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mardi, 01 février 2011

Île flottante

Etrange ! il glisse des pans du monde à ma gauche et aussi derrière moi (un peu en oblique). Au delà de l'aire de mon attention, inutilement braquée sur l'inouï passage, ils dérivent...

HENRI MICHAUX, extr. "Personnel" in "Face aux verrous", éditions Gallimard, 1992. 

flotter.JPGJe reçois pour la première fois une lettre de votre pays. Je croyais qu'ils m'avaient oublié. Je me sens un peu seul ici. Enfin, je voulais connaître la solitude, un autre pan du monde. Je ne savais pas que c'était à ce point, difficile. Je voulais écrire quelque chose, loin de tout. Un roman, des poèmes, je ne sais pas trop. Il m'importait d'habiter un lieu sans parole, sans acte, sans rien qui justifie le discours des uns ou des autres. Il m'importait que nulle conversation, nul personnage ne viennent jamais embarrasser de conséquences positives ou négatives, cet endroit merveilleux que je me suis choisi pour créer par exemple, une oeuvre. J'aurais voulu écrire un livre, mais je ne sais plus écrire. Et puis, il y a cette chaleur accablante. Ces éléments de la nature, des frétillements, des clapotis, qui ne cessent d'amplifier en moi le souvenir de vos maisons. Ils me ramèneraient sur vos rives, si je ne m'en méfiais pas. Ils me rattacheraient à tout ce que j'ai quitté, me forceraient à réfléchir... Oui, c'est cela, à vivre dans vos maisons, on ne fait que réfléchir. Je ne veux plus rien savoir, rien jamais qui me tente, ou m'invite à la réflexion, je redouterais trop d'en venir à une certaine confusion d'esprit ou à regretter de ne plus avoir ici de miroir pour trouver encore ce qui lie ma pensée à mon apparence.

Quand la nuit tombe, je tourne en rond. Il se peut que ces choses qui me sont étrangères se soient mises à parler dans mon dos, des phrases entières, quelques bruits de vos mondes qui reviennent à mes sens, inaudibles. Cette intrusion est semblable au silence qui précède, semblable au silence qui suit. Cela en vient à m'accabler à mesure que l'intensité du son se précise, toute signification des mots se brouille, il n'en reste qu'une trame, un continuum assourdi dont l'austérité pourrait pétrifier la mémoire, à force. J'ignore au juste ce qui m'est arrivé, je reste ici mais il se peut que je sois en train de perdre les amarres qui m'attachaient encore à vous. Cela advient, c'est une menace que je ne peux vous décrire, ni partager, ni garder pour moi seul. Elle est un éclat de roche erratique égarée dans un corridor. L'élément liquide se transforme en cristaux opaques et rigides, on dirait ces dessins d'étoiles que l'on trouve dans vos livres qui expliquent l'univers aux enfants. Je m'imagine, quelquefois devenir la synthèse du ciel et de l'Océan, cela tiendrait en quelques lignes. Ce serait la fin d'un roman. Ou bien, j'habiterais à l'intérieur d'un coquillage collé à votre oreille. Je ne peux pas vous décrire cela précisément. Je suis un élément perdu, flottant parmi les algues, confondu au milieu d'un système aberrant, le théorème d'une mathématique disparue, un théorème qui ne s'appliquerait à rien, cela donnerait toujours un résultat presque juste, presque faux, avoisinant celui de zéro, peut-être égal à un. Autour se trouveraient des milliards de chiffres auxquels nul ne comprendrait rien.

