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dimanche, 05 décembre 2010

Monstres doux

On n'est pas sur terre pour pondre des livres et qu'il est difficile d'écrire sans fastes, simplement vrai, comme on vit !

BLAISE CENDRARS : extr. "Blaise Cendrars vous parle", éditions Denoël 1952. 

monde171.JPGLa vie de Blaise CENDRARS, on le sait, est un roman, vrai, et plein de mensonges, elle permet un nombre illimité de lectures, ce qui explique un bon gros tas de malentendus que CENDRARS a toujours entretenus avec une joie presque enfantine. Des grands vertiges de Ménilmuche transformés en contes africains, aux trajets coutumiers en autocars jusqu'aux voyages dans les grands trains (Transsibérien pour n'en nommer qu'un seul), CENDRARS n'a jamais cessé de prolonger l'état d'éveil. Ses grands calculs il les fait pour ceux qui ne comprennent rien aux petites comptabilités ordinaires, exemple (entres autres, encore, pour lui, fumer une cigarette équivaut au temps du trajet en bus des Batignolles à la gare Montparnasse.) De "L'or" succès incontestable /"La découverte de l'or m'a ruiné. Je ne comprends pas"/ à "Moravagine" grandiose et délirant /"nous remontions l'Orénoque sans parler"/, CENDRARS a l'énergie des remises en cause radicales, il vit dans la mémoire de ses personnages, il vit plusieurs existences à la fois, et se refusera toujours que son existence se limite à une seule et unique trajectoire.

Champignonnage. Phosphorescence. Pourriture. Vie. Vie, vie, vie, vie, vie, vie, vie, vie. Mystérieuse présence pour laquelle éclatent à heure fixe les spectacles les plus grandioses de la nature. Misère de l'impuissance humaine, comment ne pas en être épouvanté, c'était tous les jours la même chose !

Un instant entre ses dérives, nous retrouvons CENDRARS à la terrasse d'une brasserie de la Porte d'Orléans, dans la banlieue sud de Paris. Il s'apprête à revoir un monsieur qui a des allures de moine chauve,  dont "l'érotisme monomaniaque" est partout proclamé voire décrié, on l' accuse de pornographie. HENRY MILLER, en personne, droit comme un bonze, attend CENDRARS assis sur une  bonne chaise en paille. BLAISE CENDRARS, indolent, courtaud, rougeaud, et le corps porté en avant a rendez-vous avec celui qu'il surnomme le "Chinese rock bottom man", ("le chinois qui a touché le fond"). Pour MILLER, la voix de CENDRARS évoque "Le tumulte de la mer". La main tendue vers lui est chaleureuse. A peine installés, les deux hommes retrouvent leur belle complicité d'antan, entre eux, une si grande évidence, n'a pas tant besoin de se dire. Ils reprennent une conversation jadis suspendue là où elle en était. D'un continent à l'autre, ils n'ont jamais manqué de s'adresser leurs ouvrages dès leur parution, au moins pour témoigner de leur santé mentale qui est très bonne malgré un désespoir qu'ils savent l'un et l'autre incurable, mais ils ont besoin de ce réconfort mutuel pour mieux s'assurer que "les imposteurs ne méritent qu'indifférence". Leurs sujets de conversations sont inépuisables. Le tout venant est leur domaine, ils ont accès à tout. On aurait pu rêver de se métamorphoser juste un instant en papillon (style éphémère) pour voltiger d'un verre à l'autre à la table de ces deux là, afin de dérober à notre tour quelques bribes d'une conversation qui nous rendrait quelques points de vie, tant MILLER et CENDRARS sont curieux, boulimiques, stimulés par le flux verbal, la surenchère des mots, la parole enivrant, plus encore que l'alcool, tout cela monte en eux, jubile jusqu'au fou rire, ils dévident en copains et dans la bonne humeur les secrets de leur mytholologie perso, leurs récits ou projets de vagabondages. Paris, New York, la Grèce, les sentiers de Californie, les remous de toutes aventures, les trimardeurs et les routards en fugue... Autant qu'ils peuvent, ils essaient d'échapper aux accrocs, au coups bas qu'ils connaissent bien, à ces misères vécues dans cette drôle d'Amérique qu'ils ont également en commun. Ils se re-connaissent quasi jumeaux dans ces aventures sans ancrage et cherchent encore. Hors circuit tous les deux, semblables en d'autres temps, ils sont les hommes qu'ils ont été jadis pour un instant présent qui ne concède rien aux idées d'échéance, ils ont tous deux plus que la littérature, ils en connaissent le geste, les mouvements fictifs ou réels, le mode de vie risqué quand les tous les présents, les passés, leurs futurs, se conjuguent jusqu'à la confusion, jusqu'à  la création d'un nouvel état de grâce. CENDRARS glisse d'un sujet à l'autre, sans trait d'union, digresse, bifurque, puis il s'embarque par jeu dans une douce provocation, sans préambule il demande à MILLER :

