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mardi, 20 mai 2014

Cloudscape

Qu'est-ce qui fait qu'il est parfois difficile de déterminer dans quelle direction nous allons marcher ? Je crois qu'il y a un magnétisme subtil dans la Nature qui, si nous y cédons inconsciemment, nous indique la bonne direction. Il n'est pas indifférent pour nous de savoir quel chemin nous empruntons. Il y a un bon chemin, mais nous sommes très assujettis à l'insouciance et à la stupidité, et nous sommes enclins à emprunter le mauvais. Nous emprunterions volontiers ce chemin que nous n'avons encore jamais emprunté dans ce monde réel, qui soit parfaitement symbolique du chemin que nous aimons suivre dans le monde intérieur et idéal ; et parfois, pas de doute que nous trouvions difficile de choisir notre direction, parce qu'elle n'existe pas encore distinctement dans notre esprit.

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Photo: des pas perdus.

 

St Clair © Frb 2013

vendredi, 16 septembre 2011

Colt ...

IMG_0056.JPG

 

 

Invisible limits : le mode d'emploi est dans l'image. Une certaine tentation...

Rébus urbain © Frb  2011

samedi, 12 mars 2011

Insubmersibles ?

Le premier grand cataclysme s'abattit sur la région d'Osaka à 5 heures 11, le 30 Avril. A 8 heures 03, la chaîne de montagnes Togakure explosa. Les regards du monde entier étaient fixés sur "la mort du dragon". Des dizaines d'avions appartenant à des télévisions de toutes les nationalités volaient au-dessus de l'archipel du Japon qui crachait du feu et des flammes.

 KOMATSU SAKYO : extr. "La submersion du Japon" (traduit par Masumi Shibata 1973) éditions Philippe Picquier, (coll. Picquier poche n° 128), janvier 2000.

Japan.JPGA propos du tremblement de terre du 11 Mars 2011 et du tsunami qui s'en suivit allant impitoyablement ravager les côtes de la région de Sendaï au Japon et meurtrir la population, je n'ai pu m'empêcher de songer au roman d'anticipation (très célèbre), datant de 1973, qui fît grand bruit à sa sortie et reçut même un prix. Le livre s'intitule (sans équivoque) "La submersion du Japon" il est signé Komatsu Sakyo. On ne sera guère surpris que le titre coïncide avec un drame récent, le Japon étant constamment menacé de séïsmes, l'histoire du pays si parsemée de catastrophes que même les enfants dès leur plus jeune âge sont éduqués à adopter certains comportements, face l'éventualité d'un désastre. Toute la culture japonaise est par ailleurs imprégnée de cette peur ancestrale de l'engloutissement. "La submersion du Japon" met en scène un Japon secoué par une recrudescence de tremblements de terre. Les températures deviennent anormales :

"Il avait fait si froid à la saison des pluies qu’on se serait cru en mars mais, aussitôt après, une chaleur intense apparut soudain et, ces jours derniers, on avait invariablement plus de 35°C. Des gens tombaient malades à Tokyo et à Osaka, et même certains succombaient. A cette chaleur extraordinaire s’ajoutait l’habituelle pénurie d’eau jamais résolue [...]"

Les volcans se réveillent, des fissures apparaissent au coeur des bâtiments, les secousses vont de plus en violemment accentuer la destruction. Pour ce qui est du récit même, nous suivrons au fil de ces pages, une équipe de scientifiques (géophysiciens), qui découvrent que certains îlots peu peuplés (ou pas du tout) ont complètement disparus, et pour cause ! ils ont été submergés. Les scientifiques enquêtent, plongent dans les fonds marins, et reviennent avec la conclusion, que le Japon sera englouti à très court terme. Alors que les derniers chercheurs étudient les probabilités d'une telle catastrophe, le gouvernement tente de sauver ce qui peut l'être encore. Ce scénario, déjà à l'époque, s'appuyait sur de nombreuses études scientifiques, les personnages y sont peu décrits, on ne s'attachera pas à leur psychologie, nulle intrigue spéciale ne tiendra le lecteur en haleine, aucun voyeurisme ne s'épanchera dans ce roman assez froid qui décrit des tractations entre politiciens et scientifiques, des manoeuvres secrètes, les doutes, les incrédulités, les prévisions pour évacuer la population, préserver la mémoire d'un peuple, sauver le patrimoine, l'évocation de toutes les négociations pour obtenir des territoires en Australie etc... Si le récit semble un peu traîner en longueurs, il abordait déjà des questions fort intéressantes.

