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vendredi, 19 juin 2009

Table des matières

La nuit s’avance
Le jour commence à poindre
Une fenêtre s’ouvre
Un homme se penche au dehors en fredonnant
Il est en bras de chemise et regarde de par le monde
Le vent murmure doucement comme une tête bourdonnante.

BLAISE CENDRARS, "Debout" in "Au coeur du monde". Editions Denoël 1947.

palette dezo.JPGJe l'ai croisé au moment de partir, dans le hall de l'immeuble. "Ah bonjour, tu t'en vas ?", il m'a dit. "Ben euh... J'allais partir". Que j'y ai répondu. Il regarde mon vélo, ça fera bien 50 ans (oui, certes, j'affabule un brin), que mon vélo est garé là, dans l'entrée, sous son nez, presque 50 ans qu'il me dit "T'as encore un nouveau vélo ! Il est vraiment beau celui là !". Il est comme ça Lien DEZO, sur chaque chose, un regard neuf. Puis il me propose de passer cinq minutes. Je lui réponds - Bon alors oui,, mais juste 5mn pas plus". C'est convenu depuis toujours, assez tacitement entre nous, que 5mn dans cet espace-temps bien à nous, ça veut dire beaucoup d'heures... La porte s'ouvre sur une vingtaine de toiles. (beaucoup plus en réalité si l'on compte celles qui ne sont pas exposées au mur, (plus les 4 ou 5 en cours sur les chevalets). "Tu te remets au figuratif ?", (Je demande avec cet air bêta de la greluche lambda, qui veut faire l'érudite) - "Oh non, je m'amuse !" réponds DEZO plus absorbé par la couleur de son ragoût de mouton qui mijote entre les patates au fond de sa cocotte. Il dit : "T'as vu, je me suis acheté une cocotte". "Pas mal !" je dis. Au fond de l'atelier (une ancienne quincaillerie) le visage inquiétant d'un doux Christ aux yeux bleus, nous enveloppe de bontés bizarres. DEZO lève le couvercle de sa cocotte, il remue soigneusement avec la grosse cuillère en bois. Il allume une petite lampe. -"C'est presque cuit là! Regarde la couleur ! comme c'est beau ! C'est beau non ? ". Nous nous penchons tous deux au dessus de la cocotte, la viande est juste cuivrée, opulente, baignant, dans son jus. De la cocotte monte un mélange d'épices, de caramel. Les patates sont colori miel. Le fumet nous prend lentement (presque par les sentiments, oserais-je dire) ... Et nous restons penchés longtemps, très longtemps, les yeux fixés sur le ragoût. En état de béatitude. Une image qui vaut bien la mystérieuse et complexe lamproie dans "La fleur du mal" de CHABROL).

J'ai compris il y a peu que DEZO fait sans doute la cuisine beaucoup pour la couleur, (même si ses saveurs amoureusement concoctées sont souvent extraordinaires) mais, les alliages et autres liants, vraiment, c'est son bonheur. Et peut-être fait-il un petit peu la peinture pour l'odeur

(Peinture à l'huile, cuisine au beurre ?) ...

Plus tard, très tard, nous retournons dans l'atelier... "Je peux prendre des photos ?" -"Mais oui, bien sûr !" il me répond. Et je rajoute -" Mais je ne prends pas des photos des tableaux ! hein ! pas question !" Pas besoin d'expliquer. DEZO il sait pourquoi. Prendre des photos de tableaux, ce serait un peu comme lui extorquer quelquechose, arracher tôt de la toile le secret d'un travail en cours. Et peut-être même que ça porterait malheur au tableau. Bref, ce serait un sacrilège, au sens indien. Dezo est un artiste, artiste de la couleur, un "visuel" comme ils disent, mais il me semble qu'il se méfie au moins autant que moi des images, du moins, de ces images qui montrent trop. Des images, ces prédatrices...

Je prends quand même plein de photos : sa cafetière, son chapeau, les pots en vrac, et soudain je m'inquiète:

- Qu'as tu fait de ta table ?, t'as pas jeté ta table j'espère ?" DEZO semble sourire dedans, et levant un pan de rideau me dit "Bien sûr que non ! regarde ! ma table, elle est là !".

Nous nous approchons de l'objet. Table sculptée en monceaux de couleurs. Palette divine, inachevée, toujours changeante, sublime à force de d'accumulation toutes périodes confondues. Une merveille. Et d'un tout autre jus.

"Elle est là".

mais déjà, le peintre a la truffe ailleurs. Son ragoût. A quelques mètres de "la table", dans l'autre pièce. DEZO procède au salage, poivrage. il  me dit "Tu restes manger, c'est prêt." Puis il retrousse ses manches en fredonnant...

"Elle est là et c'est prêt" : Oyez, bonnes gens, la beauté des deux phrases miraculeusement accolées. Plus puissantes, il me semble que le standard du père Descartes. Le "Je pense donc je suis" balayé par le "Elle est là et c'est prêt" de LIEN DEZO.

Une pensée balayée par une table... On aura tout vu !