Chaque rais de lumière, chaque grain de sable est un hémisphère que j'avale, tout cela m'incorpore au mouvement qui ne peut s'inscrire dans aucun programme. Je suis seul, à présent. J'ai beau l'écrire, à vous, ou à quelqu'un, je ne sais plus comment une telle chose peut se ressentir, si cela m'appartient  si cela m'a été appris par quelques uns de vos amis dans ce besoin de compagnie qui comble les trous, les vides et les silences quitte à les remplacer par des trous des vides et des silences mais pleins de bruits. Dois-je ressasser ainsi que je suis seul comme s'il était admis pour vous que je sois conscient de ma déchéance ? Les journées sont de plus en plus trouées. Tout se clive. J'éprouve le mouvement d'un très lent détraquage. C'est le seul sentiment qui me vient. Je pourrais facilement vous le décrire s'il me restait un peu de volonté. Je suis seul et ils sont innombrables. Ils me suivent. Les nuages liraient ils par dessus mon épaule ? Lisent-ils aussi dans nos pensées ? Tout cela pèse un peu. Je crois voir sous  leur forme la cachette de mes ennemis. M'auraient-ils suivi jusqu'ici ? Ils transportent dans le ciel toutes sortes d'animaux, ceux des cages, ceux des niches, d'autres plus effrayants se seraient ils enfuis du parc zoologique ? Les loups de vos forêts, les chacals, et plus bas, les troupeaux, nombreux, innoffensifs, des formes oblongues ou rondes et, avec elles, encore cachés, les bontés ou les sacrifices. Ils traversent le ciel, les troupeaux, avec une douceur qui pourrait encore attrister. Rien n'est doux en réalité, nulle forme n'adoucirait tout ce qui dedans gronde, ces choses muettes sans courage, auxquelles je souhaitais échapper, elles vous quittent, me retrouvent, longent les flots, s'y reflètent, filant une trame intrépide, les animaux de partout rassemblés en troupeaux, et ces troupeaux me narguent. Ils vous gardent. Je n'ai pas les capacités de modifier la direction de ces nuages. Longtemps j'ai pu croire qu'en soufflant dessus, mais non... Ils m'emballent avec des histoires de pluie et de beau temps où s'emmêlent les votres mais je crains cet aspect trop affable. Ces nuages si serrés auraient-ils empapilloté les cornes du diable, pour venir ici me les présenter ? C'est coton. Savez vous, qu'ils  en sont  peut-être capables ? Les nuages cachent peut être des milliers d'entre nous et les autres, tous un jour portés disparus, volatilisés dans les rues, dans les bars, dans des histoires qui  finissent mal, les victimes d'accidents d'avion, les soldats inconnus, et tous ces morts sans sépulture... Heureusement ils sont rares. Le ciel bleu, uni, me trouble davantage. Cette monochromie épuise tout. Ce lieu m'aura si patiemment désincarné, que lorsque je reviendrai chez vous, vous me trouverez méconnaissable. Je serai devenu ou trop jeune ou trop vieux. J'inspirerai des conversations à voix basses, des regards embêtés. Je connais déjà l'arsenal, tous les apitoiements et votre âme empressée à tirer son épingle au jeu d'une bonne action qui dissimule des champs de ruines, et toutes sortes de déceptions, vous inviteront à vous réjouir de savoir les autres au moins aussi mal aimés, bien aussi seuls que vous. Mais tout ce que je vous écris là, me semble plus sûrement dicté par un autre qui aura pris possession de ma pensée. Vous savez bien qu'en temps normal, je n'aurais jamais pu vous écrire de telles choses. Je suis pris sous cette forme, sous une autre. Quand je me pince fort comme on le fait pour se savoir en vie, ce pincement, je ne le ressens pas. Je pince l'air et l'air me revient, chaud ou froid. Je regarde : il y a juste deux doigts collés l'un sur l'autre, c'est absurde. Il n'y aurait pas plus que cela. Quand pour m'en assurer, je me griffe jusqu'au sang, rien de ce geste encore qui vous paraîtra brusque, ne laissera la moindre trace sur ma peau, je ne saignerai pas, aucune trace de griffure. Tout désir d'en savoir un peu plus me coucherait sur le bord de la route, je longerai vos mondes, en refusant toute participation, mais ici de route, il n'y a pas, juste une plage à perte de vue que la mer prolonge et entoure, et prolonge, etc...