- Qu'adviendrait-il si demain, le Japon (ou un autre pays) disparaissait ?

- Que deviendraient les habitants ?

- Comment procéder à l'évacuation de cent vingt millions de japonais ?

- Où les accueillerait-on ?

- Comment préserver la mémoire d'une culture si un pays se trouvait brutalement rayé de la carte et son peuple dispersé à travers le monde ?

"En dehors de cet archipel et de sa nature, de ces montagnes, de ces rivières, de ces forêts, de ces herbes... Les Japonais n'existent pas. Ils sont unis à eux. Ils ne font qu'un seul corps avec tout cela. Si cette nature délicate et les îles sont détruites et disparaissent, les Japonais n'existent plus [...]"

Les questions sont multiples et on s'apercevra qu'il n'y a pas de réponses préconçues qui tiennent, mais ce qui marque plus encore le roman, c'est "l'esprit japonais", avec le spectre omniprésent de l'engloutissement, mais aussi l'absence de figure héroïque, de sauveur se distinguant des autres par son courage (genre cow boy à l'américaine), au profit d'une action collective anonyme, l'absence de happy end, une organisation implacable. Là encore, on n'évitera pas quelque analogie avec le séïsme de 2011, devant le spectacle d'un chaos permanent, les images cataclysmiques incessantes qui pétrifient d'horreur le monde entier, le peuple japonais reste d'une dignité, qui force l'admiration, pas de pillage, pas de panique... Mais la "Submersion du Japon" n'est qu'un livre d'anticipation, qui n'a rien de si visionnaire, il possède son double sens abordant le thème du naufrage mais aussi celui du déclin du Japon, il faut le reconsidérer dans son époque, l'ouvrage a été rédigé durant la guerre froide au moment où le Japon (3ème puissance mondiale) cherchait à s'affirmer vis à vis des autres puissances. La métaphore semble assez évidente.

Dans ce récit, on ne trouvera aucun mystère : le Japon va couler. Il n'y aura aucune alternative à ce constat, (cf. le titre anglais "Japan sinks", voir également le film adapté du roman :"Nihon Chinbotsu", réalisé par Shinji Higuchi, entre autres, le best seller ayant été adapté plusieurs fois, tant au cinéma qu'en manga). On ne pourra s'empêcher de relier dans un tout autre style, le film "The day after tomorrow" de Roland Emmerich où des images s'ajusteront encore d'une façon invraisemblable à celle d'une réalité qui dépasse aujourd'hui autant la science que la fiction. Le critique (occidental) glané dans un quelconque magazine, des années 80's,  évoquant le roman de Komatsu Sakyo avait-il réellement saisi ce qu'une simple phrase (somme toute "vendeuse" et très banale) pourrait contenir d'effroi quelques années plus tard, lorsqu'il écrivait à l'époque aux lecteurs amateurs de récits de science fiction à propos de la "submersion du Japon" (je cite) : "Un best-seller pour ce livre d'anticipation" qui pourrait devenir réalité"...

 

 

Photo : Nuages de Mars. Sommes nous insubmersibles ? Question.

© Frb 2011.

jeudi, 02 décembre 2010

La chaleur humaine

J’ai passé ces derniers mois à passer ces derniers mois. Rien d’autre, un mur d’ennui surmonté de tessons de colère.

