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jeudi, 16 février 2012

Ici c'est ici

Offerte à la nuit qui de toutes parts déborde et envahit le jour lui même à cette nuit qui nous dessine et nous allonge ici toute chose se tient debout sur son ombre entre un envol toujours futur toujours déçu et la chute vertigineuse ici c'est ici

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que les solitaires qui se cherchent les peuples déchirés les astres volants en éclats se rejoignent et se passent le mot sans le comprendre ici sur le seuil de ce temple au fronton écroulé autrefois résonnant de conseils aujourd'hui plus éloquent encore d'être muet nous savons qu'il n'y a rien à connaître sinon l'enchaînement fatal des questions lancées à tous les murs d'où ne revient que leur écho et que tout est à redouter des ruses de l'espace car ce triomphe à l'horizon étincellant ce gage l'espérance enfoui dès l'origine au fond de notre espèce n'est plus qu'un vaste oubli d'or et de feu où les poussières de la vie et de la mort  pareilles aux nombres-tourbillons dans le creuset des machines géantes ont enfin démasqué cet ordre illusoire ce séjour inutile et superbe sans raison condamné à retourner toujours et toujours sur lui-même cendre et brasier fuite et fureur comme une phrase ressassée.

JEAN TARDIEU, "Ici, c'est ici" in "Le voyage sans retour", extr de "Les tours de Trébizonde", éditions Gallimard 1983.

Les portes ont -elles une âme ? Pour le savoir il suffit de cliquer ci-dessous :

http://www.ina.fr/fresques/artsonores/liste/recherche/lie...

Photo :  Ceci n'est pas une porte-fenêtre. Quoique... Photographiée par Paul, là bas, plus loin / - ça paraît loin, soeur Anne !  / - mais pas plus loin qu'ici, mon enfant !  / - alors loin c'est ici ? qu'on demande / - bof bof, j'y sais ni trop ! qu'a nous fait / - eh ben, moi, j'insiste pour que les portes soient fermées, chaque pièce, doit avoir son usage propre, délimité. Ma topique subjective est la fois celle des fenêtres ouvertes et de la chambre à soi et toc !" qu'il rajoute, Jean-Bertrand sitôt virtualisé, sitôt transformé en Jean Baptiste par la plume assurée des gougueuilles (et la cnaf perturbateur since 1789) qui osent toutes les métamorphoses auxquelles on croit dur comme fer comme à rien.

© paul / frasby 2012.

mardi, 06 juillet 2010

La notte

Ne nous faisons pas d'illusions au moment où elle nous imagine, la réalité devient notre ennemi numéro un.

MICHELANGELO ANTONIONI

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Nota.

C'est une nuit où presque rien n'arrive, mensonge et vérité sont étroitement mêlés. La vue est imprenable comme le jour où par temps clair, on aperçoit d'un point précis, pas loin de la rue de l'Alma, une sorte de flou mais très sûr, au dessus des flots lumineux, un peu de brume, à peine, sur une mer impavide. La nuit, des liqueurs infectes sont offertes par des créatures qui caressent, en riant un énorme ventre affamé. La nuit se porte comme un calice, se joue d'un rébus couturé, qui nous décompose à mesure qu'un mystère se trouve révélé. Tout nous voue à l'obscurité, en cette place oscillante, aux souvenirs des joies de la veille devenues presque indifférentes et aux présages de joies futures qui n'adviendront peut-être jamais. Dans les monts, le soleil se couche derrière la terre. Un homme glorieux se sauve sur un cheval au galop. Un faisan est égratigné. Mais l'instinct résolu ; le faisan blessé reste en vol. Des choses se consument hors du monde, et d'autres naissent à la limite. Le silence annule toute offrande. L'épuisement viendra avant l'aube. Quelque chose nous mesure encore entre mille étoiles piétinées.

La notte.

Les personnages se sont trouvés, mais ils ont du mal à communiquer, parce qu'ils ont découvert que la vérité est difficile, elle demande beaucoup de courage et des résolutions toutes impossibles dans ce qui est leur milieu respectif. Cette ville leur ressemble, elle est morose et vide. Deux minuscules silhouettes au pied d'un gigantesque immeuble blanc, et des visages exsangues expriment un profond désarroi. Les voix tenteront en vain d'écrire l'évanescence. Rien ne sera préservé. Une bande magnétique, des cocktails, des espaces et des gens très lentement se délitent. Les trompe-l'oeil font mourir. Les reflets des arbres et les bâtiments traversent les visages, des rêves sont sacrifiés autant que l'émancipation. Une femme lance son poudrier pour atteindre une dernière rangée de carreaux, l'homme veut aussi jouer. Pris au jeu et piégé. Il va perdre. Quelque chose se détache. L'homme ne mesurant pas les conséquences de ses actes, ne remarque pas que sa femme va le quitter. Il ne sait plus quoi dire, quoi penser, ni surtout quoi sentir...

"Le mur derrière la femme est blanc, traversé d'une ombre en forme de ligne noire, un trait épais qui ressemble à celui qu'on pourrait faire avec un marqueur sur une image qu'on veut rayer. Cette ligne noire ne raye pas la femme mais le mur qui est derrière elle; le trait noir meurt dans son dos, s'y enfonce, blessant, comme une grosse épée d'ombre, son dos se courbe lorsqu'elle raccroche le téléphone. Après quelques secondes  d'une évidente difficulté à se redresser, la femme tourne son visage vers cette ligne noire d'où proviennent aussi les voix et bruits des autres. Elle ne dira rien à personne. Au lever du jour, plus rien ne sera comme avant".


 

A tribute to Michelangelo :

http://cinema.encyclopedie.films.bifi.fr/index.php?pk=42451

http://home.comcast.net/%7erogerdeforest/antonioni/

http://blog.lignesdefuite.fr/post/2007/08/02/lobjet-repre...

Photo : La nuit, vue de la grande esplanade (au seuil de la rue Pierres Plantées et de la rue Jean Baptiste Say), qui précèdent l'ultime petite montée jusqu'au boulevard désert, au plus haut point de la colline endormie. Lyon, Croix-Rousse, autour de trois heures du matin. Juillet 2010 © Frb