Je remercie Lien DEZO d'avoir eu la gentillesse de m'accueillir en son atelier, me laissant photographier sa table, son chapeau, ses palettes + quelques tubes et pinceaux. Puisse-til me pardonner les petits arrangements romanesques (ce blog ne dit pas tout à fait, exactement la vérité, il n'a jamais trop caché qu'il s'autorisait les mensonges (esthétiques bien sûr !) et c'est bien là, le paradoxe, car s'il avoue qu'il ment c'est bien qu'il dit la vérité bref). Les dialogues avec Lien DEZO n'ont pas été exactement les mêmes, le ragoût pas vraiment celui là, mais peu importe puisque la table est la même, elle, et la cuisine du peintre, presque la même, toujours exquise comme sa peinture. J'espère que l'artiste et nos lecteurs s'y retrouveront quand même... )

Nota: Comme notre ami TANYGU, je rédige ce blog parfois dans les tavernes, (ce billet, justement est un billet de la taverne). Si notre lecteur (exigeant) trouvait au passage quelques fautes, coquilles ou autres syntaxes aberrantes, j'en serai bien désolée, mais c'est parce que la taverne ferme et que je n'ai point eu le temps de relire, j'assure cependant qu'une correction et ajoûts de liens viendront ultérieurement assurer le confort de tous et de toutes. Merci par avanlce pur voitr induljansse...

Photo : Table des Matières. Ou, table (in progress). Photographiée chez le peintre Lien DEZO, dans son atelier aux très proches environs de Lyon. A la toute fin de l'hiver 2009. © Frb.

dimanche, 10 mai 2009

Comme un dimanche à la campagne...

A sesmieurs les dindons et autres edams dindonnes du naf club imsarpial à qui Lavitate pliât et uax utraes saspionnés de véchas.

"J’aime Dubuffet parce qu’il a peint quatorze vaches qui ne sont pas les vaches de tout le monde. Ce ne sont plus des vaches, ce sont des vachissimes, avec des pieds en fourchette. Mieux : des minauderies et des grâces printanières."

ALEXANDRE VIALATTE. Extr. "Que peut-on penser de monsieur JEAN DUBUFFET ?" in JEAN DUBUFFET / ALEXANDRE VIALATTE : "Correspondance(s), Lettres, dessins et autres cocasseries, 1947-1975. Éditions : Au Signe de la licorne.

tête de vache X0 - copie.JPG

On sait qu'Alexandre VIALATTE et Jean DUBUFFET étaient de bons amis et par delà leur petites coquetteries d'hommes tout à fait exquis, leurs virées de belle guigne dans le profond Morvan ; ils furent deux bougres épistoliers à la production pléthorique et autres taquineries cocasses. Mais en parlant de coquetterie revenons un peu au début de cet écrit où le grand VIALATTE ne tarit point d'éloges sur l'apparence de son ami, avec à peine quelque vacherie et un charmant Co(n)chon-Quinette qui fournissait, (le saviez vous ?) l'uniforme des pompiers de Clermont Ferrand dont les tissus furent réquisitionnés pendant la guerre, pour vêtir nos armées ce qui posa un gros problème aux fournisseurs et aux pompiers ;-) nous reparlerons de cet évènement trop méconnu peut être ici un certain jour (j'ai dit peut-être ;-)... Trêve de gridessoin. Revenons à nos dindons. Je cite VIALATTE dans le texte (pour le plaisir des belles lettres et de la parenthèse) :

"On me demande pourquoi j’aime Dubuffet. J’aime Dubuffet parce qu’il est charmant ! D’abord il a des petits cheveux tondus ras, bien frottés à la toile émeri, qui lui font un crâne de légionnaire, des yeux bleus en toile de Vichy, bien lavés de frais, qui se souviennent d’on ne sait quels fjords ; il est toujours bien lavé, bien propre, bien joli, bien appétissant ; il est mignon comme une image de dictionnaire. Il se coiffe à Londres avec un petit chapeau moutarde ; il s’habille, il se chausse à Londres, chez le plus grand bottier d’Angleterre, D’Europe. Du Monde. Petit à petit sous mon influence, Dubuffet s’habille dans le Puy-de-Dôme. Il se sert chez Conchon-Quinette, établissement de grande réputation, aux succursales nombreuses, réellement apprécié. Il en acquiert une élégance pour ainsi dire plus départementale, une dignité plus auvergnate et un fruité plus onctueux. (...)

(Note serponnelle en apraté: que le "Naf club de Lavitate" ne m'oivene toinp ses droufes car ce sont toinp des nocerines, l'eau s'en foin !)

Du fruité onctueux il y en en a dans "les vaches" de Jean DUBUFFET avec leurs prénoms de vedettes. L'Art des musées n'étant pas le sien, DUBUFFET peu soucieux de croquer fidèlement les appâts de l'attachante bête la pourvût de quatre pattes banalisées comme on en fait en maternelle c'est beaucoup mieux comme ça non ? Et pourtant l'Art s'y retrouve beaucoup plus qu'honoré voir le billet suivant, ou précédent (selon la logique de chacun). Et j'ai lu quelquepart (sous la plume d'Alice BAXTER que : "Quiconque a croisé un jour une vache de DUBUFFET en est à jamais habité". Et c'est tout à fait constatable. Car la vache est le doux de nous, et monsieur JEAN l'a bien compris. Sous ses doigts "vachissimes" chacune de ses vaches a son petit caractère. Doucement serponnalisées, DUBUFFET les sort une à une du troupeau, chacune heureuse, bien dans sa peau, dont le grand coeur s'affirme à vue d'oeil, avec tout le vigoureux qui épouse en diable leur prénom. Pour mémoire entre autres  : "La belle fessue", "La belle encornée", la belle muflée", "la belle tétonnée", "la belle queutée". Belle ! oui, car chacune est digne et nous rapproche de la série "des corps de dames" (Je vois déjà doinpre les goinps graeurs des chardes de griennes et utraes LMF, têpre à ivrour leur dangre gelue, du celma ! les berelles !), la comparaison n'est pas déplacée  puisque la série "vaches" vînt après celle des "corps de dames". Et il n'est pas possible vraiment de disjoindre les deux, "les vaches" de DUBUFFET sont pareilles aux vraies dames, tandis que "les corps de dames" sans être tout à fait vaches acquièrent un je ne sais quoi d'épaisseur animale sous la plume Dubuffienne, une robustitude que ne renierait pas mon Immaculée "Charollaise". Il suffit de regarder ICI ou LA pour mieux lier les sujets... "Vache au pré noir", "Vache au pré vert", "Vache au nez subtil" (une de mes préférées) Dame "la vache" va à son pré comme s'il était lui même issu de son pelage et réciproquement, ça se passe comme ça chez DUBUFFET. Vache libre, délicieuse, insolente et coquette ; la vache de DUBUFFET broutera jusqu'à la corde la moquette des musées mais elle a le regard si tendre qu'il ne lui sera rien reproché.

