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samedi, 06 juillet 2013

Porté par ses limites...

La mémoire, c'est notre clé de lecture du réel. Dans un autre ordre d'idée, j'ai toujours admiré cette pensée de Jakobson, ce doit être dans les questions de poétique : "la forme n'existe que répétée". Il en va exactement de même pour les émotions : si on ne reconnaît pas, on est bouleversé, on reste muet, sans prise.

ANTOINE EMAZ ; Entretiens. (Et plus encore ICI)

 

le rameur.jpg

 

Sur le fleuve oublié le rameur embarqué d'une rive à l'autre, cherche en flottant mentalement à retrouver son ignorance d'autrefois. Ou juste un lieu allié à répéter sans cesse, que c'était mieux avant. Se sachant dans l'erreur, il s'exerce à parfaire toujours le même mouvement, aborder le trajet d'une rive à l'autre, puis revenir de l'autre rive à la première, toujours recommencer sans un mot différent, à saisir, un détail ou deux, on ne sait quoi mais sans doute pour écrire le même livre  sans prise avec la même idée toujours un peu grandiose d'un meilleur avenir, sans prise sur rien, même pas celle de connaître par coeur le chemin qui ne s'épuise jamais, semblant épuisé avant même d'en répéter le rythme que pourtant il aimera peut-être répéter afin de n'en oublier aucune -presque invisible et légère modification. Ensuite, on ne connait pas la suite, ce serait à nouveau un point qui ne suit pas, ou peut-être un ruisseau portant entre ses flots l'embarcation légère d'un explorateur débutant... 

 

Photos : A la mémoire des fleuves du Parc de la Tête d'Or, aux sources de l'Eldorado, à la plage du capitaine Cook ou au lac d'Armagnac (bu trop vite et trop tôt).

Au Sornin, à La Grosne, A nos marins d'eaux douces, au fleuve Amour ou jaune, aux espaces liquidés, jamais aussi perdus qu'on l'eût imaginé ..

A toutes les sources vives, aux indulgences perdues, aux ennemis visibles aux alliés invisibles, à chaque passeur de pistes, si différent soit il, porté hors des limites,

dédions...

 

Ici ou là © Frb 2013

mercredi, 14 novembre 2012

Je suis un artiste

"Je ne suis pas un papillon je suis Frédéric, je ne suis pas une machine à répéter je ne suis pas un animal je suis un humain je ne suis pas analphabète je suis un arbre je ne suis pas une fille je suis un garçon je ne suis pas un objet [...] voici mon bureau où je mets aussi quelques cadres et des posters de chevaux [...] j'ai aussi un enregistreur j'ai un ordinateur avec sa caméra et des personnes qui peuvent voir dans l'ordinateur [...] et j'ai même dans ma chambre un grand piano et ça fait du bien de chanter avec le piano [...] voici mon grand jardin avec une serre où je fais tout des légumes variés [...] j'ai toujours des jambes longues je suis grand je suis fort j'essaie de trouver la vérité et d'être le plus beau du monde"

FREDERIC:  extraits choisis "Je suis Frédéric", une pièce sonore réalisée par Damien Magnette mixée par Christophe Rault,  produite par l'ACSR (atelier de création sonore radiophonique- Bruxelles).

 

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"j’aime écouter ma voix".


Voilà Frédéric. Mentalement déficient qui aime les sons follement, qui décrit sa vie quotidienne à Damien Magnette. Il s’enregistre depuis des années, collectionne les sons, chuchote ou crie dans le micro. Il nous fait visiter son monde : sa maison, son atelier de jardinage, ses goûts, ses pensées. On déambule avec lui dans un univers baroque de bric et de broc. Frédéric est "mentalement déficient". Peu importe, son énergie emporte tout. Il dit « je » mille fois. Un "je" servi par une parfaite réalisation de guingois.

