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jeudi, 12 mai 2011

Pas si loin de Montmartre...

Ce que tu m’as dit de ta nuit, du ciel, de la lune, du paysage, du silence a dû ranimer en moi des réminiscences similaires... Et alors, j’ai pris feu dans ma solitude car écrire c’est se consumer... L’écriture est un incendie qui embrase un grand remue-ménage d’idées et qui fait flamber des associations d’images avant de les réduire en braises crépitantes et en cendres retombantes. Mais si la flamme déclenche l’alerte, la spontanéité du feu reste mystérieuse. Car écrire c’est brûler vif, mais c’est aussi renaître de ses cendres.

BLAISE CENDRARS, extr. de "L'homme foudroyé", éditions Gallimard 1945.

Pour voir le poète de face, il suffit de lui tapoter un peu sur l'épaule ...

blaise.JPG

 

 

 

Chaque fois que la littérature me paraît un peu vide ou trop molle je retourne chez CENDRARS et ramasse les points de vie fondue dans la puissante liberté d'esprit du corps et du langage qui anime son écriture. L'écriture n'est pas vaine celle de Blaise encourage la vie. Son existence imprévisible était entièrement vouée au présent sans grand souci que les récits qu'il racontait à lui même ou à ses amis soient véridiques, il y avait en lui une autre quête de vérité bien plus intransigeante qui ne fût jamais servile et ne céda à aucune domestication artistique. CENDRARS représente encore aujourd'hui, la jeunesse absolue du monde, de l'Homme, la poésie mais pour atteindre la poésie, son message est limpide : il faudra abuser du monde. La "lettre océan" n'a pas été inventée pour faire de la poésie.

La lettre-océan n’est pas un nouveau genre poétique
C’est un message pratique à tarif régressif et bien meilleur marché qu’un radio
On s’en sert beaucoup à bord pour liquider des affaires que l’on n’a pas eu le temps de régler avant son
départ et pour donner des dernières instructions
C’est également un messager sentimental qui vient vous dire bonjour de ma part entre deux escales
aussi éloignées que Leixoës et Dakar alors que me sachant en mer pour six jours on ne s’attend
pas à recevoir de mes nouvelles
Je m’en servirai encore durant la traversée du sud-atlantique entre Dakar et Rio-de-Janeiro pour
porter des messages en arrière car on ne peut s’en servir que dans ce sens-là
La lettre-océan n’a pas été inventée pour faire de la poésie
Mais quand on voyage quand on commerce quand on est à bord quand on envoie de lettres-océan
On fait la poésie

CENDRARS dit une chose si évidente, qu'on pinaillerait encore par crainte que l'exaltation déboussole nos petits nids et secoue favorablement les esprits. Les métamorphoses désirables visant à nous extraire de nos plis ne sont pas sans danger, au final. Saurions nous les vivre entièrement ? Y faire entrer avec tout le vertige, un peu de paresse aussi, la plus grande liberté possible ? C'est pourtant la proposition de CENDRARS, qui un brin hâbleur, balayant les faiseurs de rimes, posera sa phrase sous nos yeux, c'est si bête...

Le seul fait d'exister est un véritable bonheur

Ma foi, oui. Mais ce bonheur ne vient pas par niaiserie, il n'exclût pas la violence. La poésie du Blaise est celle d'un conquérant, d'un gourmet, et gourmand ; de l'ogre tout en même temps. Maintenant que les continents ont tous été découverts puis explorés, il s'agira de tenter d'en pénétrer le plus grand nombre possible d'aspects. CENDRARS donjuanise l'espace, il traque, poursuit les lieux, hanté par toutes les capitales, par les ports, les routes, les sierras etc... Cela pour lui est comme de grandes conquêtes amoureuses qu'il envisage au rythme enjoué et nerveux de courses et de combats. Il n'accorde aucune concession à la grâce, peu d'attendrissement, ou léger, assez drôle. Pour être digne du monde qui n'a pas le temps de s'apesantir, CENDRARS est dur, il cale son pas sur la cadence des villes, des bruits, des trains etc... En 1924, il écrit, (il n'écrit pas, il le martelle) :

Nous ne voulons pas être tristes
C'est trop facile
C'est trop bête
C'est trop commode
Tout le monde est triste
Nous ne voulons pas être tristes