"Vous devez vous faire une haute idée de Lawrence n'est ce pas ?"

Pour MILLER ça devient difficile d'être flou, d'autant que CENDRARS enchaîne très vite.

Franchement vous ne le trouvez pas un peu surfait ?

On sait que CENDRARS (sans doute pour raison d'estomac), écorna sans vergogne quelques uns de ses contemporains, dénonçant les attitudes "écrivassières", la vanité autocratique des businessmen de l'édition, il s'illumina, touchant ça et là aux plus belles icônes de son temps puis se lassa aussi rapidement de ses propres persiflages. On sait (et à plus juste titre qu'avec LAWRENCE), que CENDRARS se gaussa joliment du père ANATOLE FRANCE :

Ce vieux croquemitaine souriant.

Il refit le portrait d'une façon brève et nette, de l'intouchable PICASSO,

Ce batard de l'académisme.

Vif et définitif, l'oeil de CENDRARS voit clair, et sa verve inflammable incise comme une lame. Il s'amuse à  faire vaciller son copain MILLER, qui pour une fois, manquera de répartie. MILLER défend mal son ami  D.H LAWRENCE, auteur pourtant du torride "Lady Chatterley". Il abandonne assez vite l'idée de défendre qui que ce soit, il préfère écouter CENDRARS qui  déjà le réembarque en quelques secondes pour une autre conversation qui s'inclût tout autant dans la même, pourquoi pas ? A noter contre l'anecdote que quelques années plus tard, c'est le mot "tendresse" qui viendra naturellement à CENDRARS pour évoquer son lien avec D. H LAWRENCE. Et cette contradiction sera encore d'une grande fidèlité.

A la station Porte d'Orléans, CENDRARS précipite les adieux. MILLER retourne en Amérique. MILLER n'aura  jamais oublié l'article que CENDRARS consacra un jour à ce livre magnifique qu'est "Tropique du Capricorne", cette oeuvre charnelle jugée trop sexuelle fût interdite dès sa parution en 1939 mais CENDRARS avait déjà "reniflé" l'écriture et la pyrotechnie d'Henry MILLER ne lui était pas si étrangère :

Un régal, un livre atroce exactement le genre de livre que j'aime le plus.

A la fin de son article, CENDRARS annonçait déjà, au delà d'un enthousiasme de lecteur, de critique, une espèce d'humanité commune ou plus exactement une gémellité :

Je me devais de vous saluer mon cher Henry MILLER, car moi aussi j'ai erré, pauvre et transi dans les rues hostiles d'une grande ville à l'étranger où je ne connaissais pas âme qui vive et où j'ai écrit mon premier livre. C'était dans votre vieux New York, mais ceci est autre histoire...

  Nota 1 : Ce billet s'est largement inspiré d'un petit livre formidable promu au destin de livre de chevet qui serait par ailleurs une très chouette idée de cadeau à mettre dans les chaussures de quelqu'un qu'on aime bien (il n'y a pas que les auteurs à la mode qu'on peut commander au Père Noël). L'ouvrage a pour titre  "Pour saluer CENDRARS" (l'hommage est savoureux, le contenu très fidèle à son titre), il est signé Jérôme CAMILLY, et, pour la gourmandise, le livre est  illustré magnifiquement par Robert  DOISNEAU. Le tout est édité chez Actes Sud (1987), ce sera le coup de coeur de fin d'année de Certains jours et des jours qui suivront. 

