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vendredi, 24 juillet 2009

Mignonne, allons voir...

Me serait-il permis aujourd'hui d'ouvrir un tombeau devant la cour ?

BOSSUET. Extr. "Sermon sur la mort" prononcé le 22 Mars 1642 devant Louis XIV et la cour.

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Ce n'est sans doute pas pour avoir prêché ce qu'il croyait être "la parole de vie", que BOSSUET est devenu "immortel" mais davantage pour avoir  énoncé tout haut et rappelé en un style très soigné, la toute puissance de la mort.

" Cette recrue continuelle du genre humain, je veux dire les enfants qui naissent, à mesure qu'ils croissent et qu'ils s'avancent, semblent nous pousser de l'épaule et nous dire : Retirez-vous c'est maintenant notre tour. Ainsi comme nous en voyons passer d'autres devant nous, d'autres nous verrons passer qui doivent à leurs successeurs le même spectacle. O Dieu ! encore une fois, qu'est-ce que de nous ? Si je jette la vue devant moi, quel espace infini où je ne suis pas ! si je la retourne en arrière, quelle suite effroyable où je ne suis plus ! et que j'occupe peu de place dans cet abîme immense du temps! Je ne suis rien : un si petit intervalle n'est pas capable de me distinguer du néant ; on ne m'a envoyé que pour faire nombre ; encore n'avait-on que faire de moi, et la pièce n'aurait pas été moins jouée, quand je serais demeuré derrière le théâtre."

Malgré la grande prédication chrétienne qui était son domaine, ce rappel de la mort au prochain, aurait pu être émis par n'importe quel homme, de n'importe quel pays qu'il fût croyant ou non. Je résume (grosso modo) que BOSSUET dit à l'Homme, qu'il n'est rien ;-) Une fois cela compris et après nous avoir conviés à imaginer une vie très longue ("Qu'est ce que cent ans ? qu'est ce que mille ans, puisqu'un court moment les efface ?"), BOSSUET achève de nous convaincre de notre néant, en nous invitant à mesurer la place minuscule qu'occupe notre existence entre l'infinité du temps qui nous a précédé et celui qui nous survivra (?)... Ainsi il en viendra tout naturellement à conclure que l'Homme n'est rien qu'un figurant.

Cela me rappelle un clochard croisé un jour sur le Pont Morand, qui parlait seul, en regardant les gens et ne cessait de nous instruire sur l'absurdité de nos agitations, il se tourna vers moi et me lança un : "t'es qui toi ? T'es rien du tout, une poussière ! puis me montrant le fleuve le ciel, rajouta : - une toute petite poussière par rapport à tout ça". Sans doute notre clochard faisait il grossièrement du BOSSUET sans le savoir. Mais à la différence du clochard éclairant votre dévouée poussière, BOSSUET s'adressait au roi. Parce qu'un roi est sans doute mieux placé que quiconque pour mesurer le néant du haut de sa grandeur humaine et en convaincre à son tour d'autres "grands"... Jamais BOSSUET n'oublia qu'il parlait devant la cour, des gens dont les conditions favorables pouvaient les consoler en mourant d'avoir eu une vie heureuse et bien remplie. Et c'est encore cette consolation que BOSSUET s'appliquera à démolir, en rappelant à tous ces "grands", qu'une fois arrivés au terme de leur vie, ils en seront au même point que les misérables, ou pire encore : au même point que s'ils n'avaient jamais vécu.

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Pour cette vie très longue que BOSSUET donne à imaginer, (car sa technique est de commencer par le meilleur pour mieux nous mener au pire), BOSSUET aura recours à la faune (toujours biblique) et à la vie des végétaux, le cerf, et puis le chêne sous lequel un grand nombre de générations peut encore se reposer... Tandis qu'embarqué par la belle prédication l'auditeur se mettra à rêver de la "Postérité " (tout de même !)

"Durez autant que ces grands chênes sous lesquels nos ancêtres se sont reposés, et qui donneront encore de l'ombre à notre postérité".

BOSSUET évoquera encore le bonheur, le sien conduit, au fatal adjectif : "vain", suivi d"un mot : la "vanité", jusqu'au "grand gouffre du néant". Ensuite, il relancera la machine oratoire par une question en forme de vertige:

"Qu'est-ce donc que ma substance, ô grand Dieu ?".

Je vous épargne les passages sur la résurrection, mais à tout lire, au bout du chemin, on se dit que BOSSUET ne fait qu'enfoncer un beau tas de portes ouvertes. Comme l'écrit R. Pommier (à qui je dois ces quelques notes de lectures), il les enfonce avec une telle force, un art si admirable, qu'on a l'impression que c'est lui, qui nous fît, le premier la révélation que nous étions mortels, et cela par la grâce, d'assonances, d'allitérations et de toutes sortes de sonorités savamment agencées et appliquées drastiquement, à la langue et la pensée. Ainsi BOSSUET ne s'adresse plus seulement à l'intelligence mais aussi et surtout à l'imagination. C'est là le charme...

L'ironie (du sort, peut-on dire), est que BOSSUET qui voulait avant tout être un prédicateur, surtout un bon apôtre a gagné son immortalité, par la voix du poète dont la tonalité paraît plus agréable, que les voies du Seigneur qui sont toujours impénétrables, (à ce qu'on en sait !)...

Photo : Un tombeau dans la cour. Roses qu'on disait mignonnes, et de saison, aimablement prêtées par monsieur RONSARD. Photographiées dans le Nabirosina en Juillet 2009 © Frb.

jeudi, 23 juillet 2009

Tulipia Pliasantae

Nous vînmes au jardin fleuri pour la cueillette.
Belle, sais-tu combien de fleurs, de roses-thé,
Roses pâles d'amour qui couronnent ta tête,
S'effeuillent chaque été ?

Guillaume APOLLINAIRE (1880-1918). Extr. "La cueillette" tirée du recueil "Il y a".

rose045.JPGElle ne sait pas, la belle ! elle qui croit que la pluie la visite chaque soir et se plaît à orner sa tête de perles rares, celles dont personne n'a pu arracher le secret, ni rouler dans ses mains pour en faire des colliers. Elle qui n'a pour couronne qu'un peu d'eau chaque soir que le jardinier porte dans un grand arrosoir. Elle qui croit qu'il l'adore au point de la couvrir de ces diamants bizarres, tandis qu'il est payé pour lui donner à boire.

Des pétales de rose ont chu dans le chemin.
Ô Belle, cueille-les, puisque nos fleurs de rêve
Se faneront demain !

C'est ce qu'on dit au jardin... Elle qui ne cueille rien. Elle qui croit à demain, elle qui n'entend pas le jardinier qui vient, avec ses gants de jardin, une bêche, un sécateur.

Et les fleurs vont mourir dans la chambre profane.
Nos roses tour à tour effeuillent leur douleur.
Belle, sanglote un peu... Chaque fleur qui se fane,
C'est un amour qui meurt !

The ZOMBIES : "Summertime"

podcast


Photo: Les sanglots de la Tulipia pliasantae vue dans le Nabirosina en Juillet 2009. © Frb.

note du lecteur : - Comment ? des tulipes au jardin ? en plein mois de Juillet mais...

Réponse de la cueilleuse: - Y'a pas de mais ! des tulipes en Juillet. C'est comme ça. A prendre ou à laisser...