Ainsi sans savoir que j'existe, ni me me soucier de vos affaires, je devrais être gai simplement de me trouver ici sur la plus belle île de la terre, celle dont chacun rêve, dans le plus beau désert, dans la plus belle nuit éclairée par le soleil le plus étincellant, suivant un souffle chaud qui ronge et sème au fil de l'eau des diamants venus de l'envers, les danses molles des écailles d'argent des môles empiffrés de méduses, tout un scintillement qui n'existe pas à l'intérieur de vous ni en moi. Certes, ce scintillement aura peu à peu saturé l'horizon. Il détruit maintenant l'objet de ma contemplation. Ce serait comme si un musicien se mettait un jour à avoir peur de la musique, de sa beauté, de sa révélation. Cette peur me trahit à mesure que je me sens devenir autre. J'ai parfois honte de me plaindre à vous, ainsi sans raison. Souvenez vous, je voulais écrire un journal. Noter tout, le moindre évènement, en consigner chaque détail, puis au retour, vous enticher dans les salons, des récits de mes voyages. Ils vous auraient collé des fourmis dans les pieds, une chair de poule pour chacune de vos émotions, vous m'auriez trouvé magnifique au milieu de mes diapositives de poisson-lune, ma façon de raconter, vous l'auriez trouvée magnifique aussi. Et le coeur à l'ouvrage amplifié de bonnes résolutions, vous m'auriez imité, je crois. Il y aurait eu des coups de foudre la foudre et les métamorphoses après quoi, nous aurions tout tiré vers le haut.

île9657.JPGCe manque vous use, vous en crevez, comme j'en crevais jadis quand je vivais chez vous. Je sais qu'il vous manque cette espèce de curiosité, effarante... Elle pourrait favorablement bouleverser le cours de nos existences en décupler le déroulement. Il m'arrive parfois de croire aux métamorphoses Vous m'auriez écouté bouche bée. Vous auriez dit "c'est incroyable !"... La pureté de cette fantaisie qui me pare vous aurait paré vous aussi. Le désintéressement de toute chose vous serait venu, comme il me vient ici, dans la gratuité de ce qui se détraque quand tout est trop gratuit.  Chacun aurait pu se sentir capable un instant de mettre la main dans cette nouvelle pâte. Qu'un seul montre un chemin, celui là, celui ci, qui n'ait jamais été vécu par aucun autre... Cela irait au delà de l'écriture. Il aurait fallu écrire la réfutation, l'effacer aussi vite. On aurait rasé les bibliothèques sans le moindre état d'âme, l'unité du monde revenue à l'état de parcelles indifférenciées nous aurait peut-être amusés et cet éclatement sans précédent si un seul l'avait convoqué, si un seul d'entre nous en était revenu favorablement transformé, tous les autres auraient pu le suivre, n'est ce pas ?... Du moins c'est ce que je me disais. 

  Voilà, ce que j'aurais pu écrire sur mes carnets, dans mon journal si la chaleur n'était pas aussi écrasante. Je ne fais rien. Depuis que je suis arrivé, je ne fais rien de mes journées. J'ai dû marcher lontgemps, avant de trouver l'ombre, juste assez pour construire une cabane. Auparavant, il aura fallu que je me débarrasse de la plupart de mes bagages ils étaient  lourds, je me voûtais. Mais c'est étrange, plus je m'allège plus mon corps devient lourd. Je me suis démis des objets les plus précieux et leur poids, colle à moi, plus encore qu'au temps où je les portais. Je n'en n'éprouve aucun regret. Je ne fais rien, rien ne m'arrive, rien qui puisse honorer le projet de ce livre pour lequel je m'étais déplacé jusqu'ici. Maintenant, je ne fais que ramasser des coquillages, tous identiques, en général des multivalves qui ont une espèce de coquille articulée sur leur dos, ils se ressemblent tous à quelques nuances près. J'aime la nacre, la blancheur profonde de la nacre un peu boursouflée, forée dans la coquille. Cela constitue mon unique passe-temps. Je ne sais pas si cela vous paraîtra intéressant à lire, mais c'est devenu mon but, il est futile et passionnant. Je ramasse des coquillages toute la journée. J'en ai pour l'instant trois mille cinq cent cinquante huit, tous de taille identique, de couleur identique, je les trie patiemment, trois mille cinq cent cinquante huit sans compter les reflets de nacre dont les nuances imperceptibles sont connues de moi seul. Maintenant que je m'applique à cela, comme le ferait n'importe quel artiste envoûté par des coquillages, je me sens presque indifférent à tout mais toujours un peu seul, j'ai gardé mon harmonica. Je ne l'ai pas encore sorti de son étui. Pourtant je reste un artiste vous le savez, vous à qui j'aimais tant parler de choses qui ne vous intéressaient pas. Dites le à nos amis, s'ils m'oublient. Dites leur que je vais bien, et dites leur surtout qu'ici je suis heureux que je revis.