 Nota 2 : La vignette ci-dessous est un fragment  (ou copie) d'un portrait de CENDRARS par DOISNEAU une, parmi les nombreuses photos qui illustrent ce livre, elles sont toutes admirables et parfaitement référencées.

Autres liens, (certes pas utiles, on dira donc en complément, et tout à votre guise) :

http://www.cebc-cendrars.ch/

http://www.franceculture.com/oeuvre-blaise-cendrars-la-vi...  

Plus quelques voix...

http://ubu.artmob.ca/sound/miller_henry/Miller-Henry_Thir...  

... Dont une certaine étrangement tronquée jusqu'où ? On n'en saura pas davantage ...


cendrars visage027.JPG

 

 

 

 


 

podcast

 

Remerciements à : "La revue des ressources" d'où provient ce précieux document.

 Photo : Graff mural idéal. Un seul mot pour deux monstres doux, qui referont le mur, photographié un peu partout, entre plusieurs allers retours Lyon-New York, je ne sais plus quand, je ne sais plus où. © Frb 2010.

mercredi, 27 octobre 2010

Nuit et jour (Part I)

Derrière le monde dans lequel nous vivons, loin à l'arrière-plan, se trouve un autre monde; leur rapport réciproque ressemble à celui qui existe entre les deux scènes qu'on voit parfois au théâtre, l'une derrière l'autre.

SOREN KIERKEGAARD extr. "Le Journal du séducteur" (1843), éditions Folio 1990.

Pour lire la partie II de "Nuit et jour" vous pouvez cliquer sur l'imagboulange.JPGe

La nuit confond tous les langages. L'éloge et la pagaille qui vient après la fantaisie quand l'animal se rhabille en vitesse et va se consoler à la boulangerie, pour goûter dans la rue, le quignon d'une banette "Moissons". October précise l'avalanche. Toutes les villes grondent et je suis partout, à la fois, à Paris, à Brighton ou à Lyon, cherchant les brumes, je promène mon esprit sur un damier usé, beau comme un palimpseste. Je lis une lettre fauve ivre du grand secret, postée d'une tour endormie. 

 Mégères alentour qui pleurez dans vos mouchoirs;
On s'étonne, on s’étonne, on s'étonne
Et on vous regarde ...

Je compte et je recompte, plus de mille et un jours, tant d'âmes se sont noircies. Les passions immobiles rendent leur brumes à l'aube ; sur elles les coucous pondent des théories issues des grandes industries. Les vrais professionnels ont horreur de la poésie. Un monstre habituel ouvre ce ventre et fouille dans nos petites horloges, piqué comme un monument de sottises, sucrant nos fraises juste après les émeutes. Plus haut sur la colline, un monde englouti de guimauve, butine un boulevard rongé de transes, on y croise parfois des vieillards, portant tous la même gabardine, assis sur des bancs, ils récitent avec des voix d'enfants l'alphabet à l'envers, disent cent fois le même souvenir. Les autres dans la maison du "quatrième âge", ("L'Hermitage" qu'elle s'appelle), ordonnent bien patiemment les syllabes d'un jeu, sur des tables disposées en rond et se gardent pour la bonne bouche le panier en osier, les violettes en papier crêpon. Le désordre des esprits est une splendeur à moudre, plus personne ne peut jouir tranquille, (même dans son coin), de toutes sortes de déréglements. Le monde est droit. On m'apprivoise. Plus personne ne pourrait trouver les rages du Cobra et des fauves au coeur de l'uniformité qui vient. Nous sommes codés mais pas encore détruits. En quête du dernier mot, nous tentons d'en sortir, tous-un-chacun conscients des ruines, et nul encore ne songe à recourir à l'alchimie : amalgame philosophique, aimant des sages, transmutation...