Pour voir un vrai clin d'oeil de vache (non Dubufienne). Trinité en couleur de nos sacrées "Immaculées Charollaises", cliquez ci-dessous:

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/07/23/co...

Photo : On ne touchera pas à celle-là, ma "Blanchette", belle fessue, bien encornée, muflée, tétonnée jusqu'il faut, joliment queutée, avec son petit caractère, sa mise en plis "Salon Gisèle" (les mises en plis des vaches, me fascineront toujours), ses grands cils de chamois et ses belles paupières blanches en fourrure véritable. Dame "Charollaise", ne se laisse pas marcher sur les pieds (Ah ça non !). Vue dans son pré, du hameau "les clefs". Les clefs des champs, sans doute (ça ne s'invente pas). En sépia parce que la photo date de mai 2007 et qu'avec l'arrivée du grand Paon, soudain la vie perdît toutes ses couleurs. Oyez le fumeux argument, prochain voyage aux pré des clefs, promis je repeindrai ma vache en vert. © Frb.

samedi, 09 mai 2009

Du pain, du vin, Dubuffet...

"Entre la sécrétion mentale et la production d'une oeuvre qui la restitue et la transmette, il y a, c'est bien vrai, une très difficultueuse opération de mise en forme que chacun doit inventer telle qu'elle convienne à son propre usage. C'est bien plus vite fait d'y utiliser la formule de mise en forme que tient toute prête à disposition la culture. Mais qui s'en saisit constate aussitôt qu'elle n'est propre à moudre qu'une seule sorte de grain, qui est le grain spécifique de la culture, elle le tient même à disposition. D'où farine facilement faite, mais ce n'est plus du tout la vôtre. La culture tient aussi à disposition un modèle de cervelle, faite de son grain, pour mettre à la place de la vôtre."

JEAN DUBUFFET (1901- 1985). Extr. "Asphyxiante culture". Les Editions de Minuit 1986.

tête bis.JPGNotre lecteur appréciera, j'espère, l'opération "difficultueuse", plus délicate que l'opération ordinairement "difficile", émise par le peintre Jean DUBUFFET, ce savant assemblage, (offert à la guise de chacun) pour ne pas s'en tenir plus ou moins bêtement, au choses émises ou bien apprises.

Jean DUBUFFET pourfendeur des institutions a produit une oeuvre abondante dont la clef fût peut-être sa constante remise en question. Et pour cause, il toucha à quelques multiples drôles de mondes ne puisant pourtant son inspiration qu'ici bas.

Issu d'une famille normande (de négociants en vin), il suivit l'école des Beaux-Arts du Havre, puis après l'obtention du baccalauréat, s'inscrivit à l'Académie Julian à Paris, où il cotoya la fine fleur "arty" de son époque : Suzanne VALADON, Max JACOB, André MASSON, Fernand LEGER, Juan GRIS, Charles-Albert CINGRIA... Il mèna une vie de bohème jusqu'en 1922 puis il effectua son service militaire comme "météorologiste à la tour Eiffel" (Cela ressemble presque à un titre de tableau mais pourtant, ça ne s'invente pas !). En 1924, doutant de la vie culturelle, il stoppa ses études pour entrer dans la vie active. Il s'embarqua à Buenos Aires où il travailla dans un atelier de chauffagiste. Six mois plus tard, il retourna au Havre s'occuper du commerce familial. En 1930, DUBUFFET s'installa à Paris avec sa femme et sa fille et créa une entreprise de négoce de vins en gros à Bercy. Et puis il se remît à peindre. Confectionna des masques, fabriqua des marionnettes, réalisa des portraits (d'Emily CARLU dite Lili qui devînt sa deuxième épouse en 1937). Ses affaires négligées périclitèrent. Il abandonna à nouveau la peinture. En 1939, il fût mobilisé, puis muté pour indiscipline et évacué vers le sud. En 1940, à son retour, il reprit en main son commerce qui prospèra entre trafic et marché noir. A partir de 1942, riche et plus libre de son temps, il décida de se consacrer uniquement à l'Art et réalisa des images primitives au dessin volontairement malhabile, proche de la caricature et bien sûr du graff. D'un expressionnisme "bariolé". Il créa sa série "Vues de Paris", inspirées de dessins d'enfants. Au cours d'un voyage à Heidelberg, les dessins des malades mentaux l'inspirèrent également. Au printemps 1943, il produisit quelques toiles à propos de métro (un thème recurrent chez lui) et de jazz. En 1944, il dessina ses premiers graffitis, ses messages à l'encre de chine, des gouaches et encres sur papiers journaux, ainsi que ses premières tables.

