samedi, 04 juin 2011
A tribute to Maurice Garrel
"Je pensais ne pas passer le cap de l’année 2000. Finalement, nous sommes en 2011 et je suis toujours là. Il faudra m’abattre à la carabine !"
MAURICE GARREL (24 Février 1923 - 4 Juin 2011), extr. des entretiens de l’émission "A voix nue", par Dominique Féret réalisée pour France Culture en Mai 2011.
Personne n'aurait vraiment souhaité abattre Maurice Garrel à la carabine, on aurait bien aimé, je crois, le voir encore jouer longtemps. L'acteur est mort, ce 4 Juin 2011 à l'âge de 88 ans, et bien que je ne sois jamais très à l'aise pour chroniquer les disparitions, je tenais à rendre un petit hommage à cet acteur que j'admire depuis que je l'ai vu pour la première fois dans ce vieux film extra, d'Alex Joffé, datant de 1960, intitulé "Fortunat", où Maurice Garrel y jouait le petit rôle d'un inspecteur de la milice, aux côté de Bourvil et de Michèle Morgan, et peu après je le revis en Monsieur Bontemps dans "La peau douce". Maurice Garrel était aussi le père du réalisateur (mythique), Philippe Garrel, ("J'entends plus la guitare" entre autres...), le grand père du beau Louis et de la belle Esther, (tous deux aujourd'hui acteurs également), il fût l'élève de Charles Dullin et de Tania Balachova, il devint pensionnaire de la comédie française de 1983 à 1985. On l'a remarqué chez Truffaut, Rivette, Costa Gavras, Chabrol, Doniol-Valcroze, Deray, Deville, Sautet, Cavalier, René Clément, Marcel Carné, Pierre Kast, Chéreau, Despleschin, Lelouch, dans les films de son fils ou dans ce film étrange, "Alors voilà" réalisé par Michel Piccoli. Et j'en oublie beaucoup... Le plus souvent, il a joué les seconds rôles, il a oeuvré pour des courts métrages, pour le théâtre, pour la télévision, il s'est aussi essayé à la mise en scène avec Laurent Terzieff (un autre "magnifique" disparu, l'été dernier). Il fût nominé deux fois pour les Molière en 1992 et 1994, et deux fois aux Césars pour le meilleur second rôle masculin dans le film (superbe), "Rois et reines" de Arnaud Desplechin, et surtout pour "La discrète" de Christian Vincent où son jeu adhère au personnage avec une classe d'un naturel époustouflant, chacune de ses apparitions se savoure et mène le film à l'excellence. Je n'ai pas trouvé beaucoup d'extraits disponibles sur le net où l'on peut visionner des scènes significatives du fin travail d'acteur de Maurice Garrel, j'ai donc choisi parmi les rares qui nous sont actuellement accessibles et ça tombe plutôt bien, pour ce jeu, qui paraît flegmatique mais révèle un travail d'acteur précis (là où "le travail" justement ne se voit plus). Il y a un autre charme chez Maurice Garrel c'est sa voix au phrasé très particulier, cette élégance un peu maussade, très enveloppante, un je ne sais quoi de magnétique qu'on pourrait appeller plus simplement "une présence". Extrait choisi, entre deux scènes, ça passe trop vite, regarder ce jeu, écouter cette voix, est un pur régal.
Autres liens pour découvrir plus en détail l'itinéraire de Maurice Garrel, à lire ci-dessous trois articles de presse parus juste après sa disparition :
http://www.lexpress.fr/culture/cinema/petite-histoire-du-...
http://www.lemonde.fr/culture/article/2011/06/05/l-acteur...
http://www.parismatch.com/Culture-Match/Cinema/Videos/Hom...
A écouter, une suite des entretiens de l'émission "A voix nue" consacrée à Maurice Garrel, ici le second entretien, il y en a cinq en tout, la page vous ménera à l'intégralité, selon votre désir.
http://www.franceculture.com/emission-a-voix-nue-maurice-...
Photo : tirée du film "La maison des bories, réalisé en 1969 par Jacques Doniol-Valcroze
01:52 Publié dans A tribute to, Actualité, Arts visuels, Mémoire collective, Pépites | Lien permanent
Commentaires
Oh Frasby merci,je voulais écrire hier soir un billet sur Maurice Garrel, et vous l'avez fait parfaitement (j'aime beaucoup La Maison de Bories. Enfin, je ne l'ai pas revu depuis sa sortie, c'est dire! peut-être ne me plairait-il plus du tout; vous l'avez vu récemment?) Bon, j'aime bien aussi Louis Garrel!
Écrit par : Sophie | lundi, 06 juin 2011
Formidable extrait de "La Discrète" de Christian Vincent, que je n'ai pas vu ! Me donne envie de me procurer le DVD, ainsi que celui de "Rois et reines" de Desplechin, dont je me rends compte que je n'ai vu que les trois premiers films (La Vie des morts, La Sentinelle, et Comment je me suis disputé...).
