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lundi, 12 décembre 2011

Le son comme un parfum

Le son, qui dans les églises romanes et gothiques entoure l'assemblée, renforce le lien entre l'individu et la communauté. La perte des hautes fréquences et l'impossibilité qui en résulte de localisation du son intègrent chaque fidèle à un univers sonore. Celui-ci ne fait pas face au son dans la "jouissance", il en est tout entier enveloppé.

KURT BLAUKOPF : "Problèmes de l'acoustique architecturale en sociologie musicale", Gravesaner Blätter, vol V, N°19/20/ 1960.

charlieu abbaye.jpg

Un type d'écoute, existe, qui a lieu dans un espace clos précisément où la distance et la direction sont absentes : c'est en général le cas des concerts de musique contemporaine, populaire ou de la chaîne stéréo, un type d'écoute que nous pratiquons parfois dans nos appartements. L'auditeur se trouve alors au centre même du son qui le touche ou l'imprègne. Ce mode d'écoute est celui d'une société sans classes à la recherche d'unification et de plénitude.

De là, on pourrait croire que ce type d'espace sonore (1) est une invention moderne, pas du tout, il a connu ses heures de gloire au Moyen-Âge avec le chant grégorien. La pierre des murs et du sol des cathédrales romanes et gothiques, non seulement avait un temps de réverbération (2) anormalement long, (jusqu'à six secondes et plus), mais renvoyait également les sons de fréquences moyennes et basses, tandis qu'elle absorbait les fréquences supérieures à 2000 hertz. Ceux qui ont eu la chance d'écouter des moines chanter le plain-chant dans un de ces lieux, n'ont pu oublier l'impression produite : les voix semblent ne provenir d'aucun point précis mais justement emplir le lieu comme un parfum. 

C'est une expérience d'immersion, par opposition à la concentration, et cette écoute particulière génère encore un lien puissant entre l'homme moderne et l'homme médiéval. Ce rendu serait difficile à transcrire  avec des mots, le vocabulaire touchant là des limites après quoi ce qui ne peut se dire avec des mots pourra peut-être mieux être appréhendé par les sons, et l'on remontera encore plus loin dans le passé, afin de rejoindre cette origine commune, cet espace à la fois fluide et sombre d'où émerge un souvenir commun, une formule qui en dit encore peu par rapport à l'expérience sensitive où se retrouverait l'océan matriciel d'ancêtres plus lointains...

L'écho amplifié et la rétroaction électronique de la musique moderne ou populaire est venue recréer pour nous ces voûtes résonnantes, ces sombres profondeurs de l'océan. Aussi nous pourrions honorer la bonne fée qui livra à tous l'électricité, par laquelle les anciens effets des pierres romanes et gothiques ont été retrouvés afin de pouvoir rassembler à nouveau les hommes.

 

 

Nota (1) : La documentation ayant inspiré ce billet est extraite de l'ouvrage "Le paysage sonore" de R. Murray Schafer paru chez JC Lattès en 1979.

(2) : La réverbération est la persistance du son dans un lieu alors que la source originale n'existe plus. La réverbération est le mélange d'une quantité de réflexions directes et indirectes donnant un son confus qui décroit progressivement. voir ICI

Photo : Abbaye bénédictine de Charlieu fondée vers 872-75 (?) et sa pierre dorée, un fragment de colonnades séparant le cloître de la salle capitulaire, ces deux sites datant du XVem siècle, la pierre a été photographiée de la salle capitulaire à la suite d'un concert d'été.

© frasby 2011.

dimanche, 06 septembre 2009

Comme un dimanche

Après une franche repue,
J’eusse aimé, toute honte bue,
Aller courir le cotillon
Sur les pas de François Villon,

Troussant la gueuse et la forçant
Au cimetière des Innocents,
Mes amours de ce siècle-ci
N'en aient aucune jalousie...

GEORGES BRASSENS "Le moyenâgeux"

christ brisé bis - copie 1.png

Dans la langue médiévale le mot "église" ne désignait pas seulement les batiments de l'église mais aussi l'espace tout entier qui l'entourait. Pour la coutume de Hainaut, l'église "paroichiale" (paroissiale) est "assavoir la nef, le clocher, et le chimiter" (cimetière). On prêchait, on distribuait le sacrement aux grandes fêtes, on faisait les processions dans la cour de l'église, réciproquement, on enterrait à la fois dans l'église, contre ses murs et aux alentours. Le mot "cimetière" désigna plus particulièrement la partie extérieure de l'église, l'atrium ou "aître"... Aussi, étrangement qu'il sonne à nos oreilles, le mot "aître" était l'un des deux mots utilisés dans la langue courante pour désigner le cimetière. Mais le mot "cimetière" appartint plutôt jusqu'au XVem siècle, au langage des clercs. Il y avait un autre mot employé en français synonyme d'aître : le charnier. On le trouve déjà dans "la chanson de Roland". "Carnier" est resté dans sa forme la plus ancienne, la plus proche du latin "carnis", (dans notre parler populaire, "une vieille carne"), et sans doute appartenait-il déjà avant "la chanson de roland" à une sorte d'argot pour désigner ce que le latin classique ne nommait pas et que latin d'église désignait d'un mot grec et savant : "cemeterium". Dans les mentalités médiévales, l'espace clos qui enfermait les sépultures comptaient plus que le tombeau. A l'origine, si "charnier" était synonyme d'"aître", à la fin du Moyen-Age, il désignait seulement une partie du cimetière, c'est à dire, les galeries qui couraient le long de la cour de l'église et qui étaient surmontées d'ossuaires.