1944 (Octobre) est aussi l'année de sa première expo à la galerie DROUIN, il y présenta sa série de "marionnettes de la ville et de la campagne". En 1946, il récidiva avec "mirobolus, macadam § C°, "hautes pâtes". La facture de ses tableaux fît scandale, DUBUFFET s'était détourné de la peinture à l'huile traditionnelle pour fabriquer des mélanges de sa confection : céruse, mastic liquide, vernis, goudrons, sable, graviers, plâtre, éclats de verre, poussière... Sur cette pâte il incisa, coupa, râcla, utilisa le grattoir, la cuilller, le couteau et même ses doigts. En 1947, il réalisa des portraits d'écrivains qui suscitèrent un autre scandale. Ces toiles "à ressemblance extraite, à ressemblance cuite et confite dans la mémoire, à ressemblance éclatée dans la mémoire" ont pour titre "Léautaud sorcier peau-rouge", "Ponge plâtre meringué", "Tapié grand-duc", "Michaux façon momie"

tête.JPG

Entre 1947 et 49, après la vente de ses entrepôts, il effectua plusieurs voyages dans le Sahara, apprît la langue arabe et réalisa encore des gouaches, des dessins à la colle, des tableaux au crayon de couleur. Son idée devait aboutir à un cycle d'oeuvres sur le désert, mais le projet fût avorté. En 1947, aussi, ce fût sa toute première exposition à New York qui connût un immense succès. Dès 1945, DUBUFFET avait commencé en France, en Suisse, une étrange collection d'oeuvres populaires, sculptures, peintures, tapisseries, objets divers élaborés par des médiums, malades mentaux, artisans; marginaux, détenus etc... DUBUFFET inventa pour ces oeuvres le terme d'ART BRUT, afin de présenter, de décrire, un Art spontané ignorant tout de la "culture" (officielle s'entend) et des canons artistiques. Ses oeuvres furent exposées au sous-sol de la galerie DROUIN en 1947, et en 1948, avec André BRETON, Michel TAPIE et Jean PAULHAN, Jean DUBUFFET fonda "la compagnie de l'art brut" vouée à l'étude et à la diffusion de l'Art involontaire c'est à dire un Art sans culture et sans tradition. La collection voyagea jusqu'à trouver sa place définitive à Lausanne en 1976 où elle constitue aujourd'hui le fond du musée de l'Art Brut.

Dans les années 50's; Jean DUBUFFET multiplia les séries "Corps de dames" (1950-51) brisant un nouveau tabou esthétique, suggérant une  distorsion un gros brin animale à l'éternelle représentation de la femme. "Sols et terrains (1950-1952) prolongea ses recherches sur la matière. Il donna également une superbe et importante série de "Vaches". J'espère pouvoir tenir cette promesse de vous livrer un "certain jour", des extraits de la correspondance (très vasoureuse) entre Jean DUBUFFET et Alexandre VIALATTE où il est justement question de vaches... Celles de DUBUFFET ont des noms à en désespérer la  très rebelle "Blanchette", (vache de Monsieur SEGUIN, bien sûr !) que les noms à coucher dehors de la ferme DUBUFFET, auront rendue complètement chèvre mais je m'égare... Car Les vaches de monsieur Jean ont des noms à coucher dehors (ou plutôt à coucher avec). Des noms d'opulentes danseuses venues des plus chauds cabarets Montmartrois. Goûtez plutôt : "La belle allègre", "La belle fessue", "la belle tétonnée". Il travailla aussi à cette époque, à ses 44 "petites statues de la vie précaire" en papier journal, tampon à récurer, pieds de vigne etc...

En 1955, il s'installa à Vence et reprit quelques assemblages commencés en 53, des collages de fragments de tableaux, textures, morceaux de papiers tachés d'encre, il crée des tableaux d'assemblages, des lithographies qui reprennent des montages initiaux par redécoupages et sont associées autrement sur un autre support. Tout ce travail aboutît en 1957 aux "Texturologies" ; hauts reliefs de matériaux mixtes, non picturaux dont sont exclues toute anecdote et toute figuration. "Terres radieuses", "Pâtes battues", "Routes et chaussées"... DUBUFFET célèbre le sol. 1953  fût aussi l'année des premiers tableaux "en ailes de papillon". De 1958 à 1962, il travailla à des compositions lithographiques ("Cycle des phénomènes"), réalisant aussi une série d'assemblages d'empreintes sur le thème des Barbes, utilisa des végétaux différents pour ses assemblages d'éléments botaniques et commença le grand cycle des "Matériologies" (série assez austère) qui ne l'empêcha pas d'entretenir des solides relations avec le collège de pataphysique. En 1960-1961, J. DUBUFFET aborda aussi la création musicale avec ASGER JORN (un des fondateurs de COBRA) : en résulta un album de quatre disques de "Musique phénoménale" Suivi d'un album de six disques d"expériences musicales" de jean DUBUFFET (seul, 1961). Musique phénoménale oui. Voire en freestyle. Ecouter ici "Coq à l'oeil" (dédié aux esprits lovatiles qui peuplent un peu ce glob). Idéal pour les banquets, les mariages, ou pour vous venger d'un voisin. C'est du piano freestyle, peut être moins préparé que celui de John CAGE. En freestyle quoi ! On vous aura prévenus ;-)

http://ubu.artmob.ca/sound/dubuffet_jean/Dubuffet-Jean_Mu...

La même année, advînt le cycle "Paris Circus" qui marqua le retour à la peinture aux couleurs primaires, formes exacerbées. La ville, ses rues, ses enseignes, son mouvement...