Merci Frasby, pour ce billet et cette belle photo de Maurice Garrel.
Écrit par : Michèle | lundi, 06 juin 2011
@Michèle : Merci, pour l'extrait "formidable, oui , le duo Luchini-Garrel est un must de contrastes, au niveau des personnes et des personnages enfin du jeu c'est un petit bijou ce film "La discrète", avec un beau casting, 3 acteurs étonnants, une mise en scène d'orfèvre, n'oublions pas l'actrice Judith Henry, elle est parfaite et se glisse finement entre ces deux comédiens "puissants" que sont Luchini et Garrel . en plus on trouve le DVD facilement (si vous n'avez pas vu la discrète, allez y les yeux fermés, Michèle, enfin non les yeux grands ouverts, je suis prête à parier que vous ne résisterez pas à la tentation de vous repasser en boucle certaines scènes, je l'ai vu plusieurs fois, jamais ne m'est venue une seconde d'ennui, il y a toujours des petits détails minuscules, des "trucs" qui échappent. Nauher vient ici d'en préciser un que je n'avais pas du tout remarqué vous lirez... Et puis il y a une atmosphère qui rappelle certains vieux films de Rohmer (genre la boulangère de Monceau)... C'est très intelligent sur un air assez léger qu'on croirait badin, pourtant, non... "Rois et Reines" c'est pas le même humour, si j'ose dire, (enfin vous le savez), à voir absolument, il exige sans doute une plus grande disponibilité, plus rugueux, humainement, mais fouillé, avec un Maurice Garrel très différent, vous connaissez plus que moi le grand style de Desplechin, je n'ai vu que "Rois et reines"et "La sentinelle", une claque évidente, ... "Et comment je me suis disputé", j'ai décroché, j'avoue, je l'ai vu après la sentinelle c'était une déception mais peut être ai je manqué d'attention ? Il faudrait que je m'applique à le revoir.
Elle est belle cette photo, n'est ce pas ? y'a pas que Philippe et Louis, Maurice aussi, était très beau il avait un visage "substantiel" comme dirait l'autre...
Ps : Si vous visionnez la discrète un de ces 4, n'hésitez pas à venir nous faire partager vos impressions, si ça vous dit... (ej resia sètr eciruese d'aroiv nu pitte poto gnési Chimèle :)
Écrit par : frasby | mardi, 07 juin 2011
Il est effectivement magnifique dans "La Discrète" en libraire vaguement cynique. Il s'appelle d'ailleurs Costals : allusion à peine visible (l'inscription est sur la porte) au héros de Montherlant. C'est lui qui tempère Luchini, ou, pour être plus exact, en "justifie" l'excès.
Homme de second rôle, sans doute. Mais d'un temps où le cinéma en avait de premier. Temps depuis longtemps révolu, il me semble.
Écrit par : nauher | lundi, 06 juin 2011
@nauher : Oui je partage ... "Libraire vaguement cynique", le "vaguement" trouble, ou bien le cynisme est "à l'ancienne", (le libraire est il vaguement cynique pour la "bonne" cause ? , ou bien, on ne sait pas, on sait qu'il est cynique et on se surprend à adhèrer en tant que spectateur, on se fait embarquer et Garrel nous embarque sans ramer, là où un autre acteur ou un autre metteur en scène, auraient tout alourdi, jamais on ne tombe dans les poncifs ou le cabotinage. Vous le dites parfaitement, "C'est lui qui tempère Luchini, ou, pour être plus exact, en "justifie l'excès". c'est exactement ça, chaque personnage est respecté, tout tient en équilibre, c'est fragile, ça ne craque pas ça passe, un petit miracle de jeu, les ficelles sont pourtant annoncées, et il s'en trouve d'autres plus subtiles quasi invisibles. Cerise sur le gâteau, l'infime détail qui tue : Costals. (Vous lisez sur les portes, bravo! :) ... vous êtes très fort, de toute façon je n'aurais pas pu noter, je ne connais presque pas Montherlant, j'ai lu de très belles choses pourtant mais cet auteur a, disons, un état d'esprit qui me met mal à l'aise, je l'ai boudé, j'avoue... Une question. Depuis quand, ("temps révolu") le cinéma n'a plus de premier rôle, à votre avis ? Je n'arrive à voir clairement... Période "Enfants du paradis ? ou "Le beau Serge ?", ou plus tard ? Je me demande si cette chose est révolue à tout jamais... Ou si les films trop récents, qui ont de beaux premiers rôles de beaux seconds rôles aussi n'ont pas encore eu le temps de mûrir assez pour nous donner une vue d'ensemble de ce qu'il en est, ou en sera, mais c'est une question de candide, nauher, pas une contestation de vos propos.... Merci à vous, à bientôt.
