Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 10 juillet 2010

Argh ! (Pan-art ?)

L'homme écrit sur le sable. Moi ça me convient bien ainsi ; l'effacement ne me contrarie pas ; à marée descendante, je recommence.

JEAN DUBUFFET : extrait de "Prospectus aux amateurs de tout genre". Editions Gallimard (1946).

IMG_0015.JPG

Nous prenons appui dans le vide, nous lui donnons un autre nom, nous transformons les arbres en sculptures mobiles émiettables. Nous leur donnons un autre nom. Nous augmentons ainsi la valeur du monde. Ce leurre coule mollement, comme du jus de cerise sur un caraco blanc. A la faveur des guignes, doucement nous évoluons. Des fabrications nous émondent, on croirait qu'elles rendent invincibles. Cette erreur est insoupçonnable. Nous exhibons des mines radieuses entre deux précipices. Un chant infiniment poreux, nous guide, que rien n'effleure, d'aucune façon, nous sommes tels que nous sommes, pareils à des éponges. Ces bestioles nous avalent, nous recrachent puis nous parent d'une lucidité intenable. Nous touchons des régions glacées, éloignées des mondes vivants. De là nous espérons recomposer les plus beaux chants. Des chants d'Amour, de retrouvailles... Nous cherchons des superlatifs pour aborder les continents, incapables d'aller au bout. Il n'est nulle place en nous qui ne soit pas poursuivie d'ombres. Nous haïssons ces fantômes puis nous les infligeons à ceux que nous aimons. Nous pensons prétendre là, à l'immoralité. Une oeuvre attend son heure, son élan, ses métamorphoses. Nos corps se voilent, apprennent les danses orientales

"Danser est le fin mot de vivre et c'est par danser aussi soi-même qu'on peut seulement connaître quoi que ce soit : il faut s'approcher en dansant"(1)

Le Saïdi, la guerrière, qui attire la terre, fait valser la misère du monde, avec ses sauts de jambes et ses jeux de cannes. La musique émet des bruits variables, secoue son tremolo, les corps vibrent à l'assaut d'un rythme qui augmente, accélère le rythme cardiaque. Nous affichons la modestie avec une rage émouvante, un modus vivendi gît au coeur du mirage. Nous ne supportons pas de subir la moindre réflexion. La réflexion est pourtant notre grâce. Nous sommes des artistes au coeur pur, véridique, il nous importe de créer "ce qui ne se fait pas forcément", adjonction d'un rayon de mots nouveaux, abandon des règles des trois unités, etc... L'expérience se détache peu à peu de notre mémoire.

Ici le verbe est vulnérant, la caresse hypnotique. Je suis des yeux le mouvement d'un étranger qui me parle et me cloue sur le front un rubis à tête de phénix. Le ciel vire au gris anthracite, une lueur blanche dans les cheveux, me donne des airs d'enfant idiot. L'imprudence allume une mèche qui met tout à feu et à sang. Pourvu que ciel brûle ! nous posons des verrous magnétiques comme jadis on posait des lampes de sûreté dans les mines à charbon, courons grimés à l'authentique, une question inconnue taraude, sans visée et sans nom, des masques aux sourires monstres remplacent la fureur d'autrefois ; il nous vient parfois une grimace mais toujours nos éclats nous trompent. Nous déroulons des séries de rubans multicolores pour distraire quelques habitants. Notre âme jadis si peu disposée à se corrompre émet maintenant des sons de batterie de cuisine, de placards à balai. Tout pour le mieux dans un monde fait à notre image. La démarche est précieuse tout autant qu'implacable. Nous devenons des Dieux vivants. Nos têtes coupées s'enfoncent lentement dans le sable... Notre réalité commence à cet instant.

(1) Jean Dubuffet : Extr. de "Prospectus et tous écrits suivants".

