suis ailleurs en ce moment (rires) (Notez que ça ne fera rire peut être que vous et moi) On ne dira jamais assez à quel point les grands esprits (!) (?) (!) se rencontrent pour y aller.
(à quel point ?)

Je vous lierai cependant, toutefois, au demeurant,là où on sait
(le sait on seulement ? ;-)

Écrit par : frasby | samedi, 08 mai 2010

Frasby, nous tenons à vous. Et donc, Barthes, d'accord, la "déréalité", si vous voulez.
Mais de grâce, en traversant les rues, faites quand même gaffe aux camionnettes des blanchisseurs...

Écrit par : solko | samedi, 08 mai 2010

@Solko : Merci vous êtes un adorable, (alabredo, drapon) votre première phrase me recolle au monde bien joyeusement et ça me remet les yeux en face des trous, (comme on dit à Couzon après une nuit de valse et un bon châblis matinal -châblis-gratons- dégusté au "bon coin" de la rue Marietton). Heureusement que je vous ai, Solko .
S'il n'y avait que les camionnettes des blanchisseurs ! mais il y a ces calèches et ces diligences, vous avez vu ça ? grande rue de la Croix Rousse qui ne respectent pas le code de la route ! un scandale ! (quand mettra-ton des radars grande rue de la Croix Rousse ?) Et le 6 ! très dangereux le 6, dans les virages (rivages) de la Pouteau. Vous avez vu ce monstre ? Avez vous déjà entendu son Klaxon ? Est ce humain ? Comment au son du 6 ne pas avoir tentation de déréalisation ? (Je vous le demande) et vuso housiate une roujnée béni charmillonnante.

Écrit par : frasby | samedi, 08 mai 2010

Ne vous laissez pas abarthes :-)

Écrit par : Zoë Lucider | samedi, 08 mai 2010

Zoë Lucider : Chapeau Zoë !;-)))))
Revenez quand vous voulez !

Écrit par : frasby | dimanche, 09 mai 2010

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