(source de partage sonore : SILENCE RADIO)


"Je suis Frédéric"

 

Pour tenter d'en présenter un peu l'essentiel. Cette pièce sonore est une des plus fulgurantes entendue depuis bien longtemps, elle a été relayée par nombre de médias qui l'ont unanimement encensée, elle a remporté de nombreux prix notamment en 2011 un second prix de création radiophonique au festival longueur d'ondes. Le Festival "bobines rebelles" a eu l'excellente idée de programmer cette composition, le week end du 24 et 25 Novembre 2012, (à venir sur notre calendrier récalcitrant, et sans doute advenu déjà) mais comme nous n'avons pas tous l'opportunité de partir un week end pour un festival en Seine St Denis, je vous propose d'entrer dans la maison de Frédéric, qui est bien sûr un monde. Damien Magnette a composé, décomposé, recomposé la réalité du quotidien de Frédéric pour nous inviter en terre angélique  le metteur en ondes a dû brouiller, comme nous l'aimerons toujours, la fiction et la réalité. Entre des faits anecdotiques, un singulier parcours, surgissent implicitement des abîmes et les questions universelles, les plus claires de la vie humaine, comme les phrases que nous n'osons plus prononcer quand nous parlons à la première personne, histoire de "dire" "communiquer" s'il est possible, d'exprimer qui nous sommes.

 

"Je suis".

 

Ici, l'immersion est brutale mais d'une immense délicatesse qui évoque et réveille ces attachements au tout venant - de très simple à baroque. Le courant passe par les les oreilles jusque dans l'épiderme, il est électrique, devient partageable et c'est terriblement, que Frédéric "nous" jardinera, mine de rien avec sa voix humaine, ses dessins son piano... Ca deviendra un sortilège.

Cette création est un fondamental à écouter absolument, 38mn 34 de visite guidée par Frédéric, un énoncé très simple en apparence...

Merci encore à l'excellent site : "Silence Radio" de nous permettre de diffuser partager et faire tourner peut-être... Peu de chance d'en sortir indemne.

 

 

"Je suis un dessin [...]

je suis Frédéric Deschamps

mais je ne suis pas méchant"





 


 

Nota :   Quelques lecteurs m'ont signalé que leur navigateur ne permettait pas l'écoute via le player de "Silence radio", si vous rencontrez ce problème vous pouvez écouter la pièce de Damien Magnette en cliquant sur le lien ci-dessous:

 

http://www.silenceradio.org/dbfiles/file_171_high_je_suis...

 

Photo : "Je suis une fenêtre"...


Sources documentaires et sonores : Silence radio- ACSR- France Culture /

 

 Le manoir © Frb2012.

mardi, 10 août 2010

Le minuscule

Au pied du mur. Une falaise de craie, une paroi droite. La route stoppé là, au pied.
Des jours.
La paroi reste. On devient plus léger.
A force, le mur ne surprend plus.
On se dit qu'il fallait bien s'attendre à quelque chose comme ça.

ANTOINE EMAZ in "Caisse claire", éditions Points Seuil, 2007.

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L'âme atteinte, trop soudainement peut-être, au pied du mur, nous prend et nous sommes sidérés par les beautés anciennes. Il faudrait boire la pluie, il faudrait vivre sous la neige pour ne pas s'affamer, s'ensorceller de songes broutant le diamant en ces noces où l'image d'une trempe rituelle ne peut tout à fait s'effacer. La brutalité vient, après le dit de l'aime, une de la pire espèce, qui pousse à reculer, celle qui croit tout donner et reprend tout, prend l'aise, construit des bétaillères pour celles du genre de haine. La maladresse insiste jamais ne disparaît. On ne s'amende plus, l'avenir se délite peu à peu, à présent, plus vite que le passé. On porte la mort en bouquet façon dandy, rose ou pourpre. Fièrement, on se démet. Et les oeillets fanés dans les vases romantiques, n'inspirent plus le moindre regret. Après avoir chéri on s'étend tête froide sur la pierre polie des carrelages. Le son est celui de mille cloches briquées comme des casserole en cuivre qui résonnent en façade. Nous serons exhibés demain ou en Septembre.... Qu'il est doux de verser l'amour fou, ou la haine sous les yeux des indifférents ! fièrement on se pavane. On tire presque gloire de ses peines. Lamento affligeant déguisé en pure joie. Il suffirait pourtant, qu'un doux hasard, du genre humain lève le voile, et nous révèle inconsolables, cela serait moins désolant. On aimerait ce hasard. On plongerait à nouveau. On goûterait l'ornement, le velours, les emphases, celles qui visent plus haut, plus loin que l'insatiable. On se réchaufferait. On inviterait la lune, les étoiles dans les chambres. Elles nous lécheraient les pieds. Un jour, l'offense par accident, à nouveau viendrait nous reprendre. On serait consommé. On reconvoquerait les fantômes et puis on les rassemblerait tous sous la même chair exactement au même endroit. Eternel recommencement...

Photo : Visage humain candide ou effaré. Sculpture civile clunisoise, vue en façade d'une ancienne riche demeure. Cluny. Août 2010. © Frb