Photo: Un fragment de fresque éphèmère portée sur deux ou trois édifices vue au coeur de la nuit, une fois, (une seule, hélas !), Montée de la Grande Côte, effacée dès le lendemain. Mille excuses à l'artiste, (parisien, il me semble (?), graffeur fou, inspiré, je n'avais pas de quoi noter son nom, je ne sais pas si la signature en était seulement lisible dans la nuit, il me semble avoir retenu, parmi d'autres, le nom du plasticien Yves Koerkel qui exposait de source sûre, sur ce mur également, mais je ne peux pas confirmer (vraiment navrée), que ce grand dessin noir sur blanc soit de lui, si quelqu'un en sait plus, tout renseignement est bienvenu, sinon je tâcherai de me renseigner ici ou là, chez les "spés du street art" et autres copains graffeurs. Sait-on jamais ? En attendant de peut-être, préciser, je transmets toutes mes félicitations à l'artiste pour la belle sauvagerie in situ. Photographiée en remonte-pentes (de la Croix-Rousse), entre la rue Leynaud et la Burdeau à Lyon au printemps 2010. © Frb.

dimanche, 10 mai 2009

Comme un dimanche à la campagne...

A sesmieurs les dindons et autres edams dindonnes du naf club imsarpial à qui Lavitate pliât et uax utraes saspionnés de véchas.

"J’aime Dubuffet parce qu’il a peint quatorze vaches qui ne sont pas les vaches de tout le monde. Ce ne sont plus des vaches, ce sont des vachissimes, avec des pieds en fourchette. Mieux : des minauderies et des grâces printanières."

ALEXANDRE VIALATTE. Extr. "Que peut-on penser de monsieur JEAN DUBUFFET ?" in JEAN DUBUFFET / ALEXANDRE VIALATTE : "Correspondance(s), Lettres, dessins et autres cocasseries, 1947-1975. Éditions : Au Signe de la licorne.

tête de vache X0 - copie.JPG

On sait qu'Alexandre VIALATTE et Jean DUBUFFET étaient de bons amis et par delà leur petites coquetteries d'hommes tout à fait exquis, leurs virées de belle guigne dans le profond Morvan ; ils furent deux bougres épistoliers à la production pléthorique et autres taquineries cocasses. Mais en parlant de coquetterie revenons un peu au début de cet écrit où le grand VIALATTE ne tarit point d'éloges sur l'apparence de son ami, avec à peine quelque vacherie et un charmant Co(n)chon-Quinette qui fournissait, (le saviez vous ?) l'uniforme des pompiers de Clermont Ferrand dont les tissus furent réquisitionnés pendant la guerre, pour vêtir nos armées ce qui posa un gros problème aux fournisseurs et aux pompiers ;-) nous reparlerons de cet évènement trop méconnu peut être ici un certain jour (j'ai dit peut-être ;-)... Trêve de gridessoin. Revenons à nos dindons. Je cite VIALATTE dans le texte (pour le plaisir des belles lettres et de la parenthèse) :

"On me demande pourquoi j’aime Dubuffet. J’aime Dubuffet parce qu’il est charmant ! D’abord il a des petits cheveux tondus ras, bien frottés à la toile émeri, qui lui font un crâne de légionnaire, des yeux bleus en toile de Vichy, bien lavés de frais, qui se souviennent d’on ne sait quels fjords ; il est toujours bien lavé, bien propre, bien joli, bien appétissant ; il est mignon comme une image de dictionnaire. Il se coiffe à Londres avec un petit chapeau moutarde ; il s’habille, il se chausse à Londres, chez le plus grand bottier d’Angleterre, D’Europe. Du Monde. Petit à petit sous mon influence, Dubuffet s’habille dans le Puy-de-Dôme. Il se sert chez Conchon-Quinette, établissement de grande réputation, aux succursales nombreuses, réellement apprécié. Il en acquiert une élégance pour ainsi dire plus départementale, une dignité plus auvergnate et un fruité plus onctueux. (...)

(Note serponnelle en apraté: que le "Naf club de Lavitate" ne m'oivene toinp ses droufes car ce sont toinp des nocerines, l'eau s'en foin !)