Écrit par : frasby | mardi, 07 juin 2011
@Sophie : c'est étrange parce que je suis allée lire chez vous et j'étais sure de trouver un billet sur Maurice Garrel je ne sais pas pourquoi, une intuition sans doute, j'étais sûre que vous aimiez cet acteur, auquel cas je n'aurais peut être pas osé écrire ce billet , je ne sais pas, enfin je suis toujours un peu maladroite avec les hommages, merci d'apprécier. Maurice Garrel, au début je l'avais remarqué dans plusieurs films, cet acteur crevait l'écran, son physique, sa voix, il avait des rôles minuscules comme dans Fortunat (avez vous vu Fortunat ? C'est à la fois très drôle et triste à pleurer,) je n'arrivais pas à savoir comment il s'appelait, cet inspecteur de la milice je n'avais pas internet pour fouiller dans les génériques, et c'est avec la discrète, que j'ai enfin su comment s'appelait Maurice Garrel, et du coup je me suis jetée sur plein, plein de films où il jouait mais hélas je n'ai jamais vu "La maison des bories", pas encore, sauf quelques extraits chez un ami qui l'a enregistré il a l'air formidable ce film, j'ai vu des scènes complètement oniriques, et j'aime beaucoup Doniol-Valcroze... Louis Garrel... !!! ahlala ahlalalala doux seigneur ! enfin, nous sommes d'accord.
Et Philippe ? Vous aimez Philippe ?
Écrit par : frasby | lundi, 06 juin 2011
Frasby, je me suis permis de mettre votre billet en lien sur l'éventail. Dites-moi si vous n'êtes pas ok.
Écrit par : Sophie | lundi, 06 juin 2011
@Sophie : Bien sûr c'est ok, c'est bath, vous n'avez même pas besoin de demander l'autorisation, vous avez ma bénédiction, c'est ok et même, j'en suis ravie, merci Sophie.
Écrit par : frasby | mardi, 07 juin 2011
Le "vaguement" qui vous trouble, Frasby, et dont je reconnais qu'à la relecture il n'est peut-être pas des plus heureux (il faut pourtant faire très attention aux adverbes), évoquait avec maladresse la position de retrait du personnage de Garrel. Il est en effet un peu indéterminé dans ses motivations. Ce "vaguement" sous-entendait qu'il n'était pas au centre du jeu (Luchini-Henry), pas un acteur au premier plan, pas non plus le metteur en scène, le manipulateur, mais plutôt une sorte d'expérimentateur curieux, quelque chose comme un entomologiste, qui sait, quelqu'un qui évalue les possibles sans être désormais capable de travailler sur ces possibles. C'est un témoin, un témoin magnifique (pour un clin d'oeil à Sheller).
Écrit par : nauher | mardi, 07 juin 2011
Avez vous vu les amants réguliers?
Filmé de très près par son fils, donnant la réplique à son petit fils, il y est très impressionnant, très intense...
Écrit par : christian | mardi, 07 juin 2011
@ nauher : C'est étrange, avec le virtuel, nous avons tendance à nous exprimer comme dans la vie comme au cinéma où les expressions du visage peuvent compléter le sens de nos phrases, alors autant pour moi, et toutes mes excuses, nauher j'ai très mal énoncé ma pensée, il faut faire attention aux "phrases" ; et à la relecture, je m'aperçois que j'ai manqué de concision, votre idée d'entomologiste est très juste, plus que celle de mon "cynisme à l'ancienne", je pensais aux cyniques grecs qui observaient leurs contemporains, qui regardaient avec un certain recul, car ils savaient... Garrel a pourtant l'autorité naturel de l'homme mûr qui sait, et toutes les cartes qui pourraient lui accorder le pouvoir de "manipuler"mais il n'en n'use pas de cette autorité, ni de ce pouvoir et le vaguement, je le disais en ce sens, il me troublait positivement, me trouble dans le film,parce qu'au départ, on ne sait pas, enfin moi, au début, je me demandais où Garrel voulait "emmener" Luchini", mais il ne l'emmène jamais, il nous embarque "nous" aussi, nous invite à observer, il y a dans ce fait d'observer, une jubilation, c'est encore une action très "discrète", si j'ose dire, c'est encore mal énoncé, mais bon, je suis tout à fait d'accord avec vous, un expérimentateur curieux et témoin magnifique, c'est exactement ça... Tout cela inviterait à revoir le film. Merci à vous, désolée, j'ai parfois des difficultés à poser des phrases sur des films (ce vaguement qui me trouble a du bon... :)
Écrit par : frasby | mardi, 07 juin 2011
@christian : > Merci de nous le rappeler...
