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mercredi, 10 août 2011

La mort du héron

Sans légende, enfin si ...

la mort du heronnCF9101.jpg Grand chagrin aujourd'hui, je reviens de l'enterrement du héron, quelle tristesse ! le héron était notre ami, il faut croire qu'il était apprécié... Mais la vie continue, n'est-ce pas toujours ainsi ? Et pour vous mettre en appétit, (si j'ose dire), je vous invite à relire en image,une fable bien sympathique, de monsieur Jean de La Fontaine. En espérant qu'il n'est pas arrivé au héron, (comme on le raconte ici) le même accident qu'à la belette, (j'y reviendrais), une occasion pour moi (l'occasion faisant le héron) de vous faire découvrir une autre fable également sympathique celle-ci de Jean Vauquelin de la Frenaye, (né vers 1536 mort en 1607), un poète peu connu, qui fut successivement avocat du roi, lieutenant général, et président au bailliage de Caen. C'était un disciple de Pierre de Ronsard, Mais Vauquelin était sûrement plus chrétien que Ronsard. Il menait une vie rustique à la campagne, il aimait le chant du rossignol (ce qui est déjà courageux), les prairies, les forêts, mais pas seulement, il étudia les trouvères et les vieux chroniqueurs; il cultiva la muse pastorale avec un talent et une modestie qui rendra ses lecteurs indulgents, Jean Vauquelin, imitait les anciens (initiative moins heureuse quand il imitait les poèmes érotiques des grecs), mais encore pardonnable car jamais Jean Vauquelin n'eût la moindre ambition novatrice, ni l'envie de se prendre pour un grand poète. Il est l'auteur de "Foresteries" qui eurent peu de succès. Petit extrait :

Creuse antre, épais hallier, bois de haute fûtée,
Tu veois toujours d'ennui mon âme tourmentée :
Soit que chauve-souris sortent hors de leurs creus,
Soit qu'un astre du ciel, à mi-nuict, tombe en feus...

Puis il composa des "Idillies", (je cite Jean Vauquelin de la Frenaye)  :

[...] qui représentent et signifient des petites images ou gravures, en la semblance de celles qu’on grave aux lapis, aux gemmes et calcédoines pour servir quelquefois de cachet. Les miennes en la sorte, pleines d’amour enfantine, ne sont qu’imagettes et petites tablettes de fantaisies d’amour.

Le titre exact du premier livre :"Idillies et Pastoralles de l'amour de Phikmon et Philis. Par le sieur de la Fresnaie Vauquelin", compte 84 pièces. Le Titre du deuxième livre : "Idillies de l'Amour de divers Pasteurs. Par le sieur de la Fresnaie Vauquelin" ; en compte 89. On relèvera un contraste évident entre ces poésies légères de Vauquelin et les terribles événements dont il fût le témoin : cela est de tout temps le parti pris de certains artistes de distraire l'imagination, en se reportant vers un idéal rêveur et des univers innocents. C'est aussi pour Vauquelin le rôle qu'il s'est donné, de savoir émettre une chanson aux idéaux rustiques, des contes ou des fables pour endormir les enfants sans frayeur plutôt que de relater le spectacle des maux réels susceptibles de faire souffrir davantage les grands ou les petits. Extrait choisi de ces "idillies":

Vent plaisant, cjui d'aleine odorante
Embasmes l'air du basme de ces fleurs,
Pré joyeux, ou versèrent leurs pleurs
Le bon Damete et la belle Amai'ante :

Il rédigea également un "Art Poétique" d'un style un peu rude, mais qui reste parmi ses ouvrages, le plus souvent cité, et il composa des satires, ou plutôt des épîtres. A noter que Nicolas Vauquelin, Seigneur des Yveteaux qui était son fils aîné, (comme chacun sait) fût aussi poète libertin. Voilà pour le résumé très léger, ce qui ne ressucitera pas notre héron, loin s'en faut ! la belette et l'évocation de Jean Vauquelin de la Fresnaye pareront ce billet uniquement pour changer les idées des lecteurs et lectrices, que la mort du héron aura trop douloureusement affligés. Et comme la rumeur court au château que notre héron aurait péri dans un grenier à blé (parce qu'il voulait devenir aussi gourmand que la belette) ; "Le héron qui se prenait pour la belette" étant par ailleurs la seule fable que La Fontaine aura oublié de nous écrire (il l'a quand même composée on peut dire, à quelques bestioles près), je vous offre "La belette" tout court. Cette fable rédigée dans un style aussi charmant que désuet, est une oeuvre de... ? (Me voyez-vous venir avec mes gros sabots ?) eh oui ! Jean Vauquelin de la Frenaye ! restons simples. Approchez la sans crainte, la présence d'une belette dans votre ordinateur est à considérer d'une manière sereine et réfléchie, la belette est aussi votre amie.