Demain, j'irai ramasser d'autres coquillages, je m'impose depuis peu une discipline très stricte, je me lève très tôt le matin, il me faut trouver-cinq cent quarante huit coquillages par jour tous identiques (hormis la nacre, dont les reflets doivent être différents, mais pas trop). A part ça les jours n'en finissent pas. Heureusement, j'agis sur les choses, je suis devenu extrêmement méthodique. Je ne ramasse pas un coquillage sans avoir fait au préalable mille deux cent soixante dix sept pas dont je note le passage dans le sable par une croix à mesure que je marche. J'avance, ensuite j'ai comme la certitude que ces pas ne seront plus à refaire. Je m'arrête après mille deux cent soixante dix huit pas, je me repose, un peu, deux minutes, pas davantage. puis je repars et ainsi de suite jusqu'à la tombée de la nuit. Si je n'étais pas aussi organisé, je crois que je deviendrais complètement fou.

Photo 1 : Une île flottante au parc de la Tête d'Or, à moins que ce soit la tête d'Or,  elle même !  (qui remonte ? (my God !) sachant qu'on ne l'a jamais retrouvée. Photographié près d'un simili point d'eau qui borde une simili plaine sauvage peuplée de vrais flamands roses de vrais toucans, de canards  authentiques vivant en parfaite harmonie avec les réels zébus et autres charmants wapitis...

Photo 2 : Un lac en forme d'Océan pacifique (si on veut) ou indien (à la convenance de chacun) plus près de l'esprit des flots du père Phonse (de Lam') à Saint point (ô lac !), vue dans le plus beau parc romantique de toute la galaxie, toujours le même, le Parc de Tête D'Or, à Lyon. Photographié au mois de Janvier de cette année là. © Frb 2011.

Commentaires

M. Yourcenar :
- "Une île est à la frontière entre l'être humain et l'univers."

Écrit par : JEA | mercredi, 16 février 2011

@JEA : On ne pourrait offrir une définition plus précise
En plein dans l' (e) (m) il (l) e, la Marguerite ! :)

Écrit par : frasby | mercredi, 16 février 2011

Jean-Claude Pirotte et la solitude :
- "On est tellement seul qu'on ne peut compter que sur l'autre."

Écrit par : JEA | mercredi, 16 février 2011

@JEA : JC pirotte : Ca c'est cadeau ! cette phrase est une splendeur (de vrai de vrai), je vous remercie, vraiment...

Écrit par : Frasby | mercredi, 16 février 2011

Gombrowicz :
- "Je suis seul, donc je suis davantage..."

Écrit par : JEA | mercredi, 16 février 2011

@JEA : Oh Witold ! (que du beau linge :)
Il est 8H45, Marguerite, Jean Claude et Witold prennent un café serré (les uns contre les autres ?) au "bistro des copains".
Tiens mais qui j'aperçois ? Albert (Camus)
- Marguerite, Jean claude, Witold (en choeur)
-Salut Albert ! alors ça boum ?
qu'est ce que tu nous raconte de beau ce matin ?
-Albert :
Et ben moi je vous dis que "si la solitude existe, ce que j'ignore, on aurait bien le droit, à l'occasion, d'en rêver comme d'un paradis :)

Écrit par : Frasby | mercredi, 16 février 2011

Bonjour Frasby,
Je vois que vous sollicitez les coquillages de nacre, dans vos textes et vos poches, je les imagine si bien avec vous, le texte, malgré sa longueur, est très beau, j'ai bien aimé la collection tout l'univers qui explique tout aux enfants, la chanson So nice, une voix spirituelle latente au fond de la mer qui se met à chanter pour toujours dans le coquillage du monde quand on la porte à l'oreille. La perle du coquillage c'est votre texte que bien des gens songeront à admirer.
Iron Ikunst

Écrit par : Ikunst | mercredi, 16 février 2011

Sur la table voisine du "bistro des copains", un bouquin un peu écorné (de père connu : Jules Renard).
Ouvert à la page :
-"Si tu crains la solitude, n'essaie pas d'être juste."