Le jour brûle et c'est un peu triste de penser à ce temps qui vient. Triste comme la jachère, nous nous appliquons à la tâche malgré tout et selon. Maintenir nos acquis puis dire "Je suis comme ça, il n'y a rien à y faire, pardi !", avec nos têtes de rats, nos têtes de chiens, d'oiseaux genre canaris ou vautours tapant du poing, beaux sur nos pattes, avec nos têtes de fouines, nos têtes de lapins blancs planqués dans des capuchons molletonnés, nos têtes de mort de ta race infidèle, nos têtes raides et fières, têtes d'eskimos glacés à la sortie du "Titanic" fondant bêtes comme chou pour une histoire d'amour qui finit mal ou bien, nos têtes à demi-notres sur des corps couverts de réclames. Nos bouches sont rouges de la colère, et du gloss des city-marchés, crachant des noyaux de cerise pour ces temps bousculés par les catastrophes présentes, par la tronche du Cribe et de la grosse Trischine qui s'en va déclarer à la télé sans le moindre sentiment de honte "je suis un être humain, j'ai un coeur comme tout le monde".

Le jour brûle, embrase tout, portant au poème un cuivre érodé par l'automne, quelques feuilles sur les ponts au dessus des fleuves et le feu prend juste entre les deux, tout en haut des tours éveillées, endormies, selon les heures, jour et nuit enfin liés par la note pincée d'une gigue sur une corde de luth nommée "chanterelle". Et le hasard m'attache aux choses infimes, en elles, j'espère être annulée. Je me balade sans rien penser puis je tombe sous l'enseigne de monsieur Chr. Rodrigue (il a du coeur, vous le saurez), par cette minuscule ruelle, courte et droite qui part de la rue de Brest atterrit à Mercière, en perpendiculaire avec vue sur la Saône et ses baigneuses lascives (j'exagère ! qui pourrait croire une chose pareille ?). J'achète un petit pain viennois constellé de pépites, j'interroge la marchande sur la texture du pain. Je lui dis que les oeuvres de Rodrigue m'intéressent, et soudain je me trouve transportée devant un four à pain. J'écoute le poème de la commerçante (la mie de Rodrigue ?), qui me chante avec des mots simples comment ce pain est fabriqué, "blanc comme la peau d'un nouveau né, onctueux à merveille, et croustillant autour ". Combien de nuits à transpirer pour mettre au point la dite texture ? Elle le dit, la marchande : "ce pain est fabuleux !". Elle fait sonner les adjectifs dans sa bouche, les alanguit, forçant mon air blasé, jusqu'à ce que mon entendement s'y soumette, me voilà désarmée, prête à livrer combat pour la mie tendre, la croûte dorée à point de ce "pain fabuleux". J'opine et je dis "oui !". Enfin, la boulangère ne peut dissimuler sa joie, elle m'emballe avec des gestes tendres, le pain dans un beau papier blanc, où Rodrigue a écrit, on dirait, de sa main, en fines lettres dorées des bribes d'une fable de La Fontaine "par l'odeur alléchée", jouxtant l'histoire de la "Banette", et sur cette note guillerette en caractères gothiques on peut lire au sommet : "Artisan boulanger". Ainsi, ma journée se trouve embellie et dans mon imagination envoûtée par l'endroit, je me surprends à transposer la tendresse infinie de la marchande et de son boulanger à 6,793 milliards d'êtres humains ; ce qui produit sur moi un effet quasi hallucinatoire démésurément empathique. Je sais bien que c'est une niaiserie, mais cette niaiserie suffit à faire de moi un être différent, entièrement pétri d'amour, pour quelques heures au moins...

Photo : L'enseigne et son poème, plans de vies parallèles, la vitrine de la boulangerie de monsieur Rodrigue, et juste derrière un autre monde moulé dans celui-ci. Photographié fin Octobre, sur la presqu'île dans le 2em arrondissement de Lyon. © Frb 2010.

mercredi, 21 avril 2010

Ici ou là

"Nous sommes nos propres démons, nous nous expulsons de notre paradis"

GOETHE. Extr. "Les souffrances du jeune Werther". Editions Gallimard Folio classique 2003.

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Déréel (définition) :" Pensée déréelle, pensée détournée du réel et des nécessités logiques'.