FERNANDO PESSOA, Lettre à A. Cortes Rodrigues.

chaleurF2640.JPGDe manière progressive, une teinte un peu grise dominait à présent. La poussière devenait liquide quelques éclats abimaient le velours qui avait recouvert la ville tous les jours précédents, la couleur de l'ennui revenait comme toujours, et nous déplorions cet instant où la ville silencieuse avait rassemblé dans le froid les volontaires qui distribuaient la chaleur humaine gratuitement à l'entrée des magasins ou dans les bouches de métro, rien que des volontaires enjoués, prêts à tout pour distraire les passants, les éloigner de "la pensée frileuse" qui s'invitait dans les maisons et couvrait tout du voile de la dépression venue par les brouillards d'Octobre, les premiers frimas de Novembre et les noëls où il manquait toujours quelqu'un aux festivités, chez les uns et les autres, pour que la fête soit absolument réussie. Les solitaires ne souffraient pas. La "dépression saisonnière" pour eux, c'était tout le temps, mais les solitaires ne comptaient pas, ils appartenaient au "domaine à part" qu'on avait classé "atypique", l'adjectif fourre-tout "atypique" plutôt en vogue courait dans des dossiers spéciaux, sur les listes d'attente et vidé de son sens, on avait choisi "atypique" plutôt que ses synonymes tels : "exceptionnel", "hors norme", "inaccoutumé", "inhabituel", ou "singulier" qui connotaient trop dans le particulier, "atypique" était un mot atypique même, une façon de considérer la chose sans vraiment la considérer, les solitaires n'étaient pas tout à fait dans la marge, pas assez dans la marginalité, on pensait d'abord aux familles, aux clans, à tout ce qui rentrait dans les statistiques, il fallait préserver leur joie, leur cohésion, l'intégrité des plaisirs, tout en leur transmettant la certitude qu'ils appartenaient à une collectivité vraiment active, leur forger une identité, une communauté, quelque chose qui ait l'air solide, leur livrer l'illusion leur en fabriquer d'autres, jusqu'à ce qu'ils se sentent protégés par quelque plan définitif. Les volontaires, des jours entiers affinèrent leur stratégies, leur action fût dévouée aux terrains les plus "sensibles". Les volontaires portaient les sacs et les valises des pauvres gens, engageaient les conversations, complimentaient les dames, laissaient leur place aux vieux. Aux époux qui allaient seuls au bistro se saouler avant de rentrer les volontaires offraient un pot, y ajoutaient les distractions (blagues belges, histoire de blondes, bonne humeur et bons mots). Il y avait dans cette sorte de bonté accompagnée de manières généreuses, la gratification de plaire inséparable du souci d'attester que la chaleur humaine était une constante de l'humanité, malgré les derniers évènements, les décrets aberrants, la liberté qui sourdement se réduisait, divisant des classes entières de gens, rien ni personne ne pourrait attenter à cette valeur proclamée "sacrée" de la chaleur humaine, aucun gouvernement ne pourrait jamais modifier ce que la nature avait désiré libre, rien, jamais n'aurait l'outrecuidance de réduire la chaleur humaine à moins que ce qu'elle était, même si chacun laissait au secret ses petits enchantements personnels, c'était justement ça, le travail de ces volontaires : faire fructifier les prodigieuses ressources de chacun, un peu partout afin que la morosité ne ronge pas la saison et n'empêche pas, par ailleurs les réformes de se faire. Les volontaires croyaient à une vie meilleure, ils mettaient une ardeur particulière à divertir les gens, ils se disaient indépendants, bien qu'une rumeur courait qu'ils étaient payés en avantages par les gouvernements. Le ministre de la solidarité, lui même, n'avait pas caché au journal de 20H00, qu'il avait commencé à songer à la création d'un "bureau des chaleurs humaines" avec un système de bons, de tickets, et d'emprunts à un pourcentage raisonnable et des campagnes de prévention menées par des psychologues qu'on pourrait associer à des prêtres pourquoi pas à des artistes ? (Il y en a de serviles-...) qui évalueraient le potentiel de chaleur humaine que chacun pourrait offrir à son prochain dans des proportions raisonnables, et mettraient en place des dispositifs ludiques et opérationnels, pour recréer une dynamique dans le tissu social des villes voire des quartiers. Il y aurait aussi un "bureau des débordements" afin d'éviter toute exagération, on avait réfléchi à des quotas, des systèmes d'amendes et à des soins relatifs aux pathologies "débordantes", il y aurait des orientations systématiques encadrées par des assistants au volontariat, qui permettraient de réguler les flux déviants vers des centres spécialisés dans les troubles psycho-affectifs remboursés par la sécurité sociale jusqu'à 57,3 %, cela, doucement, se mettrait en place par la grâce d'un mécénat proposé par les grands noms de l'industrie pharmaceutiques. De même qu'on réfléchissait à "une journée de la chaleur humaine" où chacun pourrait rencontrer son voisin et l'embrasser avec toute l'affection qu'il n'osait lui offrir dans l'année. Les créatifs d'évènementiel inspirés par des performers d'art contemporain, planchaient sur un projet dément : des farandoles géantes de citoyens et de voisins qui iraient d'immeuble en immeuble chercher d'autres voisins, ils partiraient de ville en ville pour que la chaleur humaine se diffuse et dépasse les frontières, il y aurait des feux d'artifice, des ballons, des lancers de radiateurs symboliques, chacun serait encouragé à offrir des fleurs aux passants, ou à inviter à déjeûner chez lui, celui qu'il jugerait plus démuni que lui. On demanderait aux maires dans les villes d'engager des débats sur les places, aux gens de se parler spontanément, on fabriquerait des affiches invitant les consommateurs à se faire mutuellement la conversation dans les magasins, à s'aimer sincérement, on puiserait l'émotion cachée au fond de chacun pour que le monde ne soit plus qu'émouvant. On pensait même organiser un grand "love-in" de fin d'année animé par des vedettes déjà très investies dans le projet, on parlait de Yannis Noanne, Mimile Matry, de Florent Pagnol et peut être de Claudine Fion, on ferait venir Michel Pornaleff et Jean-Lichel Marre, l'entrée ne serait pas donnée, mais grace à cet argent on pourrait fonder prochainement, un "ministère de la chaleur humaine" qui bénéficierait de moyens, grâce aux dons, pour imposer à tous la valeur de chaleur humaine, guidée des professionnels pluralistes et attentionnés. Il y aurait cette idée de "générosité méritée" appuyée par des philosophes qui viendraient en parler à la télé en bidouillant grosso modo Voltaire à partir d'une seule phrase qui serait placardée dans tous les établissements scolaires, les halls de gare, à l'entrée des supermarchés :

