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jeudi, 11 mars 2010

Albatros et pigeons

J'avais de la grandeur, ô cher Missisipi
Par mépris des poètes, gastéropode amer;
Je partais mais quel amour dans les gares et quel sport sur la mer
Record ! j'avais six ans (aurore des ventres et fraîcheur du pipi !)
Et ce matin à dix heures dix le rapide
qui flottait sur les rails croisait des trains limpides
Et me jetait dans l'air, toboggan en plongeon
C'était le cent à l'heure et malgré la rumeur
Le charme des journaux enivrait les fumeurs [...]

ARTHUR CRAVAN  extr "Langueur d'éléphant" in "J'étais cigare". Editions Losfeld- Le terrain vague. 1971.

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Tous sont revenus ravis de la classe de neige. Ils ont posé leurs moufles, leurs bonnets à pompons, pour amener le printemps au point le plus fondant, albatros et pigeons, du Placebo dans la prothèse, passeront le pont jusqu'aux arbres encore faibles de la forêt Morand, où près du square, en îlots verts occupés par l'interflora faussement passeïste, des amants en chemises bleu blanc beige, achètent les premiers bouquets de jonquilles pour qui là haut les guettent sur la plus haute branche du parc de la Tordette. Mésanges, bergeronnettes. Attendri par les premiers chants qui firent glisser les neiges, partout un solitaire se meurt dans les pollens. Partout des vieilles pies devisent du printemps, partout de la jeunesse couchée déjà dans l'herbe, (ô pelouses interdites !)  se roule des gamelles et des pétards à la peau de banane sèche aux sorties des cours de physique. Melle Pugeolles s'en retourne à l'heure qui est l'heure dans sa petite 2CV violette, corriger son tas de copies, l'analyse d'un poème de VERLAINE. "Les Saturniens", aubaine ! "je vous distribue les enfants, ce polycope bleu, vert, rose ! que veut dire saturnien dans le poème ?" "les ingénues", soleils couchants. Rossignols. Des souvenirs, une promenade obsessionnelle... "Que me veux tu, mémoire ?" VERLAINE plié, poltron, "son chant d'amour est un chant de printemps", les cheveux, les pensées, tout est soumis au vent. Albatros et pigeons font l'école buissonnière. Dans ma tour, ce donjon en mode cadet rousselle, je m'entiche de BUFFON ou COMTE GEORGES LOUIS LECLERC DE.. toute l'histoire naturelle se grave dans la chair blanche et JEAN DORST moud du grain près des cloches.

« La vieille et toujours jeune histoire naturelle n'est pas morte, bien au contraire elle a encore de beaux jours devant elle. Il nous reste encore beaucoup à apprendre avec une paire de jumelles et une loupe, surtout avec nos yeux ! [...]

Voilà nos yeux qui pêlent sous le coucher de soleil vaguement florentin quand les péniches tanguent molles sur le fleuve menteur lèchant les quais du côté du sixième, du sixième sens peut être. Ainsi albatros et pigeons, pourquoi pas hiboux ou corbeaux ? s'éprendront d'un bateau, de 1869, treizième poème des "Fêtes galantes". L'eau reste sombre la pythie de Lugdumum donne des soirées crépusculaires, l'indécision des passagers cède à la flemme. "Arrête de rêver et travaille!" crie mademoiselle Pugeolles, tout en haut de l'estrade où poussent des champs de tulipes rouges et des vivaces hybrides, des pivoines arbusives des pivoines herbacées aux étamines fines "tiges grêles supportant l'anthère, forme aplatie comme un limbe de feuilles" ô Nymphaea ! Voilà que le bateau s'enivre...

"Les fleuves m'ont laissé descendre où je voulais".

ARTHUR CRAVAN prend la relève. Le taureau par les cornes. Le printemps sera intranquille. J'ai des Fortuna bleues en poche ainsi je m'échappe parée. ARTHUR CRAVAN va sous les jupes des filles, renifle, printanier, de son nez aristocratique, puis éclaire ma lanterne mieux que dix soleil d'Août "Chaque fleur me transforme en papillon". Je cours sur la haute route, ce jour est jour de joie, le colosse revient des Caraïbes. Cela fait des mois je l'attends. Albatros et Corbeau vadrouillés de Boeing, traversent le pont Morand. Aux pas pesants, leurs grosses bottines épousent un goudron solidaire sur lequel tous mentalement ne cessent de s'envoyer en l'air.

Entraîneur aimantant albatros et pigeons,
à cette allure folle, l'express m'avait bercé
Mes idées blondissaient, les blés étaient superbes,
Les herbivores broutaient dans le vert voyou des près
J'étais fou d'être boxeur en souriant à l'herbe.