Le fait que les morts étaient entrés à l'église et dans sa cour, n'empêcha ni l'une ni l'autre, de devenir des lieux publics. La notion d'asile et de refuge, est à l'origine de cette destination non funéraire du cimetière. Pour certains lexicographes, le cimetière n'était pas toujours nécessairement le lieu où l'on enterre, il pouvait être indépendamment de toute destination funéraire un lieu d'asile et il était défini par la notion d'asile : "azylus circum ecclesiam". Ainsi dans cet asile intitulé cimetière, qu'on y enterre ou qu'on n'y enterrât pas, on prît le parti de construire des maisons et de les habiter. Le cimetière désigna alors, sinon un quartier, du moins un îlot de maisons jouissant de certains privilèges fiscaux et domaniaux. Enfin, cet asile devînt un lieu de rencontre et de réunion, comme le forum des romains, la Piazza major, ou le corso des villes méditerranéennes, pour y faire commerce, y jouer, ou tout simplement pour le plaisir d'être ensemble. Le long des charniers, s'installèrent parfois boutiques et marchands. Au cimetière des innocents à Paris, les écrivains publics offraient même leurs services.

christ brisé m - copie.jpg

En 1231, le concile de Rouen, défend de danser au cimetière ou à l'église sous peine d'excommunication; un autre concile de 1405, interdira de danser au cimetière et d'y jouer à un quelconque jeu. Il défendra également aux mimes, aux charlatans, aux musiciens et autres montreurs de masques d'y exercer "leur métier suspect". Un texte de 1657, montre qu'on commençait à trouver un peu gênant ce rapprochement en un même lieu, des sépultures et des "cinq cents badineries que l'on voit en ses galeries [...] au milieu de cette cohue, écrivains publics, lingères, libraires, revendeuses à la toilette, on devait procéder, à une inhumation, ouvrir une tombe, et relever des cadavres qui n'étaient pas encore consommés, où, même dans les grands froids, le sol du cimetière exhalait des odeurs méphitiques [...]"

Si à la fin du XVII e s. on commence à apercevoir des signes d'intolérances, il faut admettre que pendant plus d'un millénaire on s'était bien accommodé de cette promiscuité entre les vivants et les morts. Les ossements cotoyés, à la surface des cimetières, n'impressionnaient pas plus les vivants que l'idée de leur propre mort. Ils étaient aussi familiers avec les morts que familiarisés avec leur mort.

Source : Philippe ARIES "Essais sur l'histoire de la mort en occident", (du Moyen Âge à nos jours), éditions du seuil 1975.

Photo : Ce qu'il reste... Vestiges d'un "Jésus au bras coupé", vus en traversant les allées du cimetière de Charlieu, cité médiévale au blason échiqueté d'argent et de sable), et "cher lieu "Carus Locus" autant qu'un paisible refuge sable et argent (où on ne boit pas, on ne fume pas, on ne danse pas. Tenue correcte exigée. Tout bien comme il faut). Fin Août 2009. © Frb

dimanche, 03 août 2008

Comme un Dimanche

dieux-endormis.jpgTwo Jesus on the beach...

Cimetière de Charlieu, été 2008.

vendredi, 01 août 2008

Art Roman, Art Monastique

"Après l'An Mille, le monde se couvrît d'une blanche robe d'églises" Raoul Glaber


abbaye.jpg
On a cru longtemps que la joie d'avoir franchi cette année fatidique qui devait être celle des derniers jours du monde était à l'origine de cet élan créateur mais nous savons aujourd'hui que les prétendues terreurs de l'an 1000 n'arrêtèrent aucune entreprise et que des églises se construisirent les dernières années du Xem Siècle. C'est aux moines et à leurs abbés qu'il faut attribuer ce sublime renouveau de l'architecture et des arts qui l'accompagnaient .
Depuis les temps mérovingiens jusqu'au milieu du XII siècle ,il n'y eût pas d'autre école d'art que les monastères. Si les artistes de ce temps n'appartiennent pas tous à l'ordre monastique, c'est dans les monastères qu'ils étaient formés.
Le monastère bénédictin était un monde qui se suffisait à lui même, tout y était ordonné avec un art savant.
Tous les arts,toutes les sciences qui avaient pu être sauvés s'enseignaient dans l'Abbaye à l'abri de ses fortes murailles .
Au dehors, commençait la barbarie.
L'abbaye apparaissait aux moines comme un lieu de sécurité profonde, comme un port aussi; et l'on donnait à ces lieux, des noms inspirant une forte impression de paix: Bonport, Beaulieu, Charlieu ...ruines-cisteriennes.jpg

dimanche, 27 juillet 2008

Comme un dimanche

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La tour majestueuse dans la lumière d'un soir d'été

charlieu-la-tour.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En 1180, au début de son règne, Philippe Auguste,conscient de l'intérêt présenté par charlieu au point de vue stratégique, plaça la ville sous sa protection et y installa un châtelain au début du XIIIem siècle. De nouvelles fortifications furent édifiées autour du Prieuré et de la ville. Charlieu devint alors une place forte réputée imprenable. c'est de cette époque que date la Tour majestueuse à laquelle reste attaché le nom du Roi.

Photographiée à Charlieu, la Tour dite de "Philippe Auguste" datant de la fin du XIIe siècle, plus que majestueuse dans la lumière dorée d'une soirée de juillet...