"Rien ne se fait sans un peu d'enthousiasme"

 On prévoyait d'ici 2025 de mieux distribuer le trop plein de chaleur humaine de certains à ceux qui en manquaient, ainsi s'acheminerait-on vers un monde plus parfait que le précédent, aussi convivial que porteur d'espoir d'une civilisation plus authentique, plus équitable. La chaleur humaine allant de pair avec le coeur à l'ouvrage, c'est dans la joie de tous et toutes, marchant main dans la main, qu'il fallait que les bonnes choses se fassent.

Photo : La foule du cours Emile Z. vue d'avion (l'avion de certains jours ne vole pas haut mais c'est quand même un avion). Villeurbanne in December © Frb 2010

dimanche, 14 novembre 2010

Plus loin

Ce texte part d'une variation antonymique du texte "Loin", que vous pouvez retrouver en cliquant sur l'image, autrement dit, une autre forme de fiction s'appuyant sur le détraquage du texte original, les procédés utilisés n'ont pas été strictement respectés, (loin s'en faut ) l'anticipation ayant pris le pas sur l'exercice de style, seule la trame narrative du texte "Loin" a servi d'ossature à ce texte "Plus loin"... (comprend qui peut :)

oxy0044.JPGElle regardait les tableaux d'une ville, les photos d'un tableau qui s'arrêtait ici même, peuplé de figures familières qu'elle semblait connaître depuis toujours. Il y avait les mêmes, ceux du désordre et du répit qui trahissaient leurs amitiés les plus récentes et ignoraient tout de la musique (des silences compliqués évoquaient la disparition, jusqu'aux silences des forêts, on avait supprimé bien sûr, l'usage des instruments à vent). Il y avait des bougies dans les chambres et des violons discrets, le programme, toutes ces cabanes en verre fumé fabriquées par les habitants et des jeux de lumière à venir, un peu sinistres. La terre ne donnait rien, sous le ciel uniforme nul ne semblait appartenir à l'univers. Il y avait des espaces inhabités à entretenir et des hommes, aucun Dieu, et pas de souvenir de ceux qui avaient précédé. Elle trouva dans le tableau le signe que des choses avaient dû exister avant. Le fleuve comme une grande mer d'huile, désolait la population, au pire, il finirait par s'assècher. Chaque vie tournait en rond dans un espace plat, horizontal, organisé par strates. Les strates servant à maintenir un climat tempéré, tout était divisé, achevé. Les strates hâtaient la mort de toute chose vouant leurs vertus à la ligne droite jusqu'à ce que survienne l'extinction .