Un grand type inquiétant, bûcheron dans les forêts trace à grands pas la buissonière : " Dans la nature, je me sens feuillu, mes cheveux sont verts". Je suis ... Je suis. L'autre Arthur, qui trace la ville, malade de ne pas être plus loin à chevaucher peut être, des girafes et des éléphants, ou tout simplement, la donzelle, Madame DELAUNAY en personne épouse de...

"Je ne prétends pas que je ne forniquerai une fois madame DELAUNAY, puisqu'avec la grande majorité des hommes je suis né collectionneur [...]"

"Ah nom de Dieu ! quel temps et quel printemps !"

Photo : Pigeons ou albatros longeant le bordel-Opéra et ses loupiottes venimeuses (hors champ) ; juste avant de passer le grand fleuve sur un(e) mode jeune à l'éveil du printemps. Photographiés en Mars 2010 à Lyon. © Frb

lundi, 13 avril 2009

Ce que dérive dit... ( part I )

"Ce soir, quelle est ma méprise,/ Qu'avec tant de tristesse,/ tout me semble beau (...)"

ARTHUR CRAVAN : "J'étais cigare". "Extr. Revue "Maintenant". Collection "le désordre" n°11. Editions Eric Losfeld 1971

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Voilà ce que pensait peut-être, le poète, boxeur ARTHUR CRAVAN avant de disparaître au large du golfe du Mexique, en 1918...

Une hypothèse dit qu'un corps, aux mensurations de CRAVAN aurait été retrouvé à la frontière du Mexique aux Etats Unis. D'autres racontent que le poète (aussi boxeur) aurait été aperçu en train de peaufiner quelques crochets et uppercuts sur une orque femelle.

Certains nouveaux artistes revendiquent (tout comme Cravan s'était proclamé "neveu d'Oscar Wilde"), une filiation directe avec le poète : Sébastien MONTAG lui même professeur de boxe se déclare officiellement, "arrière petit-fils d'Arthur CRAVAN", et le plasticien de Bora-Bora : PASKUA (qu'on surnomme aussi le "Tahua" littéralement en tahitien "celui qui voit", "traîne-savate note-t-il encore, d'un art qui ne dit pas son nom"), lui aussi se sait corps et âme, je cite : "arrière petit-fils de CRAVAN" (et donc "arrière petit-neveu d'Oscar Wilde"). Quant à Guy DEBORD, ni neveu, ni arrière petit-fils, il aurait simplement aimé en être l'ami, comme il l'écrivit dans son "Panégyrique" tome premier (1989) :

"Les gens que j'estimais plus que personne au monde étaient Arthur CRAVAN et LAUTREAMONT, et je savais parfaitement que tous leurs amis, si j'avais consenti à poursuivre des études universitaires, m'auraient méprisé autant que si je m'étais résigné à exercer une activité artistique ; et, si je n'avais pas pu avoir ces amis-là, je n'aurais certainement pas admis de m'en consoler avec d'autres."

Ainsi vont les plus belles dérives... Me disais-je en lachant les deux mains du guidon de mon vélo, qui croisait sur le pont Morand, les berges de l'intranquille fleuve Rhône, par une hauteur laissant monter la dimension d'un autre style de voyage, (celui dont tout cycliste rêve en prenant de la vitesse) ; tandis que la géographie plus que jamais palpable, soudain se troublerait et paradoxalement, effacerait le point précis du plan de Lyon. Passé le pont Morand, il y aurait l'Amérique, Une tête haut perchée, surmontée d'un chapeau fait en plumes de dindons, un vernissage dans un musée, où devant des "huiles" fines, en une révérence aimable, j'oserais enfin me présenter sous mon vrai nom et jurer à la cantonade que je suis la petite-fille (mais la vraie !) d'Arthur CRAVAN et aussi la filleule préférée d'OSCAR WILDE. (Oui, je sais c'est assez tarabiscoté mais il faut au moins ça pour "rester jeune et cigare" dixit l'ami CRAVAN )...

Il me tient à coeur de dédier ce billet à ALEX : le fils caché (bien sûr ;-) d'Arthur CRAVAN, (et "cigare" à ses heures), que je ne remercierai jamais assez pour avoir glissé sur mon chemin, les admirables feuilles de "J'étais cigare" ainsi que quelques pages d'écriture d'un grain assez farouche à moudre. Merci encore à toi, ALEX !

Autre lien à propos d'A.CRAVAN et de la revue "Maintenant", voir ci-contre : http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/03/05/co...

Photo: Le cousin Germain de CRAVAN, fait sa culture pas moins qu'au trot... En direction du Parc de la Tête d'Or. La dérive semble ici linéaire mais il ne faut jurer de rien... Vu (sans être vue) tout en haut du Pont Morand à Lyon. Un soir d'Avril 2009. © Frb