Du fruité onctueux il y en en a dans "les vaches" de Jean DUBUFFET avec leurs prénoms de vedettes. L'Art des musées n'étant pas le sien, DUBUFFET peu soucieux de croquer fidèlement les appâts de l'attachante bête la pourvût de quatre pattes banalisées comme on en fait en maternelle c'est beaucoup mieux comme ça non ? Et pourtant l'Art s'y retrouve beaucoup plus qu'honoré voir le billet suivant, ou précédent (selon la logique de chacun). Et j'ai lu quelquepart (sous la plume d'Alice BAXTER que : "Quiconque a croisé un jour une vache de DUBUFFET en est à jamais habité". Et c'est tout à fait constatable. Car la vache est le doux de nous, et monsieur JEAN l'a bien compris. Sous ses doigts "vachissimes" chacune de ses vaches a son petit caractère. Doucement serponnalisées, DUBUFFET les sort une à une du troupeau, chacune heureuse, bien dans sa peau, dont le grand coeur s'affirme à vue d'oeil, avec tout le vigoureux qui épouse en diable leur prénom. Pour mémoire entre autres  : "La belle fessue", "La belle encornée", la belle muflée", "la belle tétonnée", "la belle queutée". Belle ! oui, car chacune est digne et nous rapproche de la série "des corps de dames" (Je vois déjà doinpre les goinps graeurs des chardes de griennes et utraes LMF, têpre à ivrour leur dangre gelue, du celma ! les berelles !), la comparaison n'est pas déplacée  puisque la série "vaches" vînt après celle des "corps de dames". Et il n'est pas possible vraiment de disjoindre les deux, "les vaches" de DUBUFFET sont pareilles aux vraies dames, tandis que "les corps de dames" sans être tout à fait vaches acquièrent un je ne sais quoi d'épaisseur animale sous la plume Dubuffienne, une robustitude que ne renierait pas mon Immaculée "Charollaise". Il suffit de regarder ICI ou LA pour mieux lier les sujets... "Vache au pré noir", "Vache au pré vert", "Vache au nez subtil" (une de mes préférées) Dame "la vache" va à son pré comme s'il était lui même issu de son pelage et réciproquement, ça se passe comme ça chez DUBUFFET. Vache libre, délicieuse, insolente et coquette ; la vache de DUBUFFET broutera jusqu'à la corde la moquette des musées mais elle a le regard si tendre qu'il ne lui sera rien reproché.

Pour voir un vrai clin d'oeil de vache (non Dubufienne). Trinité en couleur de nos sacrées "Immaculées Charollaises", cliquez ci-dessous:

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/07/23/co...

Photo : On ne touchera pas à celle-là, ma "Blanchette", belle fessue, bien encornée, muflée, tétonnée jusqu'il faut, joliment queutée, avec son petit caractère, sa mise en plis "Salon Gisèle" (les mises en plis des vaches, me fascineront toujours), ses grands cils de chamois et ses belles paupières blanches en fourrure véritable. Dame "Charollaise", ne se laisse pas marcher sur les pieds (Ah ça non !). Vue dans son pré, du hameau "les clefs". Les clefs des champs, sans doute (ça ne s'invente pas). En sépia parce que la photo date de mai 2007 et qu'avec l'arrivée du grand Paon, soudain la vie perdît toutes ses couleurs. Oyez le fumeux argument, prochain voyage aux pré des clefs, promis je repeindrai ma vache en vert. © Frb.

samedi, 09 mai 2009

Du pain, du vin, Dubuffet...

"Entre la sécrétion mentale et la production d'une oeuvre qui la restitue et la transmette, il y a, c'est bien vrai, une très difficultueuse opération de mise en forme que chacun doit inventer telle qu'elle convienne à son propre usage. C'est bien plus vite fait d'y utiliser la formule de mise en forme que tient toute prête à disposition la culture. Mais qui s'en saisit constate aussitôt qu'elle n'est propre à moudre qu'une seule sorte de grain, qui est le grain spécifique de la culture, elle le tient même à disposition. D'où farine facilement faite, mais ce n'est plus du tout la vôtre. La culture tient aussi à disposition un modèle de cervelle, faite de son grain, pour mettre à la place de la vôtre."