Il y avait le monde vulgaire, les violons, les grelots, plus rarement, les banjos, cela générait chaque jour, des attroupements sur les places mais les hommes passaient rapidement, vite fatigués de ces mélodies à la mode. Elles étaient devenues trop simples pour attirer l'attention, la joie provoquée dans un premier temps, ne durait pas assez  et les grelots qui ne se mélangeaient pas à d'autres sons, étaient des signaux de cadence, utiles à la population, quoique très lancinants, à force... Parfois un orchestre, était invité et jouait des chansons accompagnées à la guitare ou au banjo, chacun pouvait assister au concert gratuitement par la grâce des écrans qu'on avait installé partout, et tout s'arrêtait là, passant avec le reste dans l'indifférence générale. L'homme désormais dépossédé de son esprit d'observation n'était plus maître de ce monde qui s'achevait lentement dans la résignation d'une majorité qui ne semblait ni contente, ni mécontente. Quand parfois, revenait le bruit, hormis les grelots qui tintaient toutes les heures, c'étaient des gémissements de vieillards égarés au milieu de la ville, ils demandaient de l'aide. Les jeunes mettaient longtemps à réagir, les vieux pouvaient rester des jours entiers, voire des semaines plantés, là au milieu du bruit, gémissant seuls, ignorés, livrés à ces flux trop rapides pour eux. Cette lenteur à réagir ne présageait plus aucun combat vraiment sérieux, pas la moindre vélléité de résister à l'extinction promise. En regardant cette cohue de petits vieux, on savait que ce n'était pas une danse macabre, mais plutôt son évitement, tout se feutrait et s'annulait dans le bruit des grelots, qui durait, puis enfin, revenait le silence imposé par des gens de bien et de bon sens qui s'occupaient à faire tourner les existences de chacun sans remous, toutes à leur avantage autour de valeurs pragmatiques, de divertissements adaptés aux besoins de chacun afin que tout le monde s'y retrouve. On les avait tous coupé de leur passé, tous ignoraient la valeur de génération, de transmission ou d'héritage, cela permettait au peuple d'aborder sans trop d'appréhension, le futur proche. Il n'était pas question de futur éloigné. Il y avait l'immobilité, qui veillait sur le bien de tous. Les êtres ne choisissaient plus grand chose. Il n'était plus permis de jouer ni de travestir à sa guise la réalité, l'art avait été mis de côté nul n'en souffrait, il suffisait de se divertir, pour cela il y avait les violons, et les grelots pouvaient remplir ce rôle, entre tout, le silence recouvrait un petit tableau qui s'arrêtait ici.

Elle, rien ne l'amusait. A la fin elle quittait sa chambre, sans même s'intéresser au devenir de son prochain qui malgré sa continuelle présence et tous les points de convergence désignés par des traits sur les places, ne lui disaient plus rien. Chacun promenait une grosse tête pleine de culture horizontale, jouait par coeur le violon devant ses maîtres aux semblants doux, attentionnés, qui en douce cultivaient la condescendance ou quelque sentiment honteux bien camouflé, laissant chacun seul à sa place. Il n'était pas permis que les rôles s'inversent. On attendait tranquillement le jour, où il n'y aurait plus rien à apprendre. Chacun dans sa vie devenait de plus en plus dépendant et maladroit pour la défendre. On imaginait qu'il y aurait dans les motivations prochaines, des cerveaux vierges de tout souvenir, attachés aux valeurs du jour, à l'effort du travail bien fait et quelques récompenses pourraient leur être attribuées, en fin d'année qu'on présenterait comme des cadeaux. On prévoyait  pour le futur proche que les corps ne bougeraient plus trop, et les esprits sans illusions, n'auraient même pas à en pâtir. Plus tard de cet effort qui tend vers le mouvement habituel et bienheureux du papier à musique, on s'arrangerait  avec les scientifiques pour que celui-ci devienne un élan naturel, tout pareil à l'inclinaison des âmes, chacun gérant son minuscule domaine, on s'occuperait  ensuite, d'apaiser ses humeurs négatives. C'était là, sur papier l'idéal, pour tenir jusqu'aux temps annoncés de l'extinction... Mais au fond, il y avait une faille. On sentait que déjà, nul ne tenait en place, tous rêvaient de débordement, du désalignement des strates, du démembrement des grelots. Les gens allaient, venaient, impavides entre des milliers de grelots, balayant le pays du nord au sud par des lignes d'organisation, le droit aux transports en commun, des assurances autos, pour les couches supérieures, l'abonnement gratuit aux revues distrayantes, hebdomataires ou mensuelles, pour les couches moyennes, la télévision sur les places assurait l'occupation du temps libre, tout autant que l'éducation manuelle et morale des couches les plus modestes.