De 1962 à 1974, ce fût le grand cycle de "L'Hourloupe". Peinture de fragments bariolés très imbriqués. Un style également appliqué sur des séries de sculptures en résine à dimension parfois gigantesque ; des oeuvres qui commencent toujours par des griffonnages distraits souvent effectués au téléphone, des tracés en puzzle, un dessin net cloisonné, strié de rouge ou de bleu. Le graphisme Hourloupéen est en soi un grand manifeste pictural, variable à l'infini, à l'infini proliférant... Tous les formats, tous les stylos possibles, même le marker sur des toiles de 8M. (cf: "les inconsistances" 1964). DUBUFFET utilisa le polystyrène expansé, pour ses oeuvres en volumes, bas reliefs, architectures ou "Anarchitectures" comme l'écrira Michel RAGON.

bazar.JPG

En 1973 "Coucou Bazar" fût crée au musée Guggenheim à New York, et au Grand palais à Paris, avec ses décors mouvants motorisés, ses costumes en forme de carapaces rigides, articulées. Une autre oeuvre monumentale "Le salon d'été" commandée par la régie Renault (oui, vous avez bien lu !) en 1973-1975, présenta des défauts dans l'infrastructure, une fois les travaux engagés, la réalisation en fût stoppée en 1976 et l'on détruisît l'oeuvre. De 1975 à 1979, Jean DUBUFFET se consacra à ses "Théâtres de mémoire": des assemblages minutieux constitués de fragments provenant des chutes et du découpage de la série précédente. Entre 1980-1982, il se concentra sur la notion de "Sites"dans des tableaux avec personnages (cf. "Sites aux figurines", "Sites aléatoires", "Psycho-sites") une série de plus de 500 peintures sur papier. En 1983 avec "Les mires , les sites et les personnages disparaissent, laissant place à un espace envahi de hâchures bleues ou rouges sur des fonds blancs ou jaunes. En 1984, ce furent : "les Non lieux". Evoluant vers une abstraction, ces travaux remettaient en question (encore et toujours) de différentes manières, les données spatiales communes. Ces oeuvres ultimes furent quelque peu inspirées par les philosophies orientales (Bouddhisme) et le Nihilisme mais on nota surtout leur grand scepticisme. DUBUFFET mourût le 12 mai 1985 à Paris après avoir rédigé (non sans en pressentir malinement l'urgence) sa "Biographie au pas de course".

Ce billet est très long, je prie le lecteur un peu las de bien vouloir m'en excuser car il ne dit encore presque rien, fait l'impasse sur beaucoup d'oeuvres et d'évènements. Juste un tracé de surface pour cet artiste incomparable qui recommença tout à zéro, à tout âge et toujours, s'appliqua à innover en expérimentant jusqu'à la fin de sa vie sans jamais montrer signe du moindre essoufflement. DUBUFFET s'inspira du commun, des gens, des enfants, (ou des fous) je cite : "Je me suis passionné d'être l'homme du commun du plus bas étage". Mais sa passion incessante des matières, des couleurs, de tout ce qui constitue le tableau, l'a placé au delà d'un art commun ou de "petite quotidienneté", non seulement il explore mais il réhabilite les matières décriées. Et les lettres aussi l'intéressent sous leur angle commun distordu (ou farfelu). Il s'amusera à écrire phonétiquement à la manière des illettrés et s'il n'inventa pas le charmillon, (ah ça !), il publia des petits livres en jargon populaire transcrits phonétiquement : "Ler dla campane" (1948), "Anvouaiaje" (1950), "Labonfam a beber" (1950), tous trois repris dans "Plu kifekler mouikon nivoua" (1950). Suivent par intermittence une dizaine d'autres textes, de "Oukiva trèné ses bottes" (1954) à "Oriflammes" (1983).

Malgré son mépris pour "l'asphyxiante culture", les cercles, et les "milieux dits artistiques", DUBUFFET produisit paradoxalement quelques oeuvres critiques d'un style très raffiné : "Notes pour les fins lettrés" (1946), "Prospectus aux amateurs en tous genres" (1946), "Positions anti-culturelles" (1951)… En 1968, enfin "Asphyxiante Culture", un pamphlet dans la veine anarchiste du début du XXe siècle. Ses écrits, réunis sous le titre "Prospectus et tous écrits suivants" (Gallimard, 1967-1995) occupent quatre volumes. (ça vaut sûrement la peine, de trouver 4 places dans sa bibi-livrothèque). Il faut aussi mentionner une correspondance impressionnante notamment avec L.F CELINE (que J. DUBUFFET admirait sans réserve), W. GOMBROWICZ, J. PAULHAN, A. BRETON, R. QUENEAU, A. VIALATTE (dont nous reparlerons) etc... Enfin, il illustra quelques livres de ses copains entres autres : PONGE, GUILLEVIC, PAULHAN, ELUARD...

IL existe une fondation DUBUFFET crée par l'artiste en 1974, l'oeuvre y est répertoriée , on compte des milliers de travaux à son catalogue raisonné et pour terminer cette petite biographie abrégée d'un dindon de grande panacée, (ce n'est pas parce qu'il est mort qu'il n'a plus rien à dire, d'ailleurs !) nous bouclerons cet abrégé par une de ses phrases sur l'Art qu'il aimait 1000 milliards de fois et des poussières plus que la culture. Vous l'avez bien pomcris je cite encore le vermeilleux pas cultureux :

"L’Art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom : ce qu’il aime c’est l’incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s’appelle." Jean DUBUFFET (1960)

cassette.JPG

Autre lien de C.J à propos de Jean DUBUFFET (avec son graff incognito aujourd'hui effacé) :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/01/29/au...

Photos : Pour honorer presque à la lettre, l'intention du monsieur nous n'avons bien sûr, apposé ici, aucune photo qui ait le moindre lien avec l'auteur. Que de l'incognito.

photo 1 : portrait fictif de DUBUFFET dans une télé, en animateur de "Bouillon de culture".

Photo 2 : Portrait de DUBUFFET en crâne d'oeuf qui sourit.

Photo 3 : La sortie de l'usine Lumière à Lyon.