JEAN DUBUFFET (1901- 1985). Extr. "Asphyxiante culture". Les Editions de Minuit 1986.

tête bis.JPGNotre lecteur appréciera, j'espère, l'opération "difficultueuse", plus délicate que l'opération ordinairement "difficile", émise par le peintre Jean DUBUFFET, ce savant assemblage, (offert à la guise de chacun) pour ne pas s'en tenir plus ou moins bêtement, au choses émises ou bien apprises.

Jean DUBUFFET pourfendeur des institutions a produit une oeuvre abondante dont la clef fût peut-être sa constante remise en question. Et pour cause, il toucha à quelques multiples drôles de mondes ne puisant pourtant son inspiration qu'ici bas.

Issu d'une famille normande (de négociants en vin), il suivit l'école des Beaux-Arts du Havre, puis après l'obtention du baccalauréat, s'inscrivit à l'Académie Julian à Paris, où il cotoya la fine fleur "arty" de son époque : Suzanne VALADON, Max JACOB, André MASSON, Fernand LEGER, Juan GRIS, Charles-Albert CINGRIA... Il mèna une vie de bohème jusqu'en 1922 puis il effectua son service militaire comme "météorologiste à la tour Eiffel" (Cela ressemble presque à un titre de tableau mais pourtant, ça ne s'invente pas !). En 1924, doutant de la vie culturelle, il stoppa ses études pour entrer dans la vie active. Il s'embarqua à Buenos Aires où il travailla dans un atelier de chauffagiste. Six mois plus tard, il retourna au Havre s'occuper du commerce familial. En 1930, DUBUFFET s'installa à Paris avec sa femme et sa fille et créa une entreprise de négoce de vins en gros à Bercy. Et puis il se remît à peindre. Confectionna des masques, fabriqua des marionnettes, réalisa des portraits (d'Emily CARLU dite Lili qui devînt sa deuxième épouse en 1937). Ses affaires négligées périclitèrent. Il abandonna à nouveau la peinture. En 1939, il fût mobilisé, puis muté pour indiscipline et évacué vers le sud. En 1940, à son retour, il reprit en main son commerce qui prospèra entre trafic et marché noir. A partir de 1942, riche et plus libre de son temps, il décida de se consacrer uniquement à l'Art et réalisa des images primitives au dessin volontairement malhabile, proche de la caricature et bien sûr du graff. D'un expressionnisme "bariolé". Il créa sa série "Vues de Paris", inspirées de dessins d'enfants. Au cours d'un voyage à Heidelberg, les dessins des malades mentaux l'inspirèrent également. Au printemps 1943, il produisit quelques toiles à propos de métro (un thème recurrent chez lui) et de jazz. En 1944, il dessina ses premiers graffitis, ses messages à l'encre de chine, des gouaches et encres sur papiers journaux, ainsi que ses premières tables.

1944 (Octobre) est aussi l'année de sa première expo à la galerie DROUIN, il y présenta sa série de "marionnettes de la ville et de la campagne". En 1946, il récidiva avec "mirobolus, macadam § C°, "hautes pâtes". La facture de ses tableaux fît scandale, DUBUFFET s'était détourné de la peinture à l'huile traditionnelle pour fabriquer des mélanges de sa confection : céruse, mastic liquide, vernis, goudrons, sable, graviers, plâtre, éclats de verre, poussière... Sur cette pâte il incisa, coupa, râcla, utilisa le grattoir, la cuilller, le couteau et même ses doigts. En 1947, il réalisa des portraits d'écrivains qui suscitèrent un autre scandale. Ces toiles "à ressemblance extraite, à ressemblance cuite et confite dans la mémoire, à ressemblance éclatée dans la mémoire" ont pour titre "Léautaud sorcier peau-rouge", "Ponge plâtre meringué", "Tapié grand-duc", "Michaux façon momie"