Je me retire de la réalité. Je marche seule dans la foule, toute personne me paraît immobile, séparée du monde où je vis. Je traverse mon propre quartier comme si je ne l'avais jamais connu. Je vois filer mon ombre sur une vitrine telle l'ombre de quelqu'un d'autre. Je vois mes chaussures avancer sur les passages cloutés mais je ne traverse pas cette rue. Je vis sur une terre inconnue sans savoir si je vis ni où est située cette terre.

"Je chois continûment hors de moi-même, sans vertige, sans brouillard dans la précision comme si j'étais drogué. Cette magnifique nature étalée là devant moi, m'apparaît aussi glacée qu'une miniature passée au vernis" (1)

Je croise une vieille connaissance qui me parle de ses soucis. Je vis hors de ma propre écoute. Je dévisage la vieille connaissance, elle m'est complètement dérisoire. Qu'ai- je à faire avec cette personne ? Je vois ses bras qui se balancent, mais je ne sais pas si ce sont ses bras. Je crois entendre la fin de ses phrases, mais je ne sais plus où vont ces phrases, où est la fin, ni où est le début. La vieille connaissance me tutoie, je lui dis des phrases convenues, Je les dis mais ne m'entends plus. Parler à cette personne me tue.

" Je suis de trop mais double deuil, ce dont je suis exclu ne me fait pas envie"(2)

Je subis la réalité, (suprême offense), le monde m'est présenté comme un monde avec lequel je dois entretenir des rapports polis, il me faudrait trouver sympathique, celui ou celle qui me demande très gentiment de mes nouvelles. Des nouvelles de qui ? Et pourquoi ? Je ne me le demande même pas. Il me faudrait trouver drôles quelques plaisanteries de ces mêmes qui me croyant triste chercheraient à me sortir d'une tristesse qu'ils prétendent négative, à me rendre plus gaie, disent ils. De quelle humeur celui ci ou celle là voudraient ils me sortir au point que puisse me distraire ? Ni eux ni moi bien que je reste liée au monde par un fil qui ne m'est d'aucune importance, n'ont à mes yeux le sens qu'ils accordent à tout cela. Un instant peut être pourrais-je m'en exacerber mais je n'ai plus aucun langage.

"Je feuillette l'album d'un peintre que j'aime, je ne puis le faire qu'avec détachement. J'approuve cette peinture mais les images sont glacées et cela m'ennuie" (3)

Nota : Les phrases (numérotées) sont extraites de l'ouvrage de Roland BARTHES "Fragments d'un discours amoureux" dont le chapitre "Déréalité" a largerment inspiré ce billet.

Photo : Ici ou là. Juste où je ne suis pas. Nabirosina. Avril 2010. © Frb.

samedi, 06 mars 2010

Les bienfaiteurs ne poussent pas sur les arbres

A tribute to JIM LEON 1938-2002

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"Depuis l’enfance, les gens m’ont toujours regardé comme un artiste créatif. Quelqu’un qui possédait un don spécial. Durant plus d’un demi-siècle, cela m’a donné une excuse parfaite pour paresser la plupart du temps, juste faire ce que je veux, quand je veux, à mon propre rythme. Bien sûr comme tous les autres, à certaines périodes, j’ai pris mon art et moi-même très au sérieux et j’ai également travaillé très dur, essayant de donner le meilleur, ce qu’on peut appeler «mon code d’honneur » et les résultats ont connu une certaine popularité, aussi tout naturellement, cela me plaisait et m’a appris le respect de moi-même, la confiance en soi et la prise de conscience de l’énorme responsabilité d’être auteur d’un travail sacré de communication, avec en but final de s’adresser aux siècles futurs. Cela implique une moralité sans faille. M’étant fixé des objectifs élevés, non pas en ce qui concerne l’ambition sociale, j’ai connu de nombreux hauts et bas. Je crois que c’est ma paresse objective qui m’a le plus aidé à tenir, ça et le simple fait de reconnaître que les mondanités ne font pas partie de mon rôle, me pousse à fuir. Un panier de crabes comme on dit en français.
C’est la principale raison qui me pousse à préférer l’obscurité de la province, l’oubli quand la mode est passée, une certaine liberté que l’on ne trouve que rarement dans une capitale, m’est chère, O combien frustrante puisse-t-être ma position parfois.
La précarité de ma situation ne me permet pas d’avoir un atelier à moi, assez grand pour mettre en œuvre les projets en suspens depuis des années, ni avoir les moyens d’acheter le matériel nécessaire pour remplir le type d’atelier que j’aimerais avoir, et qui coûterait une fortune. Mais les commérages journalistiques vont bien et l’image qu’ils ont construit au fil des ans est celle d’un sauvage, marginal, artiste Anglais avec du goût pour les femmes, la picole et les drogues. Tout ça ne passe pas bien dans une ville de province comme Lyon, je crois. La bourgeoisie lyonnaise m’évite et je l’évite."