La Belette

Il advint d'aventure un jour qu'une belette,
De faim, de pauvreté, gresle, maigre et défaite,
Passa par un pertuis dans un grenier à blé,
Ou sur un grand monceau de froment assemblé ,
Dont gloute elle mangea par si grande abondance,
Que comme un gros tambour s'enfla sa grosse pance.
Mais voulant repasser par le pertuis étroit,
Trop pleine elle fut prise en ce petit détroit.
Un compère le rat, lors lui dit : O commère,
Si tu veux ressortir, un long jeûne il faut faire;
Autrement par le trou tu ne repasseras,
Puis au danger des coups tu nous demeureras.

 

De la belette au héron, encore un petit pont, pour oublier le reste (du monde evidemment), et puisque tout finit par des chansons, je ne pouvais omettre de vous offrir celle-ci, qui rend un hommage triste et beau à la majesté des hérons.

 

 

Photo :  L'enterrement du héron (1896-2011). Couronnement et dernière demeure. Une oeuvre d'art contemporain sauvage, vue dans un cimetière roman, perdu entre forêts et vallons, presque au coeur du village boscomarien.

© Frb 2011

Commentaires

Il a de la chance ce héron d'avoir une photographe comme vous. Je vous embauche pour photographier l'épitaphe au-dessus de mon crâne : "Ci-gît qui y échappa tant / Qu'(elle) n'en échappe que maintenant." :)
Pis du coup je trouve que ce sera bien qu'on chante aux enterrements les idillies et les pastoralles de Jean Vauquelin de la Frenaye et pis les pouaimes de Nicolas Vauquelin des Yveteaux.
Avec un peu de Murat par-dessus tout ça, les Hérons et puis le Lièvre et pis voilà. Avec toutes ces bestioles, on ira loin, ce sera bien.
Merci Frasby de vos exquis divertissements (lus et écoutés aujourd'hui, à 6h du mat, puis à midi (pendant que le brochet -un que le héron n'aura pas- cuisait au four), puis à 17h27 regardez la précision (l'heure qu'il est m'échappe), en laissant ce commentaire de commère.

Écrit par : Michèle | dimanche, 14 août 2011

@Michèle : Le brochet aussi il a de la chance (que vous l'hébergiez chez vous bien au chaud :O!) (quelle hécatombe !) j'ai une vive pensée ce soir, pour le brochet et le héron, morts dans l'indifférence générale (à jamais vivants dans nos coeurs) je suis sûre qu'à cette heure, (1H49), de là haut, ils nous regardent et qu'ils ont ri autant que moi en lisant votre épitaphe, dont je n'ai pas encore exploré toute les subtilités, imaginez ! plusieurs vies n'y suffiraient pas, enfin, bon, ça mes pattes, pour l'épitaphe, le plus tard possible, on espère...
Les poèmes de Nicolas Vauquelin des Yveteaux aux enterrements c'est une très bonne idée, il faudra qu'on se fasse ça à la rentrée (euh... non, je plaisante :) ce Nicolas Vauquelin était un délicieux farfelu comme il n'en n'existe plus de nos jours, on raconte qu'il passait des journées entières dans son jardin de la rue du Colombier, vêtu en berger de l’Arcadie, la houlette à la main et soupirant des vers aux pieds de sa belle. Rien que pour ça, je crois qu'il vaut la peine de vivre encore un peu, (desfois que le Nicolas Vauquelin des Yveteaux y soit réincarné), et pour écouter Jean louis Murat ♡ aussi ça vaut le coup, lui qui nous fît redécouvrir la raie manta, la louve, le cri du papillon le chemin des poneys, les oiseaux de paradis, la mésange bleue ^^ et j'en oublie ... Merci à vous Michèle, en vous lisant, j'exulte, je me demandais qui de nos jours (nous sommes en 2011 et il est 2H07 entretemps, les nuages...) Qui ? me disais je, pourrait s'intéresser à un tel billet ? Vous êtes d'un courage exemplaire, faut reconnaître que si toutes les commères vous ressemblaient Vauquelin et les bestioles feraient la une de "Marie Claude ou de voili gala et au fond ça serait beaucoup mieux .
Dites moi, tant que nous y sommes (entre commères), les brochets je ne sais pas les faire, et si vous acceptez, je vous échange ma recette du limaçon au serpolet contre votre recette de brochet au four ... Du limaçon hélas ! car il n'y a plus de héron, puisqu'il n'y a plus de brochet, demain y aura plus de limaçon... (La faute à qui ? :)
Sur ce je vous souhaite un doux lundi férié (jour de flemme).

Écrit par : frasby | lundi, 15 août 2011

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