tête.JPG

Entre 1947 et 49, après la vente de ses entrepôts, il effectua plusieurs voyages dans le Sahara, apprît la langue arabe et réalisa encore des gouaches, des dessins à la colle, des tableaux au crayon de couleur. Son idée devait aboutir à un cycle d'oeuvres sur le désert, mais le projet fût avorté. En 1947, aussi, ce fût sa toute première exposition à New York qui connût un immense succès. Dès 1945, DUBUFFET avait commencé en France, en Suisse, une étrange collection d'oeuvres populaires, sculptures, peintures, tapisseries, objets divers élaborés par des médiums, malades mentaux, artisans; marginaux, détenus etc... DUBUFFET inventa pour ces oeuvres le terme d'ART BRUT, afin de présenter, de décrire, un Art spontané ignorant tout de la "culture" (officielle s'entend) et des canons artistiques. Ses oeuvres furent exposées au sous-sol de la galerie DROUIN en 1947, et en 1948, avec André BRETON, Michel TAPIE et Jean PAULHAN, Jean DUBUFFET fonda "la compagnie de l'art brut" vouée à l'étude et à la diffusion de l'Art involontaire c'est à dire un Art sans culture et sans tradition. La collection voyagea jusqu'à trouver sa place définitive à Lausanne en 1976 où elle constitue aujourd'hui le fond du musée de l'Art Brut.

Dans les années 50's; Jean DUBUFFET multiplia les séries "Corps de dames" (1950-51) brisant un nouveau tabou esthétique, suggérant une  distorsion un gros brin animale à l'éternelle représentation de la femme. "Sols et terrains (1950-1952) prolongea ses recherches sur la matière. Il donna également une superbe et importante série de "Vaches". J'espère pouvoir tenir cette promesse de vous livrer un "certain jour", des extraits de la correspondance (très vasoureuse) entre Jean DUBUFFET et Alexandre VIALATTE où il est justement question de vaches... Celles de DUBUFFET ont des noms à en désespérer la  très rebelle "Blanchette", (vache de Monsieur SEGUIN, bien sûr !) que les noms à coucher dehors de la ferme DUBUFFET, auront rendue complètement chèvre mais je m'égare... Car Les vaches de monsieur Jean ont des noms à coucher dehors (ou plutôt à coucher avec). Des noms d'opulentes danseuses venues des plus chauds cabarets Montmartrois. Goûtez plutôt : "La belle allègre", "La belle fessue", "la belle tétonnée". Il travailla aussi à cette époque, à ses 44 "petites statues de la vie précaire" en papier journal, tampon à récurer, pieds de vigne etc...

En 1955, il s'installa à Vence et reprit quelques assemblages commencés en 53, des collages de fragments de tableaux, textures, morceaux de papiers tachés d'encre, il crée des tableaux d'assemblages, des lithographies qui reprennent des montages initiaux par redécoupages et sont associées autrement sur un autre support. Tout ce travail aboutît en 1957 aux "Texturologies" ; hauts reliefs de matériaux mixtes, non picturaux dont sont exclues toute anecdote et toute figuration. "Terres radieuses", "Pâtes battues", "Routes et chaussées"... DUBUFFET célèbre le sol. 1953  fût aussi l'année des premiers tableaux "en ailes de papillon". De 1958 à 1962, il travailla à des compositions lithographiques ("Cycle des phénomènes"), réalisant aussi une série d'assemblages d'empreintes sur le thème des Barbes, utilisa des végétaux différents pour ses assemblages d'éléments botaniques et commença le grand cycle des "Matériologies" (série assez austère) qui ne l'empêcha pas d'entretenir des solides relations avec le collège de pataphysique. En 1960-1961, J. DUBUFFET aborda aussi la création musicale avec ASGER JORN (un des fondateurs de COBRA) : en résulta un album de quatre disques de "Musique phénoménale" Suivi d'un album de six disques d"expériences musicales" de jean DUBUFFET (seul, 1961). Musique phénoménale oui. Voire en freestyle. Ecouter ici "Coq à l'oeil" (dédié aux esprits lovatiles qui peuplent un peu ce glob). Idéal pour les banquets, les mariages, ou pour vous venger d'un voisin. C'est du piano freestyle, peut être moins préparé que celui de John CAGE. En freestyle quoi ! On vous aura prévenus ;-)

http://ubu.artmob.ca/sound/dubuffet_jean/Dubuffet-Jean_Mu...

La même année, advînt le cycle "Paris Circus" qui marqua le retour à la peinture aux couleurs primaires, formes exacerbées. La ville, ses rues, ses enseignes, son mouvement...