Photo 4 : Les oeuvres complètes de Jean DUBUFFET seront bientôt disponibles en cassette sur notre blog. (Envoyez vos dons !)

Nous avons croisé par hasard, à l'entrée de la rue rue de Crimée - une des plus fardées et fameuses du plateau de la Croix-Rousse - quelques anonymes du commun (des sauvages), qui ont abondamment graffé leur mur en couleurs et beaux bariolés. Quelques extraits issus d'une fresque, vue à Lyon, début mai 2009. A revoir vite en vrai peut-être, si vous êtes lyonnais, avant le passage drastique des brigades nettoyeuses du Grand Nyol), qui ne sauraient tarder, car les Brigades nettoyeuses de plus en plus nombreuses, supportent de moins en moins les grabouillons, semble t-il. (C'est un autre souci ça, un souci ça de Lyon) © Frb

jeudi, 30 avril 2009

Après après-demain, dans cent ans et plus...

"Je suis amoureux de la peinture depuis que j'ai pris conscience de son existence, à l'âge de six ans. J'ai fait quelques tableaux que je croyais très bons quand j'ai eu cinquante ans, mais rien de ce que j'ai fait avant l'âge de soixante-dix ans n'avait aucune valeur. A soixante-treize ans j'ai fini par saisir tous les aspects de la nature : oiseaux, poissons, animaux, arbres, herbe, tout. Quand j'aurai quatre-vingts ans j'irai encore plus loin et je posséderai vraiment les secrets de l'art à quatre-vingt dix. Quand j'atteindrai cent ans mon art sera vraiment sublime, et mon but ultime sera atteint aux environs de cent dix ans, lorsque chaque trait et chaque point que je tracerai seront imprégnés de vie."

HOKUSAÏ  (1760-1849) "Le vieillard fou de son Art" (Postface aux "Cent vues du Mont Fuji)

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En septembre 2008, je vous avais promis une suite au billet célèbrant brièvement HOKUSAÏ : "le Poète fou de peinture" (Voir ICI) ou "Vieillard fou de son art" ou encore "Vieux, fou de dessin". Vous verrez, plus loin, que les traductions de ce texte très connu ne manquent pas... Dans un premier temps, j'avais plutôt le projet de tenir ma promesse autour du printemps 2098 (procrastiniotat oblige) avec, peut être une suite, plus affinée au cours de l'année 3008, mais vues les circonstances inquiétantes (ce soir, de niveau 5), je me dépêche (vite ! vite ! vite!) de vous livrer ce petit brouillon du 30 Avril 2009, tout autant qu'un extrait de promesse, (c'est ce que vous voyez sur la photo l'arbre à promesses en train de naître), sachant que tout cela ne demande qu'à traverser deux ou trois siècles pour toucher ne serait-ce qu'une infime seconde de félicité.

HOKUSAÏ KATSUSHIKA ou HOKUSAÏ, (comme chacun sait), fût probablement le meilleur peintre et dessinateur japonais de sa génération, celui dont la renommée traversa les continents. L'artiste croqua la vie, l'éternité, l'espace, les choses, les relations des hommes à la nature et plus encore... Il fût aussi graveur, auteur de récits populaires japonais et peintre spécialiste de l'Ukiyo-e qui est un terme japonais désignant le monde flottant. Un terme appliqué durant l'époque d'EDO (1605, 1868), qui désignait l'estampe et la peinture populaire narrative. Ce genre, d'abord considéré comme vulgaire par sa représentation de scènes quotidiennes (voir ICI) connût un grand succès en occident après l'ouverture forcée du Japon sur le monde extérieur en 1868. Paradoxalement HOKUSAÏ, qui était pourtant un artiste du peuple, mourût presque ignoré, sinon méprisé de la classe aristocratique. En Europe il fascina de nombreux artistes, dont GAUGUIN, VAN GOGH et CLAUDE MONET. Ce  qui engendra un courant artistique appelé "LE JAPONISME". Le peintre HOKUSAÏ signa parfois ses oeuvres (à partir de 1800) par la formule "Gakyôjin" = "le fou de dessin"...

Et pour comparer un peu les manières de traduire cette "postface aux cent vues du Mont Fuji", ou sublime projet de vie artistique bien remplie ; je vous propose une autre mouture du même texte, bouclant la boucle d'une promesse dont je me demande si elle ne trouverait pas matière à se prolonger d'ici quinze à trente ans voire peut être plus tôt... (Quinze à trente jours ??? Je n'ose telle imprudence ...) Enfin vous verrez bien. D'abord bouclons la boucle. La première version ci-dessus est elle même citée par HENRY MILLER au tout début du livre "Big Sur et les oranges de Jérome BOSCH" succédant à deux autres citations l'une de THOREAU, l'autre de PICASSO. Celle qui suit, je ne saurai plus vous dire dans quel livre je l'ai trouvée, mais elle me paraît moins limpide, plus emberlificotée. A vous de voir... Les mêmes propos dans un tout autre style. donc d'un tout autre effet. Est ce qu'une même matière de réflexion autrement dite, produit une autre réflexion ? (that is the big question) :

"Depuis l’âge de six ans, j’avais la manie de dessiner les formes des objets. Vers l’âge de cinquante, j’ai publié une infinité de dessins ; mais je suis mécontent de tout ce que j’ai produit avant l’âge de soixante-dix ans. C’est à l’âge de soixante-treize ans que j’ai compris à peu près la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons, des plantes, etc. Par conséquent, à l’âge de quatre-vingts ans, j’aurai fait beaucoup de progrès, j’arriverai au fond des choses ; à cent, je serai décidément parvenu à un état supérieur, indéfinissable, et à l’âge de cent dix, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant." (Ecrit, à l’âge de soixante-quinze ans, par moi, autrefois Hokusai, aujourd’hui Gakyo Rojin, le vieillard fou de dessin".)

