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mardi, 20 mai 2014

Cloudscape

Qu'est-ce qui fait qu'il est parfois difficile de déterminer dans quelle direction nous allons marcher ? Je crois qu'il y a un magnétisme subtil dans la Nature qui, si nous y cédons inconsciemment, nous indique la bonne direction. Il n'est pas indifférent pour nous de savoir quel chemin nous empruntons. Il y a un bon chemin, mais nous sommes très assujettis à l'insouciance et à la stupidité, et nous sommes enclins à emprunter le mauvais. Nous emprunterions volontiers ce chemin que nous n'avons encore jamais emprunté dans ce monde réel, qui soit parfaitement symbolique du chemin que nous aimons suivre dans le monde intérieur et idéal ; et parfois, pas de doute que nous trouvions difficile de choisir notre direction, parce qu'elle n'existe pas encore distinctement dans notre esprit.

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Photo: des pas perdus.

 

St Clair © Frb 2013

samedi, 28 juillet 2012

La vraie fenêtre est ailleurs

Les tours, les chaumières, les murs,
même ce sol qu'on désigne
au bonheur de la vigne,
ont le caractère dur.

 

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Mais la lumière qui prêche
douceur à cette austérité
fait une surface de pêche
à toutes ces choses comblées.

 

RAINER MARIA RILKE : "Les tours, les chaumières, les murs"

 

Envoi : Guettant votre retour, j'ai saisi hier un passage au grand jeu d'une fenêtre éclairant un damier patiné de soleil dans l'espace silencieux mais peut-être habité... - un instant retrouvé de la beauté ancienne et la tranquillité inespérée des lieux - Plus présents que jamais, je voyais les reflets de vos pas de velours par une autre fenêtre.

 

Photo : hier, c'était la paix en plein coeur de presqu'île, un endroit où écrire, où lire, où s'absenter. Demain, on verra à deux pas d'une rampe d'escalier mécanique, des masses de clientèle longer les vitrines d'un futur grand complexe. Tout livré au commerce. Parfois on imagine que l'endroit sera sauvé. On se dit que personne n'osera y toucher, qu'il ne peut en être autrement. Pour l'instant, on espère, on fait le plein, si toutefois... un peu triste déjà, à la pensée de se trouver un jour en manque de perspective...

 

Lyon-presqu'île © Frb 2012.

mardi, 26 juillet 2011

Se barrer

L’essentiel était de partir.

NICOLAS BOUVIER  : "L'usage du monde", éditions Droz, 1963

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Photos : Nous autres, devant le grand panneau des départs, gare de la Part Dieu, Lyon, ce Juillet.

© Frb 2011.

dimanche, 20 mars 2011

L'étranger

Le ridicule de nos sentiments ne change rien à leur authenticité.

MILAN KUNDERA : "Une rencontre", éditions Gallimard 2009.

leçon de musiquePG.JPGIl s'était longtemps figuré vivre ainsi seul sur la terre. Il avait fait de tous les autres les objets d'une cour qui le déplaçaient au gré des circonstances entre les tables d'un banquet, sur des chaises, partout, et cela lui était étrange. Bien qu'il eût l'air d'être toujours ailleurs, nous lui prêtions des qualités si attentives que nous étions persuadés de ne pouvoir vivre sans lui. Dans un espace serré, sans obstacle et indifféremment peuplé, les autres l'ordonnaient à leur guise, il semblait satisfait affichant une figure ni triste ni gaie. Toute chose l'indifférait, les genres humains plus encore. Il prônait cette indifférence avec style si bien que chacun pouvait imaginer devenir son meilleur disciple, lui, rien ne l'effleurait. Il ne se frottait à rien qui pût risquer d'égarer son âme. Sa présence, était devenue un tel objet d'exaltation et de discorde entre nous, que pour ne pas nous déchirer, nous avions cessé d'en parler. Ce silence entre nous excitait notre dévouement. Son indifférence nous happait. Nous en ressentions une grande déception qui parfois nous embarrassait. Nous voulions à tout prix qu'il nous aime, la raison seule ne pouvait l'expliquer, chacun à notre tour, nous voulions devenir à ses yeux, quelqu'un d'autre, le "rare" qui sortirait du lot. Nous étions subjugués. On aurait dit qu'il occupait tout l'espace. Tout ce qu'il regardait pouvait accentuer en nous le désir de l'aimer, nos sens s'en trouvaient désaxés. Lui, il semblait ignorer notre goût pour la servitude qui avait pris l'aspect d'un concours insensé, chacun désirant être le premier à gagner son estime, le coeur froid de cet étranger nous chauffait l'âme et notre adoration peu à peu rongeait les amitiés. Lui, Il passait d'une personne à une autre, avec la même désinvolture, un ton distrait, à peine juste un sourire et cet air d'être à mille lieues de là où notre esprit l'attendait, déraciné, totalement libre, il voyait plus loin que nos yeux, plus loin que le bout de notre champ, et nous aurions voulu savoir ce qu'il cachait de plus que nous. Mais il n'avait pas nos manières, il passait, ne restait jamais. Etait-ce juste par hâte d'en finir avec l'un, passer encore plus vite à l'autre. En finir sans jamais terminer ? Il était souvent forcé de redire à l'un ce qu'il disait l'autre et cela voulait toujours dire que rien ne s'était déroulé comme on l'espérait. Chaque instant qui suivait annulait tous les autres, notre grâce était d'ignorer qu'il ne resterait rien de ce peu qu'il parviendrait sans vraiment le  faire exprès, à peut-être nous accorder. Il ne nous donnait rien en réalité. Nous étions tous désespérément traités à égalité. Il portait un vague interêt aux coutumes qui étaient les notres, n'affectant pas d'égard particulier, il ne regardait ni les uns, ni les autres cela éveillait en nous cette velleïté de nous réduire à le charmer jusqu'à ce qu'il montre un jour une préférence, pour quelqu'un en particulier, qui parviendrait à l'émouvoir, peut être alors, se risquerait-il à nous dévoiler quelque chose ? Ce serait pour nous, un grand moment d'espoir... Aucune de ses répétitions ne nous paraissait dire les choses à l'identique, ce vide, cette économie de mots, ponctuée de silences, ces phrases qui s'arrêtaient au moment où tout pouvait nous pousser à croire que son sentiment pour nous grandissait ; jusqu'à sa nonchalance, tout en lui, paraissait d'une telle intensité que nous avions fini par croire que sa pensée transportait des mondes qui ne seraient jamais à notre portée. Sa réserve cachait d'autres mondes, les fantômes de son passé étaient devenus les notres, et ses créatures enchantées comme ces lianes qui poussaient au coeur de nos forêts, ces plantes carnivores aplaties dans l'herbier, cette prudence qu'il préconisait, tout cela en jetait ; tant il est vrai, que pendus en grappes à ses paroles et rampant à ses pieds, nous manquions d'imagination.