De 1962 à 1974, ce fût le grand cycle de "L'Hourloupe". Peinture de fragments bariolés très imbriqués. Un style également appliqué sur des séries de sculptures en résine à dimension parfois gigantesque ; des oeuvres qui commencent toujours par des griffonnages distraits souvent effectués au téléphone, des tracés en puzzle, un dessin net cloisonné, strié de rouge ou de bleu. Le graphisme Hourloupéen est en soi un grand manifeste pictural, variable à l'infini, à l'infini proliférant... Tous les formats, tous les stylos possibles, même le marker sur des toiles de 8M. (cf: "les inconsistances" 1964). DUBUFFET utilisa le polystyrène expansé, pour ses oeuvres en volumes, bas reliefs, architectures ou "Anarchitectures" comme l'écrira Michel RAGON.

bazar.JPG

En 1973 "Coucou Bazar" fût crée au musée Guggenheim à New York, et au Grand palais à Paris, avec ses décors mouvants motorisés, ses costumes en forme de carapaces rigides, articulées. Une autre oeuvre monumentale "Le salon d'été" commandée par la régie Renault (oui, vous avez bien lu !) en 1973-1975, présenta des défauts dans l'infrastructure, une fois les travaux engagés, la réalisation en fût stoppée en 1976 et l'on détruisît l'oeuvre. De 1975 à 1979, Jean DUBUFFET se consacra à ses "Théâtres de mémoire": des assemblages minutieux constitués de fragments provenant des chutes et du découpage de la série précédente. Entre 1980-1982, il se concentra sur la notion de "Sites"dans des tableaux avec personnages (cf. "Sites aux figurines", "Sites aléatoires", "Psycho-sites") une série de plus de 500 peintures sur papier. En 1983 avec "Les mires , les sites et les personnages disparaissent, laissant place à un espace envahi de hâchures bleues ou rouges sur des fonds blancs ou jaunes. En 1984, ce furent : "les Non lieux". Evoluant vers une abstraction, ces travaux remettaient en question (encore et toujours) de différentes manières, les données spatiales communes. Ces oeuvres ultimes furent quelque peu inspirées par les philosophies orientales (Bouddhisme) et le Nihilisme mais on nota surtout leur grand scepticisme. DUBUFFET mourût le 12 mai 1985 à Paris après avoir rédigé (non sans en pressentir malinement l'urgence) sa "Biographie au pas de course".

Ce billet est très long, je prie le lecteur un peu las de bien vouloir m'en excuser car il ne dit encore presque rien, fait l'impasse sur beaucoup d'oeuvres et d'évènements. Juste un tracé de surface pour cet artiste incomparable qui recommença tout à zéro, à tout âge et toujours, s'appliqua à innover en expérimentant jusqu'à la fin de sa vie sans jamais montrer signe du moindre essoufflement. DUBUFFET s'inspira du commun, des gens, des enfants, (ou des fous) je cite : "Je me suis passionné d'être l'homme du commun du plus bas étage". Mais sa passion incessante des matières, des couleurs, de tout ce qui constitue le tableau, l'a placé au delà d'un art commun ou de "petite quotidienneté", non seulement il explore mais il réhabilite les matières décriées. Et les lettres aussi l'intéressent sous leur angle commun distordu (ou farfelu). Il s'amusera à écrire phonétiquement à la manière des illettrés et s'il n'inventa pas le charmillon, (ah ça !), il publia des petits livres en jargon populaire transcrits phonétiquement : "Ler dla campane" (1948), "Anvouaiaje" (1950), "Labonfam a beber" (1950), tous trois repris dans "Plu kifekler mouikon nivoua" (1950). Suivent par intermittence une dizaine d'autres textes, de "Oukiva trèné ses bottes" (1954) à "Oriflammes" (1983).