Écrit par : JEA | mercredi, 16 février 2011

@Ikunst : Je vous remercie, Iron. Votre passage ici est une autre surprise, on vous sait rare, (revenu de Fog City pour une balade (solo) un pied sur l'île, une oreille dans les coquillages, j'en suis étonnée, votre commentaire est très beau. On vous sait, par ailleurs explorateur de mille (et un) pans (chants) du monde les coquillages, portés à l'oreille ou déclinés (de l' épisthobranche au solénogastre ? :) n'ont sans doute plus aucun secret pour vous... C'est vrai que le thème "coquillage" avec la nacre revient souvent ici (peut être à cause du son et puis "nacre" n'est il pas l'anagramme de "crane" ? ( sans chichis) avec ou sans le petit chapeau au dessus des oreilles, et dedans et partout, mais surtout je trouve que la nacre nuance les reflets à merveille. c'est simple et beau. La collection "tout l'univers" aura marqué l'enfance, grand bien nous fasse, grâce à elle l'univers continue avec tout ce qu'il faut dedans, et plus encore. Je suis de votre avis, le texte est long j'ai hésité à le publier tel, à l'origine il n'était prévu pour ce format, je l'ai scindé en 2 voire 3 parties mais ça ne fonctionnait pas, comme je ne l'ai pas écrit pour qu'on l'admire, j'ai finalement repris l'original. La chanson de V Gallo, est une autre perle rare, connaissez ses films ? ("Buffalo 66'") ? Permettez moi de vous en offrir un court extrait, (so Nice) J'espère qu'il vous ira...

http://www.youtube.com/watch?v=-IjeR-HdOKw&feature=related

Écrit par : frasby | mercredi, 16 février 2011

@JEA : Au fond dans la salle du "bistro des copains" il y a une partie qui fait restaurant, Alphonse (Daudet) déjeûne avec sa femme (qui fait la gueule) et ses six enfants (très bruyants), en allant demander la "douloureuse" au patron il jette un oeil sur un bouquin (un peu écorné) et regardant au loin sa sinistre couvée et sa femme, (mal coiffée) qui fait toujours la gueule il soupire puis confie au patron :
- "L'homme seul n'a pas les mille souffrances de l'homme en famille." Et le patron répond :
- Ouh ben, ça... ! :)

Écrit par : Frasby | mercredi, 16 février 2011

Dans la partie resto, si c'est une homme, il a le dos tourné définitivement aux Daudets.
Sur une feuille comme une terre promise, avec les initiales P. L. en relief sous une étoile, sa main dessine :
- "Je ne vois pas le monde avec désespoir parce que je suis plongé dedans..."

Écrit par : JEA | mercredi, 16 février 2011

@JEA est ce bien le même P.L. qui soulignait :

"Aucune expérience humaine n'est dénuée de sens ou indigne d'analyse" ?

Écrit par : Frasby | mercredi, 16 février 2011

@ Frasby

Lui ne s'est pas jeté dans le vide comme le raconta la presse. Il a plutôt confirmé que l'histoire l'y avait plongé et qu'il ne voyait plus comment en sortir...

Écrit par : JEA | jeudi, 17 février 2011

@JEA : Je n'ai pas lu cette presse, plutôt des analyses un peu plus affinées qui rejoindraient la votre. Le vide est encore un trop plein de traumatisme... Le trausmatisme ne s'arrête jamais. Ce qu'a vécu PL et tant d'autres hélas est une chose si monstrueuse que nous autres générations qui n'ont connu que des témoignages ne pouvons nous imaginer même en faisant beaucoup d'efforts pour comprendre, comment on revient vivant d'une telle barbarie, comment on peut porter le poids d' un tel passé et reprendre le cours ordinaire des choses, tant cette mémoire dépasse l'entendement humain, tant c'est un gouffre, une idée de l'enfer sur la terre, déjà en lisant les témoignages (PL et d'autres), en découvrant les documents, nous qui n'avons pas connu, nous en sommes retournés, sidérés (physiquement, moralement, malades), c'est là qu'il y a un hiatus, ceux qui ont vécu la barbarie corps et âme, ont dû se sentir dans une solitude effroyable, une fois de retour, là où la vie continuait... Est ce qu'il est possible de "refaire" sa vie après cela ?