Bien sûr, CENDRARS n'a pas fait qu'endurer il a aussi laissé voir ses doutes, ses regrets, ses amours, que les conquêtes des espaces et toutes les aventures n'ont pas réussi à combler, alors il nous donne par un mouvement paradoxal les poèmes les plus drus les plus beaux et le plus poignant de son verbe, où la détresse humaine longtemps camouflée (parfois sous les bravades), paraît encore plus inéluctable jusqu'à l'aveu bouleversant comme dans ce final de "Pâques à New York", que j'ai plaisir à vous offrir, et j'offrirai dans ce même élan, (pourquoi pas ?), un supplément de Blaise à ce blog comme posant une cerise à l'eau de vie sur un petit Lu d'anniversaire (de trois ans d'âge et des poussières) tenu par le fil très fragile de nos correspondances et des lieux, tramant d'inutiles rêvasseries, des passages à la redonne, et puis toujours la ritournelle dans un coin minuscule de nos mondes réels et virtuels qui existent tous en même temps... Je dois à Blaise l'amour des mots, des rues, des villes et de la profusion. Je l'ai tellement cité certains jours, qu'il me tentait de rendre à CENDRARS ce qui n'appartient qu'à CENDRARS, et je le referai encore autant de fois qu'il me plaira. Il faut relire CENDRARS, mes amis, même foudroyé, Blaise is alive and well. Extrait choisi.

Seigneur, je rentre fatigué, seul et très morne …
Ma chambre est nue comme un tombeau …

Seigneur, je suis tout seul et j’ai la fièvre …
Mon lit est froid comme un cercueil …

Seigneur, je ferme les yeux et je claque des dents …
Je suis trop seul. J’ai froid. Je vous appelle …

Cent mille toupies tournoient devant mes yeux …
Non, cent mille femmes … Non, cent mille violoncelles …

Je pense, Seigneur, à mes heures malheureuses …
Je pense, Seigneur, à mes heures en allées …

Je ne pense plus à vous. Je ne pense plus à vous.

BLAISE CENDRARS, New York, avril 1912

Photo : En exclusivité, Blaise CENDRARS photographié par Frasby, eh oui !  et ce sera une autre preuve que CENDRARS est toujours en vie. Genèse d'une rencontre incroyable : Le hasard d'une balade à bicyclette aura fait apparaître sous mes yeux (éblouis !), môssieur Blaise CENDRARS en personne, photographié hier, le long des quais du Rhône à Lyon. Il regardait tristement les péniches amarrées, il m'a demandé : "Dis, Frasby, sommes nous loin de Montmartre ?". Je lui ai répondu "Oui, msieur Blaise ! bien trop loin, mais par la loi de la relativité, Montmartre est à côté et les roues de mon vélo sont des moulins à vent. Montez donc sur mon porte bagage, allez hop ! je vous emmène !". Ce qui fût dit fût fait et c'est avec plaisir que je fis ardemment grincer mon pédalier pour le poète. Le temps d'un aller retour, bringueballant, j'ai déposé Blaise à la terrasse du café Planchon; (très bon endroit, connu des "vrais" Montmartrois, et vivement recommandé par la maison, portant un autre doux nom à l'enseigne du "Rêve"; situé au 89 de la rue Caulaincourt (dans le XVIIIe à Paris), ultime endroit de la capitale où l'on trouve encore un bon gros téléphone à jetons (qui fonctionne !). Et me voici à nouveau sur la même berge, à Lyon, balayant du regard les péniches amarrées, à me demander si je n'ai pas rêvé. Pourtant non, la gouaille du Blaise (c'est pas pour me vanter mais nous avons bien rigolé), me manque déjà, autant que sa présence (un peu brute décoffrée mais au fond, tellement tendre)... Je me consolerai, en songeant à tous ceux qui n'ont pas eu la chance de rencontrer CENDRARS. Certains jours je me demande ce que j'ai fait au bon Dieu pour qu'il exauce avec autant de simplicité mes plus chers voeux. (Cela dit il y a baleine sous gravillon, elle se cache dans l'image, celui qui saura la trouver se verra remettre "la médaille de la sagacité" de certains jours avec un petit compliment de la crémière).

Photo : Frb © 2011.

Commentaires

Bel hommage rendu à un poète que j'aime.