Elle reprenait alors le livre du pays qui s'arrêtait là ; écoutait grincer dans la rue les grelots des tricycles ou le frottement des autoluges qui fermaient le jour en hiver. Des hommes remplissaient des poubelles, et c'était une grande communion, à la même heure, chacun vidant les mêmes ordures, dans des grands containers, c'était le seul moment où chacun trouvait de quoi se se relier à un autre. Le ciel était toujours parfaitement uniforme, la parole de chacun paraissait claire, compréhensible mais il n'en ressortait que des échanges de politesse gentils ou serviables, sans plus. Pour la première fois ils virent tous que la nuit n'était plus stratifiée mais dessinait un cercle, qui tournait sur lui même apportant des milliers de lettres, des paperasses ou prospectus comme tombés de la lune. Plus tard elle ne croisa pas le facteur sur son engin agrée par le centre des véhicules postaux de la Nation. L'engin pouvait se reconnaître à ses bruit de sirènes stridents comme ceux des fourgonnettes des fonctionnaires qui distribuaient toutes les bougies, le soir, dans les maisons. Pourtant elle avait bien reçu ses lettres, trop de lettres en une seule journée; elle se demanda qui les lui avait apportées. Elle crût voir là, le signe du dernier jour après quoi il n'y aurait plus d'attente possible, ce serait peut être la fin de tout, mais il n'y aurait pas de panique puisque depuis longtemps, c'est à cela qu'on les préparait.