Ce film est important on aurait pu le citer en hommage, c'est un exemple parfait, je n'en ai vu que de trop courts extraits, très engageants, impressionnants mais pas vu la scène que vous évoquez ,ça donne très envie de le voir en entier, pas vu c'est insuffisant pour en parler, faisons un noeud à nos mouchoirs, absolument, absolument... J'avais noté que la musique de ce film était de l'immense Jean claude Vannier ...
Écrit par : frasby | mardi, 07 juin 2011
Frabsy, en linguistique, un élément discret est un élément signifiant, phonologiquement (comme l'opoosition sourde/sonore, labiales/dentales). La discrétion est donc chargée de sens. Elle est ce qui permet de différencier. À ce niveau, et pour faire un parallèle un peu approximatif, je dirais que le personnage de Garrel est un personnage discret. Il introduit dans le cours du récit une inflexion "signifiante", une différenciation qui pousse justement Luchini à être "autre" qu'il n'est, quitte à en payer le prix (mais nous payons toujours le prix quand il s'agit de ne plus se contenter d'être mais de vouloir exister....)
Bien à vous.
Écrit par : nauher | mardi, 07 juin 2011
@nauher, merci pour ces précisions, je n'ai aucune notion de linguistique (vous vous en doutiez:), ayant préféré l'étude des sons à celle des lettres, mais il se trouve encore des correspondances, (ce n'est pas de la phonologie ça pourrait parfois s'approcher de la phonétique) Il y a des correspondances dans l'écoute, qui s'appliquent à cette discrétion chargée de sens... Un silence, chargé de sens (j'y reviendrai) Il y a des formes d'écoute qui induisent des modifications profondes chez un récepteur, elles sont au départ imperceptibles, fondées autant sur l'empathie que sur l'altérité evidemment on pensera à une autre discipline...Un contrat c'est toujours dangereux...
com/com :
(mais nous payons toujours le prix quand il s'agit de ne plus se contenter d'être mais de vouloir exister....),
Très juste, voilà le fil, il parait très facile à un être humain de dire "oui, oui moi je peux", c'est passionnant de vouloir, dans le film une scène m'aura marquée, impossible à Luchini de tenir une minute de silence, (la jeune fille menant à ce moment et à sa guise, la règle d'un tout autre jeu), ça bascule en silence, vouloir être autre c'est de la littérature, sans doute est ce pour cela que beaucoup de gens écrivent, cette illusion de devenir "autre" un instant, pourrait paraître plus vraie que nature, on croit au jeu. Certains ne sont pas dupes. Mais accéder... C'est approuver l'oeuvre de patience qui s'attaque à toutes les résistances que l'homme a construit pour vivre ou peut être s'empêcher d'exister ? Souvenez vous l'adage très simple qui mène le film : "Quand on regarde quelqu'un on n'en voit que la moitié"
Cette idée de différenciation est très belle comme un espace à traverser, l'espace monstrueux d'un malentendu avec soi peut être ? Précisément "l'espace" qu'il faut affronter pour se refonder soi même par rapport à l'autre, c'est sans doute plus dangereux qu'une bravade littéraire. Au départ "La discrète" n'est qu'un grain de beauté.
(Tel est pris... :)
Encore merci à vous nauher.
Écrit par : frasby | mercredi, 08 juin 2011
merci Frasby pour cet hommage, l'annonce de sa disparition n'a été que trop discrète....si j'ose dire ! quel sourire des yeux !!cet homme me plaisait beaucoup !
Écrit par : catherine L | vendredi, 10 juin 2011
@catherine L. : Merci à vous d'apprécier, ("le sourire des yeux" de Maurice Garrel), oui, c'est ça, c'était un homme très beau, je trouve aussi, même âgé, d'une beauté magnétique sans doute, la plus rare... Trop discrète... ? (ah ah! umour !) l'évocation oui, oui, si on compare au talent du bonhomme, c'est sûr que les hommages ont été un peu lights, ça se passe comme ça toujours dans ce pays on dirait, qu'il n'aime pas ses artistes (j'ai quand même eu l'agréable surprise de lire de très beaux articles, mais trop rares, vous avez raison). L'exemple le plus triste, désolant, fût à la mort de Jean Eustache, il y eût foules d'hommages pour faire oublier que le réalisateur lèguant au monde du cinéma des chefs d' oeuvres magistraux s'était suicidé parce que complètement abandonné par la profession, ezt boudé du public il avait perdu tout courage de continuer au moins Maurice Garrel aura eu une "certaine" reconnaissance de son vivant, pour un acteur qui a principalement joué des seconds rôles, c'est assez remarquable (disons par rapport à un milieu versatile et ingrat)...
Écrit par : frasby | vendredi, 10 juin 2011
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