Écrit par : Frasby | jeudi, 17 février 2011

@ Frasby

La Shoah n'appartiendrait pas au passé dans la mesure où des blessures ignorent tout début de cicatrisation et où cette Shoah se prolonge autrement certes, mais dans chaque tentative de déshumanisation.
Victimes et rescapés ont posé sur quelques déserts, en quelques mains aux lignes de vie marquées par une propension à l'échec, une poussière d'étoiles.
Qu'au moins ce passé ne soit pas distillé en alcool pour les festins des fachos nostalgiques, des collabos revanchards...
C'est pourquoi il ne relève pas d'un politiquement correct ni d'une bienpensance intello de rappeler par exemple que Léon, le fils Daudet, écrivait dans le Figaro du 6 janvier 1895 :
- " Il n'a plus d'âge, il n'a plus de teint, il est couleur traître. Sa face est terreuse, aplatie et basse, sans apparence de remords, étrangère à coup sûr, épave de ghetto."
Léon Daudet décrit l'officier de l'armée française Dreyfus, dans un quotidien bien français. Pour le stigmatiser comme juif. Comme le régime de Vichy s'y spécialisera avant même les demandes allemandes.

Écrit par : JEA | jeudi, 17 février 2011

@JEA : Merci de venir ajouter une documentation qui balayera, (grand bien lui fasse) mon commentaire inconséquent. Il y avait quelque chose que j'avais du mal à comprendre. Maintenant je vois que cela est dû de ma part à une réelle méconnaissance des faits historiques. Je voudrais ici vous assurer que J'ignorais tout des idées ineptes de Daudet Léon, j'ai sorti d'un chapeau la famille Daudet pour une citation que je croyais aussi inoffensive que cette famille/ ce que je lis ici, je ne le savais pas, j'ignorais totalement que Daudet fils avait écrit des choses pareilles, j'ai des lacunes abyssales quant aux faits historiques, je ne le cache pas, en ne traitant pas sur CJ ces sujets qui pourtant me tiennent à coeur, pour raison qu' il me manque un certain savoir historique, circonstancié et scrupuleux mais je ne me pardonne pas, toute cette désinvolture même si elle est hélas accidentelle et sans nul autre calcul, (ou jugeotte), elle n'est que pure connerie, et ignorance (qui m'inviteront à redéfinir sans doute ce que c'est une publication à remettre en question pas mal de choses ) Avec moins d'ignorance de ma part cela ne serait jamais advenu, et j'aurais laissé Daudet loin, de mes pages, jamais je ne me serai autorisée d'en faire un jeu de citation avec vous, (connaissant vos combats, vos recherches et ce soin que vous mettez à la transmission) j'use par ailleurs d'ironie mais sur ces sujets là, aucun sens de l'ironie ne me vient. La shoah, la collaboration, et tous les racismes haineux ordinaires passés ou contemporains ne m'ont jamais fait rire ni sourire, je n'y arrive pas, loin de moi l'idée d'en faire un sujet de plaisanterie à galvauder (au café des copains) disons que votre dernier commentaire m'éclaire autant qu'il m'est insupportable de vous avoir heurté ou blessé- ou d'avoir heurté d'autres personnes. Je voudrais vous assurer qu'il n'y avait pas d'allusion volontaire de ma part, visant à faire son petit effet pour la parade, puissiez vous ne pas en douter. Enfin je vous dois et vous présente toutes mes excuses, pour cette inconséquence, lourde, cette ignorance qui bien malencontreusement entre en collision avec les idées que je défends celles-ci sont pourtant sont proches des votres. Je sais que cela n'est pas excusable, je ne sais comment réparer. Si je peux réparer (?) en quoique ce soit, n'hésitez pas et je ferai au mieux. Le politiquement correct n'ayant rien à voir dans tout cela, je vous remercierai encore et encore pour tous vos éclairages ici et ailleurs.