Écrit par : mango | dimanche, 22 mai 2011

@mango : merci, votre petit mot me fait vraiment plaisir, vous l'aimez, nous l'aimons... ;-)
Belle journée à vous.

Écrit par : frasby | dimanche, 22 mai 2011

Je découvre grâce à Blaise et à vous un autre Planchon, celui d'Elyette, que j'ignorais. A chaque fois que vous évoquez Cendrars, ça me donne envie de miauler, mais le gag est un peu réchauffé. Comment miaule-t-on bon anniversaire ? En marchillon de surcroît ?
Dites, ma gasicéta est peut-être éssoumée, masi je n'ai soa nieb priscom ce qu'il fallait voutrer sur al topho...

Écrit par : solko | dimanche, 22 mai 2011

@solko : Comment ? Vous ne connaissez pas le café Planchon ? c'est un café qui vous aurait bien plu, je crois, Elyette aussi, pour l'accueil, pour les conversations qui fusaient autour du zinc, pas frelaté, très mélangé, un bel endroit, pas du montmartre à touristes, ni du faux vrai typique. Si vous aviez connu. Vous auriez ronronné de bonheur, et fait de belles causeries avec Elyette qu'était pas contre les causeries, si je me souviens ...
Chaque fois que j'écris le mot Cendrars, evidemment, j'en vois un autre avec des moustaches derrière la fenêtre, cela dit si vous voulez miauler, ne vous gênez pas, ça nous ramènera au bon vieux temps où les hommes et les animaux parlaient le même langage, (pour vous rassurer cette phrase je l'ai réchauffée aussi :), nob ranresavien souv vepouz el ronrornne tutot sab, serponnellement ej el refia snas botamur ni promtette (j'ia rherrou des ranresaviens, masi crémi; no s'en touf du caflon vourpu qu'no ia l'evrisse. Pour la gacicéta (entre nous j'en ai bavé viou den ! roup rudirate la gacicéta, ah mais c'est que des mois sans marchillon et on perd vite la main), pour la gacicéta, dnoc, c'est plisem tranpout ! il faut voutrer une rerure quelque chose qui ne va pas et s'est glissé, dans l'amige, c'est hénaurme !
En attendant je vous recremie prou trove tisive et vous housiate un bon echamdin (cave aube charmé :)

Écrit par : frasby | dimanche, 22 mai 2011

Mais oui ! Qu'avais-je fait de ma gacicéta ! Le bras droit du poète ! C'est hénaurme !
(comme le Sofitel en face ! )

Écrit par : solko | dimanche, 22 mai 2011

@Solko : bravo !!! double gacicéta ! vous êtes notre Drang ulataré de trone echamdin il m'aurait étonné que cela vous échappe, c'était hénaume ! je vais donc, solennellement (avec l'otarisatouin de monsieur le ramie de Nyol Rédrag Bloomc) vous remettre deux dilamèles au nom de la truclue vasante, et de la sépoie, j'ia l'immense huronne de vous nommer : Drang Chalevier de la gacicéta de Certains jours et vous remets en toure, le treti hofironique de Persu pamichon du vasoir et de l'ivotrobensa de trone echamdin (même si nous sommes ujide), j'espère que ça vous fait plaisir. Je suis fière de compter dans notre ville de Lyon un Drang hemmo gasace et d'accueillir sur ce glob, le Drang pamichon que vous êtes, le premier, il faut le dire depuis que le monde est monde à recevoir de telles récompenses. Vrabo à vuso
ps >C'est quand même incabryole de cisecro un Belasi Crendras avec une mani geucha (manigeucha) poucée. Juste en face du Fisotel . Je ne sais pas si trove gacicéta ne sera pas à double chantrant, on risque désormais de me prendre pour une mymothane

Écrit par : frasby | dimanche, 22 mai 2011

je déconseille absolument la lecture des poèmes de Cendrars ! surtout aux jeunes gens ! elle rend absolument - littéralement ?- insupportable 90% de la production poétique française de ce siècle et du précédent !

