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vendredi, 21 décembre 2012

Une si longue attente....

Et tandis que les autres animaux, la face en bas, regardent la terre, Dieu a dressé le front de l'homme, et il lui a commandé de contempler le ciel et de lever ses regards vers les astres

OVIDE"Les Métamorphoses", I, 84.

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Tout à l'envers. Sur l'horloge capricieuse
de nos jours, tandis qu'on allait simplement suivant le rythme des saisons, jamais sûrs de passer l'hiver, on a vu une planète scintiller dans le ciel et sur l'île revenue, on a goûté l'air printanier au début de l'hiver.

Un léger décalage, de quoi se faire la malle jusqu'à cet an nouveau, sur un fil invisible qui tient un peu partout le flux de nos conversations, c'est d'un drôle d'équilibre.

On a jeté un dé il est sorti des chiffres, un douze et un grand huit, dans lequel on s'est installé, ça ne devait jamais s'arrêter.

on a tourné, roulé sans voir les jours, la fin du monde était passée, la configuration planétaire restait d'une grande banalité. 

A présent, des chercheurs de la British Geological Survey soutiennent à travers une étude scientifique que les pôles magnétiques de la terre seraient sur le point de se renverser ou auraient déjà commencé.

Ca fait un tas d'histoires, on n'y comprend plus rien du tout. On se dit que cela doit avoir une logique singulière, ce n'est pas notre affaire le cosmos, nous on s'occupe de ce qui nous regarde, pas de ce qui est trop grand pour nous. 

Pour l'heure on va chercher un arbre près duquel boire un coup, faudra aussi trouver des sous pour acheter du champagne, et qu'on se fasse des copains avec ceux qui cultivent la vigne ou des arbres fruitiers. On apprendra soi même à fabriquer l'eau de vie de cerise.

On déballera toutes les guirlandes pour mettre un air de fête partout, un air seulement, qui ne fait pas une fête, on sauve les apparences, après tout. Avec des choses qui brillent on aura l'air presque comme tout le monde. On recouvrira la maison de luminions, de fleurs pour ceux qui manquent, même si c'est pas la date. On peut changer les dates, personne ne nous mettra en prison. Ou retarder. On peut encore attendre. Ralentir le temps si lentement, qu'on finira par rajeunir.

On se dit qu'en fin de compte, si ce temps doit finir, ça sera encore pas mal que tout finisse par des chansons. Après, on peut continuer encore, tant que personne n'aura l'idée de prononcer le dernier mot. 

 

 

Photos : l'arbre de Noël de certains jours (oui, bon, c'est un début), en vous souhaitant une fin d'année au moins très agréable / Capture : the little rock'n'roll Christmas, lorsque l'enfant était enfant, et autres regrets éternels...

 

© frasby 2011

dimanche, 20 décembre 2009

Notes givrées 2

J'ai ardemment souhaité partir mais j'ai peur.
Une vie, encore neuve, pourrait fuser
Hors du vieux
mensonge en feu sur le sol
Et, crépitant dans l'air, me laisser à demi aveugle [...]

DYLAN THOMAS (1914-1953) extr: "J'ai ardemment souhaité partir" in "Ce monde est mon partage et celui du démon". Editions Points 2008.

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Un grand poème de Walt Whitman fait pousser des prés sous la neige. Dans les magasins surchauffés on devine les mondes d'Orwell. Sur le sol, les pieds patinent. Et au dessus, un soleil gris, redessine les créatures. Tout l'être s'adonne au désir de la difficulté. Se mouvoir est une aventure. N'importe qui, n'importe quand, peut se prendre une boule dans la gueule. Lignes brisées sur le cristal. Des envers de manteaux en peluches, quatre doigts coupés dans une moufle, des nains à nez rouges, et à bonnets larges tendent leurs bras sur le pays. Il faudrait jouer avec ce feu. Quand il fait si froid les mains brûlent. En deçà du ciel, sous les arbres, le roux de la feuille s'éternise, la Tabareau se fossilise. On foule aux pieds, une nervure. Un trèfle, à quatre feuilles d'or, travaille au sommet le brésar dans la forêt Francis Popy et le Clos Jouve se rétrécit quand les boulistes, naguère fêtards, se retrouvent frappés d'amnésie.

L'être fondu à son mouvement très lentement rétropédale. Revêtir la trace du pas d'un passant ordinaire, s'y glisser pour y faire son nid. Attendre la tempête. Le froid qui vient. L'homme dit "Je l'endure".  C'est un défi. Des signaux de fumée, de buée sont envoyés dans la vallée. Quand le froid aura bien mordu, le monde se disposera d'une toute autre manière. Croit-on.

Les yeux bruns visant les agates, une luge sera offerte à tous les animaux. Les yeux bleus butinant la neige. Des pas de biches courant sur la lune. Il y aura des souvenirs. Des continents glacés sous l'illumination. Ce froid qui en mordant remet tout à zéro ira bien au delà d'une révolution.

"Icebergs, sans garde-fou, sans ceinture, où de vieux cormorans abattus et les âmes des matelots morts récemment viennent s'accouder aux nuits enchanteresses de l'hyperboréal [...]"

Un hiver éternel glissé dans la peinture, et un enduit fondant sur le toit des maisons. Il y aura un combat pour chasser les vigiles, ils secoueront à l'infini la boussole et la boule, pour voir la neige tomber de la cage du téléphérique. Des pantins ridicules, hors des vitrines choyées, porteront les cadeaux dans la benne à ordure puis des engins viendront pour balancer des sacs de sable rose sur la ville.

En attendant, que dire de ces nains à nez rouges, ces nains à bonnets larges qui prennent de l'altitude, par milliers puis s'envolent, tels des étourneaux ? On les regarde partir, on les retrouvera plus haut, au royaume des luges, hilares sur des traineaux, vouant un culte intraduisible à ce bonhomme jovial, qui compose le futur, une carotte entre les deux yeux, et des boutons de culotte piqués à l'ours Pitou.

A la place des monuments, mille bras porteront sur l'eau, la transformation à venir, des igloos mous voguant à la place des péniches, des radeaux transparents pour fixer la couleur dans l'eau. Le sentiment humain ne trouvera plus son mot. Plus un seul mot à dire, pas un qui n'ait subi dans l'exquise météo, ce désordre : l'absence enfin, de notre son. Alors comme là bas, le soleil ne se lèvera plus qu'une seule fois par an, et sur plusieurs semaines on verra s'étirer, toutes les beautés du crépuscule.

Qui dira, en ce monde détintinabulé, où se trouve "la Noël", et quel mois pour le jour de l'an ? La neige masquera le chrono. La terre plate sera stationnaire. La lune jettera son auréole au dessus de nos têtes cuites, et le soleil, ce cimetière, peuplé des anciens luminaires, réchauffera notre dîner. Juste des bulbilles et des baies...

Le monde, à partir d'aujourd'hui, ne bougera plus d'un millimètre.

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Photos : L'enfance est solitaire à Croix-Rousse sous la neige. Quelques bribes d'un pays blanc, et des pavés vus (et parcourus) à quelques jours de Noël. (Noël ? Vraiment ?). A Lyon. Décembre 2009. © Frb.