(A suivre, peut être...)

 

 

Photo : Ceci n'est pas le joueur de flûte de Hamelin, mais le joueur de pipeau, du jardin du Palais St Pierre dit jardin du musée, photographié à Lyon, presqu'île en Mars de cette année là.

© Frb 2011 

lundi, 25 octobre 2010

Gai désespoir (ou presque)

La tristesse est l’indéfinissable qui s’interpose entre moi et la vie. Et comme l’indéfinissable est une approximation fragile de l’infini…

CIORAN : "Précis de décomposition", éditions Gallimard 1977

gai desesp12.JPGCIORAN avait forgé la notion de "gai désespoir" dans une lettre à son frère Aurel à propos de son ami le professeur de philosophie Mircea Zapratan, (1908-1963). Le "gai désespoir" est, à première vue, une association, en forme d'oxymore empruntée au "Traité du désespoir" de KIERKEGAARD" et au "Gai savoir" de NIETZSCHE, mais il est aussi un croisement de deux pensées complémentaires, en dépit des différences qui existent entre elles. Et "désespoir" ne veut pas dire la tristesse ou la déception, on peut même croire que c'est exactement le contraire. On peut l'entendre plutôt tel "dés-espoir", ainsi le terme utilisé dans cette conception précise, consisterait à ne rien espérer. SPINOZA l'énonçait déjà l'auteur est souvent cité dans le "Traité du désespoir et de la béatitude" d'A. COMTE-SPONVILLE dont la lecture est loin d'être superflue :

"Chaque nouvel espoir n'est là que pour rendre supportable la non-réalisation des espoirs précédents, et cette fuite perpétuelle vers l'avenir est la seule chose qui nous console du présent."

"Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ..."

Cette dernière phrase est de PASCAL, A. COMTE-SPONVILLE dit encore:

"Rien à espérer de rien. Mais aussi, rien à craindre. Tout se tient : espérer, c'est craindre d'être déçu ; craindre, c'est espérer d'être rassuré".

Celui qui souffre espère ne plus souffrir et celui qui se suicide ou fait une tentative attribue à la mort, sa plus grande espérance. Selon COMTE-SPONVILLE, (d'autres l'avaient, bien sûr, pensé avant lui): "Le bonheur commence quand on n'attend pas", c'est là, l'efficacité du désespoir et du vide. Pourquoi attendre ? Puisque attendre c'est toujours espérer ce que l'on n'a pas. Le bonheur en question est à contre-courant du christianisme, il préconise l'ataraxie (du grec ἀταραξία / ataraxía signifiant "absence de troubles"), une idée que l'on trouve également dans le Bouddhisme Zen, religion qui désigne la sérénité, la vacuité comme le seul état qui puisse être rempli. Cela dit je ne crois pas que cette philosophie soit stricto-sensu celle du bonheur, même si quelques uns, ça et là, font de l'ataraxie un produit dérivé du bonheur, je n'adhérerai pas à cette panacée aussi illusoire qu'un espoir optimiste immodéré, et tout en invoquant à coeur, le "gai désespoir", pour tant de choses insatisfaites, peu capable de deviner au delà de mon trouble, quelle issue me sera réservée, je me surprends souvent en flagrant délit d'attente éperdue. Aspirant à une vie calme en apparence, plus heureuse, plus unie, je sais, que si j'obtenais cette vie là, j'en espérerais davantage ou même, j'aurais plus d'enthousiasme à son opposé, et je n'ai pas de peine à à imaginer que mille formes éclatées, mille sursauts convulsifs, perturbateurs imprévisibles, m'enchanteraient plus encore. Je songe par détours et digression (improbables comme souvent ici), à ce beau roman que Natsume SÔSEKI, très malade, pût achever avant sa mort "Les herbes du chemin", où l'auteur montre des lignes d'ombre enchevêtrant les traces du passé, celles du présent, qui prennent leurs racines estompées dans l'enfance tandis que lentement, sous nos yeux se construit l'histoire entière d'une existence et que le narrateur pénètre sans préméditation dans un monde entièrement nouveau, peut-être inespéré ...

Je ne suis pas mort
Mon coeur est poétique
Je me repose

Natsume SOSEKI ("Choses dont je me souviens")

Photo : Ni triste, ni gaie, même pas désespérante, (pas plus que désespérée) juste un peu angélique qui sait ? La statue au jardin du Musée des Beaux Arts converse avec les ombres, dans ce coin à la fois exposé et caché, au milieu de la ville mais à l'abri des flux. Un bel endroit pour laisser advenir ce qui doit... Photographié l'hiver dernier à Lyon. © Frb 2009.