Photo : L'arbre à promesses en ce jardin ... Attendez un peu qu'il fleurisse. Vous allez voir ce que vous allez voir ! Avril 2009. © Frb.

dimanche, 05 avril 2009

Before my birth

COMME UN DIMANCHE AU XV em SIECLE ET AILLEURS...

"Enfin je puis quitter ce pays plein de bruit.
D'innombrables fouets claquent, parfois seuls, parfois tous ensembles. Ils claquent jour et nuit.
Un vent furieux souffle sans cesse et fait battre la grandiloquence des drapeaux et des fanions du pays qui portent des crécelles.
A tout cela s'ajoute encore l'étrange habitude de faire éclater constamment d'énormes sacs gonflés d'air à craquer. Avec des borborygmes incongrus le vent se décharge des sacs qui se déchirent en chiffons
Comment suis-je donc venu dans ce pays niais, tapageur ?
Je franchis la frontière, accompagné de chants stupides, déclamatoires.

Je cours. Enfin je pénètre dans le loin, dans l'insonore bleu des nostalgies."

JEAN ARP (1886-1966) in "Jours effeuillés" 1938. Editions Gallimard 1966

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Effeuillage des jours au bleu de science silencieuse. Tel est le paradoxe de Jean dont le nom fait encore écho aux couleurs qui se pincent du bout des doigts.

Et l'insonore des nostalgies se glissera dans le bruit... Tel le "Lux Aeterna" du "Requiem" de Michel CHION ...

Blues éternel des esplanades vides, fondu sur les maisons où jadis, de bruyantes machines remontaient le temps à coups de manivelle...

Photo : Des ombres noires du XVem siècle coupent et collent les "ciels", pas très loin de la tour de Charles le Téméraire où le silence, pèse encore de sa terrible histoire. Tapage qui ne se dit. Quand le bleu qui revient nous mène après la course, au seuil de l'horizon, où commence l'endroit, qu'ARP nomme : "dans le loin"...

Et sur la balustrade, comme une peau de chagrin, je reconnais, plus près, (mais toujours "dans le loin"), cette chose oubliée  il y a tant d'années : mon petit sac à main dont j'ai perdu le son.

Vu à Charolles. En avril 2008.© Frb

samedi, 07 mars 2009

Vérité du mensonge

" Et devant cette petite toile qui a l'intention prétentieuse d'imiter la nature vraie, on est tenté de dire : ô homme que tu es petit. Puis aussi "qu'un kilo de vert est plus vert qu'un demi-kilo" (1) (...) Puis comme un kilo de vert est plus vert qu'un demi-kilo, il faut pour faire l'équivalent (votre toile étant plus petite que la nature) mettre un vert plus vert que celui de la nature. Voilà la vérité du mensonge. De cette façon votre tableau illuminé d'après un subterfurge, un mensonge sera vrai puisqu'il vous donnera la sensation d'une chose vraie (lumière, force et grandeur), aussi variée d'harmonies que vous pourrez le désirer. Le musicien CABANER (2) disait que pour donner en musique la sensation du silence, il se servirait d'un instrument de cuivre donnant une seule note aigüe, rapide et très forte. Ce serait donc l'équivalent en musique, traduisant une vérité par un mensonge."

PAUL GAUGUIN : extr "Second séjour en Océanie" in "Oviri" ou "Ecrits d'un sauvage". Editions Gallimard 1974.

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(1) Cette phrase "Un kilo de vert est plus vert qu'un demi-kilo" est attribuée à P. CEZANNE et notée par P. GAUGUIN lui même, dans le chapitre "A propos de la perspective" toujours extrait du livre "Oviri". Lisez plutôt :

" Et comme on lance un pet pour se débarrasser d'un gêneur,  Cézanne dit avec un accent méridional :"un kilo de vert est plus vert qu'un demi-kilo". Tous de rire : il est fou ! Le plus fou n'est pas celui qu'on pense. Ces paroles ont un autre sens que le sens littéral de la phrase. Et pourquoi leur expliquer le sens rationnel ? Ce serait jeter des perles aux pourceaux."

(2) CABANER ou plutôt JEAN DE CABANES dit ERNEST CABANER (1833-1881) fût un compositeur, pianiste, poète, qui mît en musique des poèmes de CHARLES CROS dont le fameux "Hareng saur". Il écrivît ses propres poèmes dont "le pâté" et en composa aussi la musique. Personnage excentrique, figure de la bohème, Ernest CABANER cotoya les impressionnistes au café Guerbois (qui est devenu je crois, magasin de chaussures aujourd'hui - quoique ce serait encore à revérifier - situé jadis au 9 rue de Clichy, fréquenté par MANET, DEGAS,CEZANNE, RENOIR, PISSARO entre autres... Edmond DURANTY et ZOLA, pour les érudits), CABANER fréquenta également le salon de NINA DE VILLARD et le cercle des zutistes, pour lesquels il trouva un local à "l'hôtel des étrangers" où il travaillait comme barman. Il accueillit A. RIMBAUD chez lui quelques temps. A ce propos, il fût souvent mentionné que le poème "Voyelles" devait beaucoup à l'enseignement musical d'ERNEST CABANER, à son chromatisme ou "audition colorée". Il faut dire que CABANER apprenait le piano à RIMBAUD à "l'hôtel des étrangers". Ca ne s'invente pas ! Pas plus que ne s'invente le poème qui suit, appelé "sonnet des sept nombres", signé E. CABANER, dédié à son ami A. RIMBAUD. Jugez plutôt, de l'influence + que probable des "sept nombres" sur les "voyelles" :

"Nombres des gammes, points rayonnants de l'anneau
Hiérarchique, - 1 2, 3 4 5, 6 7 -
Sons, voyelles, couleurs vous répondent car c'est
Vous qui les ordonnez pour les fêtes du Beau.