Malgré son mépris pour "l'asphyxiante culture", les cercles, et les "milieux dits artistiques", DUBUFFET produisit paradoxalement quelques oeuvres critiques d'un style très raffiné : "Notes pour les fins lettrés" (1946), "Prospectus aux amateurs en tous genres" (1946), "Positions anti-culturelles" (1951)… En 1968, enfin "Asphyxiante Culture", un pamphlet dans la veine anarchiste du début du XXe siècle. Ses écrits, réunis sous le titre "Prospectus et tous écrits suivants" (Gallimard, 1967-1995) occupent quatre volumes. (ça vaut sûrement la peine, de trouver 4 places dans sa bibi-livrothèque). Il faut aussi mentionner une correspondance impressionnante notamment avec L.F CELINE (que J. DUBUFFET admirait sans réserve), W. GOMBROWICZ, J. PAULHAN, A. BRETON, R. QUENEAU, A. VIALATTE (dont nous reparlerons) etc... Enfin, il illustra quelques livres de ses copains entres autres : PONGE, GUILLEVIC, PAULHAN, ELUARD...

IL existe une fondation DUBUFFET crée par l'artiste en 1974, l'oeuvre y est répertoriée , on compte des milliers de travaux à son catalogue raisonné et pour terminer cette petite biographie abrégée d'un dindon de grande panacée, (ce n'est pas parce qu'il est mort qu'il n'a plus rien à dire, d'ailleurs !) nous bouclerons cet abrégé par une de ses phrases sur l'Art qu'il aimait 1000 milliards de fois et des poussières plus que la culture. Vous l'avez bien pomcris je cite encore le vermeilleux pas cultureux :

"L’Art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom : ce qu’il aime c’est l’incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s’appelle." Jean DUBUFFET (1960)

cassette.JPG

Autre lien de C.J à propos de Jean DUBUFFET (avec son graff incognito aujourd'hui effacé) :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/01/29/au...

Photos : Pour honorer presque à la lettre, l'intention du monsieur nous n'avons bien sûr, apposé ici, aucune photo qui ait le moindre lien avec l'auteur. Que de l'incognito.

photo 1 : portrait fictif de DUBUFFET dans une télé, en animateur de "Bouillon de culture".

Photo 2 : Portrait de DUBUFFET en crâne d'oeuf qui sourit.

Photo 3 : La sortie de l'usine Lumière à Lyon.

Photo 4 : Les oeuvres complètes de Jean DUBUFFET seront bientôt disponibles en cassette sur notre blog. (Envoyez vos dons !)

Nous avons croisé par hasard, à l'entrée de la rue rue de Crimée - une des plus fardées et fameuses du plateau de la Croix-Rousse - quelques anonymes du commun (des sauvages), qui ont abondamment graffé leur mur en couleurs et beaux bariolés. Quelques extraits issus d'une fresque, vue à Lyon, début mai 2009. A revoir vite en vrai peut-être, si vous êtes lyonnais, avant le passage drastique des brigades nettoyeuses du Grand Nyol), qui ne sauraient tarder, car les Brigades nettoyeuses de plus en plus nombreuses, supportent de moins en moins les grabouillons, semble t-il. (C'est un autre souci ça, un souci ça de Lyon) © Frb

jeudi, 29 janvier 2009

Au pied levé

"Il n'y aura plus de regardeurs dans ma cité, plus rien que des acteurs"

JEAN DUBUFFET  (auteur de l'HOURLOUPE, entre autres )

revoltre toi place morel.JPG

J.DUBUFFET  remplaça l'ancienne sculpture en dur par la sculpture pénétrable. Il n'était désormais pas interdit, pour lui, (et nous !) d'imaginer d'autres déchiffrements du monde...

"Assez de représentants du peuple, nous voulons le peuple en personne", reprendra le tribun plagiaire qui s'ignore...

Et la colère montera, pas seulement sous bannière. "Nous allons voir ce que nous allons voir". Juste des gens, enfin j'espère. Pénétrante colère ...

A lire absolument  :

http://humeurnoirte.hautetfort.com/archive/2009/01/27/jeu...

Photo: Belle injonction sauvage, à l'accent circonflexe, le tout d'un rose (sans parti pris ;-) vue place Morel en montant sur le plateau de la Croix-Rousse, pas très loin de la mythique Montée des Carmélites à Lyon. Ce jeudi 29/01/09. Jour de grève à Lyon et ailleurs... © Frb