Écrit par : hozan kebo | dimanche, 22 mai 2011

@hozan kebo : J'ai eu très peur en lisant votre première phrase, mais chapeau ! vous êtes plus courageux que moi, quand j'écris "chaque fois que la littérature me paraît vide ou trop molle" (pardon j'ai l'outrecuidance de me citer, enfin bon je parle de ma propre "langue de bois" ) autrement dit, j'ai considérablement adouci l'idée et la formule de départ qui sur le brouillon étaient étrangement (ou pas si étrangement) proches de la votre. (les "cercles" de la poésie étant d'une rare férocité. Je modère mes propos :) 90% vous n'y allez pas de main morte (si j'ose dire (!:O) c'est beaucoup Heureusement que je ne sais pas compter. Vous parlez de production poétique et non de création, on en trouvera peut être de formidables, des créations, dans des malles de grenier, on aurait un peu tendance à confondre, et à croire que les vrais poètes sont ceux qui publient des livres .J'ai connu sur un marché un forain qui versifiait sa production de tomates, plus proche de Cendrars que tous les poètes proclamés, production de tomates et création improvisée, un mégot en coin, entre deux cagettes sur ce coup là, le verbe était plus fulgurant et plus ouvragé que bien des poètes publiés, mais on ne le lira jamais, ce poète forain (création éphémère, non répertoriée). C'est vrai qu'il est difficile après avoir lu Cendrars, de passer à autre chose ... même les romans, Cendrars, est tout simplement prodigieux.

Écrit par : frasby | dimanche, 22 mai 2011

Faisons ça à la bonne franquette en laissant Rédrag à ses regrets.
(l'ai vu sur Itélé, sale mine...)
"Drang Chalevier de la gacicéta de Certains jours" : ça c'est géant, sans compter que ce décalage entre echamdin et ujide rend la chose plus symbolique.
Mymothane, laissez jaser les on. Vous savez bien ce qu'en dit le proverbe (de on).
Bon.
Pamichon, je file filer la nouvelle à mon chat qui ne va pas en revenir.

Écrit par : solko | dimanche, 22 mai 2011

"La rue est dans la nuit comme une déchirure
Pleine d’or et de sang, de feu et d’épluchures."
"L'or"lointain souvenir c'était en mai que je l'ai lu...

Écrit par : laurence | dimanche, 22 mai 2011

very interesting, including the comments from several people.

Écrit par : Kopfhoerer | dimanche, 22 mai 2011

@solko : Rédrag no s'en pessa, il tse à la télé.I, il se touf de trove xrip (c'est plottû une bonne vounelle qu'il ne se mêle pas d'un évènement aussi important que votre monitatoin de Drang Chavelier de la gacicéta, vous qui étiez déjà drang yaka de l'amécédie du Charmillon, je ne doute pas qu'au charmé du drami (un beau sapy situé entre l'echamdin et l'ujide), désormais les cirox ourssiens se lubosuceront (hé oui) pour vous demander des rataugophes, j'espère que vous accrocherez vos dilamèles sur votre goredinte en soie de Nyol, votre chat sera fier très fier :), merci de me croire, quand je dis que j'ai rencontré Cendrars en face du Fisotel, c'est vrai que le détail est hénaurme mais peut être que Cendrars, qui était coquet, et a bien souffert d'avoir perdu sa main, s'est fait faire une main nouvelle, chez une esthéticienne, au service chirurgie du paradis (pari d'as, drapon ) tout est possible au paradis. Enfin on le dit... Pour les on dit. Vous êtes gentil Mymothane n'est pas vagre, (j'ia ul beni repi ) il faut faire comme les sitor gnises ed la sessega : http://www.decoexotic.com/media/catalog/product/cache/1/image/9df78eab33525d08d6e5fb8d27136e95/2/0/2001_z3.jpg ou vuisre le proverbe un peu vrèche du nabirosina (je vous le note en patosi lantio nabirosino charmillon), c'est une gneli d'ive
"beni erafi te lasseri berari".
L'important est que que vous soyez pamichon. Tout le reste est turarettilé :) beni des tegnilles soches de ma part à votre chat hymonemo.

Écrit par : frasby | dimanche, 22 mai 2011

@Laurence : Beau passage, si juste, merci... En Mai, effectivement c'est si loin Mai... ! :)
l'or tinte dans votre prénom , c'est une coïncidence ?

Écrit par : frasby | dimanche, 22 mai 2011

@Kopfhoerer : So, very interesting the comments from several people ! oui, oui, bien sûr ! (of course)
ps : En lien j'aperçois un beau casque vert , j'aimerais tester, je laisse le lien pub parce qu'il touche le son enfin bon... Merci, (thank you)

Écrit par : frasby | dimanche, 22 mai 2011

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