La OU cinabre, Si EU orangé, DO, O
Jaune, Ré A vert, Mi E bleu, Fa I violet,
Sol U carmin - Ainsi mystérieux effet
De la nature, vous répond un triple écho,

Nombres des gammes ! Et la chair, faible, en des drames
De rires et de pleurs se délecte. - O L'Enfer,
L'Aurore ! La Clarté, La Verdure, L'Ether !

La Résignation du deuil, repos des âmes,
Et La Passion, monstre aux étreintes de fer,
Qui nous reprend ! - Tout est par vous, Nombres des gammes ! "

Ami de CEZANNE et de nombreux autres peintres, E. CABANER ne séparait pas tant les disciplines. Comme A. RIMBAUD, il cherchait un langage complet, universel. Sa méthode: il coloriait les notes et leur attribuait le son d'une voyelle. Mais la méthode est plus ancienne elle date du XVIIem siècle, elle fût imaginée (à l'usage des débutants) par le Père CASTEL, inventeur du clavier oculaire. La méthode fascina RIMBAUD par l'entremise de CABANER via CEZANNE et le Père CASTEL résumant tout : sons, parfums, couleurs... Ainsi naissent les  "Voyelles"...

Photo: "Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir" sur la Colline et plus encore, les couleurs du mur de l'Alma se traversent comme un pont. Mise en forme dynamique des surfaces, les fresques ont été réalisées sans trucages, dévalant la pente, par d'étroites friches, elles longent un petit escalier, bordé de longues herbes jusqu'à deux rues plus bas. Le fragment de quartier, ainsi se transforme, par le mouvement secret de graffeurs surdoués (merci à eux), en une improbable galerie d'art contemporain sauvage où il fait bon tendre l'oreille pour contempler ce mur de sons, écouter la tonalité glissant sur le dessin, mêlés à la trame ordinaire des bruits et mouvement urbains.

Couleurs. Un mur qui ne ment pas. Vu rue de l'Alma, (qui en plus de ses fresques possède un des plus beaux panorama qui soit), situé sur le plateau de la Croix-Rousse, à Lyon. Fin Février 2009. © Frb

A écouter dans un tout autre monde, quelques correspondances urbaines, un brin freestyle, comme les fresques et les voyelles  :

http://www.youtube.com/watch?v=TYa7furgQsA&eurl=http:...

vendredi, 19 septembre 2008

L'atelier de l'artiste quelques jours avant l'exposition

Visite dans l'atelier de l'artiste Lien DEZO .

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Lien DEZO expose actuellement à la galerie de L'Impasse  CLICK : 4 Impasse Catelin, (en face de la rue St Hélène côté Saône) dans le 2em arrondissement de Lyon. Le monochrome rouge, ici en second plan se trouve aujourd'hui à la galerie parmi d'autres toiles dont la couleur patiemment travaillée au couteau, met les sens en état de grâce. Le lecteur ne pouvant se faire une idée, d'après photo, est invité, (s'il habite à Lyon, ou s'il s'y trouve ces jours-ci), à longer la rue Victor Hugo, jusqu'à cette rue St Hélène, où en marchant un peu, la galerie est facilement repérable. Il plongera sans réserve dans l'univers particulièrement musical de ces superbes tableaux dont l'un s'appelle "Zuma" et d'autres aux bleus de ciels striés à coups de lames, ont des noms de pays que l'on pourrait trouver quelquepart entre l'Orient et les fjords. Lien DEZO invente des mondes, à la démesure de son amour absolu pour la couleur. Il recrée l'harmonie des formes et se plonge dans la matière en milliers de coups de couteau, mais chez lui le couteau caresse, et la matière finement sculptée joue avec tous les dépaysements, pour peu que notre esprit consente à se laisser désirer par la peinture... Lien DEZO est un artiste rare, au delà des petits arrangements avec les vagues de son époque, c'est un peintre sans concession. Il travaille beaucoup, se montre peu. L'exposition s'appelle "UN TEMPS QUI PASSE"  et elle est  evidemment, recommandée par la maison.

Je remercie Lien DEZO de m'avoir accueillie chaleureusement dans son atelier  CLICK , et autorisée à photographier ses oeuvres, sa palette puis tout ce que je désirais photographier...

Notre photo : L'atelier de Lien DEZO , vu par lui même.

Un temps qui vient...

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Atelier de l'artiste Lien DEZO. Recto, verso, deux toiles presque prêtes à partir pour quelques jours d'exposition à la galerie de L'Impasse : Dos de toile " 3 choses 1 temps " + un coin de fenêtre sur un jaune époustouflant où se lisent quelques notes, bleues, rouges, noires, en de fragiles contrepoints dans l'espace d'un jeu qui ne perd jamais ni le rythme, ni le sens de l'équilibre.

bleu "genèse"

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Palette du peintre Lien DEZO dans les secrets de l'atelier. "Work in progress" quelques jours avant l'exposition. Malheureusement; vous ne pouvez accéder aux reliefs superbes de cette palette qui atteint par endroit plusieurs centimètres d'épaisseur. Encore tiède, au toucher, c'est un plaisir d'y plonger les doigts. Pour les collectionneurs de traces, le fil de la couleur se poursuit à côté, le temps d'un court trajet entre le pinceau et la toile...