Elle alla au centre de loisir pour ramasser les bons de loisirs qu'on lui devait, le stagiaire les distribuait toujours avec plaisir. Il aimait son métier. Elle marcha sur des strates amollies, eût presque honte de ressentir tout l'effet érogène d'un sol aussi doux sous ses pieds, les corps qui traversaient en même temps qu'elle, la grande place, d'ordinaire réservée aux fourgonnettes, ressentaient sous leurs pieds exactement le même effet. Elle entendit pour la première fois chanter ensemble l'anvette et l'aspireau. Les oiseaux n'avaient pas disparu comme on le racontait dans les livres. Et peut-être les oiseaux avaient-ils existé bien avant les grelots ? En réalité, elle n'en savait rien. Elle comprît que plus rien ne pourrait mourir désormais tel qu'on le lui avait appris dans le programme d'éducation pour filles de couche supérieure. Sous la peau il y avait un refrain qui semblait désarmer tous les êtres de l'intérieur. Partout des drôles de fleurs apparaissaient dans les esprits  et puis des fruits, comme ceux d'une vision ancienne dans un jardin où quelque chose s'était produit. Elle comprit que cette vision ouvrait sur un grand labyrinthe d'apparence merveilleux, mais il fallait se méfier, des conséquences, elle résista à la tentation d'entrer à l'intérieur, comme le faisaient les autres, elle se rendit d'abord rue de la Petite Monnaie dans les quartiers modestes, pour récupérer des papiers de grande valeur afin de partir au plus vite, cette parenthèse qu'elle devinait d'ores et déjà très brève, lui permettrait de s'exiler sur une autre planète, en offrant ses bons de loisirs, au pilote d'une fusée elle pourrait peut être dormir ce soir sur la base 7. Après quoi, elle serait en zone libre, tandis qu'elle esquissait quelque plan d'avenir, elle s'aperçût qu'elle ne se souvenait plus des calculs d'algorythmes qu'on lui avait enseigné au centre d'orientation pour décoder les numéros d'immatriculation exigés avec la signature sur des papiers qui permettent normalement de quitter son quartier en validant son code dans la machine. Impossible de rejoindre la base 7, sans doute les calculs d'algorythmes étaient  pure invention tout comme le reste, pour tous les retenir ici. Elle marcha un peu pour oublier que c'était sur la base 7 qu'on trouvait tous les livres, ceux qui disaient la vérité, la base 7 interdite, stockait les fichiers sur les origines certifiant les identités. Elle croisa des gens avec des corbeilles de fruits éclatés et juteux, d'autres soufflaient dans des ballons, mais toute cette euphorie, cette joie, malgré les expressions ravies, se faisait encore en silence. Elle s'aperçut que toutes les horloges dans la nuit s'étaient bizarrement déréglées, aucune d'elles n'indiquait l'heure exacte, et de cette horizontalité, ne subsistait que les ruines, les strates se décollaient plus rien n'était calé, plus d'heure pile, rien à sa place, pas même monsieur Jouvenot qu'elle rencontra plus loin à la place d'un autre qui devait se trouver là avant lui. Monsieur Jouvenot, assis à un autre bureau ne lui serra  même pas la main comme d'habitude, soulagée elle ne fût pas obligée de lui sourire, en retour,  telle la charte de bonne entente l'indiquait sur tous les panneaux dans les couloirs. En regardant au plafond pendre des fils, des  milliers de fils et des sphères métalliques débranchées, elle sut que l'heure était venue d'être enfin libre, de composer rapidement un nouveau paysage avec cette liberté, puis vivre. C'était l'occasion, ou jamais... Devant la débâcle imprévue au programme, on vit déserter tous les maîtres. Les gens désormais ne seraient plus surveillés. Leur joie très vive, pourtant restait encore muette.Tous auraient dû ensemble s'en réjouir depuis le temps qu'ils attendaient d'être libérés sans pouvoir se le dire à cause de ces yeux qui partout les suivaient, les dénonçaient. Ils pourraient entendre à leur guise le souffle des forêts, et puis autoriser peu à peu les instruments à vents à revenir, interdits formellement depuis que les grelots avaient pris le pouvoir sur la musique.

De retour, sans ses papiers, par le boulevard silencieux, alors qu'elle retrouvait l'espoir de faire peut être partie de l'élite, elle s'aperçut que rien n'avait changé et qu'il faudrait maintenant s'attendre à quelque chose de pire. N'ayant plus aucun maître afin de rassurer l'ensemble des habitants, chacun pour soi encore plus replié s'effrayait à présent de cet appel d'air trop vif. Dans le souvenir de l'odeur du maître, les plus forts décidèrent ensemble de bien organiser le temps qu'il leur restait à vivre. Il fût voté à l'unanimité que ce temps serait désormais employé, à réparer les caméras hypersensibles.

 



 

Photo : Plus loin c'est un petit bout de la "Tour Oxygène" drôle de nom pour une tour (c'est pas nous qu'on a trouvé ce nom), un gratte-ciel de 28 niveaux et de 115 m de haut, avec 45670 escalators ➝ (je plaisante ! voyons !), situé dans le quartier de la Part-Dieu à Lyon, inauguré il y a peu le 2 Juin 2010. Elle fait partie du projet "Oxygène" (c'est pas de Jean Michel Jarre non plus, quoique...)  elle comprend également la construction d'un centre commercial, le "cours Oxygène". Le cours "oxygène" des choses me va comme un incendie, enfin  bref le Drang Nyol dans toute sa splendeur. Photographié en hiver dans un lointain passé.© Frb 2009

jeudi, 21 mai 2009

INCREVABLE 2098, ou le futur révélé par HOZAN KEBO

DALIDA is alive and well...

 

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Reportage exclusif réalisé le 18 Mai 2098 à Lyon par (HK/LR).