JIM LEON in "Les bienfaiteurs ne poussent pas sur les arbres", extr du site consacré au peintre J.L. à visiter ICI.

Photo : Beau graff mensonger (que l'on croit ou ne croit pas en Dieu ou aux artistes) vu rue des Pierres plantées à Lyon, presqu'en haut de la Colline qui peint (donc qui travaille). Juste en face d'une pâtisserie orientale présentant en vitrine des cornes de gazelles fabriquées par Dieu lui même (là, ce n'est pas mensonger), très loin du marchand de crabes qui loge je ne sais où (et n'est pas dans mon petit panier). Lyon, photographié le 15 Mars 2010, avec l'aide de Dieu évidemment ! (et de monsieur H.G Wells qui nous a gracieusement prêté le matériel) © Frb.

dimanche, 04 janvier 2009

Le bruit qui vient...

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Cette nuit absorbée dans les murmures et les grouillements de la forêt, n'accordant de regard que sur cela, n'ayant ouvert aucune fenêtre pour laisser entrer chez moi les évènements du monde, pas même le "google actualité", lassée de ce taraudage incessant qui ne nous laisse qu'un mot à l'oreille sans cesse, qu'on le veuille ou non, jour après jour, dès que s'allume n'importe quel appareil de radio ou télé diffusion: le mot "Sarkozy". "Sarkozy a dit "oui", "Sarkozy a fait ça" "Sarkozy et Carla" "Sarkozy réveillonne" "Sarkozy chez les SDF", "Sarkozy, Sarkozy..." J'avais un peu trahi ma promesse, le soir du discours du président, juste pour voir l'agencement du drapeau qui n'avait d'abord pas échappé à l'acuité de  KL-LOTH (cf. DAILY LIFE), puis prestement remise au défi, d'éviter ce nom présidentiel omniprésent, et lancinant; au moins pendant les dix premiers jours de janvier. Je m'étais égoïstement replongée dans les "murmures de la forêt", rien de tel pour bien commencer une année, me disais je.... Or au milieu de la nuit, je reçus d'un autre ami un courrier (on dit "courriel" ;-) bien étrange, en trois parties, distillé d'heure en heure. Le premier, quelques mots seulement: "L'heure des révoltes mondiales". Mon ami ne devait pas avoir trop le moral en ce moment, pensai-je, ce courrier là, différant de son ton habituel souvent en forme de "gai savoir", je me disais qu'en lui faisant lire une blague de papillottes demain, tout irait mieux... Puis je retournai à mes grouillements forestiers. Seule avec ma forêt. L'heure suivante je reçus un autre courrier, toujours du même ami sans autre précision que ces sept mots: "Flou mêlé de net ici ou là". Son état paraissait s'aggraver, je m'inquiétai un peu et décidai de lui faire part de ma bienveillance concernant son moral (voire son état mental;-) juste une phrase en forme d'intranquillité: " Tu es bien sombre, je ne comprends pas tout, est ce que tu pourrais décrypter ?". La réponse ne tarda pas, décryptons: encore cinq mots:  "Fête de Dieu à Gaza"  accompagné d'une photo semblant venue droit des enfers, la coïncidence entre celle que j'avais choisie pour illuster ce billet, dans l'ignorance des récents évènements et la photo de mon ami croisant tout par hasard, une nuit la mienne à la même heure, me parût, quelquepart un assez troublante : Gaza.pdf. Ce matin, mon ami m'avoua qu'il n'avait suivi aucun évènement de si près, coupé des télés, lui aussi, plongé lui aussi, dans la contemplation d'un ciel liquéfié d'une musique sur laquelle il travaille jour et nuit, et que, juste en ouvrant sa fenêtre, il avait vu sa ville (Lyon) transformée en grouillement de la rue, refusant massivement une violence dont on n'imaginait pas qu'elle pût si brutalement se traduire par une offensive terrestre. Après les courriels, je