Écrit par : Frasby | vendredi, 18 février 2011

@ Frasby

Ventre saint gris et pâle sang bleu... Ce n'est évidemment pas la première fois que je m'exprime maladroitement. Mais ici, c'est costaud.
Des antisémites ont eu recours à la plume, aux caractères d'imprimerie, à la radio, au ciné etc comme à autant d'armes assassines. Parmi ces persécuteurs, il y avait des petites mains et des doués. Des noms disparus dans les sables et d'autres avec aujourd'hui encore des cours d'admirateurs.

Les victimes et rescapés ont laissé une trace au moins : ne pas oublier ni laisser banaliser. Eux sont définitivement marqués. Et la plus grande des pudeurs et des prudences imprègnent leur transmission
Mais malgré ou à cause de 80.000 disparus en France, ils n'attendent de personne de cesser de vivre autant que faire se peut la liberté, l'égalité et la fraternité. Que du contraire. Pour retenir une image trop simplificatrice, il y a des Justes chargés du poids des passés et veillant à ce que les les nuits ainsi que les brouillards ne les estompent, ces passés. Voilà pour quelques Justes... Pas question de culpabiliser, de policer, de superviser toutes, tous les autres. Que ces citoyen(ne)s filent leur étoile sans entraves.

Nous sommes trop loin de la splendeur de ce que vous écrivez sur vos carnets, dans votre journaL

Écrit par : JEA | vendredi, 18 février 2011

@JEA : Je vous lis et surtout je vous écoute. Peu importe la splendeur... Ne parlons pas d'expression maladroite
Je lis votre texte ci dessus, il est si clair, si précis que je n'ai pas envie de rajouter trop de mots à la suite, qui viendraient inviter à "zapper"ou dérouler un rectangle de plus, d'une façon inutile sous un texte, le votre, ci dessus si précieux, qu'il pourrait nous modifier encore favorablement à le lire et le relire je laisserai la voie lisible autant que je le peux, votre éclairage est scrupuleux, respectueux (et sans solennité), nous vient avec intelligence le monde l'homme libre, qui pour le rester se fera "passeur" et non agent de police... Merci à vous JEA, très sincèrement, ...
Avec mon amitié.

Écrit par : Frasby | vendredi, 18 février 2011

Le bonjour d'un revenant,
comme je l'explique sur mon blog j'ai repris le clavier (tout neuf) et peut être que ça va donner un nouveau blog élargi (Bd, livres, théatre...) . Déja on peut aller y jeter un coup d'oeil pour voir de quoi il en retourne. bien entendu c'est aussi l'occasion de retourner visiter les blog amis comme le tien qui garde ces qualités
Amitié
alex

Écrit par : alex | dimanche, 20 février 2011

@Alex : Ca alors ! c'est une bonne surprise. Je n'ai aucun don extra-lucide mais j'étais sûre que tu reviendrais, tu ne pouvais pas arrêter en si bon chemin c'était impossible :) L'hiver est plein de beau retours, par ailleurs (tu peux aller voir "Mo(t)saïques 2" belle suite de JEA re-crée ou crée pendant ton absence) j'ai mis ton nouveau lien au chaud j'irai lire ça très bientôt (et comment!), je manque pour l'heure hélas de temps pour visiter (surtout commenter) les blogami(e)s, je le regrette, mais je te promets que je trouverai un moment pour découvrir les évolutions diverses et variées de tes précieux domaines (double surprise donc), merci de ta visite Alex, inutile de te dire que les portes et les fenêtres te sont ici grandes ouvertes. En attendant d'aller porter nos voix chez toi, je n'ai pu résister à la tentation de jeter un coup d'oeil (encore trop rapide) mais ça m'a l'air tout à fait interessant, très différent de ton blog cinéma, à suivre ...
Bonne chance pour le nouveau et l'ancien et plus encore
et nous, on suit :) à bientôt !
Amitiés

Écrit par : Frasby | dimanche, 20 février 2011

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