brisai à nouveau ma promesse d'hibernation, laissant par cette fenêtre (de plus en plus subjective et de moins en moins fiable), entrer chez moi les brûlots de cette drôle d'époque. La télé accorda la parole durant de longue minutes à un défenseur de l'offensive Israëlienne qui déclara avec la rigueur d'un discours sans appel, que cette violence avait été décidée je cite "pour le bien de tous". Déclaration suivie des remerciements (gênés, inquiets) d'une présentatrice apparemment aussi larguée que moi. Entre l'implacable déclaration de l'émissaire, et le sourire glacé parvenant mal à masquer l'expression un peu effrayée de la présentatrice, il me sembla voir s'immiscer une fissure dans laquelle pourrait bien se glisser cette année un autre feu couvé par une révolte, celle ci sans bannière, ni appartenance à des groupes, celle des gens. Mais comme je n'ai ni don de voyance, ni connaissances suffisantes de cette récente, choquante actualité;  je regarde, révoltée, impuissante (comme tant d'autres) défiler les images et les mots comme le nom de cette opération militaire israëlienne entamée le 27 décembre : "Plomb durci", (évoquant l'âge de fer, et d'autres cauchemars innommables) et je tente de m'informer au mieux pour comprendre plus précisément dans un premier temps la nature folle de l'escalade. Pour ceux qui, comme moi n'ont pas tout à fait suivi l'actualité (les décryptages se trouvant facilement sur des sites élaborés par des personnes compétente), je vous livre les dernières nouvelles en concentré: panique accentuée, appels au cessez-le-feu-multipliés sur le front diplomatique, les civils sont pris dans la trappe, on craint pour eux le pire, la France, hier, a condamné l'offensive. Le monde entier attend des Etats-Unis tandis que Georges Bush termine son mandat en saluant "l'effusion de sang palestinien" son soutien va à Israël, l'Amérique d'Obama reste silencieuse, attendant le 20 janvier la prise de fonction de son nouveau héros. Une guerre qui durera "Autant qu'il faut" souligne la presse Israëlienne qui soutient l'offensive. La commission Européenne est en train d'appeler Israël à assurer un espace humanitaire pour distribuer l'aide à la bande de Gaza, 3 millions d'euros supplémentaires pour ce territoire Palestinien où s'entassent 1,5 millions d'habitants (une des plus fortes densités au monde). Et même si le ministre israëlien EHOUD OLMERT assure que son pays préviendra une crise humanitaire dans la bande de Gaza en aidant toujours à l'acheminement de l'aide, Les ONG sont inquiètes face à la situation qui devient de plus en plus critique, de plus en plus urgente. Il serait vain de penser qu'on protégera les civils.

Il n'est pas habituel sur ce blog que j'évoque aussi directement l'actualité, mais il me paraissait impossible d'ignorer l'évènement, ouvrant l'année en "plomb durci", un peuple bafoué, une offensive terrestre refusée massivement (on l'a vu lors des manifestations dans les grandes villes de France et d'ailleurs). Le parallèle entre l'image de mon ami et mes barbelés de campagne étant superfétatoire comparé à la nature des bruits, je vous propose simplement quelques liens sur les évènements, actualité, décryptage, comme premier éclairage tandis que l'heure des révoltes mondiales monte et que le monde perclu d'outrages, bouge encore...

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/international/20081230.OBS7692/heure_par_heure__les_evenements_a_gaza.html?idfx=RSS_notr&

http://www.liberation.fr/monde/0101309293-l-armee-israeli...

http://www.rue89.com/2009/01/04/israel-choisit-lescalade-...